15 avril 2006
De Sucellus à saint Roch
Hypothèse : à Levroux, le culte païen marqué par un templum opulentissum et éradiqué par saint Martin ou saint Silvain, était rendu à Sucellus, le dieu celtique au maillet. Divinité que J.J. Hatt définit comme simultanément sidérale et chthonienne.
Sidérale : son alliance, voire sa fusion, avec Taranis, le Jupiter gaulois, « nous est prouvée de façon formelle, par un certain nombre d'images figurant sur des monnaies gauloises des IIIe et IIe siècles avant J.C. Sur une monnaie attribuée aux Unelli, le maillet de Sucellus apparaît, lancé au bout d'un ruban ondulé, par le conducteur d'un cheval. Ce dernier domine lui-même un chaudron, qui est, comme nous le verrons, un attribut probable de Sucellus. Cette image exprime, au revers d'une médaille dont l'avers porte une tête humaine stylisée, assimilable à celle de Taranis, le lancer de la foudre par un auxiliaire du dieu sur la terre, afin d'en obtenir des effets bénéfiques, notamment par le jaillissement des sources, conséquence directe de la pluie fertilisante. » (Mythes et Dieux de la Gaule, II, p. 13.) Plus largement, J.J. Hatt montre que c'est aussi avec une divinité préceltique, le Mars indigène, que Sucellus s'est confondu ; et à la question de savoir sur quel domaine a eu lieu la rencontre, il écrit que c'est « vraisemblablement par l'intermédiaire du culte des sources, qui, comme l'a bien prouvé E. Thévenot, est une des attributions majeures du dieu indigène. »
Ceci confirme bien entendu le rôle central des sources dans le système cultuel de Levroux : Hatt précise encore un peu plus loin que l'«association ou la fusion de Taranis avec Sucellus-Silvain est tout à fait conforme à ce que nous ont révélé les monnaies gauloises. En réalité, si Jupiter est parfois tout à fait assimilé à Sucellus, il arrive plus souvent que le couple Jupiter-Sucellus-Silvain ou Vulcain complète l'action sidérale venue d'en haut, par une action sur les sources, venue d'en bas. » (op. cit. p. 15.) Des têtes de maillet percées et encochées ont servi d'ex-voto dans les sanctuaires de sources (Bouze, Dijon, Largillière).
Nous retrouvons là cette communication entre le haut et le bas sur laquelle nous avons inauguré notre investigation levrousaine, en venant de Vatan. Il semble donc bien qu'elle ne date pas du christianisme, mais qu'elle s'origine profondément dans les temps les plus anciens, cette mise en relation des abymes avec le paradis. Le côté infernal de la ville mis en évidence par les légendes de saint Martin et saint silvain apparaît aussi très clairement dans l'assimilation de Sucellus à Sérapis, dieu égyptien assimilé à Hadès, « à partir d'une certaine époque, probablement le début du IIe siècle ». Sur certains bas-reliefs, le maillet est entouré d'un serpent, ce qui exprime la maîtrise des Enfers. Un autre indice est la présence fréquente d'un chien sur les stèles dédiées à Sucellus. « Chez les Triboques, le chien à une seule tête est remplacé par Cerbère, le chien à triple tête gardien des Enfers. Cet animal a une signification chtonienne et funéraire. Je pense qu'il constituait une défense , sur le plan psychologique, contre la crainte inspirée aux fidèles devant la mort, par le mythe du monstre carnassier androphage. Le chien, compagnon fidèle et amical de l'homme, est aussi compagnon du dieu protecteur des morts, il aide le défunt à travers les espaces dangereux, parsemés de périls où règnent les monstres dévorants qui le séparent de son dernier séjour. » (op. cit. p. 21.)
On peut maintenant se demander si le célèbre saint Roch, saint qui fut longtemps le plus populaire de nos campagnes, ne serait pas un avatar de Sucellus. Son bourdon (bâton de pèlerin) qui est son signe le plus distinctif n'est pas sans rappeler la longue hampe du maillet du dieu celtique. Et que dire du chien qui le suit fidèlement et avec qui il est invariablement représenté ? Et l'ange qui l'accompagne ne fait-il pas lui aussi, pour le soigner, jaillir une source ?
Serons-nous surpris de le retrouver sur un tableau, à l'intérieur même de la Collégiale Saint-Silvain ?
01:40 Publié dans Capricorne | Lien permanent | Commentaires (8)
Commentaires
Bonjour Robin,
Voilà qui m'ouvre des horizons. Je travaille depuis quelque temps sur le livre de Tobie: nous avons l'ange, le chien, le monstre, le pélerin et beaucoup plus encore. Tenter une corrélation me paraît intéressant. Où cela va-t-il nous mener?
Écrit par : Marc Briand | 15 avril 2006
Je n'ai jamais étudié l'histoire de Tobie, mais je suis curieux de vos recherches. J'espère que nous aurons bientôt le plaisir de vous lire à ce sujet. Quant à savoir où cela va nous mener, c'est une question que je ne me pose plus. Je pensais régler en deux ou trois notes l'histoire de Levroux or j'en suis à la sixième (et ce n'est pas fini) : tenez, je ne pensais, par exemple, pas du tout évoquer saint Roch et il s'est imposé brutalement à moi. C'est peut-être une fausse piste, mais ça me passionne et cela aura au moins eu l'avantage de vous ouvrir à vous-même de nouvelles perspectives. Il est parfois des erreurs fécondes.
Bien à vous, Marc.
