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02 octobre 2006

Denis Gaulois (3) : Et moi je fais ce que je veux d'elles

«  Il étoit beau de voir la conduite des susdits animaux ; comme ils entroient et sortoient dudit caveau pour aller pâturer et faire ce qu'ils avoient besoin, et comment le bonhomme les rappeloit. L'on a vu, disoit-il, les bêtes se dévorer entre elles et manger les hommes, et moi je fais ce que je veux d'elles. »


Il y aura donc bientôt quatre cents ans, le 2 octobre 1610, l'on découvrait donc la légende de Denis Gaulois sous un autel de l'église de Déols. Le docteur Fauconneau-Dufresne ne précise pas quelle église, ni ne donne de précisions sur la nature du document, son aspect, son état de conservation. Etrange découverte : par le plus singulier des hasards, le chancelier du roi, Charles de Laubépine, est présent (il est spécifié qu'il fait inventorier la légende séance tenante). Au fait, qui est le roi à cette date ? Henri IV a été assassiné par Ravaillac quelques mois plus tôt, le 14 mai précisément. La veille, Marie de Médicis avait été enfin sacrée reine de France à Saint-Denis par le cardinal François de Joyeuse. Un couronnement que le bon roi Henri avait longtemps repoussé. Louis XIII n'ayant que neuf ans, c'est donc Marie de Médicis qui assure la régence. Y a-t-il un lien entre ces événements et la découverte de la légende ? Quelques indices tendent à le croire.

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Marie de Médicis en costume de sacre, peint par François Pourbus en 1610
 
 

Onze ans plus tard, nous avons vu que le prieur claustral délivrait une copie notariée et dûment certifiée au prince de Condé, devenu duc de Châteauroux et prince de Déols. Or, Condé n'est pas n'importe qui dans le royaume.

Henri II de Bourbon-Condé n' était rien moins que Premier Prince du sang, Grand Veneur et Grand Louvetier du royaume. Elevé par Henri IV lui-même - son père ayant été assassiné et sa mère emprisonnée - mariée ensuite à la trop belle Charlotte de Montmorency que son mentor poursuivait de ses assiduités, il avait dû s'exiler à Bruxelles. La mort de Henri lui permet de revenir en France. Embastillé en 1615, il est libéré quelques années plus tard par Louis XIII. Et en 1621, on lui remet donc les clés de Châteauroux et de Déols, en même temps que la copie certifiée de la légende. Pourquoi une telle mise en scène ? Ce qui nous apparaît comme une aimable fantaisie a très certainement son importance symbolique : n'y a-t-il pas comme un air de famille entre ce Denis Gaulois, éleveur de bêtes féroces, grand chasseur, dompteur émérite, et ce Grand Veneur et Grand Louvetier de prince de Condé ?


Nous retrouvons par ailleurs la trace de Charles de Laubépine à Bourges, où sa famille avait acquis en 1552 le palais Jacques Coeur.

« A cette époque, peut-on lire sur le site des Amis de Jacques Coeur, le frère de Claude de Laubépine, évêque de Limoges fait construire un hôtel qui prend comme nom Hôtel de Limoges, aujourd'hui disparu. De 1629 à 1636, le prince de Condé et son frère le prince de Conti habiteront respectivement le palais de Jacques Cœur et l'hôtel de Limoges. »

Comme par hasard, Condé vient loger chez Laubépine. 

Or, nous allons bientôt voir l'importance de Bourges dans la légende déoloise.

Pour en finir aujourd'hui, regardons la date : 2 octobre. C'est la saint Léger. Dont j'ai déjà montré ailleurs la corrélation très forte avec saint Denis. Un seul exemple : lors de la translation du corps de saint Léger, le cortège s'arrête à Ingrandes dans la Vienne :

« Ingrandes apparaît comme le lieu de plusieurs miracles dans le récit de la translation des cendres de saint Léger, depuis l'endroit de son supplice jusqu'à Saint-Maixent (Deux-Sèvres), en 683. Le cortège qui accompagnait les cendres du saint comprenait de nombreux mendiants et infirmes ; il s'arrêta quelque temps à Ingrandes. L'évêque de Poitiers leur avait fait porter des vivres, mais en quantité insuffisante. Une nouvelle multiplication des pains vint à bout de la disette. Des guérisons miraculeuses furent également rapportées : celles d'un boiteux, d'un paralytique, d'un jeune aveugle, d'une femme aux mains tordues... »

Or, le même site du diocèse de Poitiers précise que « Sous l'Ancien Régime, la cure d'Ingrandes était à la nomination du prieur de Saint-Denis-en-Vaux, qui dépendait de la grande abbaye de Saint-Denis-en-France. »



 

23:05 Publié dans Capricorne | Lien permanent | Commentaires (3)

Commentaires

Bonjour, je suis depuis plusieurs mois votre blog d'investigations symboliques en terre du centre-ventre avec grand intérêt; et j'y puise aussi inspiration pour mon propre travail (peinture à l'huile sur toile principalement).
Je prépare une expo à la mairie de châteauroux du 24 octobre (vernissage 18h) au 1er décembre titrée: "Châreauroue, une cité d'utopie et de rencontres."
Le -e- remplaçant le -x- me permet d'entrer et de faire entrer le spectateur (qui le veut) dans un monde parallèle, mais donc présent, où l'imagination (et les coÏncidences) modifie notre lien au réel; le château-la roue nous renvoie à la création du monde mythologique, aux géants fondateurs, aux rois du monde...
cordialement, jean-marc le bruman

Écrit par : jean-marc le bruman | 03 octobre 2006

Curieux de retrouver ici le Cardinal de Joyeuse !

Je vous invite à regarder ce que j'avais écrit dans un autre site sur une curieuse statue, propriétaire au départ des Joyeuses :

http://www.i-services.net/membres/forum/messages.php?page=1&nbr_results=219&user=28736&idsalon=70476&idsujet=756406&page_index=0#bottom

Écrit par : Marc Lebeau | 04 octobre 2006

Bonjour, Jean-Marc,

Très heureux et flatté de l'intérêt que vous portez à mes pérégrinations sidérales. Et c'est donc avec plaisir et curiosité que j'irai visiter votre exposition à la Mairie de Châteauroux, pardon Châteauroue, devenue (re-devenue ?) centre de la roue cosmique, moyeu symbolique qui reprend plus de deux millénaires plus tard le rôle peut-être tenu alors par Déols (dont j'incline de plus en plus à penser qu'il fut le grand ombilic des Bituriges, à une époque où ceux-ci avaient la suprématie en Gaule - ce qui n'était plus le cas lors de l'époque romaine).
Je ne peux que me réjouir de voir l'art d'aujourd'hui puiser dans le vivier toujours actif des mythes ancestraux.
Bien cordialement,

Robin

NB : Vous apportez de l'eau au moulin de Colette, lectrice fidèle qui trouvait naguère étrange cette concentration de Marc dans les commentateurs du site...

Écrit par : Robin | 04 octobre 2006

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