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06 novembre 2011

Retour sur saint Gildas

Toussaint. Dans l'après-midi, je me suis replongé dans l'ouvrage, ce livre qui rassemblerait toutes les notes écrites ici pendant cinq ans. Mais ce travail de synthèse avance avec une lenteur qui parfois me désespère. Ce jour-là, je continue le chapitre sur la légende de Denis Gaulois, liée à Déols, à partir de ce billet intitulé Sur la trace de Gildas. Le saint breton qui fonda un monastère sur la presqu'île de Rhuys, monastère que les religieux quittèrent devant la menace normande pour venir s'établir sur les berges de l'Indre, accueillis par les seigneurs de Déols. Une légende voudrait que dans leurs bagages ils auraient aussi apporté le calice dont Jésus s'était servi pour la sainte Cène, autrement dit le saint Graal. Toujours est-il que les abbayes voisines de Déols et de Saint-Gildas sombrèrent au début du XVIIème siècle sous les coups de boutoir du grand Condé, ce dont se désola le poète Jean Lauron, avocat et bailli de Saint-Gildas. Disciple de Ronsard, ce Jean Lauron avait aussi écrit l'épitaphe d'un autre castelroussin notoire, son presque homonyme Jean d'Aumont, compagnon d'armes de Henri IV.

Bref, j'en étais là de cette étude lorsque je m'aperçus qu'un détail biographique m'avait échappé en 2006 : le lieu de la blessure mortelle de Jean d'Aumont (dénommé le franc Gaulois en raison de sa bravoure). Jean d'Aumont est mort en effet des suites d'un coup de mousqueton reçu au château de Comper. Or, ce château est situé en Bretagne, au nord de la forêt de Paimpont, autrement dit la légendaire forêt de Brocéliande. D'ailleurs, il abrite aujourd'hui le Centre de l'Imaginaire Arthurien.

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Rue des Remparts

Belle ironie de l'histoire que ce court-circuit symbolique entre Bretagne et Berry. C'est sur les terres d'élection du Graal, précieux vaisseau que la légende transporte donc en Berry pour échapper au péril normand, que le seigneur berrichon vient trouver la mort devant les murs du château de la fée Viviane. Et le poète qui lui rend hommage est celui-là même qui se désole quelques années plus tard de la triste déliquescence des abbayes de Saint-Gildas et de Déols. Court-circuit symbolique qui s'exprime aussi dans le geste de l'abbé Dahoc, qui cache avant de s'enfuir huit ossements de Gildas sous le maître-autel de Rhuys, geste que la découverte de la légende de Denis Gaulois sous un autel d'église déoloise vient donc répéter en l'inversant.

En fin de soirée, l'envie me prend soudain d'aller voir la maison de Jean Lauron, qu'un vague souvenir me fait placer dans la vieille ville. Dans Châteauroux désert, en ce jour de Toussaint où la plupart des restaurants sont fermés, je me glisse Rue Grande, puis rue des Notaires. Aucune plaque sur les maisons, là où je pensais la trouver, à part celle de Maurice Rollinat qui passa là les vingt premières années de sa vie. Je remonte rue de la Vieille Prison, par l'ancienne porte Saint-Martin, et emprunte ensuite une petite rue que je ne connaissais pas, la rue des Remparts, qui surplombe la place du Palan. Six heures résonnent alors au clocher de l'église Notre-Dame, édifiée fin XIXème siècle sur le fossé d'enceinte de l'ancien Château-Raoul, et la lune en croissant se profile, de là où je suis, dans l'axe exact de la flèche, me rappelant la Ballade à la lune de Musset :

C'était, dans la nuit brune,
Sur le clocher jauni,
La lune
Comme un point sur un i.

