24 février 2006
Léviathan, serpent tortueux
« D'où es-tu, ma petite, je ne t'ai jamais vue ?
- Je suis de Vatan, répondit la fille...
- Et que viens-tu faire de Vatan ici ?
- Je rabouille pour mon oncle Brazier que voilà... »
Balzac (La Rabouilleuse)
Première rencontre de la « rabouilleuse », Flore Brazier, avec le vieux médecin Rouget, qui la prendra bientôt à son service à Issoudun. « Elle est programmée par son nom, écrit Claude Duchet, de la fleur au feu (elle finit brûlée par les « liqueurs »).
Il est étonnant de voir ce nom de Flore Brazier s'inscrire aussi parfaitement dans le cadre de la géographie sacrée neuvicienne : patronyme faisant écho au feu du signe, Sagittaire, qui s'étend de Vatan à Issoudun ; prénom qui partage la même racine que le saint Florent sur lequel j'ai achevé la note précédente, et dont la fête est célébrée le 4 juillet, jour anniversaire du martyre de saint Laurian. Il serait bien sûr fantaisiste de penser que Balzac était de quelque façon que ce soit conscient de cette partition zodiacale de l'espace berrichon. Mais le fait est là, et si l'on veut bien concevoir que ce ne soit pas encore une fois une simple coïncidence, il est légitime de chercher une explication. J'ai quelques idées là-dessus, mais qu'il serait prématuré de présenter ici : elles restent à approfondir et je n'en dirais donc rien pour le moment.
Revenons à saint Florent. Une note du site de la Société de Mythologie Française nous précise sa double nature d'ermite évangélisateur et de sauroctone. Je dois dire que j'ai découvert ce dernier terme à cette occasion : le sauroctone désigne « littéralement, en grec, un "tueur de lézards, de sauriens". Autrement dit un exterminateur de dragons, chargé d'éradiquer les vieilles bêtes d'un passé sulfureux, aussi bénéfique pour la société que l'étaient les tueurs de géants. »
Ceci renforce évidemment l'hypothèse posée auparavant d'un saint Laurian substitut d'un héros tueur de dragons, dont nous avons vu que le prototype indo-européen était Indra, d'autant plus que l'on peut relever d'autres similitudes : ces signes particuliers qui sont d'une part la crosse abbatiale et l'Evangile, d'autre part, sa figuration dans une barque conduite par un ange. Florent est donc évêque comme Laurian, et remarquons que s'il existe apparemment plusieurs Florent, celui qui est fêté le 4 juillet est l'un des premiers évêques de Cahors. Et avec cette ville, nous retrouvons la thématique de la terre gaste, ainsi qu'en témoigne ce passage de Doumayrou : « C'est, tout au fond de la terre obscure, le chaos primordial, et sur la carte, la cité de Cahors qui est au Nord géographique de Toulouse, Nord physique distinct du Nord magnétique montalbanais. Ce nom, aussi bien que celui du Quercy, vient des celtes Cadurques, avec le souvenir des racines grecques cha, s'entrouvrir (d'où vient chaos), et chad, prendre, saisir, caractérisant l'avidité de cette gueule d'enfer qu'est le chaos. » (op. cit. p.168)
Cahors au Nord de Toulouse, comme Vatan est au Nord de Neuvy, et le Tempé au Nord de Delphes. Le même tropisme septentrional traverse l'histoire de Laurian.
Maintenant, en ce qui concerne la barque conduite par un ange, elle apparaît dans l'épisode d'Eusèbe d'Arles où l'évêque traverse la Loire de cette manière, pour se rendre à Vatan. Arles où, soit dit en passant, l'on exposait à une certaine époque sur les murs de l'église Saint-Antoine des carcasses de crocodiles qui étaient censées être celles de monstres terrorisant la région.
