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18 juin 2018

Géographie sacrée des Incas

A voir sur le site d'Arte jusqu'au 02/08/2018. Passionnant.

"L’archéologue Peter Eeckhout revient dévoiler les mystères des civilisations anciennes. Au Pérou, à plus d’une centaine de kilomètres des célèbres sites de Cuzco et de Machu Picchu, un autre joyau de l’architecture inca, bien moins connu, mobilise toute l’attention des archéologues : Choquequirao, situé à plus de 3 000 mètres d’altitude.

Au Pérou, à plus d’une centaine de kilomètres des célèbres sites de Cuzco et de Machu Picchu, un autre joyau de l’architecture inca, bien moins connu, mobilise toute l’attention des archéologues : Choquequirao, situé à plus de 3 000 mètres d’altitude. Pour comprendre ce site exceptionnel, les scientifiques font appel à une spécialité peu connue, l’archéologie du paysage. Cette discipline étudie les relations entre l’architecture et l’environnement naturel."

Réalisation : Agnès Molia, Nathalie Laville

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29 mars 2010

Astres et cadastres

Dans ma dernière note, en recherchant des tables pour les azimuts du lever de soleil à une date quelconque de l'année, de par la grâce de la sérendipité, je suis tombé sur plusieurs études sur la centuriation romaine. La centuriation est définie dans la notice que lui consacre Wikipédia comme " le schéma géométrique du plan d'une ville et du territoire agricole environnant, utilisé dans le monde romain, qui était tracé à l’aide des instruments d’arpenteurs, dans chaque nouvelle colonie."

J'ai découvert ainsi un article paru en 2002  dans la revue Histoire et Mesure, aux éditions de l'EHESS, intitulé Approche géométrique des centuriations romaines. Les nouvelles bornes du Bled Segui, rédigé par un collectif d'auteurs (Lionel R. Decramer, Rachid Elhaj, Richard Hilton et Alain Plas). Des mêmes auteurs, on pourra lire également La grande carte de l'Afrique romaine. Genèse d'une découverte. Si je résume grossièrement, il semblerait que les géomètres romains aient établi une carte (forma) de cette vaste région de l'Empire en traçant des cadastres orientés astronomiquement. La colline de Byrsa, près de Carthage, aurait servi d'observatoire initial, de point de départ pour le calcul de tous les azimuts. Certaines bornes dites gromatiques (du nom de l'instrument dit groma servant à déterminer les axes de la centuriation), retrouvées dans le paysage nord-africain, ont contribué de par leur position à reconstituer le système.

 

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(Utilisation de la groma)

Image tirée du site aqueducs-romains.fr

Ceci m'a entraîné à découvrir tout un nouveau domaine de recherche appelé archéogéographie, qui cherche actuellement à s'imposer dans le paysage de la recherche universitaire. Un site, dirigé par Gérard Chouquer, directeur de recherche au CNRS, se veut le miroir des travaux publiés sous cette égide. Tout ceci est bien sûr passionnant, mais il me faudra du temps encore une fois pour parcourir les données rassemblées par ces nombreuses études très fouillées et souvent ardues techniquement.

Des questions se posent immédiatement : quel rapport entre cette nouvelle discipline et la géographie sacrée ? Le triangle de Saint-Just a-t-il quelque chose à voir avec une centuriation romaine ? Le cadastrage antique, s'il est avéré, se place-t-il en opposition, en complémentarité ou en superposition avec la trame géosymbolique que nous arpentons depuis quelques années ? Je me doute bien que les archéogéographes universitaires ne verraient que pures conjectures et divagations fantaisistes dans mes propres relevés, mais il m'intéresse de mon côté, discrètement, de les confronter à leurs propres hypothèses. Il est déjà intéressant de voir démontrée la capacité des géomètres antiques de baliser l'espace sur des centaines de kilomètres, comme cela semble être le cas en Afrique au moins.

Ceci dit, a-t-on relevé des centuriations en Berry ? Des études existent-elles sur le sujet ? Je m'en suis inquiété et j'ai trouvé une thèse portant sur un espace rural en Berry, un micro-secteur dans la région de Sancergues, dans le Cher. Je l'ai parcouru rapidement sans y trouver d'éléments essentiels pour mon propos. Mais il se peut très bien que je sois passé à côté d'une étude valable, et le net n'abrite pas forcément toutes les ressources sur le sujet.

