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10 juillet 2009

Châteauroue

Intéressante initiative de Loïc Touzet et Jean-Marc Le Bruman : la ville de Châteauroux investie en son centre par des artistes contemporains, du 20 juin au 18 juillet. Symbole de cette opération de métamorphose de l'existant, la transformation du nom même de la cité : Châteauroux devient Châteauroue. Explication en est donnée dans le texte inaugural figurant sur le blog dédié :

"Deux légendes se croisent ici pour en fonder une troisième.
Tout d’abord, la littérature (et donc le cinéma) regorge de « châteaux tournoyants » toujours situés au centre
des mondes, demeures de rois-magiciens auxquels le mouvement circulaire confère l’immortalité.

Châteauroux prenant l’-e en place de l’-x devient un tel château tournoyant ; de plus en région Centre.
D’autre part, la légende veut que le premier « ready-made » de Marcel Duchamp soit une roue de bicyclette
montée à l’envers sur un tabouret blanc ordinaire. Il semble que cet assemblage, initialement réalisé
pour divertir l’œil et l’esprit de Duchamp, ait conduit celui-ci à créer son œuvre géniale car

précurseur de tout ce que nous connaissons aujourd’hui.
Concilions le château-roue tournoyant et la roue de bicyclette, emblème de l’art contemporain et l’on obtient

« Châteauroue », berceau mythique de la naissance de l’art contemporain. L’école municipale des beaux-arts
ne s’appelle t’elle pas Collège Marcel Duchamp ? "


Ancrage dans le sacré pour donner essor à l'art contemporain, en faisant entrer concrètement  l'art dans les vitrines. Les commerçants jouent le jeu, l'espace culturel Leclerc accueille des oeuvres dans son hall d'entrée, les journaux locaux couvrent la manifestation. La volonté de rapprocher le public et l'art, de  sortir celui-ci de ses lieux habituels, d'entamer un dialogue avec la population, comment ne pas souscrire à tout cela ?
Il reste qu'une sorte de scepticisme m'étreint. Ce  consensus qui semble régner autour de l'évènement, au lieu de me réjouir, me pose question.
Sur le rapport au sacré tout d'abord. Pourquoi s'en prévaloir pour ensuite affirmer que l'on veut proposer "des formes de diffusion désacralisées" ?  (L'Echo-La Marseillaise du 17 juin)
Désacraliser a été le mot d'ordre de tous les mouvements radicaux du XXème siècle. L'antienne obligatoire de l'avant-garde. Faut-il encore en rajouter aujourd'hui ? Faut-il que l'oeuvre d'art soit au niveau de la marchandise, du sweat Quicksilver et du parfum Marionnaud, installée dans les mêmes vitrines, jouissant des mêmes éclairages et de la même signalétique étudiée ? L'art contemporain est partout, affirment les initiateurs du projet. Pourtant s'il est partout, cela veut dire aussi qu'il n'est plus nulle part, ou plutôt qu'il n'y a plus de différence entre l'art et le non-art, ou encore qu'il n'est nul besoin d'oeuvre car la marchandise fait déjà oeuvre.
D'ailleurs, quel accueil pour Châteauroue ? Une indifférence polie, on laisse faire les artistes, il faut bien qu'ils s'amusent. Pas de crainte de scandale. Le blog est à l'image de cette mollesse d'attitude. pas un commentaire ne vient agiter, prolonger les différents articles consacrés aux artistes invités. Je dois bien être le seul à émettre une voix légèrement discordante.
Qu'on comprenne bien ma réticence : elle n'est pas vis-à-vis de l'art contemporain que je respecte le plus souvent, que j'aime en certaines de ses propositions, mais elle est vis-à-vis d'une attitude trop naïvement duchampienne. Les installateurs de vitrines seraient-ils les nouveaux plasticiens ? je ne le pense pas, je pense en effet - le point de départ était bon - que le sacré a à nouveau quelque chose à faire avec l'art, le sacré, j'entends bien, et non le religieux,  mais que ce n'est pas en investissant l'espace de l'économie, ce n'est pas en pactisant avec  le plus profane qui soit que l'on retrouvera le chemin vers la lumière tournoyante des châteaux légendaires. Elle  ne saurait se réduire à celle des écrans et des spots.
Ce chemin reste à inventer, les nouveaux sanctuaires sont encore à découvrir.