11 juin 2005
Saint-Germain-Beaupré
La croisade était bien sûr le modèle de l'engagement du chevalier. La maison de Foucauld, qui se réclamait d'alliances avec les Lusignan -ce qui ne saurait nous surprendre-, vit un de ses représentants accompagner Saint-Louis dans son expédition vers les Lieux Saints.
Plan du château de Saint-Germain-Beaupré (Archives Départementales de la Creuse)
Le propre château des Foucauld, Saint-Germain-Beaupré, toujours en secteur Taureau, mérite quelque attention. L'actuel édifice est élevé sur l'emplacement de l'ancien château féodal daté de 1182, lui-même probablement édifié sur les ruines d'une motte castrale. Ce nom de Saint-Germain-Beaupré ne peut manquer d'évoquer l'abbaye royale de Saint-Germain des Prés. Un rapprochement qui n'est peut-être pas fortuit : l'abbaye était le lieu d'un temple d'Isis. C'est du moins ce que rapporte le premier historien de Paris, Gilles Corrozet, en 1550 :
« Touchant l'imposition du nom, aucuns dient que la ou est S. Germain des prez y avoit un temple dédié à la superstition de l'idole ou déesse Isis, qu'on racompte avoir esté féme du Grand Osiris ou Jupiter le Juste, la statue de laquelle a esté veue de nostre temps, et en ay souvenance... Ce lieu esté appelé le temple d'Isis et pour ce que la cité en estoit prochaine, elle fut nommée Parisis (quasi juxta Isis), pres du temple d'Isis. » (Jurgis Baltrusaitis, La Quête d'Isis, p. 58).
Quoi qu'il en soit de la véracité de l'information et de la fantaisiste étymologie de Paris, il reste qu'on peut vérifier que Saint-Germain des Prés est bien dans la direction du degré zéro de Taureau, par rapport au centre de l'Ile de la Cité, coeur de la vieille Lutèce.
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09 juin 2005
La croix de saint André
Cette croisée diagonale des chapelles et des châteaux n'est autre que la croix renversée, la croix en X dite croix de Saint-André, dont le nom vient du grec Andreios, homme. Selon Guy-René Doumayrou, cette croix est un « Rappel de l' « animal à figure d'homme aux quatre visages » d'Ezéchiel, elle évoque d'abord l'homme écartelé sur la roue, supplicié de l'injustice aveugle aux échafauds de la société, mais aussi, plus près des principes, l'être microcosmique divisé et réduit à ses quatre éléments, ou quatre membres, pour être reconstruit sur un niveau supérieur d'existence, comme l'image du sautoir déjà le suggérait. C'est ce qui vaut à l'apôtre André (traduisez du grec : le messager-homme) d'être le saint patron de tout vrai chevalier destiné, comme le martyr, à chercher sa liberté dans le sacrifice de sa propre intégrité. » (G.S., p. 80) La croix de Crozant signe en définitive l'union du temporel et du spirituel, la mission du seigneur s'engageant à être le héraut et le défenseur de l'Eglise, et qui met son épée et son courage au service de la Foi.
Le chevalier est l'égal du martyr, écrit Doumayrou, et cela n'est pas anodin : les saints évoqués jusque-là sont tous des martyrs. Un vitrail de la cathédrale de Chartres consacré à saint Pantaléon le montre d'abord attaché à une croix de saint André, torturé par deux bourreaux qui le brûlent avec des torches, puis subissant le supplice de la roue.
L'un des plus importants ordres de chevalerie de la chrétienté patronné par saint André fut l'ordre de la Toison d'Or, fondé le 10 janvier 1430, à Bruges, par le Duc de Bourgogne Philippe le Bon, à l'occasion de son mariage avec Isabelle de Portugal.
Les membres de l'ordre portaient un collier auquel appendait la dépouille du bélier fabuleux : « Peu après, par scrupule ou par prudence, note Philippe Audoin, on tentera de substituer au héros païen le biblique Gédéon qui, ayant étendu à terre une toison de mouton, y recueillit au matin la rosée céleste. Il s'agissait toujours de requérir un don surnaturel. Nous avons déjà noté que pour les Alchimistes, c'est entre le Bélier et Taureau, que le Spiritus mundi, la rosée céleste, doit intervenir dans l'opération à laquelle elle adjoint ce mystérieux catalyseur : la vie. » (Bourges, cité première, Julliard, 1972, p. 63).
