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29 mars 2005

La bêche et le bâton

L'étude qui se développe ici jour après jour sur ce blog est la énième traduction d'une recherche initiée en février 1980. Les quelques pages consignant l'intuition première avaient été rapidement transformées en plusieurs chapitres denses. Chaque tentative de réécriture avait vu se multiplier les rapports symboliques, au point parfois d''y perdre son auteur, délires, dérives, bon grain, ivraie, dont je ne saurais aujourd'hui encore faire l'exact partage. Reprendre aujourd'hui ce travail, ce n'était pas purement et simplement retranscrire ce qui existait déjà sur le papier - qui avait failli être publié, puis avait regagné un relatif oubli dans les profondeurs d'un tiroir. Non, je savais bien pour l'avoir déjà vécu qu'en retraçant le chemin déjà parcouru, j'en arpenterais bientôt un autre. L'internet offrait ses vastes perspectives : non qu'il fut illimité dans ses contenus (en ce qui concerne la géographie sacrée, c'est même carrément décevant ), mais le plus souvent par sérendipité, de nouvelles pistes s'ouvrent soudain et modifient notre parcours. Disons tout de suite qu'aucune inquiétude ne nous accable de ces sauts dans l'inédit, a contrario c'est bien de la joie qui naît de ces rencontres qu'on hésite à dire fortuites.
Ainsi une très intéressante étude de José Maria Gracia sur le rite de fondation de la ville, découverte ces jours-ci, prolonge utilement l'investigation sur Verneuil.

Examinant la tradition étrusco-latine, le savant ibérique déclare d'emblée que toute fondation est avant tout un rite de fécondation de la terre vierge par l'esprit divin. Rite qui se décompose en deux temps, dont le premier est la contemplatio, effectuée par le magistrat nommé augur. Scrutant le ciel, il y décèle deux méridiens dont le point d'intersection projeté au sol devient l'Axe de la ville, ce qu'on appelle le templum. "Ce caractère d'axe, souligne Gracia, se trouve sans doute symbolisé par le bâton que portait l'augur, au moyen duquel il traçait le diagramme templum soit sur le sol, soit dans l'espace par des gestes." La tradition chrétienne n'a-t-elle pas ici récupéré le schéma antique en prêtant à Saint-Fiacre les attributs même de l'augur latin, à savoir ce bâton avec lequel il délimite le futur jardin potager ? Délimitation qui est une autre phase essentielle du rite : perpendiculairement à chaque axe défini par l'augur aidé de l'aruspice (lecteur des foies aviaires et garant des oracles), le fondateur de la ville traçait quatre sillons formant carré au moyen d'une charrue de bronze symbolisant l'union du ciel et de la terre. Or, selon Gracia,"le mot langala (charrue) et le mot linga dérivent d'une même racine qui désigne la fois la bêche (pelle pour labourer la terre) et le phallus. Le linga est totalement un phallus et, dans la mythologie hindoue, il est symbole de Shiva quant au principe causal et procréateur."
La bêche de Saint Fiacre prend sous cet éclairage un tout autre aspect...

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25 mars 2005

Verneuil (suite)

Verneuil est étymologiquement la clairière de vergnes. Les deux éléments de ce toponyme sont d'origine celtique. La finale euil dérive de ialos, la "clairière cultivée". Or c'est bel et bien une clairière que saint Fiacre délimite avec son bâton miraculeux, renouvelant en cela un geste ancestral attesté dès l'époque de La Tène ancienne (- 500, - 250). "Le lieu de culte n'était rien d'autre, soutient Jean-Louis Brunaux, qu'une aire sacrée limitée par un fossé et parfois une palissade. (...) L'enclos est, en effet, la représentation la plus simple et la plus durable du lieu de culte chez la plupart des peuples indo-européens, et particulièrement chez les Grecs et les populations italo-celtiques. Le témenos et le templum, mots de même racine, ne sont rien d'autre que ce terrain "découpé". Un simple trait sur le sol, un sillon de charrue, un fossé suffisaient à délimiter la place du sacré." (Les Gaulois, Sanctuaires et rites, Errance, 1986, p. 28)


Ayant fortuitement retrouvé l'association Fiacre-Verneuil avec la statue du saint à Verneuil-sur-Avre, j'ai lancé hier une petite recherche systématique sur le web avec ces deux mots-clés. Et c'est ainsi que j'ai déniché la petite commune de Parnay, 49 habitants seulement, dans le Cher, sur les rives de l'Auron. Une commune berrichonne donc, qui s'honore d'une église Saint-Fiacre, mais aussi des ruines d'un prieuré dépendant de l'abbaye de Verneuil-les-Bois. Ajoutons enfin que la commune relevait de l'abbaye de Déols.

