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21 août 2009

Noirlac et les Terres du Centre

C'est une des splendeurs du Berry, et c'est chaque fois un ravissement que de la découvrir de la route légèrement en surplomb qui suit la vallée du Cher. Pourtant ce bijou médiéval n'a pas encore pris sa place dans les rets de la géographie sacrée, je veux parler de l'abbaye cistercienne de Noirlac, près de Saint-Amand Montrond : elle ne jalonne aucun alignement significatif, ne participe d'aucune figure stellaire, mais je me dis qu'un jour cela viendra, que cette absence est bien la preuve qu'il reste beaucoup de choses à découvrir. Je me trompe peut-être mais au fond cela n'a pas d'importance ; en tout cas, surtout pas d'acharnement  herméneutique, pas de tentative d'épuisement des azimuts symboliques, pas de maillage systématique, règle et compas à la main, l'expérience m'a enseigné que ce forçage ne mène à rien. Il faut savoir attendre l'éclaircie.

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Et dans l'attente, revoir encore une fois Noirlac, sous le soleil d'août, dans la lumière intense de l'été qui fait resplendir la grande nef. Et puis il est une autre bonne raison de s'y rendre, c'est d'admirer le travail de l'artiste japonais Koîchi Kurita, qui expose les terres qu'il a recueillies dans le Centre.

"La terre, dans l'esprit des gens, est quelque chose de sale. Mon travail consiste, au contraire, à en restituer la pureté et la beauté". Kôichi Kurita aime la terre, cette matière qui donne la vie et porte en elle la marque de l'homme. Depuis une quinzaine d'années, il arpente le Japon et d'autres pays, dont la France, pour collecter et archiver les couleurs de la terre. A la base des mandalas minimalistes qu'il compose se cache un travail de longue haleine. Chaque prélèvement est mis en sachet et annoté du nom de la commune où il a été effectué. L'unité de mesure est toujours la main, "parce qu'en prendre plus n'aurait plus de sens." La terre est ensuite séchée et nettoyée de ses scories : feuilles, brindilles, cailloux... Elle est enfin concassée, voire tamisée, selon les besoins de l'oeuvre à réaliser.

"L'abbaye de Noirlac est un lieu simple, idéal pour travailler et penser au futur. Les visiteurs peuvent aussi penser à eux dans cet espace, découvrir le chemin à prendre pour le monde de demain. Mon travail artistique pourrait être une petite aide pour eux." (Texte de l'exposition)


Le plus grand mérite de cette installation est sans doute de nous laver le regard, en nous réapprenant à voir l'élémentaire, cette terre si proche et si lointaine, dont la polychromie (de celle-ci, nous n'étions pourtant pas totalement ignorants) nous frappe extraordinairement dès lors qu'elle s'épanouit dans la vaste composition de Kurita. La beauté surgit de ces simples poignées de terre rassemblées et magnifiées par la lumière cistercienne.


9782757805312FS.gifDans la librairie, j'ai constaté avec plaisir que le superbe livre de Fernand Pouillon, Les pierres sauvages, était enfin réédité en Points-Seuil. Dans l'exemplaire de l'édition originale déniché un peu miraculeusement en mai 2007 au Bleu Fouillis des Mots, j'y ai recherché un passage sur la terre, et c'est la figure de Joseph le vieux potier, qui s'est imposée. Jour de Sainte Camille, dix-huitième jour de juillet, le maître d'oeuvre du Thoronet l'observe avec admiration fabriquer ses tuiles :

" Ah, dit-il, quand je passe devant un de mes toits, je sais que je l'ai caressé des milliers de fois, et ça c'est quelque chose."
C'est vrai, tout ce monde sort de ses mains, depuis le moment où il arrache de ses grands doigts jusqu'au jour où il défournera ; cent fois il aura caressé cette peau toujours belle, avec ce geste qui frotte pour faire valoir la matière. Longtemps, j'ai contemplé ces formes côte à côte pour des siècles ; je souhaite qu'elles s'aiment et vivent heureuses ensemble. Je voudrais bien que Joseph sache tout ce que je pense, croie tout ce que j'apprécie, comprenne que ce que j'ai vu est une joie de ma vie."

Commissaire de l'exposition : Dominique Truco

Exposition du 1er août au 20 septembre 2009. Abbaye de Noirlac - Centre culturel de rencontre - 18200 Bruère-Allichamps. Tél.: +33 (0)2 48 62 01 01. Ouverture tous les jours de 10h à 18h30.

Voir aussi l'article de François Bon sur Tiers-Livre.

 

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23:14 Publié dans Echappées | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : noirlac, kurita, pouillon

Commentaires

Bonjour Robin,
J'ai beaucoup aimé et parlé (peut-être ici) des "Pierres sauvages" de Fernand Pouillon. Je me réjouis que le Seuil en édite une version de poche car c'est vraiment un grand livre.

Écrit par : Marc Briand | 23 août 2009

Bonjour Marc,
C'est effectivement à vous que je dois d'avoir découvert Fernand Pouillon et "Les Pierres sauvages", et je vous en remercie encore. J'ai visité cette semaine les abbayes de Fontfroide et de Lagrasse dans les Corbières, et ce furent de très belles heures en ces terres cathares.

Écrit par : Robin | 30 août 2009

Un lien qui va vous amuser, cher Robin:

http://www.france-catholique.fr/La-Serendipidite.html

Écrit par : Marc Briand | 07 septembre 2009

Merci, Marc, pour le lien.
Ceci me conduisit à une question métaphysique de première importance :
Dieu aurait-il créé le monde par sérendipité ?
Ce mot, par ailleurs, est si bizarre qu'on n'hésite pas à lui rajouter une syllabe : regardez bien l'intitulé du lien : "serendipidité".
Il ne faudrait quand même pas que ça rime trop fort avec "stupidité".

Écrit par : Robin | 13 septembre 2009

Bien d'accord avec vous. A propos de Création," La Recherche" de septembre parle des Univers parallèles et se demande si Dieu avait le choix. Grave question.

Écrit par : Marc Briand | 14 septembre 2009

Bonjour Monsieur,
Je réalise une affiche pour un stage de chant grégorien qui se déroulera en juillet prochain dans l'Orne. Au cours de mes recherches, je suis tombée sur votre blog, et plus spécifiquement sur votre superbe photo du cloître de l'abbaye de Noirlac. J'aimerais beaucoup l'utiliser pour mon affiche. M'y autorisez-vous? Ce sera une affiche de format A3, imprimée en 200 exemplaires, et affichée au Mans.
Vous pouvez me répondre sur l'adresse mail que j'ai indiquée, je vous remercie,

Claire Gallice

Écrit par : Gallice | 05 octobre 2010

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