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01 octobre 2007

Des clochers tors à Saint Phallier

"Anciennement, les bornes des routes et même les arbres avaient la signification de phallus et pour Bouvard et Pécuchet tout devint phallus. Ils recueillirent des palonniers de voiture, des jambes de fauteuil, des verrous de cave, des pilons de pharmacien. Quand on venait les voir, ils demandaient : " A qui trouvez-vous que cela ressemble ?"  puis, confiaient le mystère et si l'on se récriait, ils levaient, de pitié, les épaules."

Gustave Flaubert (Bouvard et Pécuchet, ch.4)


La collégiale  de Saint-Outrille présente la particularité d'avoir  un clocher tors, c'est-à-dire un clocher avec une flèche en spirale. Ce caractère est voulu ou bien accidentel, à la suite d'un vieillissement ou d'un mauvais séchage du bois. Dans le cas de Saint-Outrille, c'est une construction tout à fait volontaire, une prouesse dans l'art de la charpente avec cette  torsade "d'origine de 1/16e de tour de la gauche vers la droite sur les deux tiers de sa hauteur avant de terminer tout droit".

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Les clochers tors (ou flammés) sont rares, mais il en existe tout de même une soixantaine en France. On peut d'ailleurs en admirer un autre dans la proche localité  de Nohant-en-Graçay (église Saint-Martin).

Une association  s'est même constituée à la fin des années 80 et c'est précisément le maire de Saint-Outrille qui a organisé le 1er rassemblement des représentants des villes et villages s'honorant d'un clocher tors.

Des légendes courent sur l'origine des clochers tors et Saint-Outrille n'est pas en reste. Une première légende affirme  que la flèche se redressera lorsque trois jeunes filles vierges du village se marieront dans l'église le même jour (on avait donc l'air de penser que ce ne serait pas demain la veille...) La seconde est rapportée ainsi sur le site de la commune :
"Un jour, on aperçut le diable dans le village. Aussitôt, les braves villageois se mirent en devoir de lui donner la chasse. Le diable se réfugia sur le clocher. Une vaillante commère entreprit de l'en déloger et commença l'escalade. Le diable, sentant son refuge menacé, sauta dans le verger avoisinant. Mais sa queue se prit dans la flèche et la tordit de telle façon que, de nos jours, elle demeure vrillée ...."

Ces légendes transpirent  bien sûr une forte connotation sexuelle. Et, poursuivant mon idée sur les bétyles,  je me demandai alors si ce clocher tors n'était pas en quelque sorte  l'homologue occidental d'un lingam oriental, cette pierre dressée en l'honneur de Shiva et ayant le plus souvent apparence de phallus ?

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De plus, la découverte sur la carte IGN d'un lieu-dit Saint-Phallier aux portes de Graçay me portait irrésistiblement vers cette hypothèse. Mais n'étais-je pas victime du syndrôme de Bouvard et Pécuchet ?


(A suivre)

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Coïncidence : on lira avec profit le beau billet de Jean-Marc Bellot, Le corps des chimères : il y évoque précisément les flèches spiralées des monuments de Borromini et Gaudi : "En sortant de cette visite, encore tout à la griserie de ce que j'avais vu, je marchai en cercles concentriques autour de Sant'Ivo. Comme hypnotisé, mon regard cherchait sans cesse la lanterne en forme de flèche spiralée, avec ses flammes pétrifiées, ses piques en fer forgé. Une Pentecôte inversée, où le génie muet de l'homme s'élèverait en réponse au don des langues. Deux mouvements ignés en sens contraire pour renouer l'alliance avec le divin. Proprement hallucinant."

23:20 Publié dans Sagittaire | Lien permanent | Commentaires (2)