On me dira que la figure du dragon n'apparaît pas en tant que telle dans la geste de Laurian. Ce n'est même pas sûr. Si l'on veut bien lire avec attention ce passage d' Ésaïe (27/1) : " En ce jour, l'Éternel frappera de sa dure, grande et forte épée le léviathan, serpent fuyard, le léviathan, serpent tortueux ; et il tuera le monstre qui est dans la mer. " on pourra se demander si ce « serpent tortueux » n'est pas indiqué par ce lieu-dit de Rue-Torte, au sud de Vatan, où passe le ruisseau de la fontaine Garnier. Et je soupçonne aussi que le choix de Totila - le roi wisigoth persécuteur de Laurian, dont on sait qu'il est une erreur historique - s'explique par sa proximité phonique avec cette racine « tortueuse ». Le nom même de la tortue dérivant de « tartarucus », qui appartient au Tartare, c'est-à-dire au monde des ténèbres, à l'enfer : « Dans les représentations du christianisme, la tortue (symbole des ténèbres) apparaît combattue par le coq (figure de lumière) ; l'opposition entre les deux animaux existe avec cette valeur dès l'Inde védique, dans le culte de Mitra et ensuite en Perse. » (Dictionnaire Historique de la Langue Française, Robert, p. 2137)
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21 février 2006
Vatan, terre gaste
« Après que l'arc fut détendu, la flèche s'en retrouva fichée au sommet de la tête de la sirène, comme le montrent deux dalles sculptées provenant de la façade ouest de l'abbatiale Saint-Sernin qui sont aujourd'hui au musée des Augustins : étrange scène de chasse, motif classique de l'ornementation romane que l'astrologie traduit en disant que Mars s'exalte en Capricorne. »
(Guy-René Doumayrou, Géographie sidérale, p. 150)
La flèche perçant le crâne symbolise l'illumination, l'inspiration fécondante, l'ouverture de la conscience à l'intuition divine. Sachant cela, nous ne serons guère étonnés des détails merveilleux de la biographie de saint Laurian, venu trouver la mort à Vatan. J'en ai déjà évoqué des détails dans un article sur le Laurier du Tempé , mais il n'est sans doute pas inutile d'y revenir ici plus longuement. Originaire de Pannonie (comme saint Martin, d'ailleurs, et ceci n'est sans doute fortuit), clerc de l'église de Milan, Laurian aurait été nommé évêque de Séville au temps de Totila, roi des Wisigoths. Après un épiscopat de dix-sept ans, Laurian se serait rendu à Rome, puis en Gaule au tombeau de saint Martin, enfin à Vatan, où les émissaires de Totila l'aurait rejoint, puis lui auraient tranché la tête. Le saint aurait alors pris sa tête dans ses mains, poursuivi ses assassins et leur aurait demandé de la rapporter en Espagne. Le "chef" de saint Laurian aurait donc été conservé dans la cathédrale de Séville jusqu'à l'invasion mauresque, pendant laquelle on l'aurait si bien caché que depuis, il n'aurait pu être retrouvé. Par ailleurs, il est dit qu'Eusèbe d'Arles, averti par le Ciel, venu à Vatan pour ensevelir le corps du martyr, le trouva gardé par deux ours. Ces faits tirés de la Passio Sancti Lauriani, peut-être écrite vers la fin du IXè siècle, n'ont très probablement aucune valeur historique, mais ils recouvrent sans nul doute une matière mythique qu'il importe de remettre en lumière. Mgr Villepelet lui-même, bien qu'affirmant que tout n'était pas faux dans ce récit, n'en reconnaît pas moins qu' « il y a trop de détails sujets à caution pour qu'on puisse les admettre sans réserve : tels le rôle de Totila, qui était roi d'Italie et non d'Espagne, la mention d'Eusèbe d'Arles, qui ne se trouve point sur les listes d'évêques de cette ville, l'invraisemblance de certains détails merveilleux. (Les Saints Berrichons, p.116) ».
J'ai suggéré ailleurs que Laurian, de par son nom, pouvait donc renvoyer au laurier de la vallée du Tempé, au nord de Delphes, dont le centre oraculaire faisait grand usage. Si Laurian meurt à Vatan, ce n'est pas un hasard, c'est que la ville est située au Nord géographique de Neuvy Saint-Sépulchre, représentant donc le pôle , le centre céleste autour duquel s'enroule toute la création - les deux ours qui gardent le corps de Laurian figurant évidemment les deux constellations boréales de La Grande et de la Petite Ourse.
Maintenant, quelle est la signification de ce nom de Vatan ? Stéphane Gendron n'hésite pas à écrire que Vatan « est le grand absent des dictionnaires et études générales de toponymie française. M. de La Tramblais risque un rapprochement avec vastus : le nom de Vatan a la même origine [que Gâtine], locus vastae solitudinis, lit-on dans la Vie de saint Laurian « (LA TRAMBLAIS 1867 : 361). P-ê en effet racine *vast, celle de l'afr. gast « jachère, terre inculte ». (Les Noms de Lieux de l'Indre, p. 30).»
