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16 octobre 2005

Si le grain ne meurt

A La Châtre, à une dizaine de mètres de l'Indre, au pied de l'ancien château seigneurial (qui abrite maintenant le musée George Sand), surgit la source appelée Grand-Font ou Fontaine Sainte-Radegonde. Un monument néo-gothique du 19ème recouvre le bassin triangulaire de 2,5 m de diamètre, au-dessus duquel trône dans une niche une statue en pierre polychrome de sainte Radegonde. La dénomination de la fontaine est récente : jusqu'en 1900, on l'appelait Fontaine Notre-Dame. Comme à Vaudouan, on y déposait des cierges pour la délivrance des femmes en couches, mais aussi pour celle des prisonniers (le donjon surplombant le site servait surtout de prison ). « Ces femmes « en mal d'enfant », rapporte Jean-Louis Desplaces, se rendaient ensuite en ville Place Notre-Dame, où elles déposaient des « chandelles » devant la statue de la Vierge. » (Florilège de l'eau en Berry, op. cit. p. 58).

 

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Statue de sainte Radegonde

Déplaçons-nous maintenant à trois kilomètres de La Châtre, au village du Magny. L'église y a pour titulaire saint Michel (rappelons que les pélerins qui allaient au Mont Saint-Michel s'arrêtaient à Vaudouan). Son histoire mérite attention : elle fut en effet offerte, ainsi que le bourg, à l'abbaye de Déols, en 927, lors de la consécration de celle-ci. Les donateurs ne sont pas anodins : il s'agissait rien moins que de Guillaume II d'Aquitaine et de sa femme Ingeberge. Le chambrier de l'abbaye de Déols était d'office prieur du Magny. Un tel legs à une communauté que nous avons vue, dès le début, présider aux destinées de la vie religieuse de la région, ne peut manquer d'être marquée symboliquement. L'alignement Le Magny-Neuvy saint-Sépulchre est, comme on pouvait s'y attendre, chargé d'indices.

Ayant auparavant traversé La Motte-Feuilly et Briantes (deux paroisses qui relevaient de l'archevêché de Bourges), l'axe majeur (je le surnomme ainsi car Magny s'apparente au latin magnum) passe ensuite par l'abbaye de Varennes et frôle le hameau du Ponderon où se situe une fontaine Sainte-Madeleine invoquée également pour les biens de la terre. Une messe champêtre continue, semble-t-il, d'y être célébrée le 22 juillet, jour de la fête de la sainte. Celle-ci est étroitement associée à La Vierge Marie : elles sont ensemble au pied de la croix du Christ, recueillant ses dernières paroles (cf. Jean, 19, 25). C'est Madeleine qui, la première, découvre le tombeau vide puis Jésus ressuscité.

 

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L'axe majeur ou "l'alignement des saint Eloi"

Prenons encore davantage de champ. Vers le sud-est, l'axe majeur prend racine à Saint-Eloy d'Allier, sur le parallèle de Sainte-Sévère, tandis que vers le nord-ouest, il aboutit au bois de la Chaise, entre Mosnay et le château de la Chaise Saint-Eloi. Un pélerinage existait là aussi, qui reliait l'église du village de Mosnay et les ruines du prieuré de la Chaise, qui relevait de Déols et dont la chapelle était dédiée à saint Eloi : « Arrivés au bord de la fontaine, les pélerins y trempaient un rameau bénit, au moyen duquel ils arrosaient le curé, afin d'avoir la bénédiction du ciel. » (Brigitte Rochet-Lucas, Rites et traditions populaires en Bas-Berry. Pélerinages et diableries, 1980, p.27).

Maintenant, pourquoi saint Eloi ? Ce saint, originaire du Limousin, a trouvé place dans le Propre du diocèse, « en raison, explique Mgr Villepelet, des voyages qu'il fit à Bourges, pour visiter son ami saint Sulpice-le-Pieux, et plus tard pour s'agenouiller sur son tombeau. » (Les saints berrichons, Tardy, 1963, p.199). Le prélat rapporte ensuite qu'au cours de ses visites, il délivra miraculeusement plusieurs prisonniers. La délivrance, aussi bien de la femme en gésine que du prisonnier, est donc bien le motif dominant la symbolique du secteur Vierge. Il apparaît dans le mythe de Déméter - implorant la délivrance de Proserpine retenue par Hadès – comme dans l'Evangile où Marie de Magdala (Marie-Madeleine) est délivrée de sept démons par Jésus lui-même (Marc, 16,9). Que cette femme soit ensuite la première à recueillir la Parole de Jésus ressuscité après l'avoir assisté dans sa dernière heure, rien de plus cohérent au regard du symbolisme que nous n'avons cessé de croiser ces derniers jours : la mort et la renaissance du grain, la cérémonie de l'époptie d'Eleusis, doivent être rapprochées de l'évocation du Fils de Dieu mort et ressuscité. « Quand saint Jean annonce la glorification de Jésus par sa mort, il ne recourt pas à un autre symbole que le grain de blé.
"La voici venue l'heure
où le fils de l'homme doit être glorifié.
En vérité, en vérité je vous le dis,
si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt,
il reste seul ;
s'il meurt,
il porte beaucoup de fruits."

(Jean 12, 23-24) » (Dict. Des Symboles, art. Blé, p. 128).

22:20 Publié dans Vierge | Lien permanent | Commentaires (3)

Commentaires

Bonsoir,

Sainte Radegonde est présente également à Pourrioux (Creuse) et surtout à Meilhards (Corrèze), deux villages sur le méridien de Crozant au Sud. Je vous envoie par mel ce que j'ai déjà couché par écrit concernant cette partie Sud du méridien de Crozant.

Écrit par : Marc LEBEAU | 18 octobre 2005

pour porter beaucoup de fruit le grain ne doit surtout pas mourir
mais au contraire GERMER .Si le grain meurt il pourrit et reste seul ,la vie ne se transmet jamais par les cadavres ,qui ne font que se dé-composer ;la pro-création se fait toujours AVANT la
mort .Cette évidente vérité est bien plus belle !

Écrit par : yves magnier | 29 octobre 2005

Vous avez raison, bien sûr, au sens littéral. Mais en germant, le grain meurt à soi-même en tant que grain. Il se transforme et se transformant devient autre, et porte le multiple. Le texte, à mon sens, ne veut pas dire autre chose, et le rédacteur n'était certainement pas un citadin ignorant du devenir de la semence.

Écrit par : Robin | 30 octobre 2005

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