05 juillet 2005
Jeanne et Jean
L'union des amants est, dans le principe, la même que celle des deux Creuse : « On a vu, dit Jacques Lacarrière, combien le langage anthropomorphique que nous continuons d'employer à propos de l'eau - « l'eau qui chante », « fondre en larmes » - révèle à notre insu les antiques associations entre l'eau et la vie. Aussi, en voyant deux fleuves « mêler leurs eaux » ou « entremêler leurs bras », les poètes antiques pensèrent-ils naturellement à un entrelacement amoureux. Aimer, pour un fleuve, cela consiste précisément à se jeter dans les « bras » d'un autre fleuve. Les confluents sont des lieux de conjonction amoureuse* et « les eaux mêlées » le symbole de l'union absolue. Le fleuve, en effet, possède le privilège de pouvoir s'unir si complètement à sa partenaire aquatique qu'il est ensuite impossible de distinguer les deux conjoints. » (En suivant les dieux, Philippe Lebaud, 1984, p. 100)
A l'intérieur de notre secteur Gémeaux, le dernier écho perceptible de cette symbolique émane du Mas Saint-Jean, sur une hauteur boisée près de Dun-le-Palestel, où une petite chapelle, « dont les origines remontent peut-être au XIe siècle, aurait reçu au XIVe siècle la visite de Jeanne d'Arc, accompagnée par Jean de Brosse. Aucun texte ne confirme, ni n'infirme cette légende. Pourquoi ne pas la croire, apprécier le charme du lieu, et contempler le superbe panorama où le Berry apparaît dans le lointain ? » (Gilles Rossignol, Guide de la Creuse, La Manufacture, 1985, p. 85) Sage décision. En fait, il ne s 'agit pas de prêter foi ou non à la légende, mais bien plutôt de déceler le sens qu'elle renferme, et qui est ici on ne peut plus clair : Jeanne et Jean rééditent en filigrane nos couples mythiques.
De plus, la situation élevée du lieu a permis l'érection d'un alignement significatif.
Vers le sud-est, il se dirige sur Puyjean et le Puy de Gaudy, près de Guéret, qui culmine à 651 mètres, ancien oppidum gaulois aux murailles vitrifiées. Des restes de chapelle et une nécropole témoignent de sa fonction religieuse au Moyen Age. Son nom même (du latin gaudium, joie) l'assimile à une montjoie, c'est-à-dire un lieu souvent marqué d'un cairn, d'où les pèlerins ont le grand bonheur d' apercevoir le sanctuaire qui a motivé leur long voyage.
Vers le nord-ouest, l'axe passe à Dunet, Dun-le-Palestel (dunum, hauteur fortifiée), pour aboutir aux hameaux de Vaussujean et Lagouttejean. Difficile d'invoquer le hasard, d'autant plus que la carte IGN utilisée pour cette recherche (Dun-le-Palestel, 1/50000) ne mentionne aucun autre lieu « Jean » sur le territoire qu'elle recouvre.
La Saint-Jean d'été marque l'apogée de la lumière. Le soleil va maintenant se coucher chaque jour un peu plus vers le sud-ouest. La nuit relève la tête : elle ne domine pas encore en durée, mais elle croît chaque jour, insensiblement tout d'abord. Nous sommes parvenus sous le signe de Cancer.
*C'est moi qui souligne.
01:50 Publié dans Gémeaux | Lien permanent | Commentaires (0)
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