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06 juin 2005
Chapelles et châteaux
Le château de Crozant se situe presque exactement au point médian d'une ligne unissant la Chapelle du Fer et La Chapelle-Baloue, village creusois, mais qui, comme Saint-Plantaire, relevait de l'abbaye de Déols. Pour bien confirmer sa vocation symbolique, cet alignement prend aussi dans sa course le hameau de Saint-Jallet et le manoir des Places ( comportant également une chapelle), et passe près du hameau nommé Chapelle Sainte-Foy.
Il est particulièrement intéressant de retrouver ici la trace de la sainte qui fit les beaux jours de la célèbre abbatiale de Conques. Relatons brièvement l'histoire. Foy, jeune chrétienne de douze ans, convertie par saint Caprais, l'évêque de la ville d'Agen, fut victime des persécutions de Dacien en refusant de sacrifier aux dieux païens. Fouettée, placée sur un gril, elle fut enfin décapitée en compagnie de saint Caprais et d'un jeune païen récemment converti du nom de Prime. La chanson de sainte Foy, écrite en occitan à la fin du XIème siècle, place ce martyre le 6 octobre 303, ce qui donne lieu à une procession annuelle le dimanche suivant ce 6 octobre.
"Sur le coin inférieur gauche du tympan de l'abbatiale, Foy est représentée prosternée. Derrière elle, pendent les fers des prisonniers libérés par son intercession." (site aveyronnais) Comment ne pas penser aux fers de saint Jean ?
Il se trouve qu'en cette même année 303 eut lieu le martyre de saint Pantaléon à Nicomédie, en Asie Mineure. Saint Pantaléon, titulaire de l'église de saint Plantaire, lui aussi condamné à la décollation (représenté par un tableau du 18ème siècle encore présent dans l'édifice). Décollation infligée également à saint Jean-Baptiste. Certes, le châtiment était courant, mais l'accumulation et la concordance de dates sont tout de même surprenantes.
La chapelle des Places est elle aussi le but d'un pélerinage, récent celui-ci puisqu'il ne remonterait qu'au 18ème; mais il pourrait bien être l'écho assourdi de la tradition dont nous avons suivi les traces jusqu'ici. L'histoire qui en est le prétexte offre bien des points de comparaison avec les légendes que j'ai évoquées. Elle met en scène Gabriel-François de Foucauld, comte de Crozant :
« A l'occasion d'une promenade qu'il effectuait dans la région de Crozant, Gabriel-François avait remarqué une jeune paysanne. Voulut-elle lui échapper, où à ses sbires ? La jeune fille se jeta à l'eau et se noya. Repentant, Gabriel-François aurait fait construire cette chapelle, où il a demandé à être inhumé aux côtés de sa jeune victime. Ainsi l'honneur d'une virginité et le repentir d'un grand seigneur ont-ils donné naissance au culte et au pouvoir miraculeux de la Vierge des Places. » (Gilles Rossignol, Le Guide de la Creuse, La Manufacture, 1988, p. 72)
Ce n'est pas tout : cette ligne des chapelles est contrebalancée par une ligne des châteaux qui lui est perpendiculaire. Châteaux de Clavière, du Faisceau et surtout de Chazelet. L'église de cette paroisse est précisément dédiée à saint Jean-Baptiste. Elle renferme le tombeau de Guillaume d'Aubusson (16ème) provenant de l'ancienne chapelle de Chassingrimont, où les vestiges d'un château-fort sont encore visibles. C'est d'ailleurs François Pot, seigneur de ce lieu qui fit construire Chazelet au milieu du 16ème siècle, seigneur également du château de la Prune, dit la Prune-au-Pot, sur l'axe Tilly-Verneuil-sur-Igneraie.
Si l'on prolonge l'axe des châteaux au-delà de Chazelet, on atteint un autre hameau dit Le Colombier et surtout le village de Luzeret. Chassingrimont évoquant bien évidemment le Chassin, nous retrouvons là encore le réseau Bélier-Balance décelé à la fin de l'investigation sur le Bélier.
Comment interpréter maintenant cette croisée diagonale ?
