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04 octobre 2007

Les chiens de Saint Phalier

"(...) lorsqu'il parlait chez lui, perdu dans une dimension inaccessible, je regardais par la fenêtre les églises percer le ciel de Paris, les clochers esseulés tenter l'élévation vers l'infini."
Cécile Wajsbrot, Conversations avec le maître, Denoël, 2007


Saint Phalier, c'est encore une histoire de clochers.


Découvrant ce saint dont j'ignorais tout, je me retournai bien sûr vers mon habituel hagiographe, l'excellent Mgr Villepelet. J'y appris donc que  Phalier, originaire de Limoges, s'était retiré à Chabris, "lieu alors complètement sauvage, pour y mener la vie monastique". On peut douter d'emblée de cette prétendue  sauvagerie car Chabris, sur les bords du Cher,  vient de vicum Carobrias (de l'hydronyme celtique Karus (prélatin car, pierre) et du gaulois briva, pont. Stéphane Gendron écrit que "l'occupation du site doit être mis en relation avec les voies anciennes Chabris-Bourges, Chabris-Poitiers, et la mise en valeur de la vallée du Fouzon, au sud de la commune." Quoi qu'il en soit, Phalier se construisit une cabane et une chapelle, où il mourut, "célèbre par ses vertus et ses mérites". Mgr Villepelet fait l'impasse sur ses voyages supposés à Jérusalem et à Rome, "récits qu'on trouve dans beaucoup d'autres légendes du même genre et qui semblent bien n'être mis là qu'à titre de développements pieux." La chapelle devint la crypte de l'église de Chabris, où les reliques de Phalier furent déposées. Son culte fut certainement vivace puisque Louis XI lui-même vint en pélerinage à Chabris pour obtenir la guérison d'une méchante fièvre : "Ayant été exaucé, raconte Mgr Villepelet, il fit faire une châsse de grand prix et donné exemption de tailles à tous les habitants de Chabris par lettres patentes de 1482." Un grand pélerinage annuel avait  lieu le premier dimanche de septembre, avec procession des reliques jusqu'à la fontaine qui porte son nom : j'ignore s'il est toujours en vigueur, le Quid n'en soufflant mot et parlant juste d'une assemblée.

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Eglise Saint-Christophe et Saint-Phalier (Chabris)


La venue de Louis XI à Chabris a suscité des récits non rapportés par notre archevêque, comme celui de Just Veillat intitulé les Chiens de M.Saint-Phalier:

"Le roi Louis XI, alors à Plessis-les-Tours, pressentant avec terreur qu'il allait mourir, décida de se rendre à Chabris pour prier devant le tombeau de Phalerius, connu dans la région sous le nom de Saint-Phalier. Pendant le voyage, un terrible orage éclata, menaçant le roi et son escorte. Tout à coup des cloches se firent entendre, dominant les éclats du tonnerre. La nue se fendit et s'enfuit dans des directions opposées; un arc en ciel se dessina à l'horizon...

Alors Louis XI, de sa litière, demanda à un vieux pâtre qui se tenait sur le bord de la route :

- Brave homme, dit-il, quel est ce clocher qu'on voit là-bas, et d'où vient cet étourdissant carillon?

- Messire, répondit le paysan, ce clocher est celui de Chabris, et vous entendez lez aboiements des bons chiens de Saint-Phalier lâchés sur le diable.

- Qu'appelles-tu les chiens de Saint-Phalier?

- Nous nommons ainsi les cloches de la paroisse qui, mieux que limiers suivant la piste, savent chasser les démons et les tempêtes

En arrivant devant l'église, l'escorte royale aperçut une foule nombreuse assemblée autour d'une femme qui, se tordait sur le sol dans d'horribles convulsions.

