21 avril 2009
En traversant la Brenne
Ma première note sur Vézelay remonte à mars 2006. J'y signalais déjà quelques coïncidences. Revenant sur ce texte, j'y trouve à nouveau matière à songerie : je citais un extrait d'un roman d'Erik Poulet-Reney, Les roses de cendre *:
« Le week-end dernier, juste avant de quitter Vézelay pour rejoindre sa compagnie en Espagne, Suzelle a été attirée, en marchant, par le titre d'un ouvrage exposé dans la vitrine du libraire : Vézelay ou l'amour fou, signé Jules Roy. Elle se l'est offert pour accompagner son voyage. Entre le train et l'avion, elle n'a pu s'empêcher de souligner au crayon :
« Vue du ciel, la ville représente en effet une forme courbe, un abdomen à sept anneaux, avec une queue à segments dont le dernier est armé d'un aiguillon sans doute venimeux.
De tous les signes du zodiaque qui figurent dans les voussures des tympans pour représenter l'univers et les saisons, le Scorpion caractérise Vézelay par le drame vie-mort-vie.
Vézelay n'existe plus que par l'amour, et par la mort vaincue. »
Cette Suzelle du roman m'évoque bien sûr Sauzelles, le village de la stèle de Mijault, mais au-delà de cette proximité phonétique, il existe une vraie convergence thématique : l'amour et la mort vaincue, c'est proprement le sens de Pâques, la fête sur laquelle je concluais la note consacrée au chemin de lumière de Vézelay. A travers une citation de Grégoire de Nysse.
S'il y a quelqu'un qui connaissait bien l'oeuvre de Grégoire de Nysse, c'était Olivier Clément. J'ai appris sa mort dimanche seulement, en écoutant France-Culture matinalement pendant une traversée de Brenne.
Le jeudi 15 janvier 2009, il s'était donc éteint à Paris, âgé de 87 ans. De lui, me revenait le souvenir d'une lecture passionnante, qui ébranla mon agnosticisme comme peu surent le faire. A la maison, je repris le volume avec lequel je l'avais découvert : Anachroniques, publié chez Desclée de Brouwer en 1990, recueil de chroniques données pour l'essentiel dans l'hebdomadaire France Catholique. Livre que j'avais déniché de manière assez improbable, en même temps qu'un Louis Massignon, à Récup'Auto, à La Châtre, en octobre 1992.
« Au centre de ce livre, écrit Olivier Clément en quatrième de couverture, on trouvera le thème mort-résurrection. Je ne serai jamais assez reconnaissant à l'église orthodoxe de m'avoir fait connaître la joie pascale où se guérit la plaie secrète de l'âme. »
Voilà, tout était dit d'entrée. Citons seulement les dernières lignes de l'une des chroniques consacrées justement à Pâques, on y retrouvera in fine la mention de l'aube victorieuse :
« Les martyrs des premiers siècles, puis les moines, ces fous de Dieu qui entraient volontairement dans la mort pour devenir, dès maintenant, des « ressuscités », ont rendu possible toute une culture chrétienne dont les créations de beauté nous éclairent encore. Les saints d'aujourd'hui sont des saints de la nuit : de Thérèse de Lisieux s'asseyant « à la table des pécheurs », du starets Silouane entendant le Christ lui dire : « Garde ton esprit en enfer et ne désespère pas », aux innombrables martyrs jetés morts dans la neige et la nuit polaire, une plaquette de bois attachée à la cheville, avec un nom vite effacé, mais grévé dans la « mémoire de Dieu ». La nuit de notre temps, ces saints, ces martyrs la transforment en une immense nuit pascale. L'aube se lève, « Le Christ est ressuscité !».(p. 113)
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* On remarquera la cascade de citations : je cite en effet ici une note citant un extrait de roman citant lui-même un autre extrait de roman. Ces emboitements ont toujours pour moi quelque chose de fascinant.
Sur Erik Poulet-Reney, je m'aperçois que le lien que j'avais posé sur son livre n'est plus valide. Cependant je fais une petite recherche sur Google et trouve facilement son site personnel. Or, dans sa note biographique, on peut lire ceci :
"Je vise depuis peu à n’atteindre plus que l’essentiel, en m’éloignant de toutes les formes de pollutions qui déforment l’esprit. J’aspire à cette lumière, à cette légèreté de l’être, quand se concentrer sur la respiration et la conscience permet de dépasser les pensées et de répondre à l’instant, au meilleur du présent et des éléments naturels qui nous guident vers une forme de spiritualité désormais indispensable.
C’est aussi approcher le sens véritable des mots, pour n’avoir à utiliser que ce qui est nécessaire à véhiculer l’amour universel et le meilleur à sauver chez chacun.
« Le commencement de la sagesse est le calme qui naît de la grandeur d’âme et de la patience à supporter la faiblesse humaine »…
Saint Isaac le Syrien (XIIème siècle)"
Otr, saint Isaac le Syrien (VIIème siècle et non XIIe), je m'en souviens, était présenté dans l'émission radiophonique comme le Père de l'Eglise le plus proche d'Olivier Clément. Il l'évoque d'ailleurs dans un entretien donné à Nouvelles clés sur le mystère de la personne.
Pour les coïncidences, ce sera tout pour aujourd"hui...
00:19 Publié dans Le Facteur de coïncidences | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : olivier clément, vézelay, pâques, sauzelles, erik poulet-reney
Commentaires
Merci pour vos remarques très judicieuses à propos de mon roman "Les roses de cendre". C'est très curieux, je viens de découvrir ce site par hasard et je tombe sur cela. Très amusant.
Cordialement.
Erik Poulet-Reney
Écrit par : Erik Poulet-Reney | 10 février 2010
Ravi de votre passage ici. Je n'interpelle jamais les auteurs vivants qu'il m'arrive de citer dans l'un ou l'autre de mes billets, mais je suis toujours enchanté de les croiser un jour au hasard de leurs déambulations électroniques. Cet écho soudain déclenche d'ailleurs parfois de nouveaux parcours symboliques.
Bien à vous, Erik,
Écrit par : Robin | 12 février 2010
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