Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10 février 2006

Le portulan occulte

 

Ph. Audoin : « Plus précise encore est l'indication que donne l'écu en targe que tient ostensiblement le pèlerin : au centre, un coeur ailé, chargé d'une croix en tau (dite croix de saint Antoine) ayant à sa pointe un croissant de lune renversé, et surmonté d'un soleil ; autour, cinq étoiles, trois en chef, deux en pointe – ce qui nous fait, en comptant le soleil et la lune, les sept métaux traditionnels, qu'on voit toujours, dans les planches didactiques, témoigner pour l'oeuvre à son début. »

 

J'incline à considérer Tranzault comme le coeur même de la croix en tau dont la barre supérieure serait figurée par l'axe Sarzay-Lys . Lys, avec son donjon massif elliptique, représenterait alors la Lune, principe féminin, tandis que Sarzay, par les cinq tourelles de son donjon, exprimerait les cinq étoiles du blason. Le soleil (grec helios) pourrait, lui, avoir quelque rapport avec Hélyon II « le brave », seigneur de Barbançois-Sarzay, dont la curieuse biographie est incontestablement marquée par le chiffre 7 : mariage le 25 octobre 1507 avec Emée du Plessis (deux lieux-dits le Plessis repérables sur l'axe Neuvy-Bourges), duel à l'âge de 70 ans, ordonné par le conseil du roi le 1er octobre 1537 et, après la victoire contre toute attente sur le sire ennemi, trépas sept années plus tard (Château de Sarzay, T. Massereau, opuscule).

****

« Le coeur croisé, ailé, dont, selon la table d'Emeraude, le soleil est le père et la lune la mère, est exactement équivalent au coeur de l'argentier, croisé lui aussi, et chargé d'une coquille. Il marque la conjonction des deux principes et par ses ailes, auxquelles celles de l'ange initiateur ajoutent un écho redondant, il attire l'attention sur la volatilité du Mercure qu'il convient avant tout de réduire ou de fixer. »

L'axe, on l'a déjà dit, passe à Saint-Août. Or le mois d'août est en grande partie sous le signe du Lion, dont la partie du corps correspondant dans la doctrine astrologique est le coeur (et notons que l'axe traverse également la forêt de Choeurs). On peut d'ailleurs se demander si cette rencontre réconciliatrice à Lys Saint-Georges entre Philippe Auguste et Richard Coeur de Lion, uniquement rapportée par une tradition orale, ne masque pas là encore la conjonction de deux principes antagonistes.

**** 

« C'est à ce point que la petite fée de Bourges peut livrer quelque chose de son secret.

Elle est en effet comparable, à plus d'un titre, au jeune éphèbe mercurien qui gouverne la deuxième clé de philosophie de Basile Valentin. Il est placé, comme le coeur croisé du pèlerin, entre le soleil et la lune. Ses épaules ne portent que de petites ailes courtes de poulet ; à ses pieds gisent de grandes ailes, emblèmes de cette volatilité que le combat du fixe, exprimé par un serpent, et du volatil, traduit par un aigle, lui ont fait perdre.(...) »

 

medium_clef_ii.jpg

 

Basile Valentin- IIème clé

A Mers-sur-Indre, second jalon sur l'axe Neuvy-Bourges, confluent l'Indre et la Vauvre. Coïncidence hydrographique judicieusement exploitée pour exprimer la fusion, dans la Mer Philosophique (de la même manière que Mouhers, dans le retour sur Cluis), du principe humide (la Vauvre, rivière qui « serpente », autrement dit la Vouivre) et du principe igné (l'Indre qui vient de recevoir les eaux de l'Igneraie).

****

« Il faut maintenant se mettre à ses pieds : l'entrelacement des osiers qui clôturent le jardin d'où naît cette aimable fiancée, évoque parfaitement les mailles et les macles que nous avons déjà rencontrés sur le chemin de saint Jacques. Ce réseau de croix, ce tissu de losanges est, on l'a dit, le signe matériel de la parfaite union du soufre et du mercure, le signe de l'étoile polaire sur laquelle l'artiste doit, dit-on, gouverner sa marche. »

 

medium_croixtranzault-arthon.jpg
 

 

La géographie sacrée est bien cette résille invisible qui quadrille les pays berrichon et marchois, le portulan occulte sur lequel se régle la marche des destins : la ligne Tranzault-Lys prend tout son sens en désignant Arthon, l'Ourse, la Polaire. Ainsi donc ce croisement de Tranzault réunit dans une même figure les deux hauts-lieux polaires depuis l'antiquité biturige, Arthon et Avaricum.

