26 avril 2008
Mesurer le monde à Saint-Denis
L'auditoire était très nombreux : les premiers rangs entendaient sans comprendre ; les autres, plus éloignés, entendaient moins et ne voyaient rien. L'impatience et les murmures commençaient ; quelques voix proposaient un de ces moyens expéditifs si fort en usage dans ces temps, et qui tranchaient toutes les difficultés, mettaient fin à tous les doutes.
Delambre ne doit son salut qu'à l'intervention du procureur-syndic qui met les scellés sur les voitures et contraint l'astronome et son assistant à passer la nuit dans un fauteuil de la salle communale de Saint-Denis. "Plus tard, écrit Ken Alder, dans la soirée du 7 septembre 1792, l'Assemblée législative adopta un décret qui faisait de Delambre et Méchain les envoyés officiels du gouvernement du peuple et qui ordonnait aux autorités locales de les aider au cours de leur périple. L'expédition autorisée par le roi était devenue la mission du peuple. Dès que le décret fut publié, Lefrançais l'apporta à Delambre, et, ensemble, ils l'apportèrent à la séance du conseil municipal du dimanche matin pour faire lever les scellés apposés sur leurs voitures et continuer leur mission. Le même soir, les moines bénédictins dirent leur dernière messe, après plus de mille ans de prières ininterrompues dans la plus prestigieuse abbaye du royaume." (p.74)
La basilique de Saint-Denis ne serait d'ailleurs pas celle que nous connaissons encore aujourd'hui si la science n'était pas venue à son secours en temps opportun. Les patriotes, en effet, avaient dans l'idée d'abattre le clocher à coups de canon, et la municipalité était sur le point de les autoriser lorsque la Commission des poids et mesures intervint. "La tour, déclara-t-elle, était d'une importance capitale pour la mesure de l'arc de méridien sur son axe Dunkerque-Barcelone. En considération de cette "grande utilité" pour la détermination des nouvelles mesures de la République et pour la triangulation du territoire, comme pour la réalisation d'autres objectifs géographiques, le conseil serait avisé de laisser la tour intacte et de se contenter de faire disparaître les crucifix et les fleurs de lys qui offensaient les bons patriotes de Saint-Denis."(p.77)
00:22 Publié dans Echappées | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : saint denis, alder, delambre, méchain, mètre
Commentaires
Bonjour Robin ,
cette note est très intéressante et fait carrefour dans votre déambulation toujours aussi riche .
J'ai lu avec intérêt aussi le lien vers le blog sous "l'incroyable histoire de l'invention du mètre "
il y a un écho avec la dernière note d'OO : le contexte historique.
tant de raison au milieu de la grande déraison le désir d'égalité à tout prix quitte à perdre la tête , la trancher
le mètre (hic?) a sauvé la basilique . Quel saint Denis !
Nous vous soutenons toujours même si parfois nous tourbillonnons avec ou sans vous, avec ou sans mots.
Bien l'bonjour à Marc et OO
A bientôt
Écrit par : colette | 26 avril 2008
Bonjour Colette.
Écrit par : Marc Briand | 26 avril 2008
Tout a fait de votre avis. J'adore ce genre de livre.. Quelle épopée !
Écrit par : balein | 26 avril 2008
Bonsoir Robin, comme le dit si joliment Colette que je salue ici ! "avec ou sans vous, avec ou sans mots", bref nous sommes toujours là à vous suivre avidement dans vos exposés savants et poétiques !
En ce qui concerne le mètre, grand mystère que l'histoire de sa naissance et avant lui, de l'observatoire, du méridien, etc... J'avais lu en son temps l'ouvrage de Denis Guedj sur le même sujet "La Méridienne" (1792-1799), dans la collection "Etonnants voyageurs" chez Seghers, Paris 1987.
J'ai eu également l'occasion, de ci, de là, de visiter quelques uns de ces lieux méridiens à Paris ou dans le Cantal !
Pour poursuivre la réflexion sur d'autres versants plus sulfureux, voir le site suivant :
http://www.prismeshebdo.com/prismeshebdo/article.php3?id_article=894
Écrit par : Marc Lebeau | 27 avril 2008
Bonsoir à vous tous et merci, Colette, Marc, pour vos messages qui me sont toujours un encouragement vivifiant.
Voici maintenant plus de trois ans que j'ai commencé cette entreprise et moi qui pensais en finir en un seul tour de zodiaque, je suis bien loin du compte. Je ne me plains pas : c'est bien parce que beaucoup de nouvelles pistes se sont ouvertes que je suis encore à l'ouvrage. Inévitablement aussi, avec le temps qui s'allonge, on traverse des moments de doute et de lassitude. De cette matière si riche, on ne sait parfois comment se saisir, comment en donner une vision assez synthétique, sans pour autant sacrifier à la précision et au détail. Mais vous m'aidez à garder le cap ; si je parviens un jour au port, ce sera en partie grâce à vous et aux autres fidèles lecteurs (je ne rappelle point leurs noms, ils se reconnaitront).
Écrit par : Robin | 27 avril 2008
En effet, Robin il semble que depuis que vous vous êtes défait du "carcan" astrologique (de cette roue) vous allez différemment ; nous aussi nous aimons cette sorte de vagabondage .
la question des lieux no man's land est esthétiquement parlant une belle rencontre - y a t il des lieux sans marques, sans signes - ce vide est-il nouveau, vieux, possibles de ...
je vous salue aussi M.Lebeau .
Écrit par : colette | 28 avril 2008
Bonjour à vous Colette (et à tous bien sûr), content d'avoir de vos nouvelles!
Bonne deuxième Saint-Joseph à vous (le travailleur, alors que celui du 19 mars est le père adoptif du Christ, comme vous savez). J'ai lu quelque part (de la bouche de Yvonne-Aimée de Malestroit je crois) que Saint-Joseph était un des plus grands saints en tant que héraut du silence et de l'humilité. Il est assez négligé aujourd'hui semble-t-il. Enfin je m'égare...
Bien à vous.
Écrit par : OrnithOrynque | 01 mai 2008
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