 

 

07 février 2009

Dio - Nyze et Dyonisos

J'avance lentement dans la passionnante lecture  d'Evocations de l'esprit des lieux de Guy-René Doumayrou. Beaucoup d'éléments sont repris de sa Géographie sidérale, mais on trouve aussi de nouveaux développements sur tel ou tel haut-lieu, principalement du Languedoc. C'est ainsi qu'il débusque dans la haute vallée de l'Orb, soumise au diocèse médiéval de Béziers, un couple de monuments "insignes", situé sur le méridien de la ville "et de part et d'autre d'un plateau aride balayé par les vents" : le château de Dio* et le prieuré de Notre-Dame de Nize. Cette association Dio-Nize conduit Doumayrou à invoquer le grand dieu Dyonisos :

"Ce n'est pas avant 1135 qu'un texte a fixé , pour nous le transmettre, le nom de Nize sous la forme Aniza, que l'on fait venir, faute d'autre hypothèse, d'un patronyme latin supposé : Anicia ou Anicius. Sans prétendre trouver mieux, observons seulement que la contraction  des deux formes anciennes Diona et Anisia accolées fournit Dionanisia : elle fait écho de façon suggestive à une étymologie proposée par François Noël pour Dyonisos, fondée sur l'analyse Dios-Anysein (anyein), ce qui signifie littéralement : Zeus achevé, c'est-à-dire la perfection divine, ou l'accomplissement de la lumière." (pp. 107-108)

L'alignement Dio-Nyse sur la carte ne peut manquer de nous rappeler les alignements mis à jour  avec les Diou.

Dans les trois cas, nous observons cet axe s'écartant de quelques degrés seulement du méridien. Sans doute  Dio n'est-il pas au centre d'un segment défini par  deux Saint-Denis, mais c'est l'ensemble Dio-Nize qui ici rappelle saint Denis, puisque ce nom est bel et bien la forme romanisée de Dyonisos (les habitants de Saint-Denis sont les Dyonisiens).
La carte de la Montjoie parisienne, sise elle aussi entre les deux Saint-Denis, offre également des recoupements intéressants :


Deux toponymes se font en effet écho à la topographie dyonisienne : de part et d'autre de l'axe méridien issu de Dio, Montjoux et le Mont Martin semblent se souvenir l'un de la Montjoie, l'autre du Pasellus Sancti Martini à la base du parcours du saint céphalophore. Ce passelus était "une passerelle jetée sur le ruisseau de Ménilmontant, aujourd'hui supprimé, et qui coulait de l'est à l'ouest, allant se jeter à la rive droite de la Seine au-dessus du pont actuel des Invalides. L'église Saint-Martin des Champs était en effet située à peu de distance au-dessous de ce ruisseau et avait donné son nom à un pont, comme nous le voyons par un diplôme postérieur du roi Louis VI reproduit par Doublet dans son Histoire de Saint-Denys (1)."

Il faut maintenant examiner ce qui a conduit Doumayrou lui-même à l'évocation de ce couple Dio-Nyse.

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* De fait, on m'avait (FEB, merci à elle) déjà signalé ce château de Dio, mais faute d'y déceler un quelconque rapport à des localités Saint-Denis, je n'en avais pas fait état. Et je n'avais bien évidemment pas opéré de rapprochement avec l'église de Nize. Le dévoilement de la géographie sacrée prend souvent des chemins détournés.

11 janvier 2009

De l'appropriation symbolique du territoire

Faites cette expérience de pensée. Imaginez tout d'abord que votre intérieur est dépouillé de tout ce qui le relie au dehors, que rien ne subsiste chez vous de ce qui est téléphone, radio, télévision, internet... Plus rien que des objets sans prolongements invisibles, ni émetteurs ni récepteurs, simplement présents. La maison n'est plus que cet abri, cette coque isolée du monde, dont les bruits qui nous parviennent ne sont plus que ceux du proche entourage.
Une fois immergé dans ce silence retrouvé, passons la porte. La rue n'existe plus, avec ses trottoirs et sa chaussée pavée ou bitumée. Un chemin herbeux s'offre seul à vous. De la ville ne demeurent que quelques huttes semblables à la vôtre. Il vous faut rejoindre votre famille, vos parents, vieux, qui vivent à cinquante kilomètres d'ici. Le mot même de kilomètre n'est plus de mise. De même que les panneaux, les indications lettrées ; il n'existe plus aucun de ces signes dont l'espace jusque-là était comme saturé. Plus aucun véhicule, à moteur ou non. Il y a peut-être des animaux, mais hors de votre portée à cet instant. Vous vous mettez en chemin.