Romain Guignard, dans un ouvrage publié en 1944, Vatan, des origines à nos jours (réédité en 1997 par la librairie Arts et Loisirs d'Issoudun), abonde dans ce sens : « Vastinum (ou Vastinium) est un vocable du bas-latin de la famille de vastum et dont la signification selon le glossaire de Du Cange aurait été : champ sablonneux, stérile, inculte. Sens dérivé de vastum qui porte primitivement une idée de destruction (le sens originel du latin classique vastus est : ravagé, dépeuplé ) et qui se dit des champs que l'on ne cultive pas ; vastum se dit en plus d'une terre destinée au pacage des animaux et, dans les forêts, d'un emplacement à découvert, sans arbre. (pp. 9-10)»
Alors Vatan, terre gaste ? Terre littéralement dévastée ? Philippe Walter, dans son livre Mythologie Chrétienne, Fêtes, Rites et Mythes du Moyen Age (Imago, 2003, 2005), qui montre bien que les vies des saints dissimulent souvent d'anciennes divinités païennes, présente ainsi le thème de la terre gaste :
« La malédiction de la terre gaste (dévastée par une stérilité mystérieuse ou une calamité divine) hante l'ensemble de la légende du Graal. Elle se rattache à un vieux mythe saisonnier que l'analyse des rites et du mythe des Rogations permet de mieux comprendre. A l'instar d'Indra, il appartenait à Perceval d'assumer le rôle du héros civilisateur permattant au monde d'échapper à la fatalité d'une terre gaste, dans toute l'acception symbolique du mot. Dans les textes hindous, en effet, c'est Indra, le grand héros, qui transperce le dragon retenant les eaux prisonnières et qui creuse le lit des rivières apportant l'eau à tous les humains. »
Or l'eau est un élément important de la Vie de saint Laurian, car le lieu du martyre est situé au voisinage d'une fontaine. D'ailleurs le saint aurait pris le soin d'y laver sa tête avant de la remettre à ses bourreaux. Vatan est par ailleurs arrosé par deux ruisseaux confluant juste à sa sortie nord, dont le plus important, le Pozon, prend sa source à 4 km environ, à la Fontaine aux Pélerins, sur la commune de la Chapelle Saint-Laurian. Il est intéressant également de lire ce qu'écrivait dans son Mémoire de 1803 le préfet Dalphonse sur la cité de Vatan :
« Cette ville est située dans une vaste plaine et dans une espèce d'enfoncement. La route de Paris à Toulouse la traverse et donne de l'activité et de l'aisance à ses habitants. L'eau y est presque partout à fleur de terre, les maisons y sont extrêmement humides ; dans plusieurs la fontaine est à côté du foyer et dans presque aucune il n'y a de cave par impossibilité d'en établir. Cette abondance d'eau avait fait penser que cette ville était construite sur un vaste étang desséché, son nom l'indique assez mais cette abondance d'eau peut bien provenir aussi de ce que la ville est dominée par des terres calcaires qui rejettent sur elle les eaux qu'elles n'absorbent pas. » (cité par R. Guignard, p.151).
Je ne sais ce qu'il en est aujourd'hui de l'humidité des maisons mais il me paraît clair que Laurian a pris le rôle dévolu à Indra dans le mythe hindou : le passage suivant, cité par Ph. Walter, fait écho à la description du préfet : « Indra a fécondé les jeunes filles et elles se réjouissaient comme des sources qui viennent tout juste de jaillir à travers le sol ; les jeunes épouses respectables qui languissaient peu à peu, il les a fécondées. Il a satisfait la soif des prairies et des champs altérés. »
Selon Ph. Walter, c'est le même dragon tué par Indra qui « est porté en procession au Moyen Age pendant les Rogations sous des noms divers : la gargouille de Rouen (tuée par saint Romain), le graoulli messin, la chair-salée de Troyes, la drée de Montlhéry et bien d'autres encore. C'est ce même dragon avaleur des eaux, l'une des formes multiples du dieu préchrétien, que l'Eglise cherchait à exorciser lors des Rogations afin de contenir un imaginaire de la fécondité vis-à-vis duquel elle se sentait démunie. Dans le christianisme médiéval, le héros tueur de monstre est souvent un évêque (...) »
Ce que fut, en effet, Laurian.
