15 juin 2005
Io et Isis
« Tout avait commencé par certains rêves étranges, lorsque Io était prêtresse de l'Héraïon près d'Argos, le plus ancien des sanctuaires, le lieu qui donnait la mesure du temps : pendant longtemps, les Grecs ont compté les années en se référant à la succession des prêtresses dans l'Héraïon. Les rêves sussurraient l'amour ardent que Zeus ressentait pour elle et lui conseillaient d'aller vers les prairies de Lerne, où paissaient les boeufs et les moutons de son père. Désormais, les rêves la voulaient ainsi : non plus prêtresse consacrée à la déesse, mais bête consacrée au dieu (...). C'est ce qu'elle devint. » (Roberto Calasso, Les Noces de Cadmos et Harmonie, p. 16)
Cette Io, fille du roi grec Inachos, était identifiée selon une tradition classique à Isis, comme en témoigne la note suivante de Jean Miélot, secrétaire de Philippe le Bon, lors d' un commentaire de l'Epitre d'Othéa de Christine de Pisan :
Yo, fut autrement appellee Ysis, dont Paris ou Parisisus est ditte, de para, c'est a dire empres, et de Ysis, ainsi : Paris est une cite situee empres Ysis, c'est a dire empres Saint Germain des prez ou son idole fu jadiz aouree et encore y perd aujourdhuy. ( Baltrusaitis, La Quête d'Isis, p.59)
Calasso décline les diverses variantes de l'enlèvement d'Europe, dont celle-ci :
« Comment tout cela avait-il commencé ? Si l'on veut de l'histoire, c'est une histoire de discorde. Et la discorde naît de l'enlèvement d'une jeune fille, ou du sacrifice d'une jeune fille. L'un ne cesse de se transformer en l'autre. Ce furent les « loups marchands » débarqués de Phénicie qui enlevèrent à Argos la tauropárthenos, la « vierge dédiée au taureau », appelée Io. Comme un message transmis de montagne en montagne, cela alluma le feu de la haine entre les deux continents. Depuis lors, Europe et Asie se battent, et à chaque coup de l'une suit un coup de l'autre. Ainsi les Crétois, « sangliers de l'Ida », enlevèrent à Asie la jeune fille Europe. Ils revinrent dans leur patrie sur un bateau en forme de taureau et ils offrirent Europe en épouse à leur roi Astérios. Ce même nom céleste aurait été aussi un des noms d'un petit-fils d'Europe : ce jeune homme à tête de taureau qui vivait au centre du labyrinthe, dans l'attente de ses victimes. Mais, plus souvent, on l'appela le Minotaure. » (Les Noces de Cadmos et Harmonie, p. 17)
Plusieurs illustrations anciennes représentent l'enlèvement d'Europe par Zeus sur un bateau décoré d'une image de taureau. Baltrusaitis signale ainsi une miniature en tête d'un chapitre de Boccace (1313-1373) figurant la « tres ancienne ysis deesse et royne des egyptiens » dans un bateau semblable à celui du blason parisien. Dans une autre miniature, le navire arbore un pavillon avec une vache.
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