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23 avril 2005

L'alphabet des arbres

L'ancien français leigne (issu du latin lignum) désignait le bois, et sans doute faut-il le tenir pour l'origine commune de Liglet, Lignac et Lignat. Faut-il y voir maintenant une allusion au bois sacré où fut déposée la Toison d'Or ?
Remarquons que l' alignement désigne le village de Béthines, qui est situé également sur le parallèle de Luzeret. Or, à la racine de ce toponyme se trouve Beth, le bouleau, premier de la liste dans l'alphabet des arbres, ainsi que je le découvris pour la première fois dans La Déesse Blanche, le livre du grand poète anglais Robert Graves (Editions du Rocher, 1979).

Lui-même avait trouvé mention du Beth-Luis-Nion ou alphabet des arbres dans l'Ogygie de Roderick O'Flaherty, qui le présentait " comme une authentique relique du druidisme transmise oralement jusqu'à nous à travers les siècles. On s'en serait servi, ajoute Graves, jusqu'à une époque récente, uniquement pour des usages divinatoires. Il consiste en cinq voyelles et treize consonnes. Chaque lettre tire son nom de l'arbre ou de l'arbuste dont elle est l'initiale."
Quoiqu'il en soit de l'origine druidique ou non de cet alphabet des arbres, comment ne pas être frappé de découvrir que sur le même parallèle de Luzeret, dans une quasi symétrie avec Béthines, surgit la vieille cité de Cluis, qui renferme donc en son nom Luis, le sorbier, second arbre de l'alphabet ? Cluis, qui plus est cité de Boson, le seigneur fondateur de Neuvy Saint-Sépulchre.
Comment ne pas s'interroger sur la présence, toujours sur le même parallèle, de Bélâbre, cité en 1372 comme "Chastel de Belarbre, sis en Guyenne" ? Ce Belarbre, nous le lirons comme l'arbre de Bel, ou Bélénos, l'Apollon gaulois, dont la nature est parfaitement cohérente avec ce qui a été développé jusqu'ici : "Belenus, honoré en Illyrie et en Italie du Nord plus souvent qu'en Gaule porte un nom celtique qui peut désigner l'éclat du soleil qui voit tout et guérit." (Paul-Marie Duval, Les dieux de la Gaule, Payot, 1976)
Mentionnons encore l'hypothèse d'Edward Davies rapportée par Graves, selon laquelle "le Beth-Luis-Nion aurait été ainsi nommé parce que BLN sont les consonnes-racines de Belin, le dieu celtique de l'année solaire."
Belin, qui en ancien français désigne le bélier.

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22 avril 2005

La corne du Bélier

"La carte du monde imaginable n'est tracée que dans les songes. " Charles Nodier (Rêveries), cité par Gaston Bachelard.

De retour ici, je vois bien que je ne tiendrai pas ma feuille de route. J'avais imaginé de déployer cette étude de géographie zodiacale au fil des mois et des signes traversés, ce pourquoi j'avais ouvert ce blog le jour de l'équinoxe de printemps. Mais le Taureau pointe son mufle alors que je suis loin d'en avoir terminé avec le Bélier. La bête est plus longue à tondre que prévu et il me faut donc renoncer, au moins provisoirement, à l'adéquation du zodiaque terrestre et du zodiaque temporel, à la synchronie des parcours. Ici le chemin s'invente au fur et à mesure de la marche, et aux voies directes nous nous réserverons toujours le droit de préférer les chemins de traverse. Disons qu'il est des retards et des détours qui ne sont pas forcément des pertes de temps.

