02 février 2009
De la Brenne (addenda)
Brenne ne désigne pas seulement la région naturelle situé à l'ouest du Berry, mais aussi quelques maisons, hameaux, bois ou étangs pas toujours situés en Brenne, justement. Il me paraît significatif de relever un de ces témoignages près du centre même du grand carré buissé dont j'ai abondamment parlé l'année dernière. En effet, le lieu habité le plus proche de la pièce de terre dite l'Entonnoir - abîme en quelque sorte du carré -, se nomme Brenne, ainsi que l'étang voisin dont la carte IGN fait bien voir le profil marécageux, tendant donc à confirmer l'étymologie de Dottin.
21:35 Publié dans Poissons | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : brenne, entonnoir, carré buissé
01 février 2009
De la Brenne comme abîme
C'est aujourd'hui que, bloqué à la maison à cause de la grippe, je reçois enfin Evocations de l'esprit des lieux, l'ouvrage de Guy-René Doumayrou que j'ai commandé sur le net voici quinze jours. Je l'ai déjà dit, jusque là je n'avais connaissance de ce livre que par le site néerlandais Kunstgeografie. Et c'est donc avec beaucoup d'émotion que j'ai déchiré l'enveloppe cartonnée qui l'entourait. Après un rapide survol de l'ensemble, je me suis bien sûr immédiatement reporté aux pages sur la Brenne, que je citais naguère : "Plus fort encore, la Brenne est au centre d'un triangle des Gaules dont les sommets sont Sein, Planès et Syren en Luxembourg. Très exactement, c'est un étang, dit du Bois-Secret, qui constitue le centre très précis de cette vaste géométrie."
Voici la dite figure, empruntée à Kunstgeografie (qui reproduit celle du livre) :
Et le commentaire de Doumayrou sur la Brenne :
"Les trois hauteurs d'un triangle équilatéral se croisent en un point qui en est le centre de gravité. C'est le lieu privilégié de l'action concertée des trois forces agissantes, le réel ombilic de la Gaule géosymbolique, l'abîme (page 188) où le corps primitif s'écroule dans la confusion des éléments nourriciers de l'étoile. C'est l'équivalent exact du "puisard central" des habitations anciennes (page 73), autour duquel tournait, comme un petit monde, toute l'activité domestique, correspondant, sur un autre registre rituel, à la crypte ou à l'autel des sanctuaires. C'est un vide hanté par l'esprit impérissable du mort tutélaire, allégorique de ce "rien dans quoi gît tout", fusée fine du moyeu de la roue et ordonnateur des révolutions. C'est l'espace informel de tous les possibles, que n'admet aucune particularisation et les présage toutes, l'invivable foyer de la vie." (page 216)
L'abîme, nous apprend la page 188 à laquelle nous renvoie Doumayrou (mais nous ne l'ignorions pas), désigne en héraldique le centre de l'écu, aussi appelé coeur. "Cet abîme, à Toulouse, était matérialisée par la plaine marécageuse où se perdit le trésor de Delphes, au nord de la cité." Trésor dérobé selon les récits sans doute mythiques par les gaulois Volques sous la conduite de Brennus. Bizarrement, Doumayrou ne fait pas de rapprochement avec le nom même de la Brenne, qui pourtant proviendrait du gaulois "brenno", marécageux, boueux (Dottin, 1920, cité par Stéphane Gendron).
Mais reprenons le fil du commentaire de Doumayrou : "On peut le reconnaître encore de nos jours : il se présente comme un territoire déshérité, situé entre Berry et Poitou, la Brenne. Plat pays de bosquets et d'étangs où, en dépit des tentatives de mise en valeur analogues à celles qui trouvèrent quelque succès en Sologne, l'on a dû renoncer à toute forme d'exploitation agricole, hormis un peu d'élevage. [Ici Doumayrou force un peu le trait, voir le site du parc de la Brenne, mais il est vrai que les sols pauvres de la Brenne ne permettent guère qu'une agriculture extensive ; longtemps insalubre et ravagée par la fièvre jaune, la région était très isolée et ne disposait même pas de routes la traversant dans toute sa longueur] Les oiseaux et les poissons continuent d'y déployer une exubérance qui peut faire croire à l'inépuisable générosité de la Mère Nature, encore que, comme partout désormais, la clotûre de fil de fer y insinue méticuleusement ses réseaux excessifs. Le centre du triangle se repère sans difficulté sur la carte. Il erre sur le terrain à la surface d'un plan d'eau appelé, comme pour dissiper tout scepticisme, l'Etang du Bois-Secret : c'est probablement "l'abîme de la végétativité informelle". Un autre, plus au sud, se nomme l'étang de la Mer Rouge, afin que nul ne puisse mettre en doute l'allusion à l'Art d'Hermès."
