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05 octobre 2005

La source secrète

« Boand, femme de Nechtan, fils de Labrad, alla à la source secrète qui était dans la prairie du sid de Nechtan. Quiconque y allait n'en revenait pas sans que ses deux yeux éclatassent, à moins que ce ne fussent Nechtan et ses trois échansons dont les noms étaient Flesc, Lam et Luam.

Une fois Boand alla par orgueil pour éprouver les pouvoirs de la source et elle dit qu'il n'y avait pas de pouvoir secret qui atteignît le pouvoir de sa beauté. Elle fit le tour de la source par la gauche par trois fois. Trois vagues se brisèrent sur elle, hors de la source. Elles lui enlevèrent une cuisse, une main et un oeil. Elle se tourna vers la mer, fuyant sa honte, et l'eau la suivit jusqu'à l'embouchure de la Boyne. C'était elle la mère d'Oengus, fils du Dagda. »

 

Dindshenchas de Rennes, éd. Whitley Stokes, ( in Les Druides, Françoise Le Roux, Christian-J. Guyonvarch, Ogam-Celticum 14, 1982)

Boand (ou Boann) est donc la déesse éponyme de la Boyne, le fleuve qui traverse le comté de Meath (Mide), province centrale dans la géographie sacrée de l'Irlande celtique ( un centre spirituel plus que géographique). J'ai déjà émis l'hypothèse que son équivalent continental serait la Bouzanne berrichonne, qui prend source près d'Aigurande, passe à Neuvy Saint-Sépulchre et se jette dans la Creuse, près du Pont-Chrétien (coulant ainsi de Cancer - les eaux-mères – à Poissons – les eaux océanes ). La Bouzanne serait la rivière matricielle de ce pays biturige qui est par vocation la terre ombilicale (les Bituriges sont, étymologiquement, les Rois-du-Monde, gallois bydd, monde, et rix ou rig, roi).

 

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Source de la Bouzanne
 

La source de la Bouzanne est le lieu d'un pélerinage le mardi de Pentecôte (cette année, il a même eu l'honneur d'accueillir l'archevêque de Lyon, Mgr Barbarin, tout juste revenu du conclave). La statue de la Sainte Vierge y est conduite en procession. Il est encore d'usage de jeter des pièces de monnaie dans le bassin du sanctuaire : offrande gratuite ou espérance d'être exaucé de quelque voeu... Autrefois, l'affaire était plus grave. S. Clément rapporte qu'on amenait de l'eau de la fontaine de Notre-Dame de la Bouzanne aux malades en danger de mort :

« A cet effet trois pélerins de même sexe, de même âge et de même condition que le malade partent ensemble en récitant le rosaire. » (Aigurande et ses sanctuaires, Châteauroux, 1910)

La source, la mort, le ternaire et la divinité féminine : ces quatre éléments sont communs au mythe irlandais et à la tradition aigurandaise. Comme à Vaudouan, mais ici de manière encore plus claire, on peut penser que la dévotion à Notre-Dame a remplacé l'ancien culte rendu à la déesse celtique.

Les deux sites ne sont d'ailleurs pas sans se faire écho. En effet, une propriété proche de Vaudouan, précisément nommée Aiguirande, balise la direction d'Aigurande par rapport à la chapelle.

 

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23:30 Publié dans Vierge | Lien permanent | Commentaires (0)

04 octobre 2005

La vouivre de Vaudouan

J'ai vu ce week-end l'étang du Bois-Secret. Aperçu conviendrait mieux. Je n'ai pas foulé sa rive. Une ceinture de prés humides en défendait l'approche. Pas de cartes précises, pas de bottes, pas d'appareil photo, ce fut juste un bref repérage. Nous reviendrons. Un bout d'arc-en-ciel qui perça les nuées me fut comme une promesse.

