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26 juillet 2005

Toulx Sainte-Croix

« De mon lit je n'apercevais que la veilleuse énorme de l'hôtel battant dans la rue comme un coeur ; sur l'une des artères était écrit le mot : central, sur une autre le mot : froid, froid de lion, froid de canard ou froid de bébé? Mais le camée Léon frappait de nouveau à ma porte. De son gilet aux vibrations déterminées jusqu’à la racine de ses moustaches le soleil achevait de décharger ses rondins.»
(André Breton, Poisson soluble)

Oublions les vents, les rivages, ces grands escogriffes de pins atlantiques, ce fou de Bassan emprisonné dans la ligne plombée d'un pêcheur du malheur, le sable et la traîtrise des baïnes, le sourire des enfants et la splendeur des nuages, et arpentons à nouveau nos terres intérieures sous l'égide d'un signe nouveau : Lion solaire et flamboyant dont l'étude du secteur zodiacal correspondant va se fonder essentiellement sur le village creusois de Toulx Sainte-Croix.


Du haut de ses 655 mètres, Toulx domine toutes les régions avoisinantes. Du sommet de la tour construite au siècle dernier par l'abbé Aguillaume, on contemplerait jusqu 'au Sancy et au Puy-de-Dôme. Je n'ai pas vérifié mais le panorama est vaste, pas étonnant si les Celtes en ont fait tôt un de leurs oppida. Le nom même viendrait du bas-latin tullum, lui-même emprunté au gaulois tullos, hauteur. Un dernier terme qui n'est pas sans évoquer la Thulé hyperboréenne,
la ville mythique où séjournèrent Apollon et Persée ; et nous pourrions mettre au compte de Toulx cette remarque de Guy-René Doumayrou sur la capitale occitane:

« Le nom, enfin, de Toulouse, qui n'a jamais changé, évoque de façon suggestive le grec thòlos, qui désignait, dans les temps primitifs, la touffe végétale coiffant et liant le sommet des huttes rondes en branchage. Par la suite, le sens s'en est étendu à la coupole hémisphérique en pierres sèches, et enfin, plus particulièrement, à la voûte des fours et étuves. De la coupole construite à la voûte céleste, l'analogie va de soi : centre et sommet, la ligature de la thòlos est bien le lien et le lieu privilégié, récepteur et répartiteur des influx cosmiques, le Trône du Jugement, l'étoile polaire gouvernante (en grec : thémis), de l'ourse (en grec : arctos) : ARTEMIS l'Immuable (du grec : artémès) :
La treizième revient... c'est encore la première ;
Et c'est toujours la seule, - ou c'est le seul moment...
(Nerval, les Chimères : Artémis). » (Géographie Sidérale, p.65)



Il se pourrait bien que Toulx ait été de bonne heure un sanctuaire important du peuple gaulois des Lémovices qui occupait approximativement le Limousin actuel. On a pu déjà noter que la plupart des sanctuaires celtiques sont situés soit au centre soit sur les limites de la civitas, or Toulx est situé sur la frontière avec les Bituriges. Ce n'est que vers l'an 1000 que le village basculera dans l'escarcelle des princes de Déols, et si ce pays limousin de Boussac est dès lors rattaché à la province du Berry, il dépendra toujours du diocèse de Limoges : « exemple caractéristique de l'enchevêtrement des divisions administratives de la France d'Ancien Régime », écrit André Guy, auteur d'un opuscule sur le village.

Que dire maintenant du qualificatif de Sainte-Croix ? Gilles Rossignol y voit une invitation à deux hypothèses : « (...)ou bien le plan primitif [de l'église] aura été inspiré de l'église du Saint-Sépulchre, à Jérusalem (comme à Neuvy Saint-Sépulchre dans l'Indre) ou bien on aura rapporté à Toulx une réplique du « vray boys », le bois de la Vraie Croix. » A vrai dire, aucune des deux propositions ne tient la route, d'une part parce que le vocable de Sainte-Croix n'a été ajouté que postérieurement à la fondation de l'église (dédiée en 1158 à Saint Martial, ce qui n'est pas anodin, nous y reviendrons); d'autre part parce que si relique de la vraie croix il y avait eu, il serait étonnant que la mémoire collective n'en ait pas gardé le souvenir d'une manière ou d'une autre. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé pour Neuvy qui s'honore toujours de deux gouttes du sang du Christ (que l'on doit à l'obligeance du cardinal Eudes de Châteauroux, légat du pape à la VIIème croisade, qui les fit acheminer en 1257).

Faut-il absolument rechercher une cause matérielle, tangible à l'appellation Sainte-Croix ? Ne porterait-elle pas une symbolique lisible seulement dans le paysage et les relations du lieu avec ses alentours ? Pour Henri de Lubac, la croix érigée sur une montagne, au centre du monde, reproduit totalement l'antique image de l'arbre cosmique, en tant qu'Axe du Monde joignant le pôle terrestre au pôle céleste. Or, le méridien de Toulx est le vecteur éloquent d'une telle symbolique : balisé par Boussac ( dont le château abrita longtemps les tapisseries de la Dame à la Licorne ), il désigne le village de Primelles, dans le Cher, situé au coeur de la forêt domaniale de Thoux... Ici, selon Mgr Jean Villepelet (Les Saints Berrichons, Tardy, 1963, p.169), aurait séjourné assez longtemps saint Firmin, évêque d'Amiens, tandis qu'il se rendait à Rome au tombeau des Apôtres. Séjour significatif : Amiens se situe pratiquement sur ce même méridien. Et l'on ne sera guère étonné d'apprendre que l'un des deux Firmin honorés par l'église d'Amiens aurait été converti par saint Saturnin de Toulouse, dont le nom ne se retrouve que dans une seule paroisse du Cher, elle aussi traversée par l'axe polaire.

medium_toulxmalletdenis.jpg


Tournons-nous maintenant vers l'église du village.

12:05 Publié dans Lion | Lien permanent | Commentaires (0)