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16 janvier 2006

Monstrant regibus astra viam

Jean de Berry fut-il le grand exécuteur testamentaire de l'héritage ésotérique de la géographie sacrée de sa province ? De nombreux indices tendent en tout cas à le montrer. Né en 1340 au château de Vincennes, c'est à l'âge de onze ans qu'il est fait chevalier de l'Ordre de l'Etoile, ordre de cour fondé par son père Jean le Bon, réservé aux princes du sang et aux grands seigneurs. Onze, je le rappelle, est le nombre de colonnes de la rotonde de Neuvy. La devise de cet ordre était : Monstrant regibus astra viam (les astres montrent le chemin aux rois). On ne saurait mieux affirmer sa fidélité à l'égard de la géographie sidérale.


Une autre preuve du grand intérêt porté par ces nobles au système stellaire se trouve dans la miniature qui ouvre le calendrier des Très Riches Heures, et qui représente le Duc à table, entouré d'une foule de courtisans. « Cette miniature, rapporte Philippe Audoin, a été étudiée par Gérard de Sède en annexe à son ouvrage, Le Trésor cathare1. Il observe que le personnage -sorte de sénéchal- qui se tient debout derrière le Duc, tient sur son épaule une baguette analogue au lituus augural. Celle-ci, pour peu qu'on la prolonge, désigne exactement la tête d'un des cygnes qui décorent, en alternance avec des ours (et selon la devise de Jean : Oursine -ours-cigne – le temps vendra ) la tapisserie qui drape le manteau de la cheminée. Ceci fait énigme. Pour de Sède, la solution est hermétique et astronomique : l'étoile Polaire est actuellement Delta de la Grande Ourse « en 3400, ce sera Gamma de Céphée ; entre 10900 et 13600, la polaire sera l'étoile double Albireo, la Tête du Cygne ; pendant cette période viendra le moment où l'axe terrestre aura effectué la moitié de la rotation qui doit le ramener à Alpha du Dragon ; ainsi c'est la Tête de Cygne qui marque la séparation entre ce que les Pythagoriciens appelaient la Grande Nuit et le Grand Jour qui durent chacun 12950 ans. » La devise du duc et ses deux animaux emblématiques, attesteraient donc la connaissance des cycles, la maîtrise du temps - et de la Polaire. » ( Bourges, cité première, pp. 98-99, Julliard, 1972).

 

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Très Riches Heures, Janvier
 
Ajoutons que c'est à la demande de Jean de Berry et de sa soeur Marie, duchesse de Bar et marquise de Pont-à-Mousson, que le libraire et relieur Jehan d'Arras entreprend d'écrire l'histoire des Lusignan et donc de Mélusine, dont nous avons pu apprécier, dans l'étude de Bélier, l'importance dans l'élaboration de la géographie sacrée. Pour mener sa tâche à bien, Jehan d'Arras a pu disposer de la vaste bibliothèque du Duc qui renfermait, si l'on en croit les anciens inventaires, outre des récits de voyages et de chroniques, des ouvrages d'astronomie et d'astrologie, de divination et de magie. Ainsi, l'inventaire de la librairie de Mehun prescrit par le Duc en 1402, mentionne la présence de « deux grans livres de Magique, escrips en espaignol, l'un couvert d'un pel rouge, et l'autre d'une blanche pel, sans ais »; « item, un livre en français, des VII planètes, autrement magique. »


Ceci ne saurait surprendre à une époque où fleurissaient les sciences dites occultes et, en particulier, l'Alchimie. Bourges, à cet égard, apparaît, selon Philippe Audoin, à la fin du Moyen Age et durant la Renaissance, comme l'une des capitales de l'Art d'Hermès. Il y existe encore - comme à Prague, dans le quartier du Hradschin – une rue de l'Alchimie.

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1G. de Sède. Le Trésor cathare. Julliard, 1966.

22:20 Publié dans Scorpion | Lien permanent | Commentaires (4)

Commentaires

Bonsoir Robin,

Merci de m'avoir rafraichit la mémoire sur ce Jehan d'Arras et son lien avec les Cygnes du Duc de Berry, ce qui m'a permis de relire et compléter l'analyse de P. Ferté sur les romans de M. Leblanc. Voir ce que j'en dit à l'adresse suivante : http://www.i-services.net/membres/forum/forum.php?user=28736&idsalon=70476

A noter que le tableau des frères Limbourg est ici particulièrement construit sur un canevas géométrique précis. Outre la ligne notée par de Sède qui coupe d'ailleurs les oreilles de deux personnages (que celui qui a des oreilles entende !?), on peut également noter la ligne matérialisée par la Hampe derrière le Duc qui aboutit d'abord aux petits chiens sur la tables et au lévrier plus bas... il y en a d'autres !

Pour une plus grande clarté des figures voir :http://www.wga.hu/art/l/limbourg/01janvie.jpg

Écrit par : Marc Lebeau | 17 janvier 2006

Merci encore une fois, Marc, pour ces riches prolongements.

Écrit par : Robin | 18 janvier 2006

Bonsoir Robin,
Sauriez-vous dire ce qui est représenté dans la partie haute (étoilée) sous les 2 signes de Janvier ? Il y a comme un mouvement, une course .
Est-ce aussi l'anniversaire de JdeB ?
On retrouve l'Ours de Berry (comme vous l'expliquiez juste avant) de cygnes accompagnés 2 ours / 5 cygnes . Vous aviez aussi évoqué l'Ours et le Sanglier avec les eaux de Bourges .

Etait-ce une mode d'avoir des chausses dépareillées ?

Merci pour votre précédente réponse.
A bientôt

Écrit par : colette | 20 janvier 2006

Bonsoir Colette,

Il me semble que sont représentés le soleil et un char tiré par deux chevaux, le char d'Hélios sans doute. Comme l'explique le site en lien sous l'image, il s'agit de la période des voeux et des étrennes, où il est d'usage d'offrir des cadeaux au suzerain.
Ce n'est pas l'anniversaire de Jean de Berry car il est né le 30 novembre 1340, le jour de la saint André, jour significatif : André étant le patron des chevaliers.

http://fragmentsdegeographiesacree.hautetfort.com/archive/2005/06/09/la_croix_de_saint_andre.html

Pour les chausses, je ne sais pas la raison de cette excentricité...

Bien à vous, Colette

Écrit par : Robin Plackert | 21 janvier 2006

Les commentaires sont fermés.