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Denis Gaulois (2) : Du côté de la galerne

« Il étoit regardé par ses gens et habitants comme un grand homme, ainsi qu'il l'étoit véritablement de sagesse et de conduite. Il étoit d'une taille des plus avantageuses, ayant six pieds deux pouces de hauteur. De son côté, il aimait beaucoup ses gens ; il ne leur demandait jamais rien, si non de lui aider à chasser dans ses forêts, six fois en l'an, ses bêtes féroces. Il cueilloit des grains en abondance et tiroit du jus de tous les fruits qu'il récoltoit. Ses habitants faisoient comme lui ; il alloit les voir souvent, surtout ceux du canton de Roux, qui est à six traits d'arc de son luant, situé sur une éminence d'un côté où la rivière d'Indre passe ; de l'autre, une belle forêt, abondante en touts choses. Il n'avoit pour toute compagnie avec lui, chaque fois, que quatre siens amis avec leurs arcs, pour faire la chasse. »

Certains ont rapproché ce passage avec la scène de chasse aux lions gravée sur le sarcophage en marbre de saint Ludre, actuellement dans la crypte de l'église Saint-Etienne à Déols.

medium_ludre-lions.jpg

 

« Il avoit déjà cent dix années, lorsqu'une troupe de gens, à lui inconnus, vint dans ses cantons pour les détruire ; mais il fut averti et rassembla ses habitants. Il rencontra ses ennemis près du canton de Déols, où il les occit tous et emporta avec lui un butin qui étoit très-considérable.

C'était une troupe d'Anglois(1), gens pervertis, sans loi ni religion. Il distribua à tous es hanitants tout ce qu'il avoit gagné sur eux, avec bien d'autres monnoies qu'il avoit fait frapper à son nom. »


En note (1), sans que l'on sache s'il s'agit d'un ajout de l'auteur originel ou d'une précision apportée par le Dr Fauconneau-Dufresne, on peut lire cette citation de Grégoire de Tours : « Britanni de Biturica a Gothis expulsi sunt, multis apud dolensum vicum perempti. (Hist. Lib. 2, cap. 18) Ce que François-Dominique Fournier traduit par « Les Bretons furent chassés de Bourges par les Goths, qui en tuèrent un grand nombre prés du bourg de Dol. »


Par Dol il faut entendre Déols : c'est d'ailleurs ce qu'on peut lire sur une traduction « angloise » de l'extrait : « The Britons were expelled from Bourges by the Goths after the killing of many of them at Bourg-de-Deols »


Comme on le voit, le clerc qui a imaginé toute cette histoire avait des lettres : Grégoire de Tours lui était rien moins que familier. A la fantaisie se mêle donc une érudition certaine, qui doit nous inciter à redoubler de vigilance, et à essayer de lire « à plus hault sens », comme le demandait Rabelais pour ses propres oeuvres.

Curieusement, la traduction britannique se trouve dans un ouvrage d'un certain Geoffrey Ashe intitulé "A Certain Very Ancient Book": Traces of an Arthurian Source in Geoffrey of Monmouth's History , Speculum, Vol. 56, No. 2 (Apr., 1981), pp. 301-323 ( malheureusement, il faut un mot de passe pour consulter plus avant ce document appartenant à la Medieval Academy of America). On la retrouve par ailleurs dans une thèse d'Adam Levin, elle, tout à fait accessible, datée de 1994, et nommée King Arthur's Death in Legend, History and Literature.

Je mentionne ces détails parce que ces références au roi Arthur deviennent intéressantes à partir du moment où l'on sait que saint Gildas, personnage par ailleurs historiquement avéré, intervient, dans sa légende, auprès du roi Arthur lorsque la reine Guenièvre se fait enlever par Meleagan : « Il aurait convaincu les deux rois de faire la paix bien que le frère de Gildas ait été tué par Arthur. Il est difficile de savoir si cette anecdote est vraie, étant donné qu'elle date d'un manuscrit du XIIe siècle , mais il est effectivement possible que le roi Arthur ait causé la mort du frère de Saint Gildas, ce qui pourrait expliquer pourquoi il ne figure pas dans la chronique de ce dernier (le De Excidio Britanniae, où Gildas s'adresse à cinq grands rois). »


Qu'il faille chercher dans cette direction bretonne, j'en vois encore un indice dans le passage suivant où, après l'affrontement avec les envahisseurs anglois, survient la canicule :

« Quelque jours après, les chaleurs devinrent si grandes que les animaux des bois venoient par bandes dans ses cantons, où ils causoient un grand dommage. Il fut obligé, par l'avis de ses amis, de faire faire un souterrain près son luant et la chapelle de Saint-Denis, du côté de la galerne, pour s'y loger l'été avec ses animaux et ses domestiques. »(C'est moi qui souligne)


J'ignorais complètement ce que c'était que la galerne. Le net m'apprit rapidement qu'il s'agissait d'un vent de nord-ouest, et je complétai mon instruction avec l'excellent dictionnaire des vents de Jean-Loïc Le Quellec, Par Vents et par Mots, acheté en août sur la foire aux livres d'Angles-sur-l'Anglin. Ce mot apparu vers 1150 est d'origine indéterminée : « On pourrait penser à une racine celtique connotant la fureur et la puissance (voir le gallois gal « fureur », le vieil-iralndais gal de même sens, et d'où peut-être le verbe normand galir, « jeter » qu'on a rapproché de jaillir). La finale en -erne serait à rapprocher de siberne, l'un des noms donnés à la bise. Etymologiquement, le vent de galerne serait alors celui qui « jaillit avec fureur ». Le mot est noté gualerne par Rabelais (Quart Livre, chapitre XLIII) et se trouve à l'origine du breton gwalarn» Un galerneau, poursuit l'auteur, est une « giboulée froide de mars, venant par vent de nord-ouest », dans le Berry et la Sologne.


