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20 mars 2009

Equinoxe et Saint-Savin

 

Gnomonique4.jpgQuand, vers le soir, ils remontaient, c'était la Gartempe qui semblait les quitter. Noire, plus fluide, luisante en son milieu, elle commençait son alliance avec la nuit et elle les écartait. L'âme du pays qu'ils avaient cru approcher se dispersait, devenait douteuse. Ils sentaient qu'ils abandonnaient le centre mystérieux du jour, de la saison, sans doute d'eux-mêmes. Mais ils savaient que demain, ils se retrouveraient dans la même aventure, inépuisable.

Jean Blanzat, La Gartempe, Gallimard, 1957, p.69

 

Je ne finirai pas aujourd'hui 20 mars, jour d'équinoxe. J'en caressais la perspective. Il y a en effet exactement quatre ans que l'aventure a commencé. Pour boucler cette boucle, d'équinoxe à équinoxe, j'avais même mis les bouchées doubles, bousculé largement mon rythme habituel, publiant plus souvent, et il s'en est fallu de peu, c'est vrai, pour que je sois présent à ce rendez-vous solennel. Mais il faut croire que le volontarisme en matière symbolique a ses limites. J'ai pris conscience ces derniers jours que je risquais fort de bâcler l'affaire, au moment même où, plus que jamais, il importe d'être mesuré et précis, au moment où l'analyse, approchant du terme, a besoin de ressaisir l'ensemble du parcours accompli.

Alors oui, j'ai renoncé, et quand j'ai pris cette décision, j'en fus aussitôt soulagé, je pouvais à nouveau prendre le temps des digressions, des escapades au gré des rencontres iconiques et littéraires. Et ceci ne faisait que confirmer une sorte de loi tacite qui fut à l'oeuvre tout au long de ces années d'enquête, à savoir que rien ne vient de manière forcée : les découvertes adviennent mais ne proviennent pas d'un plan de prospection délibéré.

Prenons l'exemple de Saint-Savin.

Saint-Savin, qui prend place enfin dans le réseau arachnéen de la géographie sidérale. Placée en Bélier, elle ne se rattachait jusqu'à présent à aucun des alignements repérés, elle ne suscitait aucune figure, en un mot restait étrangère à ce déploiement signifiant qui irradiait tout autour d'elle. Et pourtant je concevais mal que cette abbatiale, unique au monde par l'ampleur et la richesse de ses peintures murales de l'époque romane, ne soit pas d'une façon ou d'une autre impliquée dans le système symbolique décelé autour d'elle. Cet isolement ne me semblait pas concevable, mais j'étais bien obligé de l'assumer et d'en prendre mon parti.

800px-Saint-Savin_abbaye_(1).jpg

Abbaye de Saint-Savin-sur-Gartempe

Il a fallu ce travail sur la Brenne pour que l'abbatiale me soit désignée, comme par inadvertance. Une diagonale prolongée, un axe venant du nord-est. Cela est venu par surcroît, cela n'était absolument pas prémédité. Soyons sûrs maintenant que ce fragment exhumé en appelle d'autres, et qu'il faudrait étendre la riche analyse de Jérôme Baschet* sur la voûte peinte de Saint-Savin – où il développe les rapports « multiformes et dynamiques » entre le lieu sacré et son décor – à la relation de ce lieu à son environnement élargi, au « pays » qu'il polarise, aux autres lieux sacrés avec lesquels il dialogue. Cette dimension centrifuge, qui met à jour un maillage subtil et le plus souvent inaperçu de l'espace, est proprement celle de la géographie sacrée. Il n'est pas question pour l'heure de se plonger dans une telle recherche autour de Saint-Savin, mais c'est une piste d'exploration riche de promesses.

Dans le cadre de cette étude, je me bornerai donc à revenir sur l'un des sites jalonnant un des deux axes convergeant sur Saint-Savin, à savoir le monument rupestre dit du Saint-Fleuret, édifice funéraire gallo-romain unique en notre région.

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* Jérôme Baschet, L'iconographie médiévale, Folio-Histoire, Gallimard, 2008.