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Vous le savez, c'est au sud qu'il faut se diriger. Ce serait bien facile s'il suffisait de suivre le cours de la rivière qui passe par ici. La vallée est la plus simple voie de pénétration. Hélas, il vous faut la quitter, franchir d'autres rivières, escalader des collines, traverser des forêts. Pour vous orienter, il vous faut lever le nez, l'astre solaire est votre premier guide.
Sur cette trajectoire qu'il vous faut inventer, sur ce territoire qu'il vous faut arpenter, vous n'êtes heureusement pas seul. L'homme n'est jamais seul. L'homme a toujours été précédé par l'homme. Et d'autres avant vous ont parcouru la piste. Vous en trouverez facilement un pour vous accompagner. Sa mémoire vous émerveille : rien n'est signalé, mais il avance sans hésiter car il semble avoir à sa disposition un trésor de repères. Arbre singulier, rocher affleurant la plaine, relief au profil d'animal, source, ruisseau ophidien, marécage putride, mare, bosquet, tertre, cent détails mal visibles pour vous forment pour lui une chaîne ininterrompue d'informations. Et ici et là, un empilement de pierres sèches, un cairn, assure nos pas.
En parlant avec votre guide, vous prenez conscience qu'à presque chaque jalon de cette route, un fait est associé, une histoire, un récit, venu de loin, parfois incroyable, manifestement une légende. L'itinéraire est balisée par le souvenir des mythes. Parfois l'homme s'arrête, se recueille, esquisse un geste, déplie un rituel inconnu de vous, fait une offrande, balbutie des mots que vous ne comprenez pas.
Parfois vous marcherez de nuit à la lueur des étoiles, suivant le chemin qu'elles vous tissent là-haut.
C'est ainsi que vous retrouverez les vôtres, à l'issue d'un périple où vous aurez été infiniment attentif à toutes les saillies du paysage, ouvert de tous vos sens à tout ce qui vit.

J'ai ainsi essayé de me replacer dans l'optique d'un de ces hommes de l'Antiquité, nomade ou sédentaire contraint de voyager dans l'espace environnant. La géographie sacrée émergeait pour moi de cet effort constant, de cette nécessité de s'orienter dans l'inconnu. J'en étais là, au seuil de Poissons, à l'heure de pénétrer dans l'examen de la Brenne qui constitue le principal paysage de ce douzième et ultime signe, lorsque j'ai découvert par un de ces hasards du web que nous avons maintes fois rencontré, par l'effet de cette heureuse sérendipité, une étude de l'anthropologue canadien Bernard Saladin d'Anglure, La toponymie religieuse et l'appropriation symbolique du territoire par les Inuit du Nunavik et du Nunavut. Mise gracieusement en ligne par l'Université du Québec à Chicoutimi, elle n'était pas sans échos profonds avec ma petite expérience mentale. Cet espace que j'avais dû débarrasser de ses attributs civilisationnels se rencontrait heureusement encore presque vierge dans les étendues arctiques. Là, nous sommes proches de l'origine, même si cet héritage est menacé lui aussi par la vie moderne et la culture occidentale, et c'est là d'ailleurs un des objets de l'étude de B. Saladin d'Anglure que de contribuer à sauver les traces mêmes de la civilisation inuit à travers sa toponymie religieuse.