Denis cherche donc la fraîcheur en plaçant l'ouverture de son souterrain vers la galerne, donc le nord-ouest, autant dire vers la Bretagne. D'où vinrent jadis les moines de Saint-Gildas, fuyant la presqu'île de Rhuys devant les invasions normandes.

 

 




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30 septembre 2006 | Lien permanent | Commentaires (2)

Denis Gaulois (5) : De l'Aubespine

En cette saint Denis, attardons-nous un peu sur ce singulier personnage de Charles de Laubépine, ou plutôt faudrait-il écrire Charles de l'Aubespine, car c'est avec cette orthographe que, très vite, j'en ai appris beaucoup plus sur son compte. L'encyclopédie Wikipedia lui consacre tout d'abord un article où l'on découvre que notre chancelier avait un certain don pour les complots...

Garde des sceaux par la grâce de Richelieu en 1630, il sert les intérêts de celui-ci qui n'hésite pourtant pas à le jeter dans une geôle angoumoisine trois ans plus tard ( il y croupit la bagatelle de dix ans, jusqu'à la mort de Louis XIII ). Rétabli dans ses fonctions en 1650 par Anne d'Autriche, il est encore contraint à l'exil deux ans plus tard. Il meurt peu après une ultime réconciliation, à l'âge de 73 ans, ce qui n'est pas mal pour l'époque.

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 Blason de Charles de l'Aubespine

Un tel goût pour l'intrigue ne laisse précisément pas de nous intriguer, d'autant plus que Charles de l'Aubespine est un homme d'église (mais avec le terrible cardinal Richelieu, il était à bonne école), abbé de Préaux et par ailleurs, Chancelier et Garde des Sceaux de l'Ordre des Chevaliers du Saint-Esprit, qui fut, semble-t-il, l'ordre le plus prestigieux de la monarchie française pendant les deux siècles et demi que dura son existence. « C'est le 31 décembre 1578, en pleine guerre de religions, qu' Henri III fonda l'Ordre du Saint-Esprit, dont le but était de protéger le Roi de France, en tant que personne sacrée. Le monarque choisit le nom de Saint-Esprit pour cet Ordre, en référence à sa propre naissance, à son couronnement sur le trône de Pologne et plus tard sur celui de France, les trois évènements étant survenus le jour de la Pentecôte»

Richelieu lui-même fut chevalier du Saint-Esprit, ainsi que le montre la statue de Francesco Schiaffino, au musée du Louvre.

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Charles est chancelier de l'Ordre dès 1611. Un an après la découverte de la légende de Denis Gaulois. Un an avant, en 1609, il était ambassadeur de France en Hollande. C'est un homme qui voyage.

Présent dans toutes les affaires plus ou moins sombres du royaume, sa présence à Déols en 1610 n'est assurément pas fortuite.


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09 octobre 2006 | Lien permanent

Denis Gaulois (9) : Sur la trace de Gildas

J'ai emprunté récemment à la médiathèque un ouvrage intitulé Saint-Gildas, de la Bretagne au Berry, sous-titré encore L'épopée des moines. Paru en décembre 2003 aux Editions Lancosme Multimédia, écrit par Gilles Guillemain et illustré par Jeannine Abrioux, il a, je cite la quatrième de couverture, "été conçu dans l'esprit d'attirer l'attention de nos contemporains sur une page d'histoire de Châteauroux, à l'époque où une abbaye était érigée sur les bords de l'Indre, aujourd'hui devenue le quartier Saint-Christophe." Ce livre,  est-il précisé au final, est "un guide parfait pour ceux qui recherchent  des traces de l'abbaye et de l'Histoire d'une civilisation, notre civilisation." Pierre Plateau, archevêque émérite de Bourges, vante dans sa préface ce "beau travail" où "les auteurs ont eu à coeur de faire revivre cette merveilleuse histoire de Saint Gildas." Il ajoute qu'ils "ont distingué avec honnêteté ce qui relève de la légende populaire et ce qui relève de la grande histoire de notre pays."


  Fort bien. Il reste qu'à la lecture du "guide parfait", on demeure plus que perplexe devant cette tentative de reconstitution de la vie de saint Gildas et du voyage des moines bretons jusqu'en terre déoloise. Certes, on nous a prévenus que ce n'était pas véritablement une biographie de la vie de saint Gildas, que la manière était "particulièrement épurée, quelque peu romancée, en survolant les faits"...
Qu'on en juge par le seul extrait suivant, bien significatif du style employé : " Dans la contrée d'Arecluta, baignée par le fleuve Clyde, le jeune breton [Gildas] regarde sa patrie, blessée par une kyrielle de conflits, panser ses plaies. La pluie quasi permanente nettoie les souillures infligées aux pierres, à la terre, aux rivières." Le dérèglement climatique, apparemment,  ne date pas d'hier.

Ceci resterait bénin si l'auteur ne se mêlait pas d'adjoindre à sa narration du périple des moines des notations tout à fait incongrues : ainsi, lors de l'arrivée à Déols du cortège mené par l'abbé Dahoc, on apprend qu'outre les saintes reliques de Gildas les moines détiennent rien moins que "le précieux calice dont Jésus-Christ s'est servi lors de  la sainte Cène." Autrement dit le Saint Graal ! "Le seigneur de Déols est sidéré par cette révélation particulièrement effarante". Le lecteur un peu averti également, car enfin la scène est censée avoir lieu en 922, or le Graal n'apparaît dans la littérature qu'au XIIème siècle, avec Perceval ou le Conte du Graal de Chrétien de Troyes, et il faut attendre Robert de Boron, au XIIIème siècle, pour identifier ce Graal au calice de la Cène.