J'en étais resté à Luzeret, ce petit village au sud d'Argenton qui s' honorait d'un Saint Vivien, évêque de Saintes bien mystérieux. En fait, ce n'est pas le seul lien existant sur la commune avec la Saintonge puisque en aval de la Sonne, la petite rivière qui arrose Luzeret, on trouve les vestiges de l'ancienne abbaye de Loudieu (de loco dei, à l'origine, c'est-à-dire le lieu Dieu ). Or celle-ci relevait de l'abbaye de Fontdouce, sise en Charente-Maritime. Les deux édifices sont pareillement situées dans un vallon, près d'une source (à la Loudieu, elle est même réputée miraculeuse : elle guérirait les maux d'yeux), à l'instar de la plupart des abbayes cisterciennes (d'ailleurs, le pape Alexandre III, dans une bulle du 31 décembre 1163, ordonnera aux religieux de suivre la règle de Cîteaux). Fondée en 1111, Fontdouce s'était développée grâce à Aliénor d'Aquitaine dont les dons avaient permis la construction d'un second monastère de style gothique. La souveraine serait d'ailleurs figurée par une tête tricéphale à quatre yeux qui regardent dans trois directions.

Il semble a priori hasardeux de rapprocher le nom de la rivière, la Sonne, du nom allemand du soleil, mais les influences tudesques sont-elles si rares dans notre langue ? Remarquons que le fondateur de Fontdouce n'est autre que le dénommé Wilhelm de Conchamp , seigneur de Taillebourg ( Wilhelm est le pendant germanique de Guillaume). Repensant à nos Wisigoths, nous observerons aussi que la forme gothique du soleil est sunno.
D'ailleurs, selon le Dictionnaire Historique de la Langue Française (Robert, 1992), le latin classique sol "appartient à une famille de mots indoeuropéens désignant le soleil, affectant des formes diverses qui impliquent une racine avec alternance l-n dans la flexion ; sol proviendrait d'une forme ◦swol- ; le grec hêlios (→hélio-) d'un ◦sawelios."

La racine grecque, nous la retrouvons dans le mythe même de Chrysomallos, le bélier ailé à la toison d'or, en la personne de Hêllé, la lumineuse, fille d'Athamas, roi d'Orchomène. Voyant son pays dévasté par la sécheresse et la famine, cet Athamas envoya à Delphes des députés pour consulter l'oracle d'Apollon. Soudoyés par Ino, la seconde épouse d'Athamas, qui haïssait les enfants du premier lit, Hêllé et son frère Phrixos (le bouclé), ils déclarèrent que leur sacrifice était nécessaire à l'apaisement des dieux. Le brave bélier, qui avait eu vent du complot, emporta alors les deux enfants dans les airs. Mais l'une de ses cornes se brisa et la jeune fille tomba dans la mer, qu'on nomma dès lors Hellespont, aujourd'hui le détroit des Dardanelles. Parvenus en Colchide, Chrysomallos ordonna à Phrixos de l'immoler puis il monta au ciel où il devint le premier signe du zodiaque. Sa toison d'or fut alors cachée par Phrixos dans un bois consacré à Arès (maître traditionnel du signe) et devint l'objet de la quête des Argonautes menés par Jason.

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"The Sacrifice of Phrixos and Helle"
Lucanian Red Figure Nestoris C4th BC
Cambridge, Harvard University Art Museums 1960.367


J'aime à croire que c'est pour porter souvenir du bris de la corne de Chrysomallos que l'alignement Luzeret - Neuvy Saint-Sépulchre passe par Malicornay, ancienne place forte et paroisse dépendant, comme Luzeret d'ailleurs, de l'abbaye de Déols (mais je note aussi qu'un étang Malicorne existe au nord du village, à quelques kilomètres, au milieu des bois).

L'astrologue Jean-Pierre Nicola propose une interprétation du mythe qui n'est pas sans intérêt :

"La Fable exalte la jeunesse... votre jeunesse. Elle oppose le divin au terrestre. Les enfants de Néphélé sont les fruits des nuages et du vent (Athamas est fils d’Eole, dieu du vent)... Une belle-mère calculatrice veut les supprimer pour que ses propres enfants, créatures terrestres, héritent du pouvoir temporel. Ses calculs sont mauvais. " En effet, Athamas, instruit plus tard des visées d'Ino, tua leur fils Léarchos dans une crise de folie.