 

00:13 Publié dans Scorpion | Lien permanent | Commentaires (4)

08 février 2006

L'ange et le bourdon

"Ce fut bien pis lorsqu'on sortit des sables pour descendre dans les terres grasses et fortes de la Vallée-Noire. Aux lisières de ce plateau stérile, madame de Blanchemont avait admiré l'immense et admirable paysage qui se déroulait sous ses pieds pour se relever jusqu'aux cieux en plusieurs zones d'horizons boisés d'un violet pâle, coupé de bandes d'or par les rayons du couchant. Il n'est guère de plus beaux sites en France."

George Sand (Le Meunier d'Angibault)

 

***

medium_pelerin-alchimique.3.jpg

Ph. Audoin : « On y voit un homme vêtu du traditionnel costume des Jacques, appuyé sur son bourdon et suivi d'un petit chien bondissant. Ce pèlerin ressemble à s'y méprendre au Mat du tarot que nous avons déjà mis en relation avec le Mercure, à ce détail près que son compagnon de route ne déchire pas ses braies. »

medium_mat-fou.jpg

 

 

« Le « Bourdon », précise André Savoret, était un long et solide bâton dont le haut était taillé en forme de gourde. Le plus souvent, une vraie gourde, compagne obligée de l’errant, y était fixée. Dans l’ordre spirituel, la « gourde » était analogue à la « dive bouteille » et au « chaudron » contenant l’élixir d’immortalité dont parlent les anciens bardes gallois. »

Le hameau de Gourdon, sur une hauteur dominant les deux ruisseaux du Gourdon et de l'Aubord et l'ancien passage à gué nommé Guéchaussiot, hameau balisant donc l'axe Sarzay - Neuvy, apparaît comme le mot-valise idéal rassemblant gourde et bourdon. Son étymologie est par ailleurs incertaine : Stéphane Gendron écrit juste « qu'on peut risquer un rapprochement avec l'ancien nom de Sancerre, Gortona au 1er s. av. JC. » (Les Noms de Lieux de l'Indre, p.9), nom qui semble exprimer une notion de hauteur. Il admet comme possible l'existence d'un ancien oppidum.

 

 

***

Ph. Audoin : « A droite du pèlerin se tient, sur un escarpement, un château auquel nul chemin visible ne conduit. C'est à l'évidence, le château du Graal, ou le Palais fermé du Roi dont Philalèthe se flatte d'ouvrir la porte au disciple. C'est dans ce château que le pèlerin mercuriel doit pénétrer pour en rajeunir le roi. Un ange aux ailes éployées surgit de la broussaille et semble, d'une main l'accueillir, de l'autre lui désigner le haut lieu. »

Stéphane Gendron a beau affirmer que « l'assertion, rapportée par Gillian Tindall, selon laquelle la commune de Sarzay serait un écho lointain de la présence des Sarrasins est sans fondement. », je ne puis m'empêcher de rapprocher ce nom de la ville de Sarraz, mentionnée dans La Quête du Graal de Robert de Boron : « Quarante-deux ans après la passion de Jésus-Christ, il advint que Joseph d'Arimathie, le gentil seigneur qui détacha Notre Seigneur de la Sainte Croix, quitta Jérusalem avec nombre de ses parents. Ils marchèrent, jusqu'au moment où Notre Seigneur leur commanda d'aller en la cité de Sarraz, que tenait Ewalach, un Sarrazin. »

L'ange, alors, se tiendrait à Angibault – lieu-dit et moulin, théâtre de l'un des plus célèbres romans de George Sand, Le Meunier d'Angibault - situé en aval de Sarzay sur la Vauvre, qui plus est sur son méridien. Sur le roman, il y aurait beaucoup à dire : notons seulement pour l'instant que la romancière y rebaptisa Sarzay en Blanchemont, ce qui introduit un chiasme suggestif avec la Vallée Noire, désignation proprement sandienne de cette partie du pays berrichon qu'elle prit pour cadre de ses romans dits champêtres, et dont elle fait dans ce roman même la description célèbre qui ouvre cette note.