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Saint-Gildas

Contrairement à ce qu'annonce Mgr Plateau, on démêle donc mal ce qui relève du légendaire de ce qui appartient à l'histoire proprement dite. Mais survolons à notre tour plusieurs siècles et venons-en à l'époque qui nous occupe en ce moment : les deux abbayes de Déols et de Saint-Gildas, qui se sont semble-t-il développées en bonne harmonie, vont connaître une fin également similaire, "devenues la proie du prince de Bourbon, Henri II de Condé, apparenté à la famille royale, qui, convoitant leurs immenses richesses profite de la vente des possessions des seigneurs de Châteauroux pour acquérir leur comté."
 
En 1612, Condé achète effectivement ces terres berrichonnes, qu'il obtiendra d'élever à la dignité de duché-pairie en 1627. Notre livre lui prête de sombres desseins : "Le projet du prince de Condé est rapidement mis à exécution pour obtenir la sécularisation des deux abbayes. Il entreprend les démarches auprès du roi et du pape qu'il fourvoie. Il allègue, pour cela, l'incurie des religieux qu'il accuse de ne plus respecter les austères principes de la règle de saint Benoît. L'autorité des abbés gênait surtout celle du prince mécréant(1). La sécularisation, en 1622, et la dispersion des moines, sonnent la curée du monastère. L'enceinte fortifiée est envahie et détruite. Les édifices abandonnés fournissent des matériaux qui servent à construire les maisons du faubourg Saint-Christophe. Il ne reste rien de l'église abbatiale."

Sur la destruction des abbayes de Déols et de Saint-Gildas, l'auteur ne se trompe malheureusement pas : la sécularisation accélère un mouvement de démantèlement qui avait commencé avec les pillages et les incendies pendant les guerres de Religion. Il cite à cet égard le poète Jean Lauron (1560-1615 ou 1620), bailli de Saint-Gildas et garde du sceau de Châteauroux qui se désole ainsi dans un poème adressé au prieur de Saint-Gildas :

Temple que nos aïeux Ebbes Léocade Roux,
Avaient bâti doué d'honneur et de richesse,
Qui voisine le ciel de superbe hautesse,
Qu'êtes-vous devenus ? Hélas où êtes-vous ? (...)

Gilles Guillemain a beau jeu de se gausser en rappelant que Léocade "n'a rien à voir avec la construction de l'abbaye Saint-Gildas puisqu'il est mort au IIIème siècle..." Ce qui est plus intéressant c'est de voir ici le patronyme Roux, qui désigne un canton dans la légende de Denis Gaulois. Pour Guillemain, et on le suivra sur ce point, il "s'agit sans doute d'un pluriel utilisé -et pourquoi pas puisqu'on dénomme la ville, à cette époque, Château-Roux - pour qualifier les "Raoul" qui se sont succédé."

Par ailleurs, Jean Lauron avait rédigé en 1595 l'épitaphe de Jean d'Aumont, maréchal de France, compagnon d'armes  de Henri IV,  chevalier de  l'ordre du Saint-Esprit,  comte de Châteauroux,  qui avait choisi pour lieu de sa sépulture l'église des Cordeliers de cette même ville.

"L'imager pourroit bien figurer son Image
En ce tableau icy, et rapporter ses traits,
Mais pour représenter ses gestes et hauts faits,
Il faudroit voir, Passant, l'Histoire de cet âge,
Là tu verras d'AUMONT, d'ardeur et de courage
Foudroyer l'Espagnol par belliqueux effets,
Tu verras les Ligueurs furtifs et déffaits,
Embrasser ses genoux, luy venir faire hommage.
Ivry vit sa valeur, Arques son exercice,
Le feu Roy vit à Tours son fidèle service,
La Bourgogne a tremblé sous son juste courroux,
Le Breton à poings liez secondoit coup à coup,
Quand au bras il reçut à Camper un grand coup,
Qui mit son âme au Ciel, son corps à Château-roux.
Celuy qui pour la vie et bien de sa Patrie,
A cent fois exposé et les biens et la vie,
Celuy qui pour la France à sa vie cent fois
Exposé à la mort, sans vie tu le vois;
Son corps repose icy, et sa fameuse gloire
Burinée se voit sur l'Autel de la mémoire."

 Or, ce Jean d'Aumont, si l'on en croit cette page web qui relate son histoire , était aussi nommé le Franc Gaulois.

Rêvons un court instant : et si Jean Lauron était le véritable auteur de la légende de Denis Gaulois ? Légende inventée à l'origine pour exalter Jean d'Aumont mais récupérée de façon opportune par Condé, pour servir ses projets ?

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(1) Ce soi-disant mécréant n'hésite pourtant pas à nommer lui-même des prêtres sur  les paroisses qui lui appartiennent, si l'on en croit ce document ancien vendu à cette adresse.

 

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06 novembre 2006 | Lien permanent | Commentaires (8)

Denis Gaulois (12) : De l'influence des druides

Tentons de résumer : l'analyse de la tradition (reprise dans la légende de Denis Gaulois) faisant remonter l'établissement des chrétiens à Bourges à un certain Léocade a fait émerger une constellation symbolique exaltant la blancheur et la lumière, en relation avec Leucade, haut-lieu de la géographie sacrée du monde grec (Jean Richer, 1967). Ce fait qui ne m'est apparu que lors de ma dernière  recherche  me porte à une nouvelle hypothèse au sujet de la généalogie des systèmes symboliques : en effet, jusque-là, j'avais tendance à penser qu'une première géographie sacrée celtique, non géométrisée, principalement organisée autour des rivières (Bouzanne, Arnon) avait précédé la géographie sacrée zodiacale, avec ses douze signes et son omphalos basé à Neuvy Saint-Sépulchre.


