01 mars 2006
La lumière de saint Valentin
Saint Laurian n'était pas le seul saint honoré à Vatan. La collégiale qui avait recueilli ses reliques s'honorait de plusieurs autres saints témoignages, comme le rapporte La Thaumassière dans son Histoire de Berry, au XVIIème siècle : « Dans la même église sont deux anciens tombeaux au-dessus de l'autel, remplis de reliques, une châsse d'argent doré en laquelle est le bras de saint Valentin et du bois de la vraie croix de Notre-Seigneur et un très beau reliquaire qu'ils appellent le Sancta Sanctorum. Personne n'est inhumé dans le choeur de cette église à cause que l'on estime qu'il renferme les cendres de S. Laurian, les reliques de S. Clair, de S. Troyan évêque de Xaintes, de S. Simplice confesseur, S. Valentin martyr, S. Léonard abbé, Ste Montaine vierge, de tous lesquels l'on fait fêtes particulières et celle de leur patron le 4 de juillet par chacun an. »
Il importe d'examiner de près cette liste de saints : ce saint Valentin, dont l'église prétendait donc posséder un bras, a été lui aussi, comme Laurian, décapité. Sur les cinq saint Valentin connus, deux sont des évêques, c'est d'ailleurs ainsi qu'il est représenté dans le livre de Philippe Walter. Notons que le village de Saint-Valentin, célèbre pour sa fête des amoureux le 14 février, est situé non loin de Vatan, sur les rives de la Tournemine qui arrose ensuite le château de Frapesle, près d'Issoudun, où séjourna Balzac1 , chez son amie Zulma Carraud.
« Un même rite, remarque Ph. Walter, se retrouve dans le contexte de Carnaval et dans la légende de saint Valentin : la mise à mort par décapitation d'une figure divine. Ce rite de décapitation, qui renvoie à une pratique cultuelle par ailleurs bien connue des Celtes, se retrouve dans le Rig Véda associé à une divinité qui porte le nom fort explicite de Karna. Ce dieu hindou subit une décapitation rituelle et cet acte se trouve inscrit dans le temps des saisons comme s'il devait en expliquer le cycle infini (...) Dans le folklore médiéval et contemporain, Carnaval se termine avec la mort du roi géant que l'on sacrifie sur un bûcher au soir de mardi gras.» (Mythologie Chrétienne, op.cit. pp. 88-89.)
Ce n'est pas un hasard, selon lui, si la fête de saint Valentin est situé un 14 février, en pleine période carnavalesque, et si l'élément val du nom du saint se retrouve dans le mot Carnaval.
En tout cas, si l'on examine le récit du martyre de Valentin, on y retrouve la thématique de la lumière qui était clairement apparue, si je puis dire, à l'issue de ma note précédente :
« Le faible Claude, craignant des troubles, abandonna le martyr, qui eut à subir un autre interrogatoire devant un nouveau juge:
"Comment, lui dit celui-ci, peux-tu dire que Jésus-Christ est la vraie lumière?
-- Il n'est pas seulement la vraie lumière, mais l'unique lumière, dit Valentin.
-- S'il en est ainsi, rends la vue à ma petite fille adoptive, aveugle depuis deux ans; je croirai en Jésus-Christ, et je ferai tout ce que tu voudras."
L'enfant fut amenée; le prêtre, lui mettant la main sur les yeux, fit cette prière:
"O Jésus-Christ, qui êtes la vraie lumière, éclairez cette aveugle."
A ces paroles, l'aveugle voit; le juge Astérius, avec toute sa famille, confesse Jésus-Christ et reçoit bientôt le baptême. L'empereur, averti de ces merveilles, aurait bien voulu fermer les yeux sur les conversions nouvelles; mais la crainte lui fit trahir sa conscience et le sentiment de la justice; Valentin et les autres chrétiens furent livrés aux supplices et allèrent recevoir au Ciel la récompense de leur courage, en l'année 268. »
Mais parmi tous les saints cités par La Thaumassière, il en est un dont l'histoire va confirmer d'éclatante manière la force de la thématique lumineuse, un saint dont Romain Guignard relève que la dévotion prit, à une époque indéterminable, un « développement curieux qui en vint à éclipser la dévotion à saint Laurian lui-même. Nous voulons parler de saint CLAIR. » (op.cit. p.32.)
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