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06 juin 2005

La Chapelle du Fer

Sur le bord d'une petite route entre Saint-Plantaire et Crozant s'élève la Chapelle du Fer, mentionnée sur les cartes de Cassini sous le nom de Chapelle Saint-Jean-aux-Fers. Elle est
« le but d'un pélerinage, écrit André Simon en 1910, qu'accomplissent, dans l'intérêt de leur conservation, tous les bestiaux de l'extrémité méridionale du Bas-Berry (...). Le pélerinage a lieu la veille de la Saint-Jean, avec procession autour de la chapelle. Le jour de la Saint-Jean, on fait dire une messe, et, pendant le sacrifice, les fidèles lancent en guise d'offrande, des toisons entières de brebis (La Chapelle du Fer, in Revue du Berry et du Centre, p. 240) ».

Ce pélerinage décrit le premier quadrant zodiacal, celui du printemps, qui court du Bélier (les toisons de brebis) à la fin des Gémeaux, au solstice d'été, dont la Saint-Jean (24 juin) est la figuration chrétienne.
Le Saint-Jean-aux-Fers n'est autre que Saint Jean-Baptiste emprisonné par le roi Hérode puis décapité (Marc, 6-17) à la suite de la danse de Salomé, la fille d 'Hérodiade.

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((Décollation de saint Jean-Baptiste. - BNF, LAT 18014 - fol. 214
Petites Heures de Jean de Berry France, Paris XIVe s, détail)
)

La situation isolée de la chapelle s'expliquerait par cette autre légende : « " Alors qu'une épidémie accablait les troupeaux du bourg de Saint-Plantaire, les habitants firent des prières à Saint Pantaléon qui ne furent pas entendues. Une neuvaine à Saint Jean-Baptiste obtint le succès ; les fidèles reconnaissants décident de construire une chapelle mais les murailles sont renversées, les substructions inondées. Le maître-maçon déclare : « La jalousie règne vraisemblablement au ciel comme sur la terre. Saint Pantaléon est irrité de voir Saint Jean prendre possession de son fief. Que Saint Jean choisisse lui-même le lieu de son sanctuaire. » Il lance dans les airs,, poursuit Jean-Louis Desplaces (Florilège de l'eau en Berry, vol. II, 1981), son marteau qu'un vent emporte au loin. Sept ans après, un taureau mugissait autour d'un objet : la bergère aperçoit un marteau. La chapelle est immédiatement construite. »

L'animal commis à l'élection du lieu saint n'est donc autre que le titulaire zodiacal du secteur. Nous allons voir maintenant que la position de la chapelle ne doit rien au hasard d'un vent, fut-il divin.

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03 juin 2005

De la déesse Ysis

La bergerette de la légende du Rocher des Fileuses, aussi humble fut-elle, n'est pas sans parenté avec une illustre figure de la mythologie, la déesse Isis elle-même, comme en témoigne l'iconographie donnée par La mer des hystoires (1488), recueil très populaire de la fin du Moyen Age :

« On la peignait comme une fort belle pucelle couverte et vestue dung fin rocquet de lin entremesle de lettres dor, en sa teste porte une couronne dor et en son front des cornes de beuf. » (fol XLVII, chap.XXX, De la Déesse Ysis)

Jurgis Baltrusaitis, à qui nous devons cette trouvaille, a bien montré dans un de ses maîtres ouvrages, La Quête d'Isis (Flammarion, 1985), comment le mythe égyptien, quittant sa terre natale, s'était propagé dans toute l'Europe et même aux Indes et en Chine. Il a éloquemment retracé la constitution de la légende autour des textes antiques, de l'Ancien Testament et des pères de l'Eglise, éclairant sa popularité jamais démentie du Moyen Age jusqu'à nos jours, en passant par la Renaissance et la période révolutionnaire :

« Isis, qui enseigna l'agriculture aux hommes et qui, depuis Macrobe et Isidore de Séville, faisant écho à Servius, Plutarque et Varron, était identifiée avec la terre même, devient naturellement l'image de la fertilité de l'âme (...). Dans les illustrations des manuscrits, on voit Isis, tantôt en jardinière ailée soigner les arbres et les plantes, tantôt descendre du ciel sur un nuage ourlé comme de l'étoffe pour greffer une nouvelle branche sur un tronc desséché. » (pp.65-66).