 

medium_brunaux.jpgOr, il ne me semble plus impossible que déjà, à l'époque gauloise, une géographie sacrée zodiacale similaire à celle qui existait en Grèce ait pu être élaborée. La lecture, elle aussi toute récente du livre de Jean-Louis Brunaux, Les Druides, sous-titré Des philosophes chez les barbares (Seuil, 2006), me conforte dans cette vue. L'auteur, archéologue et chercheur au CNRS, y procède à une relecture critique des rares documents écrits que nous possédons sur les Druides. Et c'est peu dire que, bousculant les conceptions pseudo-ésotériques qui foisonnent encore de nos jours, il renouvelle très largement la vision que nous avions de ces énigmatiques personnages. Mettant en évidence les liens étroits qu'ils auraient eu avec les Pythagoriciens grecs, il montre que, plus que des prêtres et des devins, les druides auraient été avant tout des philosophes et des savants :

« C'est, à coup sûr, dans le domaine de la science proprement dit qu'ils se sont imposé comme des êtres supérieurs et surtout comme les rouages indispensables au bon fonctionnement des communautés auxquelles ils appartenaient. Leur domaine de prédilection, en tout cas celui qui remonte le plus loin dans le temps, est l'astronomie avec toutes ses applications à la vie quotidienne. Elle est la seule science dont les auteurs anciens nous apprennent tout à fait explicitement qu'elle était non seulement régulièrement pratiquée par eux, mais qu'elle était l'une de leurs préoccupations primordiales : « Les druides dissertent abondamment sur les astres et leur mouvement, sur la grandeur de l'univers et sur celle de la terre [...] et ils transmettent ces connaissances à la jeunesse. » Comme l'exprime avec précision, quoique sous une forme ramassée, cette phrase de César, l'observation du ciel et des astres entrait dans une série de spéculations plus vastes qui comprenaient aussi des interrogations sur la nature et la forme de la terre et plus largement encore de tout l'univers. En cela, ils ne différaient guère des premiers penseurs grecs, les Présocratiques puis les Pythagoriciens, pour lesquels l'astronomie était à la fois un domaine de recherche propre et un instrument pour comprendre des phénomènes plus généraux (la nature et l'origine de la matière) ou particuliers (la nature et la forme de l'astre sur lequel nous vivons, la géographie de la Terre).(p. 260) » (C'est moi qui souligne)


A l'époque de la conquête romaine, Jean-Louis Brunaux montre que les druides avaient déjà perdu une grande partie de leur pouvoir sur la société celtique (le seul druide mentionné nommément dans la Guerre des Gaules, l'éduen Diviciac, ne correspond lui-même plus vraiment à la définition canonique du druide), mais il fait remonter très haut dans le temps leur emprise : ainsi considère-t-il que les druides, « depuis le Ve siècle av. J.-C., et peut-être sous l'influence des courants d'idées pythagoriciens, étaient devenus des maîtres de la géométrie. (p. 263) »

Géométrie et astronomie trouvaient leurs applications les plus cruciales en matière de culte :

« Depuis les temps les plus anciens, les hommes étaient persuadés que, pour rendre efficaces les cérémonies religieuses, il fallait les mettre en accord avec l'univers et ses éléments les plus proches des hommes, le ciel et les astres. Sacrifices, offrandes, banquets se déroulaient à des dates déterminées par la révolution du soleil, celle de la lune et la position de quelques étoiles. L'établissement de quelques lieux de culte fixes, destinés à durer toujours, nécessité un plus grand respect encore de l'harmonie entre les créations des hommes sur la terre et l'univers immédiat. On orienta les enceintes vers le soleil levant en se basant sur des événements remarquables comme le solstice. Parfois on procéda même à des doubles orientations, de l'enceinte tout d'abord dont chaque côté fait face à un point cardinal, ensuite de l'autel et du porche d'entrée dont l'alignement est aussi celui du solstice d'été. Cette mise en place des éléments architecturaux en fonction de réalités célestes nécessitait force calculs et de réelles capacités en géométrie.(p. 261) » (C'est moi qui souligne)


Bourges et Déols n'ont-ils pas été de ces lieux sacrés, accordés aux conjonctures célestes, dont toute trace des sanctuaires celtiques a sans doute disparu, mais dont le souvenir a été préservé dans les légendes, orales tout d'abord, puis partiellement transcrites, par exemple dans les écrits de Grégoire de Tours, jusqu'à cet ultime témoignage voilé par la fantaisie qu'est la fable de Denis Gaulois ?



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30 novembre 2006 | Lien permanent | Commentaires (11)

Denis Gaulois (18) : D'argent et de gueules

"Ensuite Léocade écrivit à Rome et marqua son aventure à quelques sénateurs romains ; il leur disoit : Quoi que vous m'ayez nommé gouverneur de la Gaule, il m'a fallu l'être aussi des habitants de Bourger et des cantons. Je fais actuellement ma demeure dans le canton de Déols ; j'ai fait bâtir des temples ; je me suis fait baptizer, ainsi que ma famille et mes gens ; j'observe la loi de Dieu et je la fais observer à tous ceux de mes cantons ; je suis nommé prince de Déols, gouverneur de la Gaule en Berry. "

"Telle est la légende de Denis Gaulois, conclut le docteur Fauconneau-Dufresne, qui se trouve en tête de la pièce intitulée : .Petite chronique et généalogie des seigneurs qui ont possédé les terres de Déols et Châteauroux, depuis l'an 218 jusqu'en 900, et depuis l'an 900 jusqu'à l'an 1620, et les dons qu'ils ont fait"

Avant de conclure à mon tour cette petite étude de la légende, je voudrais revenir sur  un point d'héraldique abordé récemment.
J'ai dit qu'Argenton possédait au centre de ses armes celles de Déols. Pour être plus précis, il s'agit d'un demi écusson fascé d'argent et de gueules.
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Blason d'Argenton
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Blason de Déols
 

Ces deux couleurs apparaissent également dans le blason des Chauvigny, qui succèdent aux princes de Déols à partir de 1187. D'ailleurs ce sont leurs armes qui figurent aussi en haut à gauche du blason d'Argenton (d'argent à cinq fusées et deux demies de gueules accolées et rangées en fasce, accompagnées en chef d'un lambel de six pendants du même).