Une soudaine exaltation s'empare de moi à ce moment-là : il flotte ici comme un parfum de mystère. La quête longtemps interrompue reprend. Rue du Père Adam, un panneau d'information me donne enfin une clé : la maison de Jean Lauron est la "maison du Cadran" (solaire), à l'angle de la rue des Notaires et de la rue Descente de Ville. Maison massive, qui n'offre  au visiteur qu'une face bourrue, volets clos, comme refermée sur son histoire. J'ai soudain envie de tout savoir sur son ancien propriétaire, mais au retour la recherche sur le net est décevante, aucune trace de ses ouvrages, de ses poèmes. Il va me falloir traquer les bibliothèques et les Archives pour en savoir plus long.

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22:29 Publié dans Capricorne | Lien permanent | Commentaires (4)

02 décembre 2007

Le rouet d'Omphale

 Il est dans l'atrium, le beau rouet d'ivoire.
La roue agile est blanche, et la quenouille est noire ;
La quenouille est d'ébène incrusté de lapis.
Il est dans l'atrium sur un riche tapis. (...)

 Victor Hugo (Le rouet d'Omphale, in Les Contemplations)

 

On se souvient peut-être que le lieu-dit le plus proche du centre géométrique de la roue de Phalier était le hameau du Rouet. Au-delà de l'évident  symbolisme circulaire, je me suis interrogé sur une éventuelle particularité de l'objet "rouet", susceptible d'apporter une plus-value de sens à la simple roue définie par la géométrie. Une banale recherche sur le Net me fit rapidement rencontrer Omphale au rouet, le poème symphonique de Camille Saint-Saëns,  et surtout le poème éponyme de Victor Hugo. Ce grand connaisseur de la mythologie grecque, y brode sur la légende d' Hercule contraint, après  avoir violé les lois de l'hospitalité,  à être vendu par Hermès comme esclave. Il est acheté par Omphale, la reine de Lydie et accomplit à son service quelques travaux secondaires (entre autres, capture des Cercopes d'Ephèse qui l'empêchaient de dormir en se transformant en mouches à viande - un épisode cocasse que je vous recommande ; mise à mort d'un serpent gigantesque qui terrorisait la région), mais ce séjour est surtout célèbre par l'inversion des rôles qu'aurait exigé Omphale :  "Tandis qu'Omphale, écrit le poète Lucien, couverte de la peau du lion de Némée, tenait la massue, Hercule, habillé en femme, vêtu d'une robe de pourpre, travaillait à des ouvrages de laine, et souffrait qu'Omphale lui donnât quelquefois de petits soufflets avec sa pantoufle. » Cette représentation a fait florès chez de nombreux peintres, ainsi chez Rubens notre héros, quenouille en main, se fait tirer l'oreille par une Omphale mutine et, comme lui, court vêtue :

 

Avant Rubens, le flamand Bartholomeus Spranger (1546-1611) avait déjà porté très loin cette inversion des valeurs :

"Hercule et Omphale (peinture sur cuivre, v. 1585) est représentatif de l'œuvre pragoise de Spranger : il y traite un sujet mythologique avec un humour malicieux (présent dans le regard narquois et complice d'Omphale, l'attitude gauche du héros désarmé et travesti, et dans le geste railleur de l'indiscrète servante) et y élabore -selon les termes de l'historien d'Art A. Pinelli- un "double oxymoron croisé", c'est-à-dire un échange paradoxal de propriétés entre contraires, résultant non seulement du contraste évident entre le corps sombre et musclé d'Hercule d'une part et la silhouette gracieuse et diaphane de la princesse de Lydie d'autre part, mais aussi de l'inversion des attributs et des rôles effectuée aux dépens du demi-dieu."

Dans une autre version de la légende, ce serait le dieu Pan, rudoyé par Hercule, qui aurait propagé pour s'en venger la version du dieu efféminé - Pan, dieu phallique, tardivement identifié à Priape.