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"Rares sont ceux, écrit Saladin d'Anglure, qui ont prêté une attention particulière aux sites sacrés et aux liens symboliques qui unissent les Inuit à leur territoire. Ces liens s'enracinent dans leur tradition orale, dans leur conception de la personne humaine et du cosmos, comme aussi dans les expériences vécues, passées et présentes. Collignon (1996) fait remarquer que les mythes d'origine sont très rarement localisés. Elle appuie sa réflexion sur la compilation des corpus de mythes recueillis par ses prédécesseurs dans la même région. Et pourtant les enquêtes toponymiques que j'ai conduites avec Louis-Jacques Dorais dans le Nunavik (Saladin d'Anglure et al. 1969), puis, par la suite, seul, à Igloolik, font apparaître une inscription territoriale indiscutable des grands mythes d'origine, même si ce lien n'est pas toujours apparent et qu'il relève plus de la cosmologie que de l'onomastique des lieux."

C'est cette inscription territoriale indiscutable qui est également à l'oeuvre dans la géographie sacrée. Le sacré est-il finalement autre chose que le scarifié ? C'est-à-dire la marque imprimée sur le lieu nu, la plus-value de sens qu'on lui attribue et qui se reflète dans le nommage, le geste toponymique.

"Pour comprendre la charge symbolique qui affecte certains noms de lieux, il faut savoir qu'en plus des commentaires explicites dont ils sont l'objet, ils sont aussi chargés de sous-entendus implicites, connus seulement par ceux qui ont reçu le savoir des aînés durant les voyages et la vie collective dans les camps saisonniers. Ce qui est nommé est souvent ce qui est utile comme repère ou qui est remarquable (ujarasujjuk ; « un gros bloc rocheux »), ou qui contient des ressources (kuugaaluk ; « grande rivière » et tasialuk ; « grand lac », sous-entendu « où l'on peut pêcher des poissons », par opposition à d'autres lacs et rivières qui ne sont pas nommés) ; ou encore le lieu où est survenu un événement insolite."

On retrouve chez les Inuit une partition du territoire où les différents espaces sont régis par des esprits maîtres, qu'on peut homologiquement faire correspondre, par exemple, à nos différents secteurs astrologiques gouvernés par certaines planètes.

"Selon les croyances des Inuit, chaque territoire est possédé par un esprit maître qui le protège des intrus et veille à son bon usage. Un territoire s'arrête là où commence un autre territoire ; il est circonscrit par la mer, dans le cas d'une île, et par le relief ; mais d'autres éléments entrent aussi dans sa délimitation, comme son utilisation par un groupe et sa désignation par un régionyme distinctif. Dans notre enquête toponymique faite avec L.-J. Dorais dans le Nunavik, nous étions arrivés à la conclusion qu'un territoire toponymique était défini par l'unicité de ses toponymes."

Tout comme le thème astral définit une personnalité en fonction de son lieu de naissance, "le lien qu'a tout individu avec son lieu de naissance fait partie de ses signes distinctifs, car c'est là que l'âme d'un défunt s'est incorporée dans l'enfant."
Le souvenir de cette incorporation est ritualisé : "L'automne, dans la région d'Igloolik, quand on construisait le premier iglou, chaque membre de la famille devait consommer un petit morceau de viande et remercier d'être né à tel ou tel lieu, en se tournant dans sa direction. On célébrait en même temps le souvenir du défunt dont on portait le nom."

Chez les Inuit, la relation s'étend même au temps atmosphérique qui avait cours le jour de la naissance. On disait de quelqu'un, "né par un jour de beau temps, qu'il avait toute sa vie la capacité de ramener le beau temps en s'exposant nu à l'air extérieur."

Il faut lire l'intégralité de cette courte étude que je ne veux pas citer davantage pour comprendre l'importance de cette réappropriation de ce que l'anthropologue appelle le patrimoine immatériel des Inuit, qui est maintenant engagée à côté de celle du patrimoine matériel. Bien évidemment, nous ne vivons pas un tel état d'urgence. Nos géonymes ne sont pas menacés comme au Canada, de substitution ou d'oubli, mais ils attendent certainement d'être révélés dans leur nature propre, dans leur fonction et leurs rapports mutuels. Témoins de cette appropriation symbolique du territoire par nos propres ancêtres.











14 juin 2008

Saint-Georges

Dans la vitrine du magasin d'orfèvrerie Jacob, trônait depuis pas mal de temps la plus belle chose qui fût au monde. C'était une pendule d'onyx noir, avec un cadran d'or. La pendule était couronnée (c'était bien ce qu'il y avait de plus beau) d'un saint Georges terrassant le dragon. Le dragon était sur le dos, la gueule dressée, et la poitrine offerte à l'épée de saint Georges ; le saint était couvert de son armure, la visière du casque levée, monté sur un cheval de labour. La chose inouïe, c'est qu'il portait une barbe en pointe et ressemblait un peu à Doc.