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24 mars 2005

Verneuil et point vernal

"A l'époque la plus ancienne, la Pythie, semble-t-il, ne prophétisait qu'une fois par an, le sept du mois de Bysios, jour du début du printemps, de passage du soleil au point vernal. Ce jour était à juste titre considéré comme l'anniversaire de la naissance du dieu." (Jean Richer, Delphes, Délos et Cumes, p.47)

Argenton n'est point seule sur le passage au point vernal : à quelques kilomètres de là, une simple chapelle solitaire sise au beau milieu d'un pré l'a précédée. C'est la chapelle de Verneuil, du nom du hameau le plus proche, qui abritait jadis un prieuré dépendant de l'abbaye de Déols. L'étymologie est connue : Verneuil est la clairière de vergnes, d'aulnes. Certes, mais la proximité phonique avec vernal (du latin ver, printemps) est pour le moins troublante. medium_verneuil2.jpg
Cette chapelle, mentionnée fort tôt, selon J.L Desplaces (Florilège de l'eau en Berry), mais rebâtie en 1810, est liée à une fontaine, dite Fontaine saint-Fiacre, située de l'autre côté de la route d'Argenton à La Châtre. Un pélerinage avait lieu le 1er mai et le dernier dimanche d'août. Je ne sais s'il a toujours lieu, en tout cas, quand j'ai visité le lieu voici quelques années, c'était plutôt un spectacle de désolation qui s' était offert à moi : tout était à l'abandon, la porte s'entrebaîllait sur une nef conchiée par les pigeons. Difficile d'imaginer qu'autrefois on venait réciter les Evangiles sur la tête des enfants dans un édifice décoré de fleurs et de plantes vertes, comme il se devait pour honorer la mémoire de Saint Fiacre, patron des jardiniers.
Il y a lieu de s'interroger sur la raison du choix de saint Fiacre pour honorer ce lieu si modeste. Mon hypothèse est qu'il ne surgit pas ici par hasard, que son élection répond à des nécessités symboliques profondes. Que ce Fiacre soit fils de roi (d'Ecosse ou d'Irlande) comme le veut sa biographie n'est pas anodin : qu'un prince soit relié au principe, à l'axe inaugural de l'espace zodiacal, est tout à fait cohérent. Quittant sa terre natale et renonçant donc au trône, il passe en Gaule où il s'établit comme ermite en forêt de Breuil. Coluche de l'époque, il demande à son évêque de lui céder un bout de terrain qu'il pourrait cultiver, histoire de nourrir les nombreux pélerins miséreux qui affluent vers lui. Généreusement, l'évêque lui octroie la parcelle qu'il pourra entourer d'un fossé en une journée de travail. Laissant traîner son bâton derrière lui, Fiacre voit le sol se creuser et se défricher de lui-même. Cet arpentage est tout à fait significatif : Fiacre, pour délimiter son espace a forcément tracé avec son bâton une figure, circulaire ou rectangulaire peu importe, et la journée ici vaut pour une année. Au départ du zodiaque berrichon gît donc une histoire de construction d'un espace-temps singulier. Les légumes, plantes et fleurs dont Fiacre couvrira son domaine disent avec éloquence la vigueur végétative du printemps qui s'amorce avec le Bélier. On le représente traditionnellement tenant d'une main le livre ouvert des Evangiles, et de l'autre une bêche. medium_fiacre.jpg
Curieusement, mais il faudrait plutôt dire significativement, cette statue en pierre du XVIIe se trouve à Notre-Dame de Verneuil-sur-Avre.

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22 mars 2005

A l'ouest de l'ombilic

Je n'ai choisi ni le jour ni le lieu. Il se trouve que j'ai été appelé à travailler aujourd'hui à Argenton-sur-Creuse. Je souris de cette petite connivence du destin : la cité est pour moi hautement symbolique, elle est liée au printemps et au point vernal. De par sa position à l'ouest, sur le parallèle de l'ombilic berrichon.medium_argenton2.2.jpg
"(...) Bélier, signe de la première heure de l'année; se trouve à l'ouest, opposé à la première heure du jour, parce que le soleil chemine sur son circuit annuel dans un sens opposé à sa course diurne autour de la terre. Les analogies symboliques sont irréductibles au principe rationnel d'identité et c'est au coeur de la nuit que la vraie lumière s'émerveille." (G. R. Doumayrou)

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20 mars 2005

Et c'est ainsi que tout a commencé...

Février 1980. Avenue des Marins, à Châteauroux. La brocante du premier dimanche du mois. A un étal de bouquiniste, un livre me fait de l'oeil. Le titre m'intrigue : Géographie sidérale. Une gravure du XVIe représente un berger mesurant la hauteur d'une étoile à l'aide d'une sorte de fil à plomb. A l'intérieur, plans, schémas, cartes, blasons se bousculent. Pour un prix modique, il entre en ma possession.
Il ne m'a plus jamais quitté.
Dans un style poétique flamboyant, Doumayrou entend montrer l'existence d'un vaste réseau symbolique centré sur la ville de Toulouse, une roue zodiacale analogue à celles découvertes par Jean Richer en 1967 dans sa Géographie Sacrée du Monde Grec. Ce système symbolique semblerait avoir atteint sa plus grande extension au Moyen Age, vers le XIIe siècle. En définitive, c'est l'ensemble du monde méditerranéen qui s'inscrirait dans ce que que Michel Butor a désigné comme une "immense métaphore : la terre devenant semblable au ciel".
Quelques jours plus tard, je pars en Savoie pour un séjour de trois semaines. C'est à l'issue de celui-ci que j'ai l'intuition d'un autre système symbolique, d'une autre roue zodiacale, d'une autre aventure de l'esprit.
C'est pour retracer les détails de cette aventure, et en accueillir d'éventuels échos, que ce blog s'ouvre aujourd'hui avec le printemps.

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