On retrouve le travestissement féminin dans le cortège des Dyonisiaques, où, après  les Bacchantes et les Phallophores, venaient, selon Jacques-Antoine Dulaure les Ithyphalles : "Ils étaient, suivant Hesichius, vêtus d’une robe de femme. Athénée les présente la tête couronnée, les mains couvertes de gants sur lesquels des fleurs étaient peintes, portant une tunique blanche et l’amict tarentin, à demi vêtus, et, par leurs gestes et leur contenance, contrefaisant les ivrognes. C’étaient surtout les ithyphalles qui chantaient les chants phalliques et qui poussaient ces exclamations, eithé me ityphallé !"

 Il faut maintenant savoir que  la capitale de la Lydie d'Omphale n'est autre que Sardes, et que cette ville, située à la latitude de Delphes,  est considérée par Jean Richer comme le centre zodiacal de l'Anatolie. Il cite à ce sujet Marie Delcourt, auteur d'un ouvrage sur l'oracle de Delphes : "La parenté du nom nous engage, après avoir parlé de l' omphalos, à dire un mot de cette Omphalequi obligea Héraclès à se vêtir en femme et à filer à ses pieds. Omphale porte le nom du cordon natal, qui est pour chaque homme, sa destinée même. Le rite des vêtements échangés figure dans les initiations et la bi-sexualité est souvent associé à un processus d'immortalisation. Entre la vieille pierre delphique et la reine de Lydie, il y a sûrement plus qu'une simple assonance."

Or, Richer relève que Lampsaque, dont Priape, on l'a vu, est le dieu tutélaire, est situé sur la ligne 0° Verseau de ce système zodiacal : "De très nombreuses monnaies de cette ville datant d'environ 500 ans av. J.-C. portent un protomé de cheval ailé, c'est-à-dire Pégase, dont nous avons montré que c'est un symbole du Verseau" (Géographie Sacrée du Monde Grec, Guy Trédaniel, 1983, p. 62).

Tout cela est bien beau mais, me dira-t-on fort justement, le père Hugo ne commettait-il pas un sérieux anachronisme en introduisant un rouet à la cour d'Omphale ? Assurément, puisque la première représentation d'un rouet est chinoise et ne date que de 1270... Cela ne signifie pas que le rouet ne soit pas une invention plus ancienne, mais enfin, s'il avait été en usage chez les Grecs, nous en aurions bien évidemment des preuves iconographiques et littéraires. Il reste que le fuseau, dont le rouet est un perfectionnement, possède des valences semblables, ainsi peut-on lire dans le Dictionnaire des Symboles (p. 471) que le fuseau "tourne d'un mouvement uniforme et entraîne la rotation de l'ensemble cosmique. Il indique une sorte d'automatisme dans le système planétaire : la loi de l'éternel retour." Le fuseau apparaît aux  mains des Moires, préfigurant les Parques romaines,  qui accompagnent les mortels et les dieux au moment de leur naissance et de leur mort. Ce motif fréquent dans l'iconographie funéraire antique se retrouve également dans certaines représentations paléochrétiennes,  mais aussi chez Léonard de Vinci avec La Madone aux fuseaux (1501).


Le fuseau préfigure la croix et symbolise évidemment le destin sacrificiel de Jésus. De sa main gauche, Marie entoure l'enfant avec tendresse, mais sa main droite reste suspendue : elle ne peut s'opposer à la destinée (à noter que cette toile, volée dans un château écossais en 2003, a récemment été retrouvée à Glasgow )

