29 juin 2005
Léon et Gervais
En 1989, l'ouvrage qui me servait de référence ne mentionnait pas le titulaire de l'église de Measnes, et je n'avais pas eu la curiosité d' aller chercher ailleurs l'information. Je sais maintenant combien il est important de toujours connaître sous quel vocable est inscrit un bâtiment religieux : les attributions ne sont jamais le fait du hasard et comportent presque toujours un enseignement. J'ai donc récemment comblé cette lacune en ce qui concerne Measnes.
Nous ne serons pas étonnés d'apprendre que l'église se place sous une double dédicace. Elle est en effet sous le patronage de saint Gervais et de saint Léon. Cela est tout à fait cohérent avec la nature du signe des Gémeaux.
Mais il y a mieux : il suffit de creuser un peu l'histoire de ces deux saints pour avoir une claire confirmation de la prégnance de la thématique gémellaire.
Tout d'abord, ce n'est pas à saint Léon que saint Gervais est le plus souvent associé, mais à saint Protais. Un exemple en est l'église de Civaux, dans le proche Poitou.
Et si ces deux saints milanais sont associés, c'est tout simplement parce qu' ils sont frères jumeaux... Ils subissent le martyre sous Néron en 57, et leur corps est miraculeusement retrouvé trois cents ans plus tard par saint Ambroise. La Légende Dorée de Jacques de Voragine raconte la vision d'Ambroise :
« Longtemps leurs corps restèrent cachés, mais ils furent découverts au temps de saint Ambroise de la manière suivante: Saint Ambroise était en oraison dans l’église des saints Nabor et Félix ; il n'était ni tout à fait éveillé, ni entièrement endormi; lorsque lui apparurent deux jeunes gens de la plus grande beauté, couverts de vêtements blancs composés d'une tunique et d'un manteau, chaussés de petites bottines, et priant avec lui les mains étendues. »
Par la suite, Ambroise découvre les corps ainsi qu'un volume, près de leur tête, indiquant le récit de leur naissance et de leur mort.
La même Légende Dorée nous permet peut-être de comprendre pourquoi Léon a été choisi pour compagnon à Gervais : la référence à saint Pierre, présent à Lourdoueix Saint-Pierre et l'abbaye d'Aubepierre, est explicite :
« Quand le bienheureux Léon écrivit la lettre à Fabien, évêque de C.-P., contre Eutychès et Nestorius, il la posa sur le tombeau de saint Pierre et après avoir passé quelque temps dans le jeûne et la prière, il dit : « Les erreurs que je pourrais avoir commises comme homme dans cette épître, corrigez-les et amendez-les, vous à qui l’Eglise a été confiée. » Et quarante jours après, comme il était en prières, saint Pierre lui apparut et lui dit : « J'ai lu et amendé. »Saint Léon prit la lettre qu'il trouva corrigée et amendée de la main de l’apôtre. Une autre fois, saint Léon passa quarante jours en prières au tombeau de saint Pierre, et le conjura de lui obtenir le pardon de ses péchés: saint Pierre lui apparut et lui dit : « J'ai prié pour vous le Seigneur, et il a pardonné tous vos péchés. (...) ». Il mourut vers l’an du Seigneur 460. »
Un autre détail de l'histoire de Gervais et Protais est significatif : il est écrit qu'après avoir donné tous leurs biens aux pauvres, ils ont rejoint saint Nazaire à Embrun, où celui-ci construisait un oratoire avec un enfant nommé Celse. Nazaire et Celse forment un autre couple gémellaire inséparable. D'ailleurs la Légende Dorée affirme que c'est en arrivant dans la ville gauloise de Gemellus, où Nazaire opéra nombre de conversions, qu'une dame lui offrit son fils Celse, avec prière de le baptiser et de l'emmener avec lui. Quand ils sont condamnés tous les deux à Milan, comme Gervais et Protais, ils se jettent dans les bras l'un de l'autre à la lecture de la sentence de mort. Et saint Ambroise retrouvera leur corps, à la suite d'un songe, dans un jardin de la ville, tout comme il avait retrouvé les corps de Gervais et Protais.
