06 février 2006
La Dame et le Pélerin
Cette figure féminine du palais de Jacques Coeur serait, selon Philippe Audoin, une allégorie alchimique. Ecoutons sa description remarquablement précise : « Les ailes, dont le plumage est ciselé avec une extrême finesse, s'étalent de part et d'autre des épaules sur lesquelles se dresse, entre l'attache de l'aile et la naissance du cou, une plume isolée, un rémige parfaitement droit et complaisamment détaillé.
On ne voit pas les pieds de la dame : elle est issante d'un petit jardin, clos d'une palissade de vannerie que surmontent diverses fleurs parmi lesquelles on peut reconnaître des églantines et des pâquerettes à demi closes.
De chaque côté de cette figure centrale, on distingue les « fantômes » de motifs qui ont été systématiquement martelés, on ne sait quand ni pourquoi, mais dont la silhouette rugueuse est encore très lisible. Il s'agit de rameaux fleuris, analogues à ceux qui garnissent le jardinet, et de deux coeurs sommés d'une croix pattée, très semblables à celui qui, à la porte d'accès de la chapelle, paraît dans l'oeuf philosophique. On ne saurait évidemment affirmer que ceux de notre cheminée étaient, eux aussi, chargés d'une coquille, mais il y a tout lieu de le penser. » (op. cit. pp. 146-147)
L'auteur a ensuite l'idée lumineuse de rapprocher ce bas-relief d'une gravure du XVIème siècle, « qui passe quelquefois pour représenter le théologien Gerson, mais qu'ailleurs on désigne simplement par Le Pèlerin(...) ». Arrivés à ce point, il nous faudra accompagner pas à pas son commentaire, en le faisant suivre du nôtre.
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02 février 2006
A vaillans cuers riens impossible
"Bourges, vieille cité berrichonne, silencieuse, recueillie, calme et grise comme un cloître monastique, déjà fière à juste titre d'une admirable cathédrale, offre encore aux amateurs du passé d'autres édifices également remarquables. Parmi ceux-ci, le palais Jacques Cœur et l'Hôtel Lallemant sont les plus purs joyaux de sa merveilleuse couronne. "
Fulcanelli, (Le mystère des Cathédrales, Pauvert, 1964, p.175 )
Véritable transversale du pays berrichon, l'axe Cluis-Neuvy-Bourges est tout d'abord jalonné par le petit bourg de Tranzault que j'ai déjà évoqué pour ses fontaines. Paroisse sous patronage royal, ai-je signalé aussi, ce qui n'est pas anodin, d'autant plus qu'à trois kilomètres de là seulement s'élève le puissant château de Lys Saint-Georges qui, selon la tradition, devrait son nom à une rencontre entre Philippe Auguste et Richard Coeur de Lion. Il aurait de plus appartenu à l'illustre Argentier berruyer, Jacques Coeur. Figure quasi mythique de la fin du Moyen Age, on l'a soupçonné de tout temps d'avoir possédé le secret de la Pierre Philosophale. A tout le moins, il était familier de la symbolique hermétique comme en témoigne à l'envi l'ornementation de ses demeures dont, en tout premier lieu, celle de l'Hôtel qu'il fit construire à Bourges. En ce qui nous concerne, nous retrouvons sa marque à Lys Saint-Georges en l'aspect d'un blason portant la coquille Saint-Jacques. Mais que dire du nom même du castel (que j'ai déjà approché symboliquement ici) sinon qu'il exprime des notions essentielles de la gnose alchimique : « En alchimie opérative, explique Serge Hutin, la fleur de lys symbolise l'eau, le mercure philosophal. Plus généralement, elle s'appliquera à la Féminité divine. La fleur de lys joue un rôle central dans les mystères hermétiques : on la représente d'ordinaire portée par un personnage féminin. » (in. Histoire et Guide de la France Secrète, Planète, 1968, p. 250). Quant à saint Georges, le chevalier vainqueur du dragon, il figure le combat du soufre et du mercure.
Il se trouve maintenant que l'alignement Lys – Tranzault est pratiquement perpendiculaire à notre axe primordial, et si nous le poursuivons vers le sud-est nous aboutissons à Sarzay, un impressionnant château féodal absent jusqu'ici de l'exploration zodiacale. La ligne le reliant à Neuvy passe par le hameau de Gourdon et désigne Montgivray, anciennement Maugivray, autrement dit la mauvaise guivre, la vipère maudite. Et c'est sur une éminence dominant la vallée du Gourdon que se place Lys Saint-Georges.
De ce réseau de lignes entrecroisées, on peut éclairer la signification en se référant directement à une sculpture en bas-relief du palais de Jacques Coeur qui ornait le manteau de cheminée d'une salle située au rez-de-chaussée du donjon. Elle représente une femme ailée déployant un phylactère plus qu'à demi brisé portant la devise de l'Argentier : A vaillans (ici un coeur) riens impossible. »
(A suivre)
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