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24 février 2006

Léviathan, serpent tortueux

« D'où es-tu, ma petite, je ne t'ai jamais vue ?
- Je suis de Vatan, répondit la fille...
- Et que viens-tu faire de Vatan ici ?
- Je rabouille pour mon oncle Brazier que voilà... »

Balzac (La Rabouilleuse)


Première rencontre de la « rabouilleuse », Flore Brazier, avec le vieux médecin Rouget, qui la prendra bientôt à son service à Issoudun. « Elle est programmée par son nom, écrit Claude Duchet, de la fleur au feu (elle finit brûlée par les « liqueurs »).

Il est étonnant de voir ce nom de Flore Brazier s'inscrire aussi parfaitement dans le cadre de la géographie sacrée neuvicienne : patronyme faisant écho au feu du signe, Sagittaire, qui s'étend de Vatan à Issoudun ; prénom qui partage la même racine que le saint Florent sur lequel j'ai achevé la note précédente, et dont la fête est célébrée le 4 juillet, jour anniversaire du martyre de saint Laurian. Il serait bien sûr fantaisiste de penser que Balzac était de quelque façon que ce soit conscient de cette partition zodiacale de l'espace berrichon. Mais le fait est là, et si l'on veut bien concevoir que ce ne soit pas encore une fois une simple coïncidence, il est légitime de chercher une explication. J'ai quelques idées là-dessus, mais qu'il serait prématuré de présenter ici : elles restent à approfondir et je n'en dirais donc rien pour le moment.

Revenons à saint Florent. Une note du site de la Société de Mythologie Française nous précise sa double nature d'ermite évangélisateur et de sauroctone. Je dois dire que j'ai découvert ce dernier terme à cette occasion : le sauroctone désigne « littéralement, en grec, un "tueur de lézards, de sauriens". Autrement dit un exterminateur de dragons, chargé d'éradiquer les vieilles bêtes d'un passé sulfureux, aussi bénéfique pour la société que l'étaient les tueurs de géants. »

Ceci renforce évidemment l'hypothèse posée auparavant d'un saint Laurian substitut d'un héros tueur de dragons, dont nous avons vu que le prototype indo-européen était Indra, d'autant plus que l'on peut relever d'autres similitudes : ces signes particuliers qui sont d'une part la crosse abbatiale et l'Evangile, d'autre part, sa figuration dans une barque conduite par un ange. Florent est donc évêque comme Laurian, et remarquons que s'il existe apparemment plusieurs Florent, celui qui est fêté le 4 juillet est l'un des premiers évêques de Cahors. Et avec cette ville, nous retrouvons la thématique de la terre gaste, ainsi qu'en témoigne ce passage de Doumayrou : « C'est, tout au fond de la terre obscure, le chaos primordial, et sur la carte, la cité de Cahors qui est au Nord géographique de Toulouse, Nord physique distinct du Nord magnétique montalbanais. Ce nom, aussi bien que celui du Quercy, vient des celtes Cadurques, avec le souvenir des racines grecques cha, s'entrouvrir (d'où vient chaos), et chad, prendre, saisir, caractérisant l'avidité de cette gueule d'enfer qu'est le chaos. » (op. cit. p.168)

Cahors au Nord de Toulouse, comme Vatan est au Nord de Neuvy, et le Tempé au Nord de Delphes. Le même tropisme septentrional traverse l'histoire de Laurian.

Maintenant, en ce qui concerne la barque conduite par un ange, elle apparaît dans l'épisode d'Eusèbe d'Arles où l'évêque traverse la Loire de cette manière, pour se rendre à Vatan. Arles où, soit dit en passant, l'on exposait à une certaine époque sur les murs de l'église Saint-Antoine des carcasses de crocodiles qui étaient censées être celles de monstres terrorisant la région.

 

medium_carte-vatan.jpg

On me dira que la figure du dragon n'apparaît pas en tant que telle dans la geste de Laurian. Ce n'est même pas sûr. Si l'on veut bien lire avec attention ce passage d' Ésaïe (27/1) : " En ce jour, l'Éternel frappera de sa dure, grande et forte épée le léviathan, serpent fuyard, le léviathan, serpent tortueux ; et il tuera le monstre qui est dans la mer. " on pourra se demander si ce « serpent tortueux » n'est pas indiqué par ce lieu-dit de Rue-Torte, au sud de Vatan, où passe le ruisseau de la fontaine Garnier. Et je soupçonne aussi que le choix de Totila - le roi wisigoth persécuteur de Laurian, dont on sait qu'il est une erreur historique - s'explique par sa proximité phonique avec cette racine « tortueuse ». Le nom même de la tortue dérivant de « tartarucus », qui appartient au Tartare, c'est-à-dire au monde des ténèbres, à l'enfer : « Dans les représentations du christianisme, la tortue (symbole des ténèbres) apparaît combattue par le coq (figure de lumière) ; l'opposition entre les deux animaux existe avec cette valeur dès l'Inde védique, dans le culte de Mitra et ensuite en Perse. » (Dictionnaire Historique de la Langue Française, Robert, p. 2137)

00:35 Publié dans Capricorne | Lien permanent | Commentaires (2)

Commentaires

Bonsoir Robin,
Capricorne à la dévaste - vatan - terre à sauriens - et que fait cette fleur en ce lieu ? et la serpe en tortue et tant d'eau .
Indra/Indre - j'ai lu St Laurian (?)
En tout cas, que de drôles de mots : gaste, rabouilleuse .
Quant aux origines tortue/Tartare je suis "baba".
Que ce coq est gaulois aussi.

A bientôt.
Excusez mon décousu .

Écrit par : colette | 26 février 2006

A propos de décousu, Colette, c'est bien de cela qu'il s'agit, découdre ce tissu serré du symbolisme enté sur cette terre. Du Graal à Balzac, c'est toute la littérature qui s'invite, almanach des mythes dévidés en romans où, sous le profane, rampe le sacré. Merci de me suivre avec constance en cette "rabouillerie", par nature troublée.

Écrit par : Robin | 27 février 2006

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