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Par sérendipité, j'ai découvert ensuite qu'argent et gueules étaient également les couleurs de Dol-de-Bretagne, dont j'ai déjà mis en relief la parenté étymologique, géophysique et mythologique avec Déols.

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medium_blason-dol2.jpg



Pour être tout à fait précis, le blason actuel de la ville est très différent, mais le site Geobreizh confirme bien que "
Le premier blason de l'archevêché de Dol datant de 1173 était de gueule fuselé d'hermine (rouge avec des losanges d'hermine). Le second était écartelé d'argent et de gueules."
Pourquoi maintenant ces deux couleurs : d'argent et de gueules ? Selon le tableau de correspondances des couleurs héraldiques établi par Gérard de Sorval (Le langage secret du blason, Bibliothèque de l'Hermétisme, Albin Michel, 1981, p.108-109), Argent peut être rattaché à la Lune et à Artémis, tandis que Gueules est logiquement dévolu à Mars. Or, nous avons encore en mémoire les épisodes mythologiques du sarcophage de saint Ludre, où Artémis se taillait la part belle. Marc Lebeau avait justement fait observer que la relation Bélier-Capricorne visible sur le terrain avec Argenton-Leucade se reflétait dans la légende où Méléagre, le tueur du sanglier de Calydon, était selon certaines sources considéré comme le fils d'Arès.


Ici se clôt notre périple capricornien. Je laisse à chacun le temps de la réflexion, le temps d'une pause océane ainsi que nous en avons pris l'heureuse habitude. Les commentaires seront aussi momentanément fermés. Au retour, nous arpenterons enfin les terres encore indéfrichés de Verseau (le seul signe qui n'a pas encore sa catégorie). Merci à vous tous, lecteurs de plus en plus nombreux, qui me donnez désir et courage de continuer ce voyage en symbolisme.


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22 avril 2007 | Lien permanent | Commentaires (2)

Denis Gaulois (3) : Et moi je fais ce que je veux d'elles

«  Il étoit beau de voir la conduite des susdits animaux ; comme ils entroient et sortoient dudit caveau pour aller pâturer et faire ce qu'ils avoient besoin, et comment le bonhomme les rappeloit. L'on a vu, disoit-il, les bêtes se dévorer entre elles et manger les hommes, et moi je fais ce que je veux d'elles. »


Il y aura donc bientôt quatre cents ans, le 2 octobre 1610, l'on découvrait donc la légende de Denis Gaulois sous un autel de l'église de Déols. Le docteur Fauconneau-Dufresne ne précise pas quelle église, ni ne donne de précisions sur la nature du document, son aspect, son état de conservation. Etrange découverte : par le plus singulier des hasards, le chancelier du roi, Charles de Laubépine, est présent (il est spécifié qu'il fait inventorier la légende séance tenante). Au fait, qui est le roi à cette date ? Henri IV a été assassiné par Ravaillac quelques mois plus tôt, le 14 mai précisément. La veille, Marie de Médicis avait été enfin sacrée reine de France à Saint-Denis par le cardinal François de Joyeuse. Un couronnement que le bon roi Henri avait longtemps repoussé. Louis XIII n'ayant que neuf ans, c'est donc Marie de Médicis qui assure la régence. Y a-t-il un lien entre ces événements et la découverte de la légende ? Quelques indices tendent à le croire.

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Marie de Médicis en costume de sacre, peint par François Pourbus en 1610
 
 

Onze ans plus tard, nous avons vu que le prieur claustral délivrait une copie notariée et dûment certifiée au prince de Condé, devenu duc de Châteauroux et prince de Déols. Or, Condé n'est pas n'importe qui dans le royaume.

Henri II de Bourbon-Condé n' était rien moins que Premier Prince du sang, Grand Veneur et Grand Louvetier du royaume. Elevé par Henri IV lui-même - son père ayant été assassiné et sa mère emprisonnée - mariée ensuite à la trop belle Charlotte de Montmorency que son mentor poursuivait de ses assiduités, il avait dû s'exiler à Bruxelles. La mort de Henri lui permet de revenir en France. Embastillé en 1615, il est libéré quelques années plus tard par Louis XIII. Et en 1621, on lui remet donc les clés de Châteauroux et de Déols, en même temps que la copie certifiée de la légende. Pourquoi une telle mise en scène ? Ce qui nous apparaît comme une aimable fantaisie a très certainement son importance symbolique : n'y a-t-il pas comme un air de famille entre ce Denis Gaulois, éleveur de bêtes féroces, grand chasseur, dompteur émérite, et ce Grand Veneur et Grand Louvetier de prince de Condé ?


Nous retrouvons par ailleurs la trace de Charles de Laubépine à Bourges, où sa famille avait acquis en 1552 le palais Jacques Coeur.

« A cette époque, peut-on lire sur le site des Amis de Jacques Coeur, le frère de Claude de Laubépine, évêque de Limoges fait construire un hôtel qui prend comme nom Hôtel de Limoges, aujourd'hui disparu. De 1629 à 1636, le prince de Condé et son frère le prince de Conti habiteront respectivement le palais de Jacques Cœur et l'hôtel de Limoges. »

Comme par hasard, Condé vient loger chez Laubépine. 

Or, nous allons bientôt voir l'importance de Bourges dans la légende déoloise.

