15 août 2005
Translatio Leodegariis
Le corps de saint Léger est donc acheminé d'Arras jusqu'à Saint-Maixent : l'Artois se situant en secteur Sagittaire, le retour des reliques décrit donc le périple de la lumière dans la période allant du solstice d'hiver à l'équinoxe printanier. A l'image du jour qui croît quotidiennement en durée, le cortège mené par Audulf, abbé de Saint-Maixent et ancien disciple de Léger, va être suivi d'une foule toujours plus fervente, émerveillée par les miracles qui jalonnent l'itinéraire. Le moine Ursin de Poitiers, biographe de Léger, rapporte qu'ils étaient si nombreux qu'on ne pouvait les énumérer. « Un psautier contiendrait à peine tous ceux que j'ai vus. » Ainsi, à Ingrandes , à la frontière des diocèses de Tours et de Poitiers, un boiteux et un paralytique sont guéris. Pierre Riché, encore : « A Antran, près de Chatellerault, le cortège s'arrête quelque temps : l'évêque Ansoald en prend la tête, conduit d'abord les restes de saint Léger à Sainte-Radegonde, puis à Saint-Hilaire, et confie enfin le précieux chargement aux moines de Saint-Maixent (1). Ces derniers installent le corps de Léger dans un tombeau au centre du monastère. » (op. cit. p. 201).
Curieux, ces miracles en limite de diocèse, que marque bien le vocable Ingrandes qui, comme Aigurande et Ingrandes sur l'Anglin, indique initialement la frontière entre deux civitas celtiques. Un alignement Ingrandes-Antran, orienté Nord-Nord-Est, passe bien au sud par un lieu-dit Saint-Léger (sur la rive gauche du Clain, que suivaient les pélerins de Compostelle) et la forêt de Saint-Hilaire, tandis qu'un autre alignement pratiquement parallèle est décelable près de Thouars, qui joint Saint-Léger de Montbrun et Saint-Léger-de-Montbrillais à Mont-Forton et le bois de la Motte.
Ceci est particulièrement intéressant dans la mesure où se confirme la connivence profonde de saint Léger avec le Bayart et les quatre fils Aymon. En effet, la geste des Fils Aymon parle d'une « roche haute, contre-mont, vers le ciel », dans la plaine de Vaucouleurs où Charlemagne attend les quatre frères en embuscade. Henri Dontenville, qui suggère, arguments à l'appui, que l'Ardenne du poème pourrait fort bien se situer en Aquitaine, propose une nouvelle localisation du lieu : « Ce pourrait être cette Roche Mombron, dans un bois, à « la Lustre », commune de Tauriac (...) un hameau est là, de ce nom, à environ 1,5 km du fleuve, avec une roche émergeant des bois et où nulle empreinte de cheval ne subsiste (la pierre s'est désagrégée). La carte porte bien « la Lustre » sur la route n°669 et une habitante de la Rochemonbron dit la suite. Le manuscrit La Vallière porte « roche Mabon ». Le frère de Renaud, « Richard vint poignant à la roche Mabon » (v.7043). Les livrets populaires restituent : Roche « Montbron ». » (La France Mythologique, pp.111-112).
La popularité du récit a favorisé l'essaimage du thème : ajoutons, pour finir, que Saint-Léger de Montbrillais précède sur l'axe les villages de Roche et de Montbrillais tandis que l'alignement passant par Ingrandes rase Saint-Ustre (avec son église Saint-Maixent de la fin du XIème - le nom Ustre viendrait d'Adjutor, premier nom de saint Maixent) et touche Buxeuil (enfermant le château de la Roche-Amenon et rappelant incidemment Luxeuil où Léger fut emprisonné), près de Descartes, avant d'atteindre Bléré où Henri Dontenville, encore lui, a retrouvé la plainte déchirante de la femme de Renaud, elle qui vient d'accoucher et qui découvre au matin la mort de son mari :
Elle a jeté un si grand cri
Que l'église en a retenti :
Prenez mes bagues, mes anneaux,
Je veux mourir avec Renaud. (op. cit, p. 134)
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Sur la commune creusoise de Saint-Maixant, située sur le méridien de Toulx, la courte notice du Quid est éloquente, qui nous rappelle les thèmes abordés dans l'étude de la montagne polaire :
« La paroisse de Saint-Maixant était jusqu'au 19ème église matrice de celle de Saint-Amand. Berceau au 13ème de la famille de La Roche-Aymon. Jean de Malleret, marquis de Saint-Maixant, fut député de la noblesse aux Etats généraux de 1789. La commune prit le nom de "La Victoire" pendant la Révolution. »
17:25 Publié dans Lion | Lien permanent | Commentaires (0)
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