Adrien de Barral, dans la Revue du Centre, en 1886, montre que la tradition perdure en Berry d'associer la quenouille au mariage et au baptême, sous les auspices de la Vierge Marie : « Dans une partie du Berry — entre autres, aux environs de Bourges, —vous pouvez voir, dans la chapelle de la sainte Vierge, huit ou dix quenouilles, exposées et rangées sur une espèce de portemanteau en bois. Ces quenouilles ont leur manche brodé (sic) au couteau, historié et enjolivé de dessins variés, de zigzags, de branches de feuillages et de fleurs en saillie. En haut, l'étoupe est emmaillotée de rubans de différentes couleurs, dont les bouts pendent tout autour ... Voici quel en est l'usage : après chaque baptême, on remet une de ces quenouilles à la marraine ; elle l'emporte chez elle, file le chanvre, puis elle refait la quenouille, en y mettant d'autre étoupe et en l'habillant de nouveau. Ordinairement, on renouvelle aussi le manche ; c'est le parrain qui façonne le nouveau bâton, en mettant tous ses soins et tout son goût d'artiste à cette délicate besogne. La marraine alors rapporte aux marguilliers la nouvelle quenouille et leur remet aussi son peloton de fil : ce fil est destiné à être transformé par le tisserand en linge pour l'église.
 Les mariées ont aussi leur quenouille. Le dimanche qui suit le mariage, le sacristain, où un fabricien, vient, pendant la grand'messe, remettre à la nouvelle épousée sa quenouille. Elle fait la même chose que la marraine, et le marié confectionne également un nouveau manche festonné. »

10 novembre 2007

Phalier : essai de synthèse

Phalier, ce saint méconnu, nous a conduits à une divinité celtique (Taranis/Sucellus)  et à une divinité gréco-latine  (Priape), selon que l'on rattache Phalier aux phalères ou au phallos. Des indices existent pour chaque hypothèse, et il est bien difficile de trancher. Mais faut-il trancher justement ? N'y aurait-il pas coexistence des deux acceptions ? Je suis tenté de penser que se place à  l'origine la divinité celtique : Taranis et sa roue céleste auraient été imprimés dans le paysage de la civitas bituricum. Cela m'a d'ailleurs amené à modifier l'idée que je me faisais de la géographie sacrée biturige ; avant Phalier, je n'avais repéré que des constellations symboliques articulées autour de rivières comme l'Arnon et la Bouzanne et je pensais donc qu'une structuration géométrique telle que celle du zodiaque de Neuvy n'était pas envisagée par les Celtes qui vivaient là. Il semblerait donc que ce ne soit pas le cas : la  triangulation des lieux-Phalier, en résonance avec l'étonnante géométrie décelée par les mathématiciens dans l'examen des phalères celtiques, laisse à penser que nos ancêtres gaulois ont borné et organisé  leur territoire de façon rigoureuse, selon des figures géométriques aux dimensions  précises.

A ce propos, j'avais déjà mis en évidence la similarité de deux roues découvertes indépendamment l'une de l'autre : celle de Nesmes, près du Blanc (que l'on peut rattacher au nemeton, sanctuaire central gaulois) et celle de Ménétréols dans la région qui nous occupe actuellement. Or, je me suis aussi aperçu que le diamètre de ces deux roues était égal, à quelque centaines de mètres près, au rayon de la roue de Saint-Phalier (quinze kilomètres environ). C'est donc un ensemble d'une grande cohérence qui se dessine peu à peu devant nous.


Sur ce système symbolique celtique, les Romains ont greffé ensuite leur propre mythologie, sans toucher à l'essentiel. Ainsi Priape se serait-il plus ou moins substitué à Sucellus, sans doute par le truchement d'une divinité comme Sylvain qui présente des caractères communs aux deux divinités en question. Enfin, l'église, devant la force de cette tradition, est contrainte de susciter l'existence d'un saint, en l'occurrence Phalier,  empruntant aux cultes païens à l'honneur depuis des siècles et fortement enracinés dans la pratique populaire.

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Les roues, le triangle d'Outrille et l'axe Saint-Genou-Saint-Ambroix

(carte du calendrier des Postes)

 





26 octobre 2007

Phalier, Priape et les vergers

Flava Ceres, tibi sit nostro de rure corona spicea,
quae templi pendeat ante fores;
pomosisque ruber custos ponatur in hortis,
terreat ut saeva falce Priapus aves;

Tibulle (Elégie I)


(Traduction : Blonde Cérès, que te soit donnée une couronne d'épis venant de notre domaine, pour qu'elle soit suspendue devant les portes de ton temple, et que l'on installe un Priape, rouge gardien, dans nos vergers pleins de fruits, pour que de sa faux cruelle il effraie les oiseaux.)



