28 juillet 2005
Les lions de pierre
Curieux monument que l'église de Toulx Sainte-Croix : trois travées de la nef se sont effondrées et le clocher-porche est maintenant séparé du choeur. On a peine à croire d'ailleurs à une telle destruction, tant on est impressionné par les contreforts massifs qui cernent l'édifice. André Guy écrit que « l 'écroulement paraît remonter au 15e ou 16e siècle, à en juger par la forme de la porte donnant accès à l'église, et d'autre part à une inscription déjà relevée par Barailon sur une grosse poutre du beffroi où l'on peut lire 1507. » Plutôt que de rebâtir à l'identique, on se sera donc accommodé de la catastrophe. Une route passe entre les deux parties du monument, dont les portes se font face.
Ce qui reste de la nef centrale, ainsi que les deux nefs latérales, est voûtée en berceau, ce qui indiquerait, toujours selon André Guy, une influence de l'école romane poitevine, qui se manifesterait de façon encore plus nette dans le déambulatoire et le choeur formant la partie la plus ancienne de l 'église (fin XIème siècle) :
« Parmi les six colonnes qui séparent le choeur du déambulatoire, quatre sont cylindriques et deux de plan tréflé (exemple unique dans la région d'un pilier roman-poitevin. » Cette singularité s'éclaire si l'on admet que Toulx s'est inscrit dans un système de correspondances symboliques mis en place par des seigneurs poitevins et berrichons. L'importance de ce haut-lieu, je veux en voir un autre indice dans l'histoire de saint Martial : ce fut, si l'on en croit la Vie du saint, la première cité des Lémovices qu'il aurait évangélisée (une fresque du Palais des Papes, à Avignon, représente cet épisode).
Si l'on prend la peine de signaler un tel fait, c'est qu'il devait bien exister à cet endroit un culte païen assez important pour qu'il soit apparu nécessaire de le recouvrir avec un récit de conversion.
Une autre particularité de l'église de Toulx est la présence de trois lions de granit aux entrées, deux devant l'église, un devant le clocher. George Sand les met en scène dans Jeanne, son premier roman champêtre, qui se déroule dans cette région de Boussac, en leur attribuant un rôle de symbole de l'occupation anglaise : « Renversés par des paysans au temps de la Pucelle ; mutilés, devenus informes... ils gisent le nez dans la fange. » André Guy fait justice de cette signification abandonnée depuis longtemps par les historiens. « Bien antérieurs à cette occupation », ils ne sont d'ailleurs pas uniques en leur genre : « ils sont semblables à ceux de Limoges (église Saint-Michel-des-Lions), ou encore à ceux si fréquents en Creuse de Peyrat-la-Nonière, Vallière, Lupersat, Jouillat, Saint-Georges-la-Pouge, Saint-Marc-à-Loubaud... sans compter ceux détruits au cours des siècles. » Osera-t-on alors, compte tenu de cette dissémination, leur donner une valence zodiacale (en précisant que leur nombre même indiquerait les trois décans du signe) ?
Ce qui est certain c'est que ces lions avaient assez de prestige pour apparaître dans les cartulaires comme lieux de justice. Les actes sont souvent conclus près des lions, ou entre les lions. En Suisse, jusqu'au XVème siècle, les lions des entrées étaient comme les assesseurs de la justice écclésiastique, le prieur venant siéger « inter leones » (Lexique des Symboles, Zodiaque).
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