A l'appui de cette assertion, il cite l'alchimiste allemand Michel Maïer (1568-1622) dans son ouvrage Atalanta Fugiens, Emblème XXXI : "C'est la Mer Rouge qui est sujette au Tropique du Cancer, dans laquelle il n'est pas sûr aux navires chargés ou entourés de fer de naviguer à cause que dans son fond il y a une grande quantité de pierre d'aimant."
La traduction me semble confuse, par rapport à celle donnée par le site Hdelboy.club : "Veut-on savoir ce qu’est cette mer ? Je réponds qu’il s’agit de la mer Erythrée ou mer Rouge, située sous le Tropique du Cancer. Le fond de cette mer contient en abondance des pierres magnétiques ; aussi la traversée en est-elle dangereuse pour les navires dont la charpente est consolidée à l’aide de fer, ou qui sont chargés de ce métal, car ils pourraient facilement être entraînés au fond par le pouvoir de l’aimant."
Bon, il reste que selon les traditions locales rapportées par Chantal de la Véronne (La Brenne, histoire et traditions, Tours, 1971, 2ème édition), le nom de Mer Rouge aurait été donné à l'étang du Bouchet (plus vaste étang brennou) par le seigneur du lieu, Aimery Sénebaud, en souvenir des Croisades, où il aurait partagé la captivité de Saint Louis. Doit-on trancher en faveur d'une des deux hypothèses ? Je ne le pense pas, elles recouvrent certainement un semblable humus symbolique. On a déjà vu le pélerinage se présenter comme l'image de la pratique alchimique, du cheminement vers l'Oeuvre. Et ne trouve-t-on pas ici, dans les deux histoires, référence commune à un roi ? L'emblème de Maïer qui correspond au texte cité est en effet celui-ci :
précédé du texte suivant :
Rex natans in mari, clamans altâ voce ; Qui me eripiet, ingens praemium habebit.
(Le Roi nageant dans la mer crie d’une voix forte : Qui me sauvera obtiendra une récompense merveilleuse)
22:21 Publié dans Poissons | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : doumyrou, brenne, bois-secret, mer rouge, michel maier, abîme, brennus
12 janvier 2009
L'étang du Bois-Secret (réédition)
Assez d'atermoiement, rentrons enfin dans le vif du sujet. Les Poissons, douzième et dernier secteur du zodiaque neuvicien. Afin de précipiter le mouvement, je réédite ici ma note de septembre 2005 consacrée à la Brenne et au mystérieux étang du Bois-Secret, repéré par Guy-René Doumayrou. Je n'ai rien à changer aux mots d'alors, qui montraient immédiatement l'importance de ce petit terroir berrichon tout à fait exceptionnel à tous points de vue.
"Une fois n'est pas coutume : j'abandonne l'habituelle marche pas à pas, de signe à signe, pour d'une seule enjambée diagonale aborder le signe des Poissons. J'y ai été incité, je le répète ici, par la présence de cet axe Vierge-Poissons reliant Vaudouan à Saint-Michel en Brenne, via le centre zodiacal de Neuvy Saint-Sépulchre.
La Brenne est une des quatre régions naturelles du département de l'Indre, une étendue à peu près plate, juste hérissée de quelques tertres de grès, appelés buttons, que l'imagination populaire assimile à des dépattures de Gargantua. C'est le « pays des mille étangs » : une myriade de plans d'eau plus ou moins importants constellent le paysage, véritable paradis pour les oiseaux migrateurs, dont c'est une des haltes préférées sur le chemin des tropiques.
Que ce pays s'inscrive très clairement dans le secteur angulaire Poissons du zodiaque neuvicien fut une des ces coïncidences frappantes qui me portèrent à pousser plus loin mon étude.
Maintenant, il faut savoir que la Brenne apparaît comme une région éminemment centrale dans les recherches de Guy-René Doumayrou. Non pas dans son livre majeur que j'ai souvent évoqué ici, Géographie sidérale, mais dans une publication ultérieure, L'esprit des lieux (Centre international de documentation occitane, Beziers 1987). Du moins je l'imagine, car je n'ai connaissance de ce livre que par un site néerlandais, un des rares sites présentant le travail de Doumayrou (l'inconvénient, évidemment, est qu'il est rédigé en néerlandais, ce qui ne facilite pas la lecture...).
Il reproduit nombre de cartes et de figures de première importance pour la géographie sacrée occidentale. Sur l'une d'entre elles, la Brenne est traversée par l'axe Sein-Lyon-Gargano-Delphes, passant par Neuvy Saint-Sépulchre.
Plus fort encore, la Brenne est au centre d'un triangle des Gaules dont les sommets sont Sein, Planès et Syren en Luxembourg. Très exactement, c'est un étang, dit du Bois-Secret, qui constitue le centre très précis de cette vaste géométrie.