Les Rogations tombent le lundi, mardi et mercredi qui précédent le jeudi de l'Ascension, et dépendent donc de la date de Pâques, ce qui les placent en théorie du 28 avril au 1er juin. Laurian était associé, lui, à deux fêtes solennelles : le 4 juillet, anniversaire de son martyre, et le quatrième dimanche après Pâques, célébration de la translation de ses reliques à Vatan, auparavant conservées dans une chapelle proche de la fontaine. Ce qui donne dans ce dernier cas, la semaine précédant les Rogations.
Pour le 4 juillet, ne voyant pas le rapport, ni avec les Rogations, ni avec le signe zodiacal du Capricorne qui s'ouvre avec Vatan, j'ai consulté l'excellent site 366 jours par an et constaté que c'était le jour de la saint Florent (bien proche phoniquement de Laurian, et notons que la commune au nord la plus proche de Vatan n'est autre que Saint-Florentin).
Examinons donc d'un peu plus près ce saint Florent.
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16 février 2006
La paix du feu, qui est l'huile
"N'en déplaise à Paris, Issoudun est une des plus vieilles villes de France."
(H. de Balzac)
Reprenons notre marche en avant, notre circumambulation zodiacale, en abordant les terres de Sagittaire. Longue fut la station précédente en Scorpion, mais, de l'examen de la géographie sacrée biturige à la tentative d'investigation dans l'univers de l'alchimie, les questionnements étaient nombreux et les pistes de recherche foisonnantes. C'est d'ailleurs avec un sentiment d'inachevé que je quitte ce signe, la matière historique et mythologique qu'il convoque s'est révélée considérable, et appréhender plus de quinze cents ans de vie berruyère-berrichonne, entre Ambigatus et Jacques Coeur, semble un défi quasi impossible à relever. Le temps manque, et plus que jamais se justifie le titre du site : plus que jamais, j'ai la sensation de n'explorer ici que des fragments de la géographie sacrée de mon pays natal.
Les signes qui vont suivre - sauf surprise, et découverte de nouveaux indices – ne présenteront pas le même volume d'informations, et j'ai bon espoir de terminer ma ronde annuelle, à l'équinoxe de printemps, sur un panorama complet du zodiaque de Neuvy Saint-Sépulchre. La tâche n'en sera pas terminée pour autant, mais il est encore trop tôt pour évoquer ce temps à venir.
Donc Sagittaire. Où il faut encore parler de Lys Saint-Georges, et des deux souverains, Philippe Auguste et Richard Coeur de Lion, qui lui auraient donné son nom. Nous savons d'autre part qu'ils se disputèrent âprement la puissante place forte d'Issoudun , située également dans ce signe, rivalité dont le témoignage architectural le plus imposant est la Tour Blanche , commencée par Richard et achevée par Philippe. Or l'alignement Lys- Issoudun passe par ce hameau de Saint-Léger déjà évoqué par ailleurs, saint Léger qui est aussi le titulaire de l'église de Lys. Cet axe Lys-Issoudun est véritablement la flèche du centaure archer, que Doumayrou envisage comme « l'archétype de la chevalerie traditionnelle » (op.cit. p. 255), dont nos deux rois étaient vus comme les conducteurs divinement désignés. Aussi bien, Saint Georges est-il ce chevalier qui met à la raison le dragon de Lybie dans la Légende Dorée de Jacques de Voragine.
Le signe est le domicile de Jupiter, aussi y trouvons-nous, établi sur les bords de l'Indre, le château de Villejovet, dont le nom vient du latin jovis, génitif de Jupiter, tandis qu'en aval s'élève Ardentes, qui fait clairement référence au feu du signe.