Etrange destinée mythologique que celle de Priape : le fils de Dyonisos et d'Aphrodite (certaines traditions disent même de Zeus), originaire de Lampsaque en Aise Mineure,  dieu de la fécondité et de la fertilité à qui l'on dédie chants et poésies, finit dans les vergers romains sous forme de statues grossières en bois de figuier vermillonné, autrement dit en épouvantail.

Mais c'est cette association latine entre vergers et Priape qui me retient d'exclure complètement l'hypothèse phallique du nom de saint Phalier. En effet, si l'on veut bien revenir quelque peu en arrière, examinons à nouveau la légende de Saint-Outrille, près de Graçay, où se trouve le premier Saint-Phallier que j'ai mentionné :
"Un jour, on aperçut le diable dans le village. Aussitôt, les braves villageois se mirent en devoir de lui donner la chasse. Le diable se réfugia sur le clocher. Une vaillante commère entreprit de l'en déloger et commença l'escalade. Le diable, sentant son refuge menacé, sauta dans le verger avoisinant. Mais sa queue se prit dans la flèche et la tordit de telle façon que, de nos jours, elle demeure vrillée ...."

Bien sûr, on peut juger que c'est somme toute assez banal, la présence d'un verger au pied d'une église. Poursuivons donc avec le Saint-Phalier levrousain : ceux qui se sont penchés sur la carte IGN du site, que j'ai déjà insérée deux fois, y auront peut-être aperçu sur la route qui mène à Levroux le lieu-dit nommé précisément Le Verger.



Trouverons-nous un troisième verger sur la troisième pointe du triangle, à savoir à Chabris, terre d'élection du saint ermite ?  Je n'en ai point décelé, il est vrai, mais il existe, me semble-t-il, d'autres indices. Encore une fois, c'est l'excellente recension de Jean-Louis Desplaces (Florilège de l'eau en Berry, vol. 3) qui va nous servir de guide. La dernière procession à la fontaine Saint-Phalier, proche de l'oratoire du même nom ( dont j'ai noté qu'elle balisait l'alignement avec le Saint-Phalier de Graçay), a eu lieu en 1973 où elle ne recueillit qu'une centaine de personnes. Cruel contraste avec la même procession avant-guerre, décrite par l'écho paroissial de Chabris en septembre  1934. La narration est enthousiaste :
 
" (...) C'est un pèlerinage champêtre par la traversée des champs et des vignes, la montée d'un chemin abrupt, mais mystique aussi, par une sorte de poésie médiévale qui se dégage des ombres de la crypte, des eaux de la fontaine, des invocations naïves au " guérisseur des douleurs et des enfants en langueur" (...) Aux messes du matin, les dévotions privées et la visite indispensable à la crypte. Un escalier de pierre usé par les pas de quarante générations, conduit au sanctuaire souterrain où trône sur l'autel une statue antique de saint Phalier, curieusement couverte d'un camail de chanoine et d'une étole. (...) Tous les prêtres sont descendus en même temps pour leur visite d'hommage, ils s'agenouillent, prient et passent sous le tombeau de saint Phalier. Ce tombeau est tailladé par les couteaux des pèlerins qui emportaient autrefois de la poussière précieuse ainsi recueillie.
A dix heures et demie, "les  chiens de Saint-Phalier" cloches au timbre argentin, aboient à la population qui, à ce signal, se presse vers l'église et la remplissent. La longue nef ogivale est décorée à chaque arceau d'oriflamme au chiffre du saint Patron. la tribune porte en pendentifs d'immenses grappes de roses d'un merveilleux effet. Le sanctuaire est tapissé de verdure et de roses aux vives couleurs. Deux bosquets de palmiers et de plantes vertes encadrent l'autel dont les degrés sont chargés de bégonias éclatants et superbes, ensemble qui retient les regards
."