Écrit par : Robin | 15 avril 2006
Bonjour Robin,
N'auriez pas vous trouvé là votre Chien, gardien du zodiaque ?!
Si l'on examine la position de Sirius, par rapport au centre de l'écliptique, seul vrai centre du zodiaque, et non par rapport à la polaire, le symétrique se trouve bien en Capricorne (zodiaque "normal" en 12 signes égaux avec le Bélier qui commence à l'équinoxe de printemps), mais en constellation Sagittaire dans le ciel...
Bonne fête de Pâques !
Écrit par : Marc Lebeau | 15 avril 2006
Je n'avais pas connaissance de cette explication ; en tout cas, ce mélange sidéral/chtonien me parle bien.
Cette queue de poisson évoque aussi Mélusine un peu non?
J'aime beaucoup cette Amalthée, dans le mythhe grec et du coup, je me questionne sur Saturne (maléfique disent les langues ...de vipères?) qu'on dit maîtriser ce signe - quand on passe du règne de Saturne au règne de Zeus, il me semble qu'on fait un grand pas. Ce pas ne se trouve pas dans ce sens dans le zodiaque .
Comment voyez-vous la chose ?
Merci à vous.
Écrit par : colette | 15 avril 2006
D'Amalthée en ricoche via Google que ne trouvé-je ?
Une aspirale/ation d'O.R.L en U.R.L toulousaine (encore) .
De l'ouïe (d'or ?) saturnienne à la bouche (bée au maximum) vénusienne -> tout un cheminement ...
Je vous laisse ce lien en conduits alambiqués comme il se doit .
http://auriol.free.fr/psychanalyse/a-bouche-que-veux-tu.htm#amalthee
Autres remarques :
- il y a beaucoup de Marc dans vos lecteurs.
- votre chateau est roux aussi ?
Écrit par : colette | 17 avril 2006
Amalthée vous inspire d'abondance, Colette, et je ne saurais répondre, je le crains, de manière satisfaisante à toutes vos questions.
Juste quelques remarques à discuter :
1) Il me semble que le zodiaque n'est pas un chemin de progrès, où l'être s'élèverait de façon linéaire et continue. Cela voudrait dire que les Bélier sont des rustres et que la perfection serait atteinte avec les Poissons. La simple expérience quotidienne dément cette idée. Chaque signe a ses forces et ses faiblesses, ses adaptations et inadaptations, ses lignes de crête et ses bas-fonds.
2) Saturne n'est pas plus maléfique qu'une autre planète. Voir là-dessus les analyses de l'astrologue Jean-Pierre Nicola, qui vont un peu plus loin que le tout-venant de la production astrologique. On peut d'ailleurs s'interroger sur ce concept de maléfice.
3)Zeus est un drôle de loustic, pardonnez-moi Colette, mais je vous trouve bien indulgent envers ce roublard violeur, menteur et trompeur. Saturne n'a-t-il pas, en revanche, institué un Age d'Or et une civilisation sans tâches ?
Son assimilation à Cronos dévoreur d'enfants n'a pas, il est vrai, contribué à lui donner bonne réputation.
L'ambivalence est bien sûr au coeur de tous ces dieux.
4) Merci pour le lien toulousain fort intéressant. Je vais évoquer bientôt dans une prochaine note cette fameuse corne d'abondance.
5) Deux Marc, cela ne fait pas encore beaucoup. Mais certains restent encore peut-être dans l'ombre. Levez-vous, les Marc !
6) Mon château est roux, mais il est très peu mon château.
7) Il est minuit juste et je vous souhaite de très beaux songes.
Écrit par : Robin | 17 avril 2006
Bonjour Robin et merci pour votre "réponse" .
Bien sûr que les questions n'ont pas forcément de réponses mais donnent à discuter .
1)-2)-3) -
Je me plaçais sur le plan symbolique et non du point de vue "tout venant" horoscopico-météorologico space/talking. et ne parlais pas d'une personne physique ayant comme signe astrologique tel ou tel mais du sens métaphorique que pouvait avoir cette roue dont les 12 parts sont, si vous préférez les notes musicales de l'Etre au monde. Ceci n'exclut pas pour autant de dire des bêtises.
J'opposais cette tendance saturnienne à la restriction dans la création * - il est vrai que cette photo saturnienne contredit celle que vous évoquez de l'âge d'or - à cette profusion/jovialité jupérienne originée dans cette fameuse corne - que vous avez raison de restreindre en évoquant l'a-moralité du dit-dieu
-> d'où il infère que "L'ambivalence est bien sûr au coeur de tous ces dieux"
Quant au concept même de maléfice je suis d'accord avec vous et des auteurs comme Nicola entre autre ont bien dépoussiéré l'astrologie ...
4) ce lien est effectivement riche
5) il y a aussi Jean-Marc - (enfin cette remarque je vous l'accorde est un peu puérile)
6)-7) votre chateau est un peu (?) et merci pour les beaux songes .
* je repense aussi à l'évocation de la terre gaste
Écrit par : colette | 18 avril 2006
Bonjour, c'est en recherchant de plus amples infos sur "St Roch", que votre site c'est présenté. Pour l'instant en cette heure matinale je n'ai pas le temps de tout le consulter, mais je voudrais juste vous notifier que le chien est aussi une des représentations d'Esculape le dieu de la médecine. St Roch sur les sources guérisseuses...Esculape... Bien bonne journée à vous tous.
Écrit par : Ariane de St Victor | 28 avril 2006
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