Je reviens en Vierge, à Notre-Dame de Vaudouan, pour me pencher sur l'étymologie de ce nom. La plus ancienne mention, Capella de Vaudoen, date de 1292. Aucune certitude sur son origine. Le docteur Meunier penche pour Vallis Dianae ou Vallis Diani, le Val de Diane. En tout cas, il précise que « Tout le monde est d'accord sur la signification de la première syllabe : Vau = val, vallée. »

J'ai longtemps accepté ce présupposé, jusqu'à ce que je m'avise que de vallée, il n'y avait point. En effet, la source affleure au flanc d'un talus et Meunier lui-même parle ailleurs du « plateau de Vaudouan ». Situé entre la vallée de l'Indre et celle de son affluent, la Couarde, ce plateau se présente comme une étendue de brandes, autrement dit de terres peu fertiles (paradoxalement, c'est ici qu'on vint implorer le ciel pour la protection des semences). Mais si ce n'est d'une vallée, d'où vient donc Vaudouan ?

Je fus un bon moment sans réponse, jusqu'à ce que le nom antique de Vienne me revienne en mémoire : Vindobona. La ville blanche. Du celtique vindo-, blanc. Que l'on retrouve dans un des noms de la déesse souveraine du panthéon celtique irlandais, Boann

« Sous le nom de Brigit, elle est fille du Dagda comme Minerve est fille de Jupiter. (...) Sous le nom de Boann (*bo vinda « vache blanche »), la Boyne, elle est l'épouse d'Elcmar, qui est un autre nom d'Ogme mais aussi la maîtresse du Dagda et la mère d'Aengus « choix unique » ou Mac Oc « fils jeune ». » (Françoise Le Roux, Christian-J. Guyonvarch, La société celtique, Ouest-France, 1991, p.115).

La génisse blanche de la légende de la statue de bois ne serait-elle pas une trace de l'ancien mythe qui devait présider au culte de Vaudouan ? Pourquoi avoir forgé cette légende en cet endroit perdu sinon pour tenter d'éradiquer un rituel païen enraciné depuis plus d'un millénaire ? La Vierge Marie a sans doute pris la place d' une déesse-mère très populaire encore à la fin du XIème siècle. Le nom primitif formé à partir de vindo- aurait ensuite subi l'attraction du proche Vau- et évolué en Vaudoen, Vaudouan.

Il n'est pas besoin d' ailleurs d'aller en Autriche pour trouver un témoignage toponymique de vindo- : en Brenne encore, le village de Vendoeuvres est, selon Stéphane Gendron, « composé de l'adj.gaul. vindo- « blanc » et ò-briga « mont, château-fort » (DOTTIN 1920 ; TGF § 2637 » (Les Noms de Lieux de l'Indre, Académie du Centre et CREDI Editions, 2004). Albert Dauzat y voyait plutôt un dérivé de vindovera, la « rivière blanche ».

Or, Vendoeuvres est précisément situé sur le parallèle de Saint-Michel-en-Brenne. Et c'est ici qu'on a retrouvé une stèle du Haut-Empire, conservée au Musée de Châteauroux, représentant le dieu Cernunnos, à la tête ornée de bois et portant un torque autour du cou. Anne Lombard-Jourdan, qui voit dans ce dieu Cernunnos le grand dieu souverain de la religion celtique, d'une certaine manière l'équivalent du Dagda irlandais, le décrit ainsi : « Il est jeune et imberbe, assis les jambes repliées devant lui et les mains posées sur un sac qu'il tient sur les genoux ; deux personnages plus petits et nus sont chacun debout sur les anneaux d'un gros serpent dressé et posent une main sur les cornes du dieu créant ainsi un lien entre eux. » (Aux origines de Carnaval, Odile Jacob, 2005, p. 193).

Ce gros serpent dressé ne nous rappelle-t-il pas le dragon affronté par Cadmos, avant la fondation de Thèbes, ou celui que maîtrise l'archange Michel ?

Et si nous examinions en détail ce mythe irlandais de la déesse Boann ?

 

Depuis que je me consacre à ce blog, les soirées télé sont devenues rares. J'ai tout de même fait exception ce soir pour La Vouivre, le film de Georges Wilson adapté du roman de Marcel Aymé. Il fait étrangement écho aux thèmes de ma recherche actuelle, avec ces étangs, cette créature aux allures de Mélusine, immortelle, maléfique et séduisante. Surprise : au générique sont remerciés les habitants et la municipalité de Saint-Benoît-du-Sault, dans l'Indre (alors que l'action est censée se dérouler dans le Jura). C'est donc près d'ici que fut tourné le film. Sur cette belle cité médiévale, il me faudra aussi un jour revenir...



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