La jeunesse, les enfants, je les retrouve encore, liés à cet élément aquatique décidément omniprésent, en relisant Le florilège de l'eau en Berry, de Jean-Louis Desplaces (2ème volume, Buzançais, 1981) : j' avais oublié qu'outre l'église, la paroisse de Luzeret abrite une fontaine Saint-Vivien. Situé à 60 mètres au sud de l'édifice religieux, sur les bords de la Sonne, elle était le but d'une procession le 28 août. On invoquait alors Saint-Vivien pour la fièvre des enfants : le rituel consistait en trois tours d' église et la palpation d'une des deux statues en plâtre du saint.

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Maintenant si nous prolongeons l'axe Luzeret-Neuvy vers le sud, nous atteignons le village de Liglet, qui forme avec le village de Lignac et le hameau de Lignat un autre alignement (le terme ne convient-il pas parfaitement ici ?) loin d'être anodin. A suivre, bien entendu.

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15 avril 2005

Lusignan, Luzeret et les Wisigoths

La question est depuis longtemps de savoir si Mélusine tire son nom de Lusignan, le château qu'elle a fondé, ou bien si c'est celui-ci qui lui doit son nom ? Claude Lecouteux penche pour la première hypothèse, réhabilitant ainsi la thèse souvent raillée de Léo Desaivre, selon laquelle Mélusine serait la déformation de "mère des Lusignan" :

"Cette fée bienveillante qui a édifié la forteresse de Lusignan est donc, dans l'esprit des hommes de l'époque, aussi bien à l'origine de la réussite de la lignée que de son déclin. Au Moyen Age, on appelait ces fées "bonnes dames", et il n'est pas impossible, ni même invraisemblable de penser que le génie tutélaire du château fut nommé "bonne dame de Lusignan", puis par extension "mère Lusignan" comme il est fréquent dans nos campagnes. L'usure de la langue conduit alors à une contraction de cette appelation en "merlusignan", et, les liquides /r/ et /l/ ayant presque le même point d'articulation, nous aboutissons à la forme "mellusignan", avec gémination du /l/ puis à Mellusigne, forme attestée par les manuscrits." (Mélusine et le chevalier au cygne, p. 45)

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Mais la question n'en est que repoussée : pourquoi la fée a-t-elle été rattachée à cette famille, à ce lieu même de Lusignan ? La ville, qui se situe à la bifurcation des chemins Poitiers-Saintes (route de Saint-Jacques) et Poitiers-Niort-La Rochelle, se place donc dans le signe du Bélier du zodiaque neuvicien. Or, dans le secteur homologue du zodiaque toulousain, on rencontre Saint-Jean-de-Luz. Doumayrou : "port extrêmement actif au XIIe siècle : l'attribut de ce nom venu d'un mot basque (lohitzun) signifiant marais, a pris tout naturellement la forme romane (lutz) du nom de la lumière, que le tourbillon du Bélier doit extraire de la tourbe ; on sait déjà, si l'on se souvient de ce qui a été dit à propos du mot troubadour, que cette lumière est la trouvaille par excellence." Ajoutons que dans le prolongement de l'axe Toulouse-Saint-Jean-de-Luz, on découvrira Saint-Jacques de Compostelle.

La même forme se retrouve-t-elle à la racine du nom des Lusignan ? Ce serait cohérent avec la logique du signe et ferait en quelque sorte de Mélusine une mère-Lumière. A l'appui de cette hypothèse, on peut avancer la présence en Bélier, non loin d'Argenton, du village de Luzeret qui, au-delà de son nom (Albert Dauzat le dérive de l'ancien français lusier : porte-lumière), ne laisse pas d'être intéressant. Tout d'abord, remarquons qu'il est situé sur le méridien de Toulouse. Ensuite son église est la seule de la région à être consacrée à saint Vivien, mort en 460. Le site nominis en donne la biographie suivante :

"Originaire de Saintes, il devint administrateur de la région de Saintes par décision de l'empereur Honorius, puis renonçant à cette charge, il devint prêtre et évêque. Il connut l'invasion des Visigoths d'Espagne et accompagna les prisonniers jusqu'à Toulouse pour les soutenir dans leur épreuve. Il gagna l'estime du roi Théodoric et put obtenir de lui, quelque temps plus tard, la libération des prisonniers. Il est reconnu au martyrologe romain, mais n'est fêté que dans le diocèse de La Rochelle."

