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09 septembre 2007

Pourquoi Cahors ?

"Filles sont très belles et gentes 
Demourantes à Sainct-Genou".
François Villon


Deux localités sur le même parallèle, deux saints évêques de Cahors, Genou et Ambroix. La question se pose naturellement : pourquoi Cahors ?
Il convient  tout d'abord de se souvenir que Cahors n'est pas une inconnue dans la géographie sacrée berrichonne :
le Christ du tympan de Déols n'est pas sans affinité, on l'a vu, avec celui du tympan de Cahors. Le socle sur lequel il repose  est porté par deux animaux : le lion et le dragon. "Cette représentation des symboles de l'Antéchrist et du Diable suivant Honorius d'Autun, écrit Jean Favière, fréquente dans la sculpture gothique, est unique dans l'iconographie des portails romans." Et je me demandais alors si nous étions en présence là encore d'un écho à Cahors. Cahors que  Doumayrou rattache au chaos primordial : "Ce nom, ainsi que celui du Quercy, vient des celtes Cadurques, avec le souvenir des racines grecques cha, s'entrouvrir (d'où vient chaos) et chad, prendre, saisir, caractérisant l'avidité bien connue de cette gueule d'enfer qu'est le chaos." (Géographie sidérale, p.168)


C'est bien cette idée du chaos qu'il s'agit d'appréhender pour comprendre la référence à Cahors sur l'axe Saint-Genou - Saint-Ambroix.


C'est ma lecture récente d'Ecoumène, le livre d' Augustin Berque, qui a grandement éclairé ma lanterne : le géographe, après avoir noté que Chaos est de même famille que chainô (s'ouvrir), qui provient de la racine indo-européenne ghei-, comme le latin hiatus, relève  que "nombreux sont les auteurs qui leur apparentent  chôra, terme que Platon utilise dans le Timée pour dire le lieu des choses au sein du monde sensible."
"Le Timée, poursuit-il, est l'une des dernières oeuvres de Platon, peut-être la plus célèbre. C'est en effet celle où il ramasse son ontologie et sa cosmologie - son onto-cosmologie, l'une allant avec l'autre - et qui narre entre autres le mythe de l'Atlantide. Pour ce qui nous concerne, on y trouve sa théorie du lieu. Après avoir distingué deux sortes d'être : la Forme ou Idée intemporelle et aspatiale (eidos ou idea), c'est-à-dire l'être absolu qui est l'"être véritable" (ontôs on) et relève de l'intelligible, d'une part, d'autre part l'être relatif ou en devenir (genesis), qui relève du sensible, Platon introduit un "troisième genre" (triton allo genos, 48e 3), qu'il va appeler chorâ."

 

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Buste de Platon
Réplique romaine d'après un original du milieu du 4ème siècle

©[Louvre.edu] Photo Erich Lessing


Le problème est que Platon ne donne pas de définition très précise de cette chorâ, ne la désignant que par des métaphores qui, selon Berque, paraissent peu cohérentes. Des choses qui sont, elle semble comme l'empreinte et en même temps la matrice, mère (mêtêr) ou nourrice (tithênê). "Si Platon, continue-t-il,  ne trace pas de figure claire de la chorâ, du moins pouvons-nous inférer une image de ce qu'il lui associe. Genesis, que les spécialistes, pour cadrer avec le système platonicien, interprètent comme l'être relatif, le devenir ou l'étant, cela exprime d'abord et fondamentalement l'idée d'engendrement (du radical indo-européen gen- ou gne-, lequel a été dans nos langues, c'est le moins qu'on puisse dire, extrêmement prolifique). Ce n'est évidemment pas un hasard si, dans le Timée, cette idée se trouve couplée à celle de chorâ, qui nous renvoie, en deçà d'elle-même, au chaos comme béance."


Et nous pourrions écrire, en écho à Augustin Berque, que ce n'est évidemment pas un hasard si l'histoire de saint Genou (dont la racine gen- est manifeste) est couplée  à celle de la ville de Cahors, tirant son nom du Chaos  (et anagramme de chorâ, par dessus le marché).


En faisant de la vieille de Brisepaille, près de Saint-Genou, l'accoucheuse de Gargamelle, Rabelais s'inscrivait parfaitement dans cette ontologie platonicienne.


"La chorâ, [...], c'est bien l'ouverture par laquelle adviennent à l'existence les êtres qui vont constituer le monde. C'est le lieu géniteur et le giron, l'i grec hospitalier de tout ce qu'il "y" a sous le ciel"(Ecoumène, p. 22-23).

23:30 Publié dans Verseau | Lien permanent | Commentaires (0)

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