Or, cet étang du Bois Secret, dont le site donne des photos et la position très précise sur la carte IGN, est situé sur la paroisse de Saint-Michel-en-Brenne.
De ceci je n'ai eu connaissance bien sûr qu'en février dernier, au moment où je faisais l'inventaire de ce qu'on pouvait trouver sur la Toile en matière de géographie sacrée (fort peu de choses en l'occurence), donc bien après avoir mis en évidence l'axe Vaudouan-Saint-Michel-en-Brenne.
Cet étang du Bois Secret a-t-il inspiré l'auteur du tarot divinatoire portant le même nom : « Ce tarot trace un sentier vers le cœur caché de la Nature, un endroit magique qui pourrait se trouver dans l’âme de chacun d’entre nous. » ?"
23:05 Publié dans Poissons | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : brenne, bois-secret, étang, gargantua, vaudouan, saint-michel en brenne, doumayrou
29 septembre 2005
Saints Archanges
29 septembre, fête des Saints Archanges. L'occasion est trop belle de continuer l'enquête sur Saint-Michel-en-Brenne. Faute de temps, je reprends ici in extenso, sans en corriger une ligne, un passage de mon essai de 1989, relatif à la Brenne.
« Près du château du Bouchet, s'étend le plus vaste des étangs brennous : l'étang de la Mer Rouge, ainsi baptisé, d'après la légende, par le seigneur du Bouchet, au retour d'une croisade en Terre Sainte. Il aurait aussi fait construire la petite chapelle blanche, sise entre les arbres et les eaux, en souvenir d'une apparition de la Vierge dans le creux d'un vieux chêne, alors qu'il recherchait un épervier perdu. Rien n'est gratuit dans cette fable : le vieux chêne est l'arbre cosmique, symbole de la fonction zénithale, polaire, principe moteur de toute vie. Aussi trouvons-nous, à la verticale de la chapelle, la cité de Bélâbre, qui doit son nom au Bel Arbre, peut-être l'arbre de Bel, Bélénos, l'Apollon gaulois, dont les traits seront repris par l'archange Michel, qui signe la paroisse de Saint-Michel-en-Brenne, située au nord du même méridien. Celui-ci survole l'étang de la Gabrière, que la seule chaussée d'une route sépare de son jumeau, l'étang du Gabriau. Font-ils référence à cet autre archange, Gabriel ? Figurent-ils les deux ailes de cet épervier perdu, de cet autre ange, lui déchu, Lucifer, « porte-lumière » ? Mais l'épervier est aussi une sorte de filet pour attraper le poisson, ce qui fait écho au signe tout en servant d'image concrète de la géographie sacrée emprisonnant dans les mailles de sa logique villes, église, châteaux, rivières et sites naturels. L'épervier est enfin ce jeu d'enfant qui consiste en une chaîne toujours grandissante de ses successives captures, illustrant par-là même la contamination initiatique, la sève spirituelle se disséminant dans les canaux du chêne cosmique. Cette cabale phonétique s'enracine en Navarre, à l'horizon de Toulouse : le blason de cette province est de gueules aux chaînes d'or mérellées, chargées en coeur d'une émeraude au naturel. L'émeraude fut, dans le conte, détachée du front de Lucifer, puis taillée dans la forme du Graal pour y recueillir le sang du Christ. A l'horizon de Belâbre est ce village déjà repéré de Luzeret -dérivé de l'ancien français lusier, "porte-lumière" précisément. Par ailleurs, assure Doumayrou, « le sang du supplice est, d'un point de vue païen, la pierre vomie par Saturne, roi déchu, c'est-à-dire le Bétyle. L'origine delphique de ce monument étant perdu, on en ignore la forme première, mais sur les représentations antiques il est toujours semblable à un oeuf prisonnier d'un filet, ou des spires d'un long serpent enroulé. C'est la semence lapidaire enchaînée par la Mérelle (la toile ou les étoilements du filet) où serpente Mélusine, dans un embrassement qui l'emportera de la chute à la régénération.(Géographie sidérale, p. 160-161) » Ce Bétyle ne serait-il pas inscrit, à peine voilé, dans le nom de Béthines -village du proche Poitou, domaine de Mélusine- placée exactement sur l'horizon de Bélâbre ? D'autant plus que l'axe Béthines-chapelle de Notre-Dame de la Mer Rouge aboutit à Sainte-Gemme tout en rasant la ville haute du Blanc, ville sacrée à l'époque gallo-romaine, où se trouvait, selon Jacques Pineau, un « Orgeon », association religieuse s'adonnant au culte de Cybèle, celle qui causa la chute du vieux Saturne."
23:45 Publié dans Poissons | Lien permanent | Commentaires (1)