C'est cette profusion de verdure et de roses qui m'intrigue et me fait penser aux vers virgiliens :
Vere rosa, autumno pomis, aestate frequentor 
spicis : una mihi est horrida pestis hiemps.

Traduits ainsi par Maurice Rat :
Au printemps je suis couvert de roses, en automne  de fruits , en été d'épis ; seul l'hiver m'est un horrible fléau.

"La rose, explique-t-on icisymbole de l'amour et du désir, est la fleur de Vénus, de Bacchus et de Priape, auquel on offre aussi, à l'occasion, d'autres fleurs : violettes, pavots, etc."
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Mosaïque d'El Jem (Tunisie)

Pascal Quignard : "A Rome, on ne peut distinguer  lusus et religio, sarcasme et sacrifice, Dieu raillé ou Dieu puissant. Fascinus ou Priapus fut honoré de stèles durant tout l'Empire. Priapus est "le premier des dieux", le dieu Prin, le dieu Priopoien (le dieu qui crée-avant la création elle-même). Priapus fut sans la moindre hésitation le dieu le plus représenté de l'Empire. Sarcasme vient du grec sarx, qui est le mot qu'employait Epicure, pour dire le corps (sôma) de l'homme et le lieu unique du bonheur possible. Le sarkasmos, c'est la peau prélevée sur le corps de l'ennemi qu'on a tué. En cousant ces peaux "sarcastiques", le soldat formait un manteau de victoire. Le plus souvent Athéna arbore la tête de Gorgone sur son bouclier, mais il arrive que la déesse porte sur son épaule la dépouille (le sarkasmos) de Méduse. Le latin carni-vore traduit mot à mot le grec sarko-phage." (Le sexe et l'effroi, Gallimard, pp. 104-105)

Difficile de ne pas songer au sarcophage vide de saint Phalier, au profond de la crypte, en calcaire monolithe reposant sur deux piliers, auge de pierre dont on grattait donc "sarcastiquement" la surface pour recueillir la poussière guérisseuse.

 







23 octobre 2007

La motte de Saint-Phalier

Avant d'en revenir au Phalier phallique, une dernière précision sur laroue de Saint-Phalier. Nous avons vu que cette figure était donnée par les trois pointes d'un triangle rectangle portant toutes la marque toponymique de saint Phalier, ermite limousin. Or, sur la circonférence de cette roue, un autre site porte le nom de Saint-Phalier : il ne s'agit point d'un hameau, ni même d'une simple maison et il n'apparaît pas sur la carte IGN.

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Je n'en aurais rien su sans l'ouvrage collectif Histoire et archéologie du pays de Levroux, publié avec le concours, entre autres, du CNRS en 2003. On y apprend donc qu'à "la croisée des chemins de Levroux à Vatan et à Saint-Phalier, à 1,2 km de Levroux et 2 de Saint-Phalier, se dresse une butte artificielle en terre de 22 m de diamètre et 4,5 m de hauteur, couverte par un bosquet. Le donjon de Saint-Phalier est mentionné en 1243 par le cartulaire de Levroux. Il est situé sur la limite de la franchise de Levroux définie en 1259, pour laquelle il constituait un point remarquable dont la stabilité était assurée. Le haut de la motte offrait pour le guet un site exceptionnel d'où l'on pouvait voir très loin dans toutes les directions. Monsieur Bougault-Fauchais y a pratiqué des fouilles et, selon un témoignage oral que nous avons recueilli dans les années 1970, il  y aurait trouvé une tombe à char de l'âge du Fer ; il ne reste ni mobilier ni trace écrite  de cette hypothétique découverte."

Il faut noter que dans ces tombes à char, on rencontre souvent des pièces de harnachement de chevaux, dont ces fameuses phalères dont j'ai parlé naguère.

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00:50 Publié dans Capricorne | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : phalier, roue, motte