Le Roi demanda l'explication de cette scène à un villageois qui lui répondit :

- N'approchez pas, Messire, n'approchez pas ... C'est une sorcière possédée du malin. Elle se vante d'appeler et de commander aux puissances de l'air. Aussi, quand l'orage d'aujourd'hui éclata sur la paroisse, vous l'eussiez vue riant, dansant, gesticulant, sans s'inquiéter de la pluie et des éclairs, tandis que chacun se réfugiait dans l'église ou les maisons. Mais elle avait compté sans les chiens de Saint-Phalier, car aussitôt que nos bonnes cloches se mirent en branle pour conjurer la tempête, elle rougit, pâlit, chancela et tomba dans les contorsions qui l'agitent encore en ce moment. Dieu veuille, pour elle et pour nous, que cela lui serve de leçon."

Comme à Saint-Outrille, nous retrouvons le diable et le clocher. L'historien Bernard Gineste, évoquant  un Saint Phalier du côté d'Etampes, note que "Au moins en Sologne et dans le Berry, saint Phallier passait bien au Moyen Age pour garantir précisément des orages (et accessoirement des autres intempéries nuisibles aux cultures, pour les clercs, qui en faisaient un nouvel Élie, capable donc théoriquement, comme ce grand thaumaturge biblique, d’ouvrir le ciel autant que de le fermer: mais il s’agit d’une rationalisation secondaire). On lui présentait aussi les personnes étiques qu’on disait en chartre, c’est-à-dire en proie au carreau, maladie que Littré appelle encore atrophie mésentérique, et qui retardait gravement le développement des enfants."

B. Gineste conteste l'assimilation, proposée  par de nombreux auteurs ( celle-là même à laquelle j'inclinais) de Phallier (ou Phalier, du latin phalerius, «originaire de Phalères») à un culte phallique, priapique. Il critique ainsi l'hypothèse de Michel Martin, rédacteur d'un livre sur le passé d'Etampes, mettant en relation une statue ithyphallique découverte à Morigny avec saint Phalier.

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 Fresque de Priape (Pompéi)

"Cette sculpture, explique Gineste,  proviendrait précisément du sanctuaire du vicus gallo-romain d’Étampes (qu’il place dans l’actuelle zone industrielle), tout près de l’endroit où plus tard fut érigée la chapelle de Saint-Julien martyr d’Antioche.Or il y avait dans cette chapelle un autel consacré à saint Phallier, ermite à Chabris en Sologne au 5e siècle (dont Fleureau nous résume l’hagiographie à la page 19 de ses Antiquitez d’Estampes). Ceci, nous dit l’auteur, «illustre localement cet apprivoisement des pratiques judéo-chrétiennes», et «cet exemple montre que les lieux de culte chrétiens succèdent fréquemment à des sanctuaires antiques». En d’autres termes on serait passé presque sans interruption de Priape à saint Phallier."

Bernard Gineste réfute cette hypothèse en arguant du fait que le  grec phallos, «membre viril» "n’a pourtant jamais été d’usage dans le latin antique. A peine trouve-t-on le mot phallus chez un érudit africain de la fin du 3e siècle et il n’apparaît clairement en français qu’au 16e siècle chez quelques érudits. Martin n’est-il pas le premier à sourire en lisant chez dom Fleureau, ou encore chez Montrond, que les druides parlaient sûrement le grec? les Étampois du Bas-Empire et de l’époque mérovingienne ne le parlaient pas davantage."


Dans une autre page, Gineste écrit que "cela réduit à néant le rapprochement entre ces deux cultes, car il n’y a par ailleurs aucun commencement de lien palpable entre ce que nous connaissons du culte de Priape et celui de saint Phallier." Et il termine en affirmant :" Il nous faut donc nous contenter du peu que nous savons et espérer que quelqu’un s’attelera prochainement à une étude sérieuse  et réellement critique de ce que nous savons de saint Phallier et de son culte."

Unn peu déconfit, je l'avoue, je revins alors à mes cartes et fis une découverte que je n'hésite pas, pour une fois,  à qualifier de capitale.

 

(A suivre)

 

 




 

23:55 Publié dans Sagittaire | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

Bonjour Robin,
Il n'y a peut-être pas de lien palpable mais la pesée de ce pendentif représente un beau paquet.

Écrit par : Marc Briand | 05 octobre 2007

Les commentaires sont fermés.