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28 juin 2005
L'axe des Lourdoueix
Non loin de Fresselines, une autre configuration symbolique reproduit le thème gémellaire. Une fois n'est pas coutume, je n'en suis pas l'inventeur : elle a été discernée la première fois par M.Gérard Guet, qui a observé que l'église du petit village creusois de Measnes (que les gens du crû prononcent « mène »), se situait exactement au point médian de l'axe qui relie l' église de Lourdoueix Saint-Michel à l'église de Lourdoueix Saint-Pierre. Ces deux paroisses doivent leur nom et leur origine à deux simples oratoires. Ainsi l' « Oratorium Sancti Michaelis » est-il cité en 1154. Mais pourquoi saint Michel et saint Pierre ?
L'explication en est que ce doublet reprend sous une formulation chrétienne la dualité de Castor et Pollux : l'archange figure l'immortel Pollux tandis que l'apôtre se substitue au mortel Castor. Leur réunion symbolise l'indispensable communion du céleste et du terrestre. De même que Pollux intervient auprès de Zeus pour plaider la cause de Castor et l'arracher des griffes de la mort, c'est un ange qui délivre Pierre des geôles du roi Hérode (Actes, 12, 6-18).
Rappelons encore la parole célèbre de Jésus :
« Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon église, et la Puissance de la Mort n'aura pas de force contre elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux et tout ce que tu lieras sur cette terre sera lié aux cieux et tout ce que tu délieras sur cette terre sera délié aux cieux. » (Matthieu 16, 18-20)
La perpendiculaire à l'alignement des Lourdoueix menée depuis Measnes, autrement dit la mé(di)asne(s), conduit précisément à l'ancienne abbaye cistercienne d'Aubepierre (alba petra). Fondée en 1149, il n'en reste malheureusement plus que quelques vestiges, détruite qu'elle fût au 16ème par l'armée protestante du duc de Deux-Ponts.
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25 juin 2005
Les Gémeaux
Les Gémeaux enfin. A la Saint-Jean passée. Alors que nous vivons déjà sous le régime de Cancer. J'accuse donc un signe de retard... Mais je ne perds pas tout à fait espoir de reprendre une marche synchrone, Gémeaux et Cancer présentant a priori une matière moins riche que Bélier et Taureau, les indices y étant moins nombreux (je dis ça, mais en réalité je serais déçu si quelque nouvelle piste ne venait pas s'imposer, comme cela s'est régulièrement déroulé jusqu'ici).
Gémeaux donc, un signe traditionnellement représenté par deux colonnes unies à leur faîte par le toit et à leur base par le sol du temple à l'entrée duquel elles se dressent. Deux colonnes que l'on retrouve en franc-maçonnerie sous les noms de Boaz et Jachin : elles symbolisent les deux polarités (masculine et féminine, positive et négative, diurne et nocturne...) qui sans relâche s'affrontent dans l'univers.
Le signe se rattache par ailleurs au mythe des Dioscures, Castor et Pollux, fils de Léda. Deux frères qui n'ont pas le même père, seul Pollux est fils de Zeus (lequel s'était transformé en cygne pour parvenir à ses fins), Castor étant fils du mortel Tyndare, mari de Léda. Enlevés par Hermès dès le berceau, Castor et Pollux demeurèrent inséparables et participèrent ensemble à toutes les grandes expéditions légendaires, accompagnant par exemple les Argonautes dans leur périple ou chassant le sanglier de Calydon. Dans le domaine amoureux, ils connurent cependant moins de réussite : amoureux de Phoibê et d'Hilaera, filles du roi Leucippos, ils n'hésitèrent pas à les enlever. Ce qui ne fut pas du goût des fiancés légitimes, Idas et Lyncée, par ailleurs leurs propres cousins... Rattrapé, Castor périt dans le combat qui suivit, tandis que Pollux, immortel par la grâce de son ascendance divine, fut seulement blessé. Profondément affligé par la mort de son frère, il supplia Zeus de le rendre immortel. Cette prière ne pouvant être entièrement exaucée, l'immortalité fut partagée entre eux, un jour sur deux.