Pour en finir aujourd'hui, regardons la date : 2 octobre. C'est la saint Léger. Dont j'ai déjà montré ailleurs la corrélation très forte avec saint Denis. Un seul exemple : lors de la translation du corps de saint Léger, le cortège s'arrête à Ingrandes dans la Vienne :

« Ingrandes apparaît comme le lieu de plusieurs miracles dans le récit de la translation des cendres de saint Léger, depuis l'endroit de son supplice jusqu'à Saint-Maixent (Deux-Sèvres), en 683. Le cortège qui accompagnait les cendres du saint comprenait de nombreux mendiants et infirmes ; il s'arrêta quelque temps à Ingrandes. L'évêque de Poitiers leur avait fait porter des vivres, mais en quantité insuffisante. Une nouvelle multiplication des pains vint à bout de la disette. Des guérisons miraculeuses furent également rapportées : celles d'un boiteux, d'un paralytique, d'un jeune aveugle, d'une femme aux mains tordues... »

Or, le même site du diocèse de Poitiers précise que « Sous l'Ancien Régime, la cure d'Ingrandes était à la nomination du prieur de Saint-Denis-en-Vaux, qui dépendait de la grande abbaye de Saint-Denis-en-France. »



 

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02 octobre 2006 | Lien permanent | Commentaires (3)

Denis Gaulois (6) : De Châteauneuf à saint Fiacre

Tentative d'épuisement de la question Charles de l'Aubespine : le net ne m'offrant plus de ressources valables, je me décidai à entrer en bibliothèque pour y dénicher une ou deux biographies de Richelieu. J'en ressortis donc avec Richelieu, L'Ambition et le pouvoir, de Michel Carmona (Fayard, 1983) et le beaucoup plus récent Richelieu de Françoise Hildesheimer (Flammarion, 2004). Deux forts volumes que je n'ai pas eu le temps (ni l'envie d'ailleurs) de lire in extenso, mais où j'ai traqué la présence de mon Châteauneuf. Oui, c'est sous ce nom (Charles est, je le rappelle, marquis de Châteauneuf(1) ) qu'il est couramment désigné par les deux auteurs.

Il apparaît chez Carmona à la page 306 et à l'année 1617. Richelieu n'est pas alors au faîte de sa gloire, loin s'en faut : il a dû quitter Paris pour Blois, accompagnant Marie de Médicis contrainte à l'exil après l'assassinat du favori Concini. Ravalé en mai au rang de « Chef de son Conseil et de ses affaires, pour tenir et avoir garde de son scel », il ne tarde guère à prendre la fuite : le 11 juin, il regagne son prieuré de Coussay sans rien dire à personne, sans un mot d'explication, ce qui rend la Reine-Mère folle de rage. Richelieu, craignant un ordre d'exil du Roi, avait préféré prendre les devants. Sur cette dérobade, on possède un message bien embarrassé de son frère Henri de Richelieu : « Je suis au désespoir de vous avoir donné l'avis de ce que je vous ai mandé, bien qu'il fût vrai et que je l'eusse appris de Monsieur de Châteauneuf, lui-même présent à la résolution qui fut prise. Cela m'avait été confirmé par une personne de plus grande qualité et par plusieurs autres encore. Mais depuis les choses avaient changé et celle-là aussi qui était bien vraie. Excusez mon affection et la passion que j'ai à votre service. » « En somme, explique Michel Carmona, le Roi avait décidé d'exiler Richelieu ; le marquis en avise son frère ; celui-ci quitte Blois aussitôt ; le marquis lui écrit pour lui dire que ce n'est qu'une fausse alerte. »

Quoi qu'il en soit, nous constatons que notre Châteauneuf-Laubépine était bien en cour à l 'époque, et pas avare de confidences. Son caractère intrigant apparaît déjà à cette occasion.

Il ne refait surface chez Carmona que deux cents pages plus loin, en l'an de grâce 1630, mais en des circonstances exceptionnelles, car c'est à l'occasion de la fameuse Journée des Dupes ( 10 et 11 novembre), « qui constituent incontestablement, selon l'historien, un tournant de l'histoire de France. »

Il est à peu près minuit quand Louis XIII prend la parole à Versailles : « Il expose qu'il est déterminé à mettre un terme aux intrigues qui, depuis plus d'un an, se multiplient contre le cardinal, et empoisonnent l'atmosphère politique. Le chancelier de Marillac est à ses yeux l'un des grands responsables de cet état de choses. C'et pourquoi le Roi, tout en rendant hommage à sa piété et à sa conscience professionnelle, a décidé de se séparer de lui. Monsieur de Châteauneuf exercera désormais les fonctions de garde des Sceaux. Louis de Marillac, nommé la veille commandant en chef de l'armée d'Italie, sera destitué de ses fonctions et décrété d'arrestation. »

Notons que c'est quatre jours seulement après l'exécution de Marillac, le 14 mai 1632, que Richelieu est nommé dans l'ordre du Saint-Esprit.

 

Michel Carmona mentionne une troisième et dernière fois le nouveau chancelier, à la page 510, mais c'est presque anecdotique : Châteauneuf est l'un des nombreux courtisans qui tentent  de faire revenir l'irascible Reine-Mère sur ses positions anti-Richelieu, à Compiègne, en février 1631.

Il n'y parvient pas mieux qu'un autre et Carmona se désintéresse ensuite de son cas, ne signalant ni son emprisonnement prochain, ni la suite de ses démêlés avec la Couronne.

