08 février 2006
L'ange et le bourdon
"Ce fut bien pis lorsqu'on sortit des sables pour descendre dans les terres grasses et fortes de la Vallée-Noire. Aux lisières de ce plateau stérile, madame de Blanchemont avait admiré l'immense et admirable paysage qui se déroulait sous ses pieds pour se relever jusqu'aux cieux en plusieurs zones d'horizons boisés d'un violet pâle, coupé de bandes d'or par les rayons du couchant. Il n'est guère de plus beaux sites en France."
George Sand (Le Meunier d'Angibault)
Ph. Audoin : « On y voit un homme vêtu du traditionnel costume des Jacques, appuyé sur son bourdon et suivi d'un petit chien bondissant. Ce pèlerin ressemble à s'y méprendre au Mat du tarot que nous avons déjà mis en relation avec le Mercure, à ce détail près que son compagnon de route ne déchire pas ses braies. »
« Le « Bourdon », précise André Savoret, était un long et solide bâton dont le haut était taillé en forme de gourde. Le plus souvent, une vraie gourde, compagne obligée de l’errant, y était fixée. Dans l’ordre spirituel, la « gourde » était analogue à la « dive bouteille » et au « chaudron » contenant l’élixir d’immortalité dont parlent les anciens bardes gallois. »
Le hameau de Gourdon, sur une hauteur dominant les deux ruisseaux du Gourdon et de l'Aubord et l'ancien passage à gué nommé Guéchaussiot, hameau balisant donc l'axe Sarzay - Neuvy, apparaît comme le mot-valise idéal rassemblant gourde et bourdon. Son étymologie est par ailleurs incertaine : Stéphane Gendron écrit juste « qu'on peut risquer un rapprochement avec l'ancien nom de Sancerre, Gortona au 1er s. av. JC. » (Les Noms de Lieux de l'Indre, p.9), nom qui semble exprimer une notion de hauteur. Il admet comme possible l'existence d'un ancien oppidum.
Ph. Audoin : « A droite du pèlerin se tient, sur un escarpement, un château auquel nul chemin visible ne conduit. C'est à l'évidence, le château du Graal, ou le Palais fermé du Roi dont Philalèthe se flatte d'ouvrir la porte au disciple. C'est dans ce château que le pèlerin mercuriel doit pénétrer pour en rajeunir le roi. Un ange aux ailes éployées surgit de la broussaille et semble, d'une main l'accueillir, de l'autre lui désigner le haut lieu. »
Stéphane Gendron a beau affirmer que « l'assertion, rapportée par Gillian Tindall, selon laquelle la commune de Sarzay serait un écho lointain de la présence des Sarrasins est sans fondement. », je ne puis m'empêcher de rapprocher ce nom de la ville de Sarraz, mentionnée dans La Quête du Graal de Robert de Boron : « Quarante-deux ans après la passion de Jésus-Christ, il advint que Joseph d'Arimathie, le gentil seigneur qui détacha Notre Seigneur de la Sainte Croix, quitta Jérusalem avec nombre de ses parents. Ils marchèrent, jusqu'au moment où Notre Seigneur leur commanda d'aller en la cité de Sarraz, que tenait Ewalach, un Sarrazin. »
L'ange, alors, se tiendrait à Angibault – lieu-dit et moulin, théâtre de l'un des plus célèbres romans de George Sand, Le Meunier d'Angibault - situé en aval de Sarzay sur la Vauvre, qui plus est sur son méridien. Sur le roman, il y aurait beaucoup à dire : notons seulement pour l'instant que la romancière y rebaptisa Sarzay en Blanchemont, ce qui introduit un chiasme suggestif avec la Vallée Noire, désignation proprement sandienne de cette partie du pays berrichon qu'elle prit pour cadre de ses romans dits champêtres, et dont elle fait dans ce roman même la description célèbre qui ouvre cette note.
01:20 Publié dans Scorpion | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Bonsoir Robin,
Hier j'ai failli vous dire que l'image du pélerin alchimiste faisait penser au MAT du TATOT, mais il y a beaucoup de différences au fond.
Et aujourd'hui je vois St Roch.
http://www.lesmees.org/saintroch/attributs.html
Bien à vous
Écrit par : colette | 08 février 2006
C'est tout à fait juste, Colette ; d'ailleurs dans le lien que je proposais sur André Savoret, il est précisément question de saint Roch :
"Dans l’iconographie chrétienne, le bourdon est un attribut assez constant de Saint-Jacques et de Saint Roch. Ce n’est point faire tort à ces deux vénérables figures que remarquer, en passant, que Jacques est un diminutif de Jacob, ce qui nous remet en mémoire certain épisode de l’Ancien Testament, reproduit dans le Frontispice du célèbre Mutus Liber, Jacob s’est endormi, la tête sur une Pierre et fait le songe qu’on connaît : une échelle dont le sommet se perdait dans les cieux et où montaient et descendaient sans cesse les anges de l’Eternel !"
http://www.livres-mystiques.com/partieTEXTES/ASavoret/Initiation/lebourdo.html
Bien à vous
Écrit par : Robin | 09 février 2006
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