(A suivre)


01:20 Publié dans Scorpion | Lien permanent | Commentaires (2)

06 février 2006

La Dame et le Pélerin

Cette figure féminine du palais de Jacques Coeur serait, selon Philippe Audoin, une allégorie alchimique. Ecoutons sa description remarquablement précise : « Les ailes, dont le plumage est ciselé avec une extrême finesse, s'étalent de part et d'autre des épaules sur lesquelles se dresse, entre l'attache de l'aile et la naissance du cou, une plume isolée, un rémige parfaitement droit et complaisamment détaillé.

On ne voit pas les pieds de la dame : elle est issante d'un petit jardin, clos d'une palissade de vannerie que surmontent diverses fleurs parmi lesquelles on peut reconnaître des églantines et des pâquerettes à demi closes.

De chaque côté de cette figure centrale, on distingue les « fantômes » de motifs qui ont été systématiquement martelés, on ne sait quand ni pourquoi, mais dont la silhouette rugueuse est encore très lisible. Il s'agit de rameaux fleuris, analogues à ceux qui garnissent le jardinet, et de deux coeurs sommés d'une croix pattée, très semblables à celui qui, à la porte d'accès de la chapelle, paraît dans l'oeuf philosophique. On ne saurait évidemment affirmer que ceux de notre cheminée étaient, eux aussi, chargés d'une coquille, mais il y a tout lieu de le penser. » (op. cit. pp. 146-147)

 

medium_ecu-pelerin.jpg

L'auteur a ensuite l'idée lumineuse de rapprocher ce bas-relief d'une gravure du XVIème siècle, « qui passe quelquefois pour représenter le théologien Gerson, mais qu'ailleurs on désigne simplement par Le Pèlerin(...) ». Arrivés à ce point, il nous faudra accompagner pas à pas son commentaire, en le faisant suivre du nôtre.

 

medium_pelerin-alchimique.jpg
(A suivre)

23:50 Publié dans Scorpion | Lien permanent | Commentaires (0)

02 février 2006

A vaillans cuers riens impossible

"Bourges, vieille cité berrichonne, silencieuse, recueillie, calme et grise comme un cloître monastique, déjà fière à juste titre d'une admirable cathédrale, offre encore aux amateurs du passé d'autres édifices également remarquables. Parmi ceux-ci, le palais Jacques Cœur et l'Hôtel Lallemant sont les plus purs joyaux de sa merveilleuse couronne. "

Fulcanelli, (Le mystère des Cathédrales, Pauvert, 1964, p.175 )

 

Véritable transversale du pays berrichon, l'axe Cluis-Neuvy-Bourges est tout d'abord jalonné par le petit bourg de Tranzault que j'ai déjà évoqué pour ses fontaines. Paroisse sous patronage royal, ai-je signalé aussi, ce qui n'est pas anodin, d'autant plus qu'à trois kilomètres de là seulement s'élève le puissant château de Lys Saint-Georges qui, selon la tradition, devrait son nom à une rencontre entre Philippe Auguste et Richard Coeur de Lion. Il aurait de plus appartenu à l'illustre Argentier berruyer, Jacques Coeur. Figure quasi mythique de la fin du Moyen Age, on l'a soupçonné de tout temps d'avoir possédé le secret de la Pierre Philosophale. A tout le moins, il était familier de la symbolique hermétique comme en témoigne à l'envi l'ornementation de ses demeures dont, en tout premier lieu, celle de l'Hôtel qu'il fit construire à Bourges. En ce qui nous concerne, nous retrouvons sa marque à Lys Saint-Georges en l'aspect d'un blason portant la coquille Saint-Jacques. Mais que dire du nom même du castel (que j'ai déjà approché symboliquement ici) sinon qu'il exprime des notions essentielles de la gnose alchimique : « En alchimie opérative, explique Serge Hutin, la fleur de lys symbolise l'eau, le mercure philosophal. Plus généralement, elle s'appliquera à la Féminité divine. La fleur de lys joue un rôle central dans les mystères hermétiques : on la représente d'ordinaire portée par un personnage féminin. » (in. Histoire et Guide de la France Secrète, Planète, 1968, p. 250). Quant à saint Georges, le chevalier vainqueur du dragon, il figure le combat du soufre et du mercure.