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Le village de Saint-Plantaire, à peu près dans l'axe Neuvy Saint-Sépulchre – Crozant, évoque clairement cette symbolique. Au Moyen Age, à l'instar des Bestiaires qui décrivaient les animaux et des Lapidaires qui recensaient les gemmes et les pierres, les Plantaires dressaient portrait des plantes, réelles et imaginaires, de cette Création.

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02 juin 2005

Le rocher des Fileuses

Sur la rive opposée, en face de la tour Colin du château de Crozant, s’élève la falaise que l’on nomme ici le rocher des Fileuses, d’après une légende que l'abbé Rouzier rapporte ainsi en 1897 dans son « Histoire illustrée des châteaux de Crozant et des Places » :

" Lorsqu'aux jours ensoleillés du printemps, les bergerettes paissent leurs moutons sur la montagne verdoyante, une sorte de joyeux tournoi s'établissait entre elles, ajoutant cet innocent plaisir aux charmes de leurs jeux champêtres.
Au signal donné on voyait les intrépides jeunes filles, la quenouille au côté, le fuseau dans la main, debout toutes ensemble sur le faîte de la roche, qui s'élève à pic sur le torrent à l'heure où le soleil descend lentement sur l'horizon, et où la rivière miroitait, comme une immense lame d'argent diaprée d’efflorescences d'or et d'azur.
Quelle sera la main assez habile pour laisser glisser jusqu'au bas son fuseau et le ramener à elle enlacé de ses mille fils de lin ?
Quel pittoresque spectacle !
Dès que les divers fuseaux entraient dans l'eau, et en remontaient ruisselants de gouttelettes brillantes, il se faisait comme une traînée de diamants qui attiraient les regards.
Assis au haut de la vieille tour, le seigneur, entouré de sa noble épouse et des servants d’armes, les yeux fixés attentivement sur le groupe sémillant des fileuses, attendait avec émotion l’issue de cet intéressant tournoi.
La bergerette qui avait été assez heureuse pour triompher de cette périlleuse épreuve était acclamée par ses compagnes. qui la conduisaient bruyamment à la demeure seigneuriale où le vieux châtelain après avoir effleuré son front virginal d'un baiser paternel, lui plaçait sur la tête une couronne de fleurs et lui offrait la main de l'un de ses jeunes varlets (...)
A ce moment le barde chantait sur la harpe sonore, le triomphe de la douce héroïne du Fuseau.
Au loin des cris guerriers ont rompu le silence
Allons ! Preux chevaliers armez-vous de la lance !
Est-ce l’ennemi qui s’avance ?
Non, c'est la fleur d’amour,
Preux chevaliers, abaissez votre lance !
Saluez ! Saluez la reine de ce jour !
Chantez, chantez, l'hymne d'amour !
"


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Autres fileuses : Les Parques



Tout fait sens dans cette légende. Tout d'abord, elle se déroule au printemps, à une époque où la montagne est verdoyante : c’est précisément en Taureau, deuxième signe de printemps, que la nature, sous nos latitudes, connaît une explosion de vert. Les arbres longtemps dénudés recouvrent leur feuillage et les pâturages sont à nouveau en mesure d’accueillir le bétail. Cet hymne d'amour exprime parfaitement la domiciliation de Vénus dans le signe, Aphrodite grecque, « née de l'écume » (ex toû aphroû), dont ce fuseau iridescent surgi des flots de la Creuse porte encore le souvenir. Vaste symbole d’ailleurs que ce fuseau qui résume à lui seul le trajet initiatique de l'adepte.