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Françoise Hildesheimer prend en quelque sorte le relais de Carmona puisque Châteauneuf n'apparaît chez elle qu'en novembre 1632 (à la page 258). C'est une nouvelle fois une période difficile pour le cardinal. « Les problèmes s'accumulent : il apprend enfin le mariage de Gaston, lequel, à la nouvelle de l'exécution de Montmorençy, s'est de nouveau enfui à Bruxelles le 6 novembre ; en Allemagne, Wallenstein et Gustave-Adolphe sont face-à-face ; à la cour, dans l'entourage d'Anne d'Autriche, l'irréductible duchesse de Chevreuse a ensorcelé le garde des Sceaux Châteauneuf, qui intrigue contre lui. »

Cet abbé est décidément un drôle de lascar, bien porté qu'il est sur les plaisirs de la chair. Ses turpitudes ne laissent pas d'inquiéter Richelieu, malade de surcroît, si l'on en croit ce passage des Mémoires de La Porte, fidèle de la Reine, dépêché par elle-même à Bordeaux pour « savoir s'il était si mal qu'on disait » : « Je le trouvai entre deux petits lits sur une chaise, où on lui pansait le derrière, et l'on me donna le bougeoir pour lui éclairer à lire les lettres que je lui avais apportées ; ensuite il m'interrogea fort sur ce que faisait la Reine, si M. de Châteauneuf allait souvent chez elle... » F. Hildesheimer précise ensuite que « les lettres sont de la reine et de la duchesse de Chevreuse, et leur destinataire n'a guère de mal à imaginer les sarcasmes dont il est l'objet et les espoirs auxquels sa maladie donne prétexte, notamment au garde des Sceaux Châteauneuf, ce cinquantenaire manipulé, comme on l' a vu, par l'infatigable Chevreuse, elle-même âgée de trente-deux ans, qui en a fait un amoureux transi... Les rieurs ont en effet beau jeu de le traiter de « cul pourri », et les ambitieux de rêver à la succession. »


Les rieurs n'auront pas ri longtemps. Le cardinal-ministre n'aura de cesse d'imposer l'autorité royale à l'ensemble de la société et singulièrement à la gent nobiliaire. Selon ses propres mots, il avait décidé de rogner les ongles « si courts à ceux dont on a lieu de se garder que leur mauvaise volonté serait inutile »... F. Hildesheimer cite en préambule de son chapitre 5, justement intitulé « Rogner les ongles », une page qu'elle juge saisissante des Mémoires de La Rochefoucauld, où il dresse un tableau effrayant de la situation de la noblesse au temps de sa jeunesse - notre Châteauneuf y figure, disons-le d'emblée, en bien mauvaise posture : « Le Grand Prieur de Vendôme et le maréchal d'Ornano étaient morts en prison [...], le duc de Vendôme y était encore, la princesse de Conti et le duc de Guise son frère furent chassés ; le maréchal de Bassompierre fut mis à la Bastille, le maréchal de Marillac eut la tête tranchée ; on ôta les sceaux à son frère pour les donner à Châteauneuf. La révolte de Monsieur fit périr le duc de Montmorency sur un échafaud [..] [Le garde des Sceaux] fut ensuite arrêté, prisonnier lui-même bientôt après, Madame de Chevreuse fut reléguée à Tours, n'ayant de crimes l'un et l'autre que d'être attachés à la reine et d'avoir fait avec elle des railleries piquantes du Cardinal. (...)(2) »

Page 313, il est donc bien précisé que le 25 février 1633, Châteauneuf doit rendre les Sceaux « - payant chèrement les sarcasmes dont sa correspondance avec la duchesse a abreuvé Richelieu, le soupirant de la Chevreuse ne sortira de prison qu'après la mort du ministre(3) -, et ses partisans sont éliminés ; ils ont le choix entre le jugement et l'exil. Le cardinal, pour sa part, est crucifié par ses hémorroïdes dont rien ne peut venir à bout : tous les remèdes s'avèrent impuissants à le soulager, y compris les reliques de saint Fiacre, transportées pour l'occasion de Meaux à Paris ; quatre incisions doivent être pratiquées. L'heure n'est pas à l'optimisme, mais bien à la dépression, et donc, sans doute, à la répression... »


Et le 5 mai 1633, Richelieu est nommé commandeur de l'ordre du saint-Esprit...


Par des chemins bien tortueux, je dois l'avouer, nous voici incidemment revenus à saint Fiacre, le premier saint que j'ai abordé lors de cette étude. Mais je n'avais pas alors mentionné qu'il était considéré comme guérisseur et patron de ceux qui souffrent de maladies vénériennes et d’hémorroïdes (cette attribution serait fondée sur un calembour à partir du mot “Fic” qui désignait une petite tumeur). Autre preuve, s'il en fallait, de sa notoriété : Anne d’Autriche  aurait crédité saint Fiacre de la guérison de Louis XIII à Lyon, où le roi était tombé gravement malade.


Après Châteauneuf, c'est à Condé qu'il faut maintenant s'intéresser.


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1. Il s'agit de Châteauneuf-sur-Cher, qui fut d'ailleurs dans son histoire l'enjeu d'âpres batailles entre vicomtes de Bourges et princes de Déols. La forteresse établie au XIème siècle sur les rives du Cher fut complètement détruite à l'issue de cette guerre, puis reconstruite à plusieurs reprises.

2. La Rochefoucauld, Mémoires, Paris, 1964, p. 45-46.

3. « Châteauneuf réapparaîtra à l'occasion de la Fronde, toujours dans le sillage de la duchesse » Note de F. H

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14 octobre 2006 | Lien permanent | Commentaires (3)

En quête de Diou (3) : la Montjoie

Comment n'y ai-je pas pensé avant ? Sur Saint-Denis, le réflexe aurait dû être de se précipiter sur le livre le plus stimulant que je connaisse sur l'histoire de ce saint et de l'abbaye qui porte son nom : "Montjoie et Saint-Denis !" d'Anne Lombard-Jourdan, sous-titré Le centre de la Gaule aux origines de Paris et de Saint-Denis, et publié aux Presses du CNRS en 1989. Pour aller vite, l'auteur pense avoir localisé au nord de Paris, dans la plaine du Lendit, "le lieu consacré au centre de la Gaule" dont parle Jules César. Ce site apparaissait comme un tumulus, autrement dit un tertre funéraire artificiel, désigné sous le nom de "Montjoie", dérivé du francique *mund-gawi, que l'on peut traduire par "Protège-pays". "C'est au sommet de cette tombe d'un ancêtre divinisé, devenue sanctuaire vénéré, que l'évangélisateur de Paris aurait été décapité." C'est aussi à proximité de cette Montjoie que sainte Geneviève érigea la première sépulture dédiée à saint Denis. Première, oui, car il y en eut une seconde, à Saint-Denis précisément, l'ancienne Catolacus. Translation que que l'on peut placer aux alentours de l'an 630, selon Anne Lombard-Jourdan.