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La Chapelle du Fer
Sur le bord d'une petite route entre Saint-Plantaire et Crozant s'élève la Chapelle du Fer, mentionnée sur les cartes de Cassini sous le nom de Chapelle Saint-Jean-aux-Fers. Elle est
« le but d'un pélerinage, écrit André Simon en 1910, qu'accomplissent, dans l'intérêt de leur conservation, tous les bestiaux de l'extrémité méridionale du Bas-Berry (...). Le pélerinage a lieu la veille de la Saint-Jean, avec procession autour de la chapelle. Le jour de la Saint-Jean, on fait dire une messe, et, pendant le sacrifice, les fidèles lancent en guise d'offrande, des toisons entières de brebis (La Chapelle du Fer, in Revue du Berry et du Centre, p. 240) ».
Ce pélerinage décrit le premier quadrant zodiacal, celui du printemps, qui court du Bélier (les toisons de brebis) à la fin des Gémeaux, au solstice d'été, dont la Saint-Jean (24 juin) est la figuration chrétienne.
Le Saint-Jean-aux-Fers n'est autre que Saint Jean-Baptiste emprisonné par le roi Hérode puis décapité (Marc, 6-17) à la suite de la danse de Salomé, la fille d 'Hérodiade.
((Décollation de saint Jean-Baptiste. - BNF, LAT 18014 - fol. 214
Petites Heures de Jean de Berry France, Paris XIVe s, détail) )
La situation isolée de la chapelle s'expliquerait par cette autre légende : « " Alors qu'une épidémie accablait les troupeaux du bourg de Saint-Plantaire, les habitants firent des prières à Saint Pantaléon qui ne furent pas entendues. Une neuvaine à Saint Jean-Baptiste obtint le succès ; les fidèles reconnaissants décident de construire une chapelle mais les murailles sont renversées, les substructions inondées. Le maître-maçon déclare : « La jalousie règne vraisemblablement au ciel comme sur la terre. Saint Pantaléon est irrité de voir Saint Jean prendre possession de son fief. Que Saint Jean choisisse lui-même le lieu de son sanctuaire. » Il lance dans les airs,, poursuit Jean-Louis Desplaces (Florilège de l'eau en Berry, vol. II, 1981), son marteau qu'un vent emporte au loin. Sept ans après, un taureau mugissait autour d'un objet : la bergère aperçoit un marteau. La chapelle est immédiatement construite. »
L'animal commis à l'élection du lieu saint n'est donc autre que le titulaire zodiacal du secteur. Nous allons voir maintenant que la position de la chapelle ne doit rien au hasard d'un vent, fut-il divin.
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03 juin 2005
De la déesse Ysis
La bergerette de la légende du Rocher des Fileuses, aussi humble fut-elle, n'est pas sans parenté avec une illustre figure de la mythologie, la déesse Isis elle-même, comme en témoigne l'iconographie donnée par La mer des hystoires (1488), recueil très populaire de la fin du Moyen Age :
« On la peignait comme une fort belle pucelle couverte et vestue dung fin rocquet de lin entremesle de lettres dor, en sa teste porte une couronne dor et en son front des cornes de beuf. » (fol XLVII, chap.XXX, De la Déesse Ysis)
Jurgis Baltrusaitis, à qui nous devons cette trouvaille, a bien montré dans un de ses maîtres ouvrages, La Quête d'Isis (Flammarion, 1985), comment le mythe égyptien, quittant sa terre natale, s'était propagé dans toute l'Europe et même aux Indes et en Chine. Il a éloquemment retracé la constitution de la légende autour des textes antiques, de l'Ancien Testament et des pères de l'Eglise, éclairant sa popularité jamais démentie du Moyen Age jusqu'à nos jours, en passant par la Renaissance et la période révolutionnaire :
« Isis, qui enseigna l'agriculture aux hommes et qui, depuis Macrobe et Isidore de Séville, faisant écho à Servius, Plutarque et Varron, était identifiée avec la terre même, devient naturellement l'image de la fertilité de l'âme (...). Dans les illustrations des manuscrits, on voit Isis, tantôt en jardinière ailée soigner les arbres et les plantes, tantôt descendre du ciel sur un nuage ourlé comme de l'étoffe pour greffer une nouvelle branche sur un tronc desséché. » (pp.65-66).
Le village de Saint-Plantaire, à peu près dans l'axe Neuvy Saint-Sépulchre – Crozant, évoque clairement cette symbolique. Au Moyen Age, à l'instar des Bestiaires qui décrivaient les animaux et des Lapidaires qui recensaient les gemmes et les pierres, les Plantaires dressaient portrait des plantes, réelles et imaginaires, de cette Création.
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