Cette fraternité essentielle se trouve exprimée dans notre secteur par le confluent de la Petite et de la Grande Creuse, à Fresselines. Ces deux rivières ne portent pas par hasard le même nom. Après le confluent, on parle de la Creuse tout simplement dont nous avons vu le rôle qu'elle joue à quelques kilomètres de là, à Crozant (autre confluent, avec la Sédelle).
Le site est remarquable, où l'on n'accède qu'après une marche à pied : les deux Creuse, qui ont longtemps roulé leurs eaux presque parallèles, s'y épousent comme les deux segments égaux d'un triangle isocèle, dans un paysage de roches et de vallées encaissées. La beauté des lieux, la lumière qui en émane ont inspiré Claude Monet, qui en fit le sujet d'une vingtaine de toiles en 1889, à l'occasion d'une visite au poète Maurice Rollinat.
Creuse, soleil couchant
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Saint André en Place Voltaire
Je suis passé cent fois devant, sans rien remarquer. Il faut dire que cette église Saint André, édifiée entre 1870 et 1876, n' a rien de spécialement attirant : pâle copie de cathédrale gothique, elle se signale surtout par cette particularité d'afficher au tympan du portail les mots REPUBLIQUE FRANÇAISE.
Ajoutons qu'elle est située au coeur de la place Voltaire et l'on aura une petite idée de l'ambiguïté qui semble présider à son histoire... Et puis voilà, l'autre jour, comme je traverse justement cette place, quelque chose me retient à l'extrémité de mon champ visuel. Je me retourne à main droite sur le portail latéral sud. J'ai peine à y croire mais je dois me rendre à l'évidence : au tympan de ce portail, avec sa pelle fièrement plantée en sol, c'est bien mon saint Fiacre qui domine.
Saint Fiacre à Saint-André, deux des saints que je viens de croiser avec l'étude du Taureau. Ah, si l'édifice n'était pas si récent, comme j'y verrais une nouvelle manifestation de l'ordre symbolique instituée par la géographie sacrée... Mais, à la réflexion, pourquoi ostraciser le 19ème siècle ? Qu'est-ce qui préside à cette époque au choix de saint Fiacre pour orner une des ouvertures de l'église ? Pourquoi lui et pas un autre ? L'église actuelle n'a-t-elle pas été construite sur les ruines d'une ancienne église Saint-André ? Saint Fiacre y était-il déjà présent ? Le saint Pantaléon lorrain n'a-t-il pas lui aussi été mis en place à la fin du 19ème ?
Je n'ai pas pour l'instant de réponses à ces questions. Je me contenterai pour l'heure de ces constats, de ces rencontres, en me défiant plus que jamais des préjugés, de ces représentations en lisière de conscience qui aveuglent durablement le regard.
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22 juin 2005
Pantaléon en Lorraine
En effectuant une recherche sur le web au sujet de saint Pantaléon, j'ai découvert le chemin des Saints Auxiliaires de Hombourg, en Moselle. J'ai ainsi appris que Pantaléon était l'un des quatorze saints dits aussi « auxiliateurs », invoqués collectivement pour le soulagement de maux divers. Quatorze statues jalonnent un chemin qui conduit de l'église à la chapelle Sainte-Catherine, en passant le long du site de l'ancien château.
Le culte des saints Auxiliaires remonterait seulement au XVème siècle et l'implantation actuelle des statues n'a été réalisée qu'en 1900. On ne saurait donc parler de tradition séculaire, cependant il est curieux de noter que deux Pantaléon sont à l'honneur : l'un vient en sixième position sur le trajet, l'autre est abrité au sein de la chapelle. De plus saint Cyriaque, qui ouvre la théorie des saints, est un diacre de Rome martyrisé en 303, donc la même année que Pantaléon. Il se trouve aussi qu'on l'invoque pour les maladies des yeux.
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