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15 avril 2009

Oriens ex alto

Il est intéressant de confronter les différentes traductions du cantique de Zacharie, en ce qui concerne le passage cité dans ma précédente note. Le texte latin est celui-ci :

Et tu, puer, prophéta Altissimi vocaberis :

praeibis enim ante faciem Domini ad parandas vias eius,

Ad dandam populo eius scientiam salutis

in remissione peccatorum eorum,

Per viscera misericordiae Dei nostri,

qua vistabit nos Oriens ex alto,

Ut illuminet eos, qui in ténebris et in umbra mortis sedent,

ut dirigat pedes nostros in viam pacis.

Traduction donnée par Wikisource :

Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut :

tu marcheras devant, à la face du Seigneur,

et tu prépareras ses chemins pour donner à son peuple de connaître le salut

par la rémission de ses péchés,

grâce à la tendresse, à l'amour de notre Dieu,

quand nous visite l'astre d'en haut,

pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l'ombre de la mort,

pour conduire nos pas au chemin de la paix.

Traduction qui diffère notablement de celle utilisée par Hugues Delautre, notamment en ce qui concerne le vers qua vistabit nos Oriens ex alto où disparaît la mention explicite du soleil levant : on ne parle plus que de l'astre d'en haut. La traduction oecuménique, celle qu'on trouve aussi sur le site de l'église catholique de France, donne pourtant :

"C'est l'effet de la bonté profonde de notre Dieu :
grâce à elle nous a visités l'astre levant
venu d'en-haut.
"

On peut deviner les raisons qui ont poussé les traducteurs de la version Wikisource à oublier le soleil levant : cette formulation « soleil levant venu d'en haut » est en effet paradoxale. Se levant, le soleil physique vient forcément d'en bas, il surgit à l'horizon et ne cesse alors de s'élever. Comment pourrait-il venir d'en haut ? Le carme Jean Lévêque donne la réponse sur son site :

"C'est toujours l'amour de notre Dieu que nous retrouvons au point de départ, comme le rappelle le nom mystérieux que Zacharie donne au Messie: "l'Astre levant venu d'en haut". C'est bien sur notre terre des hommes que se lève, chaque jour, la lumière de cet Astre, de ce Messie-Sauveur, mais l'Astre vient d'en haut, d'auprès de Dieu."


Revenons sur le terrain : l'association entre saint Jean-Baptiste et le soleil levant que nous avons donc rencontré à Vézelay, nous la retrouvons en amont de Sauzelles, au village de Saint-Aigny. Ce village se nommait Sanctus Albinus au XIIIe siècle, avant de subir l'attraction de Anianus (saint Aignan). Albinus dérive bien sûr de l'aube, l'heure blanche ( « Moment qui précède l'aurore, où la lumière du soleil levant commence à blanchir l'horizon; point(e) du jour. »

staigny.jpg

Quant à Jean-Baptiste, il nomme la fontaine qui sourd en bord de Creuse, au nord du village. Fontaine dite aussi aux Teigneux (par proximité phonétique, on s'en doute avec Saint-Aigny). Ses vertus seraient connues depuis l'Antiquité. La teigne atteignant surtout les enfants, on observe là un habile compromis entre les attributs des deux saints.

Notons aussi qu'à l'instar de l'église de Bénavent qui balisait l'horizon du Saint-Fleuret, la chapelle du village de Mont-La Chapelle, sur la rive droite de la Creuse, se situe sur le parallèle de la fontaine. C'est en définitive une véritable ode au soleil levant que signe cette constellation de sites en bordure de Poitou, et l'on peut d'ailleurs se demander si cette pièce de terre nommée la Lusine, à l'ouest de Saint-Aigny, ne serait pas le premier jalon annonciateur de la fée bâtisseuse. Elinas, roi d'Albanie, futur père de Mélusine, ne rencontre-t-il pas sa mère, Persine, près d'une fontaine ?