Il n'est pas sans intérêt de retrouver là encore les Wisigoths, que l'on a déjà vus à l'oeuvre avec saint Laurian. Toulouse et Tolède (où Jean Richer voit le centre zodiacal de la péninsule hispanique) ayant été leurs capitales successives, Doumayrou suggère qu'ils ont peut-être joué un rôle important de relais dans la chaîne traditionnelle.

(Petite pause océane pour le géographe sidéral. De retour ici dans quelques jours.)

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14 avril 2005

Mélusine, Aliénor et Epona

"Jusqu'au nombril, elle avait l'apparence d'une femme et elle peignait ses cheveux ; à partir du nombril, elle avait une énorme queue de serpent, grosse comme une caque à harengs."
Jean d'Arras

C'est le duc Jean de Berry, à qui vient d'être rendu en 1369 le comté de Poitiers, qui demande avec sa soeur Marie à Jean d'Arras, libraire et relieur, de rédiger l'histoire de la famille des Lusignan et de leur château, construit selon la légende par la fée Mélusine. Disposant de la vaste bibliothèque du duc où abondent chroniques, récits de voyages (parmi lesquels Le Livre des Merveilles de Marco Polo), compilations de légendes et autres livres d'astrologie, de magie et de divination, Jean rend sa copie en 1392 (on est loin de la frénésie éditoriale actuelle). Ce Roman de Mélusine est le parfait exemple de la fusion entre courtoisie, thèmes chevaleresques et mythes celtiques dont Régine Pernoud voyait l'origine à la cour d'Aliénor d'Aquitaine. C'est à celle-ci, "reine de France, puis d'Angleterre, et surtout reine des Troubadours, que Poitiers, assure Guy-René Doumayrou, doit d'avoir été foyer de poésie et centre de la vie courtoise et chevaleresque dans la seconde moitié du XIIe siècle."

Claude Lecouteux dans Mélusine et le Chevalier au Cygne (Payot, 1982) a ainsi clairement montré que la fée-sirène était la figure d'une déesse celtique. Une déesse-jument venant s'unir avec des humains et apporter la prospérité et dont la forme gauloise est Epona.



Il ne fait dans son ouvrage aucune relation avec le matériel archéologique découvert à Poitiers concernant Epona. Et pour cause puisque c'est seulement en 1983 qu'a été découvert une statuette de la déesse lors d'un sondage sur l'un des plus importants carrefours du centre urbain. Par ailleurs, la monnaie la plus courante chez les Pictons associe la main ouverte au cheval à tête humaine.

(A suivre)

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10 avril 2005

Python issant du limon

Ainsi, quand la terre couverte de l'épais limon que laissa le déluge eut été profondément pénétrée par les feux du soleil, elle produisit d'innombrables espèces d'animaux, les uns reparaissant sous leurs antiques traits, les autres avec des formes inconnues jusqu'alors. Ainsi, mais comme en dépit d'elle-même, elle t'engendra, monstrueux Python, serpent nouveau, effroi des hommes qui venaient de naître, et qui de ta masse énorme couvrais les vastes flancs d'une montagne. Le fils de Latone, qui n'avait encore poursuivi que les daims et les chevreuils aux pieds légers, épuisa son carquois sur le monstre, qui vomit par ses blessures livides son sang et son venin; et, pour conserver à la postérité le souvenir et l'éclat de ce triomphe, Apollon institua des jeux solennels qui furent appelés Pythiens. Le jeune athlète vainqueur dans ces jeux, à la lutte, à la course, ou à la conduite du char, recevait l'honneur d'une couronne de chêne. Le laurier n'était pas encore; les feuilles de toutes sortes d'arbres formaient les couronnes dont Phébus ceignait sa blonde chevelure.

Ovide (Métamorphoses, 434)

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