Cette descente, cette plongée dans les eaux tumultueuses de la Creuse et l’étincelante remontée symbolisent en effet le parcours nécessaire du chevalier. On l’a vu pour Enée, et cela est vrai pour tous les héros, le passage par les Enfers est obligatoire. Pour accéder à un niveau d’ être supérieur, il importe de sortir victorieux de cette épreuve fondamentale, en termes psychologiques, de la plongée dans l’ inconscient. L'enfer est inferis, le lieu d'en bas, représenté par la Creuse, dont l'étymologie est la même que celle de Crozant (gaulois croso « creux »). L'ascension du fuseau figure alors le triomphe du héros sorti métamorphosé de sa confrontation avec les puissances infernales. Le fil fait le lien entre les différents niveaux cosmiques. Et les Fileuses ne sont pas sans faire penser aux Parques romaines et aux Moires grecques :
« Ces divines et infatigables filandières n'avaient pas seulement pour fonction de dérouler et de trancher le fil des destins. Elles présidaient aussi à la naissance des hommes. Enfin, elles étaient chargées de conduire à la lumière et de faire sortir du Tartare les héros qui avaient osé y pénétrer. C'est ainsi qu'elles servirent de guides à Bacchus, à Hercule, à Thésée, à Ulysse, à Orphée, etc. C'est à elles encore que Pluton confiait son épouse, lorsque, suivant l'ordre de Jupiter, elle retournait dans le ciel pour y passer six mois auprès de sa mère. » ( P. Commelin, Mythologie grecque et romaine, pp. 95-98.)

Le fil est suivi des yeux par le vieux seigneur et sa suite. Il importe en effet de ne jamais le perdre du regard, c'est la leçon du mythe du fil d'Ariane. C'est le lieu de se souvenir qu'à l'intérieur du palais crétois du roi Minos était enfermé le Minotaure, monstre à corps l'homme et tête de taureau: à qui l'on sacrifiait, tous les neuf ans, sept jeunes gens et sept jeunes filles amenés d’Athènes en tribut. Le combat contre le Minotaure « ne peut être victorieux que grâce à des armes de lumière : d'après une légende ce n'est pas seulement avec sa pelote de fil qu' Ariane permit à Thésée de revenir des profondeurs du labyrinthe, où il avait assommé le Minotaure à coups de poings, c'est grâce à sa couronne lumineuse, dont elle éclaire les détours obscurs du palais. » (Dictionnaire des Symboles, p.635)

La couronne de fleurs dont le châtelain honore la bergerette pourrait bien être une réminiscence de cette légende...

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01 juin 2005

Crozant

Reprenons : Gérald (ou Géraud) de Crozant concède la villa Sosteranea aux chanoines de saint Martial. Crozant où s'élève la forteresse des Comtes de la Marche, un peu plus au nord de La Souterraine, en secteur Taureau, sur l'éperon rocheux dominant le confluent de la Creuse et de la Sédelle. Site impressionnant, sauvage, que l'on atteint par de petites routes escarpées, tortueuses. George Sand, en découvrant ce lieu en 1827, en assura sa célébrité et toute une pléiade de peintres paysagistes s'en enticha au point qu'on parle encore aujourd'hui d'une Ecole de Crozant.

Lieu retiré, mal accessible, pourtant sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, étape entre Gargilesse et La Souterraine, ayant longtemps appartenu à la famille des Lusignan que nous connaissons bien maintenant.

A l'intérieur des ruines, nous retrouvons une crypte, sise entre la Tour dite du Renard et celle dite d'Isabelle d'Angoulême, épouse de Hugues de Lusignan (XIIème siècle).

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30 mai 2005

Les porteurs de torches

Rappel de l'hypothèse : Alpinien et Austriclinien, saints compagnons de Martial, auraient pris la place des parèdres de Mithra, Cautès et Cautopatès.

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Alpinien dérive évidemment d'Alpes, nom d'origine celtique qui désigne la montagne. Je lis aussi (sur un site traitant des Pyrénées... ) que Servius, à l'occasion d'un vers de l'Enéide, IV, 442, dit que Alpes signifie en gaulois, montagnes élevées.