Voilà une information qui nous intéresse grandement, car si l'on se reporte aux cartes, on s'aperçoit que la Montjoie est située entre les deux Saint-Denis, à exactement  trois kilomètres de l'un et de l'autre. Dans la même position justement que nos Diou. Mieux, comme eux, la Montjoie est située légèrement à l'écart de la voie qui les relie, selon une même direction septentrionale (sans  retrouver, il est vrai, la légère déviation des Diou).


Anne Lombard-Jourdan pense que la Montjoie du Lendit fut vraisemblablement le prototype de toutes les "montjoies" connues : "Une fois constitué, le toponyme rayonna le long des chemins. Son sens originel s'estompa, puis disparut, sans que le mot perdit de sa vogue, essaimant un peu partout en tant que nom propre et nom commun et subissant la cascade de modifications sémantiques bien connues. C'est ainsi qu'on finit par appeler "montjoies" les petits monuments gothiques ornés chacun d'une croix et de trois statues de rois qui, élevés en 1271 à proximité de la Montjoie primitive, jalonnèrent la grande route qui menait de Paris à Saint-Denis et furent, eux aussi, regardés comme "protégeant" les passants."(p.57)

De même qu'on christianisa ce lieu païen en y plaçant le martyre de saint Denis, on peut concevoir qu'en Berry on christianisa ces lieux-Diou autrefois consacrés à des divinités celtiques en les encadrant en quelque sorte par des lieux semblablement dédiés au saint céphalophore. N'est-ce pas remarquable, encore une fois, que Reuilly, juste en aval de Diou, appartînt en propre à l'abbaye royale de Saint-Denis ?



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12 février 2008 | Lien permanent | Commentaires (2)

En quête de Diou

J'ouvre une parenthèse. Sans me détacher de mon sujet - la géographie sacrée prézodiacale*- je tente une expérience : plutôt que d'attendre de mener une enquête à son terme, je vous propose de me suivre pas à pas dans une investigation donnée. Pas à pas, c'est-à-dire presque au jour le jour, avec les questions qui se posent, les avancées, les reculades, les hypothèses, les outils utilisés, sans la certitude absolue de parvenir à un résultat valable et tangible.


Le sujet envisagé ici est le cas de Diou dans l'Allier, ce village homonyme du Diou berrichon, dont S. Gendron déplorait qu'il soit malheureusement sans mention. Dans une telle situation, j'ai tendance à m'obstiner : puisqu'il n'existe pas de données épigraphiques ou littéraires, allons donc examiner le site lui-même, dans son milieu naturel et historique. Avec l'espoir bien sûr de découvrir des résonances avec notre Diou à nous.
Le recours aux cartes est bien sûr le premier réflexe. Avant même de consulter la carte papier Michelin 69,  je ne quitte pas l'écran et consulte en ligne, site du Quid pour la fiche du village et localisation sur carte (Googlemap) :

Première constatation : Diou en Allier (dans le cercle rouge) est situé comme Diou en Indre sur les rives d'un cours d'eau (et pas n'importe lequel, puisqu'il s'agit de la Loire).
Me frappent ensuite immédiatement les deux Saint-Denis, placés, dirait-on, de part et d'autre de Diou, à équidistance.
Cela m'intéresse d'autant plus que Diou (Indre) est situé juste en amont de Reuilly, dont l'église Saint-Denis appartenait en propre à l'abbaye de Saint-Denis de France.
Il faut aller y voir de plus près, cette fois avec le papier, la règle et le crayon...

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* J'ai ouvert une nouvelle rubrique  sous cette apppelation, car  depuis quelque temps déjà  il n'y avait pas de sens à identifier  sous  les signes zodiacaux des constructions débordant souvent largement de  cette  structure, et de toute façon édifiés bien avant  la  géographie sacrée zodiacale  relative à l'établissement de  Neuvy Saint-Sépulchre.  Certains articles rejoindront  bientôt cette nouvelle rubrique.


 

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07 février 2008 | Lien permanent | Commentaires (2)

En quête de Diou (2)

En réalité, on s'aperçoit que l'alignement des deux Saint-Denis (un hameau et un faubourg de Bourbon-Lancy) ne prend pas Diou sur son parcours. Il s'en faut de peu, mais c'est ainsi : Diou n'est pas au centre exact du segment dyonisien.
Fausse piste ? Je remarque tout de même en passant un autre fait intéressant : la verticale du Saint-Denis méridional s'origine au Puy Saint-Ambroise, près de Saint-Léon, un haut-lieu de la région et prend dans sa course l'abbaye de Sept-Fons, proche de Diou, édifiée sur l'emplacement d'une ancienne abbaye cistercienne.

Comparons maintenant avec le Diou berrichon.

Diou est là aussi situé à quelques toises de l'alignement Saint-Denis (faubourg d'Issoudun) et Bois Saint-Denis (faubourg de Reuilly). La position est moins centrale, mais ce que l'on peut observer c'est une quasi similarité des angles avec la méridienne. Remarquons aussi que les deux Diou, outre leur situation en bordure de rivière, sont semblablement placés sur une limite territoriale : les limites de département recoupant ici comme souvent d'anciennes frontières provinciales ou diocésaines.

A ce stade, je ne peux penser que ces similitudes soient le fait du hasard.

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Le Puy Saint-Ambroise

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08 février 2008 | Lien permanent | Commentaires (2)

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