 

medium_axecluis-neuvy-bourges.jpg

Il se trouve maintenant que l'alignement Lys – Tranzault est pratiquement perpendiculaire à notre axe primordial, et si nous le poursuivons vers le sud-est nous aboutissons à Sarzay, un impressionnant château féodal absent jusqu'ici de l'exploration zodiacale. La ligne le reliant à Neuvy passe par le hameau de Gourdon et désigne Montgivray, anciennement Maugivray, autrement dit la mauvaise guivre, la vipère maudite. Et c'est sur une éminence dominant la vallée du Gourdon que se place Lys Saint-Georges.

 

medium_sarzay2.jpg
Château de Sarzay

De ce réseau de lignes entrecroisées, on peut éclairer la signification en se référant directement à une sculpture en bas-relief du palais de Jacques Coeur qui ornait le manteau de cheminée d'une salle située au rez-de-chaussée du donjon. Elle représente une femme ailée déployant un phylactère plus qu'à demi brisé portant la devise de l'Argentier : A vaillans (ici un coeur) riens impossible. »

 

medium_angelote.jpg

(A suivre)


 


23:50 Publié dans Scorpion | Lien permanent | Commentaires (0)

18 janvier 2006

Sous le signe d'Héphaïstos

La position de la ville de Bourges dans le signe du Scorpion n'est pas dénuée de réminiscences antiques : déjà, dans la géographie sacrée égéenne, ce signe se place sous les auspices de la magie et du sacrifice. Jean Richer a pu montrer que le gardien en était cet énigmatique Héphaïstos, que les autres dieux tournaient en dérision. Il « porte un pilos de forme phallique et a les pieds tordus du sorcier. Il représente l'acquisition des pouvoirs magiques par le sacrifice de la sexualité, par la transformation de l'énergie sexuelle. » (Géographie Sacrée du Monde Grec, p. 96). Ce qui ne l'empêchait pas de convoiter les belles déesses, ainsi c'est en tentant de violer Athéna qu' un peu de sa semence tombe en terre, la féconde et provoque la naissance d' Erichthonios, mi-homme, mi-serpent, car selon Richer, Héphaïstos a succédé à un ancien dieu-serpent nommé Ophion

 

 

medium_vouivre.4.jpg

Or, sur le mur extérieur de la rotonde de Neuvy, dans la direction même de ce secteur Scorpion, on peut observer une sorte de monstre ailé doté d'une longue queue serpentine (ce bas-relief n'est autre que l'emblème même de ce site, sur la page d'accueil). A noter encore que cette sculpture, que les notices sur le monument ignorent curieusement, se situe à proximité de l'un de ses axes de symétrie (axe 6-2 sur le plan). Axe dont j'ai déjà signalé qu'il était le seul à ordonner les onze colonnes selon une symétrie axiale : cinq colonnes faisant ainsi face à cinq autres, la onzième étant traversée par l'axe. Autre singularité : cette colonne porte le seul chapiteau garni en totalité d'un décor végétal, tous les autres représentant des monstres, des animaux ou des personnages.

 

medium_rotonde-sprink3.jpg
 

 


Tout se passe donc comme si une orientation secrète avait été donnée à l'édifice, qui désignerait Bourges et le Scorpion, signe « infernal » dont il n'était bien sûr pas question de faire une visée explicite. Peut-être est-ce là le début d'une explication du choix de ce nombre onze, dont Doumayrou rappelait (G.S, p.275-276) qu'il était «  à peu près unanimement considéré comme néfaste dans la tradition occidentale. C'est le nombre des apôtres après la trahison de Judas, le retour d'une singularité venant détruire la perfection du dénaire, bref le désordre. »


 

23:33 Publié dans Scorpion | Lien permanent | Commentaires (3)