Austriclinien est clairement à rapprocher d'Auster « vent du sud » et « région méridionale », australe. Il est intéressant de lire la notice que lui consacre le Dictionnaire Historique de la Langue Française (Robert, 1995) : « A la différence d'autres termes désignant les vents, celui-ci n'est pas grec ; on l'a rapproché de l'ancien haut allemand ostar « de l'Est » (Ost) mais la confusion des points cardinaux est très improbable. Toutefois les philologues anglo-saxons maintiennent cette hypothèse qui conduit à apparenter le nom de l'est (→ est), celui du vent et celui du lever du jour (→aurore). Si cela était, il y aurait aussi parenté avec les noms propres Autriche et Ostrogoth, formés sur le nom de l'est.(...) »

La relation Alpinien-Austriclinien est donc à envisager sous deux aspects possibles :

Si Austriclinien provient d'Auster, vent du sud, Alpinien lui fait écho en incarnant le Nord : en effet, la montagne sacrée, centre du monde, coïncide avec l'axe du monde. « Son sommet se trouve sous la Polaire, véritable clef de voûte de ce système imaginaire merveilleusement homogène. » (Monde des Symboles, p. 169). Cette dualité rejoindrait plutôt le thème de l'ascension et de la descente des âmes.

Si Austriclinien s'apparente à l'est, à l'aurore, il rejoint parfaitement le symbolisme du soleil levant qui s'attache à l'un des deux dadophores. Et j'ai déjà signalé dans un article passé que l'orientation des mithraea était conçue en sorte que le soleil levant de l'équinoxe de printemps illuminait l'image cultuelle de la divinité. Ce n'est sans doute pas sans raison que la légende fait mourir Austriclinien en Toscane, et que Martial le ressuscite à l'aide du bâton que saint Pierre lui a confié. Le lever de l'astre est à interpréter en effet comme une véritable résurrection quotidienne. Alpinien, dans ce cas de figure, incarnerait le soleil couchant. Rien cependant ne semble nous autoriser à relier son nom à l'ouest. Son marquage septentrional suffit-il à le relier à l'obscurité ? Est-il fortuit, par ailleurs, que ce soit dans certains cantons des Alpes que la religion mithraïque se perpétue jusqu'à cinquième siècle ? "Sallying forth from the flourishing cities of the valley of the Rhone, the foreign cult crept even into the depths of the mountains of Dauphiny, Savoy, and Bugey. Labâtie near Gap, Lucey not far from Belley, and Vieu-en-Val Romey have preserved for us inscriptions, temples, and statues dedicated by the faithful." Franz Cumont (The Mysteries of Mithra, 1903)

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Que l'on développe donc l'une ou l'autre des significations d'Austriclinien, on débouche soit sur une dualité manifeste avec Alpinien, soit sur un rappel très net de l'orientation essentielle des mithraea.

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Un épisode de la vie de saint Martial me frappe aussi particulièrement, c'est celui de la destruction des idoles à Bordeaux.

Il se trouve que dans cette ville on a exhumé en 1986 le plus grand mithraeum découvert en France (180 m2). Malheureusement, il semble qu'on l'ait détruit peu après, si l'on en croit l'archéologue Jean-Pierre Bost dans un article du Point de mai 2004 :
« Il y a quelques années, un temple de Mithra (divinité antique) du iie ou iiie siècle, bien conservé et découvert cours Victor-Hugo, a été détruit parce que le conservateur du patrimoine et la ville sont tombés d'accord sur cette décision. De même, un sanctuaire exhumé près de l'ancien cinéma Le Rio et montrant comment une ville antique très romanisée avait su conserver des traditions gauloises, a été rasé. »

Etrange persévérance dans la destruction des idoles...

A lire également :
L'Evangile de Matthieu dans sa confrontation au culte de Mithra

23:50 Publié dans Taureau | Lien permanent | Commentaires (0)