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25 septembre 2006

Montjoie et saint Denis !

Il n'est sans doute pas de région, en dehors de mon Berry natal, que je ne connaisse aussi bien que le Périgord. Il n'est guère d'année qui se passe sans que je n'entreprenne d'en  arpenter ses collines et ses vallées. J'ai bien sûr plus d'une fois été tenté d'y déceler une géographie sacrée comparable à celle qui m'occupait en Berry : sa fabuleuse richesse en châteaux et églises, la longue histoire mouvementée qui est la sienne laissaient espérer une semblable organisation spatiale. Las, mes tentatives n'ont jamais été convaincantes, et même autour de Beaulieu-sur-Dordogne, qui est, à l'instar de Neuvy Saint-Sépulchre, fichée sur l'axe vertical Montségur-Montfort,  je n'ai repéré les traces d'une partition zodiacale ou symbolique quelconque. Aucun alignement significatif. C'en est presque étrange...

 

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Toujours est-il que  cet été, aux Eyzies, à la librairie richement dotée, on s'en doute, en ouvrages sur la préhistoire,  j'ai déniché un ouvrage que je désirais depuis longtemps : Montjoie et Saint-Denis !, par Anne Lombard-Jourdan, publié aux Presses du CNRS en 1999. J'ai déjà assez souvent cité cette historienne, mais c'était à partir de son dernier ouvrage, Aux origines de Carnaval (Odile Jacob, 2005). Ce Montjoie et saint-Denis !, j'avais failli l'acquérir plusieurs années auparavant, chez un bouquiniste des quais de Seine, et je ne sais pourquoi, assez stupidement, j'avais laissé passer l'affaire. Bien sûr, j'aurais pu le commander sur le net, mais cela me semblait, comment dire, trop facile... C'était bien plus fort de le retrouver là, pour la première fois, dans le village des origines de l'homme...


Quelle est la thèse de ce livre ? Selon Anne Lombard-Jourdan, « le lieu consacré, au centre de la Gaule », dont parle Jules César, serait la Plaine du Lendit, au nord de Lutèce, sur le territoire des Parisii. « Elle indique, nous dit la quatrième de couverture, comment ce sanctuaire où s'assemblaient les druides se développa autour de la « Montjoie », tombe de l'ancêtre héroïsé protecteur du pays. Dans le but de masquer et d'exorciser ce lieu païen, les premiers chrétiens situèrent à cet endroit précis le martyre de saint Denis et sainte Geneviève érigea à proximité la première basilique dédiée à celui-ci. Saint-Denis devint l'équivalent et le substitut du « Protège-Pays ». Son nom rejoignit celui de « Munjoie » dans l'appel des guerriers en détresse. » Le Lendit serait donc un véritable Mediolanum, un centre spirituel analogue à Delphes pour la Grèce et à la Tara des anciens Irlandais.


Je rappelle maintenant les conclusions auxquelles j'étais parvenu à la suite de mon enquête de juin sur les lieux Dolus : « le dol, écrivais-je, serait en somme un espace surplombant un marais, un affleurement naturel de roche que les hommes sur-signifient en y implantant des mégalithes, et plus tard, des autels et des églises. »


Or, que constate-t-on au sujet du Lendit ? Anne Lombard-Jourdan établit tout d'abord l'existence d'un tertre sur cette plaine, de faible hauteur certes, mais tertre réel qu'on appelle donc « Montjoie », ainsi que, sur ce tertre, une pierre plate, un mégalithe connu sous le nom de Perron, dérivé de petra ou petron. D'autre part, le lieu était bel et bien entouré d'une zone marécageuse. D'ailleurs le « Pourtraict de la ville Sainct-Denis en France », gravure sur bois de la fin du XVIe siècle, représente encore les marécages qui subsistaient au sud de l'abbaye.


Cette similarité de nature entre Déols et le Lendit-Saint-Denis nous questionne bien évidemment. C'est peut-être maintenant le lieu d'évoquer une légende propre à l'abbaye berrichonne, la légende de Denis Gaulois. Entendez bien : Denis Gaulois et non Denis le Gaulois. Première étrangeté.


Seconde étrangeté : il ne s'agit point d'une légende populaire. S'il faut en croire le bon docteur Fauconneau-Dufresne dans son Histoire de Déols et de Châteauroux, elle fut en effet découverte « le 2 octobre 1610, sous un autel de l'église de Déols, avec d'autres papiers relatifs à la fondation de l'abbaye, que Charles de Laubépine, chancelier du roi, abbé commendataire, ainsi qu'il se qualifie, fit inventorier séance tenante. » Séance tenante, d'accord, mais il faudra attendre onze ans pour que le prieur claustral en délivre une « copie notariée et dûment certifiée au prince de Condé, devenu duc de Châteauroux et prince de Déols ».

Examinons donc ce récit, on va le voir, fort singulier...

(A suivre)


01:15 Publié dans Capricorne | Lien permanent | Commentaires (3)

Commentaires

Bonjour robin,
Voilà une rentrée des plus passionnantes. St Denis, Déols, le Périgord: autant de lieux qui me touchent de près. Une petite digression cependant à propos de Neuvy St Sépulcre et des plans circulaires. J'ai visité cet été le site de Lanleff, près de St Brieuc. Je suis songeur, il faudra en reparler.

Écrit par : Marc Briand | 26 septembre 2006

Deux remarques sur cet article :

Cet été j'étais en presqu'île de Rhuys, dominé par la figure de Gildas, l'évangéliseur du secteur. J'appris alors (ou plutôt redécouvris car vous en aviez déjà parlé !) que les restes du Saint homme avaient été transférés près de Déols (en fait à Châteauroux, quartier Saint Christophe), pendant la période trouble des invasions normandes. Un lien donc suppélementaire entre Berry et Bretagne...

Le livre de Anne Lombard-Jourdan est tout à fait passionnant et je l'ai lu et déjà relu quelques fois ! A noter que ce Lendit se situe à proximité très immédiate de ce qui sera, quelques 18 siècles plus tard le Méridien de Paris défini par les mathématiciens de l'Académie des sciences, le 21 juin 1667 sur la prairie de l'Observatoire, à la demande de Louis XIV et Colbert...

On attend la suite de ce Denis Gaulois avec impatience !

Écrit par : Marc Lebeau | 26 septembre 2006

Bonsoir Marc et Marc,

Merci pour vos lectures attentives. Je ne connais pas du tout le site de Lanleff, et suis prêt bien sûr à tout entendre là-dessus.
Gildas, je n'ai rien écrit sur ce saint, mais on peut s'interroger effectivement sur le pourquoi de la translation de ses reliques à Déols très précisément. Il m'arrive encore souvent de traverser le mail Saint-Gildas pour aller me promener sur les berges de l'Indre, à cet endroit-là prairie inondable, véritable poumon vert à quelques encablures du centre-ville.

Écrit par : Robin | 27 septembre 2006

Les commentaires sont fermés.