John Steinbeck (Rue de la Sardine, Folio/Gallimard, p.188)


Examinons encore une fois le no man's land bordant le carré buissé. Dans l'angle SO, nous avons vu que la plus proche localité était Saint-Georges-les-Landes. Ce saint est peu représenté dans la toponymie de la région. Pour le Cher, l'Indre et la Creuse et, dans une moindre mesure,  la Haute-Vienne, qui composent l'essentiel de nos territoires d'investigation, nous ne relevons (grâce au logiciel CartoExploreur3 de l'IGN) que dix Saint-Georges et dérivés. Dans l'espace proprement dit du carré buissé, un seul Saint-Georges est notable, que nous connaissons bien puisqu'il s'agit de Lys Saint-Georges. Or, le petit village se situe à seulement quatre kilomètres à vol d'oiseau du centre du carré, et, qui plus est, il est situé sur le même parallèle.
Dans le pourtour proche du carré, dans la  zone frontalière dont j'ai déjà amplement parlé, se situe donc Saint-Georges-les-Landes, mais aussi, diagonalement, au Nord-Est, Saint-Georges-sur-Arnon, un peu en aval de Saint-Ambroix. D'ailleurs, l'alignement qui les réunit s'avère perpendiculaire à l'axe Saint-Genou-Levroux-Diou.

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Au Sud-Est, c'est Bussière-Saint-Georges qui retient notre attention. Situé à trois kilomètres de l'angle SE du carré, proche du méridien de Saint-Ambroix, il réunit en une seule appellation le buis et le saint.


La démonstration eût été décisive si j'avais relevé un quatrième Saint-Georges près de l'angle NO. Hélas, aucune trace de Saint-Georges dans les parages. Il y a bien un lieu-dit Saint-Georges, sur la commune de Mézières-en-Brenne, mais nous sommes déjà trop éloignés de Saint-Genou (à peu près 16 km) pour que ce soit pris en compte.
Il reste que la présence de trois Saint-Georges dans les alentours des angles et au centre du carré buissé doit nous interroger. Qu'est-ce que cela signifie ?
On sait que ce saint est assez sulfureux, c'est un cas à part dans l'hagiographie chrétienne. Comme saint-Christophe, il ne s'agit pas d'un martyr identifiable historiquement. Même Jacques de Voragine, d'ordinaire peu regardant,  reconnaît, dans sa Légende dorée,que sa légende est mise au nombre des pièces apocryphes dans les actes du concile de Nicée, parce que l'histoire de son martyre n'est point authentique. Cela ne l'a pas empêché de devenir le saint patron des chevaliers, et des villes de Gênes, Venise, Barcelone et celui de l'ordre Teutonique. Il est même devenu celui de toute l'Angleterre et sa bannière (argent sur croix de gueules) est à la base de l'Union Jack. L'iconographie de saint Georges est des plus riches : on le représente généralement à cheval, armé le plus souvent d'une lance et terrassant le dragon, tandis que la princesse prie à l'arrière-plan.

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Saint Georges terrassant le dragon
Bréviaire de Martin d'Aragon,

Catalogne, XVe siècle,
Bibliothèque nationale de France, Paris
(ROTH 2529, fol. 444v)


Observons ce fait primordial : la scène se passe au-delà des murs de la ville. Saint Georges garde la frontière ; il empêche le désordre et le chaos de pénétrer dans la sphère des activités humaines. Les Saint-Georges disposés aux angles du carré buissé sont les témoins de cette fonction protectrice. Saint Georges est le gardien du seuil qui a très certainement remplacé une divinité païenne.


Pourquoi maintenant l'absence  de saint Georges à l'angle nord-ouest ? On peut hasarder une hypothèse : saint Genou fait face aux démons comme saint Georges fait face au dragon, et les deux noms ne sont point trop éloignés phonétiquement. A-t-on estimé que la présence de saint Genou suffisait à sécuriser la zone nord-ouest ? Ou bien les deux saints ne sont-ils que deux hypostases de la même puissance sacrée ?