Nous avons déjà vu le rôle central de cette cité au sein de la figure du triangle du Feu s'opposant symétriquement au triangle de l'Eau. J'ajouterai maintenant qu'Ardentes est symétriquement opposé à Aigurande (dont la racine est l'equo celtique, l'aigue, c'est-à-dire l'eau), par rapport à l'axe équinoxial, le parallèle de Neuvy. L'eau et le feu ici se répondent, et entre les deux cités se tisse un échange subtil lisible dans le jeu des blasons : celui d'Ardentes est d'or à trois fasces ondées, de gueules, qui est : de Maillé, tandis que celui d'Aigurande est semé de France à la cotice de gueules. Les ondes rappellent les eaux-mères, vivier inépuisable de Cancer qui, lui, renferme le feu royal incarné par les fleurs de lys d'or. De la même manière, le Cancer du zodiaque toulousain enveloppe le pays de Foix, du feu : « cette eau singulière, détentrice du feu, est, d'après René Guénon (Symboles fondamentaux, p. 155), l'eau substantielle où se développeront les germes fécondés, car ce signe est celui de la gestation. » (G.R. Doumayrou, op. cit. p. 171). D'ailleurs le blason de Foix n'est pas sans offrir quelque similitude, de nombre et de métal, avec celui d'Ardentes, avec ses trois pals de gueules sur champ d'or.
Dans cet autre triangle zodiacal qu'est celui de l'élément Feu, le Sagittaire, après le Bélier et le Lion, représente un achèvement. Ecoutons l'astrologue-poète Jean Carteret :
« Il y a trois types de feu : le feu originel qui est le feu invisible comme l'électricité, il y a l'accident du feu qui est la flamme, et il y a la paix du feu qui est l'huile – d'où le sacre des Rois de France. » (Des dialogues et du verbe, L'Originel, 1978, p. 63).
Le berceau de la puissance royale, la bien-nommée Ile-de-France, est placée, par une malicieuse coïncidence de l'histoire, à l'intérieur de cette zone Sagittaire. L'huile sainte versée par les prêtres sur le corps du roi le remplissait, croyait-on, de la force du Seigneur. « Un tel cérémonial, explique Georges Duby, introduisait ainsi le souverain dans l'Eglise, l'établissant parmi les évêques que l'on sacrait comme lui. Rex et sacerdos, il recevait l'anneau et le bâton, les insignes d'une mission pastorale. Par les chants de louange que l'on psalmodiait dans les solennités du couronnement, L'Eglise installait sa personne au sein des hiérarchies surnaturelles. Elle précisait sa fonction qui n'était plus simplement de combat, mais aussi de paix et de justice. » (Le Moyen Age, Skira, 1984, p. 15). Ceci correspond bien à la mission du feu sagittarien qui, au terme du troisième quadrant du zodiaque, selon un autre astrologue, André Barbault (Sagittaire, Seuil, 1958), « est au service d'une expérience « transindividuelle » ; son essence purifiée est destinée aux transports spirituels : il est feu purificateur, feu de l'illumination, feu sacré, analogue à la flamme qui s'élève, à la flèche qui relie la nature à la transcendance. »
Par exemple, Helgaud de Saint-Benoît-sur-Loire, qui écrivit la vie du roi Robert de France, parle de lui comme d'un homme de Dieu : « Il avait tant de goût pour l'Ecriture que pas un jour ne se passait sans qu'il lût les Psaumes et adressât à Dieu très haut les prières du saint David. » « Ainsi, dit-il par ailleurs, le roi doit être mis à part de la foule des laïcs car, imprégné de l'huile sainte, il participe au ministère sacerdotal. »
Observons tout de même, avec Georges Duby encore, que ce roi perd toute autorité dès que l'âge ou l'infirmité l'empêche de monter à cheval. Comme si le pouvoir royal ne pouvait se maintenir sans puiser aux sources de la puissance instinctive représentée par le noble animal. Centaure déchu, le roi passe la main.
Richard Coeur de Lion
Issoudun, convoitée par les deux rois de France et d'Angleterre, fut rattachée à la France en 1200, en étant comprise dans la dot de Blanche de Castille. Ville royale, elle accueillit fréquemment Charles VII et Louis XI, au logis du Roi, actuel Hôtel de Ville. Louis, reconnaissant la loyauté de ses habitants, affranchit les sept foires annuelles en leur accordant les mêmes privilèges qu'à celles de Bourges, la rivale. Cette fidélité d'Issoudun à la monarchie lui valut encore, en 1598, d'être exempté par Henri IV de toute imposition. Le blason de la ville porte lui aussi l'empreinte royale de par ce champ d'azur au pairle d'or accompagné de trois fleurs de lys mal ordonnées du même.
Maintenant, si nous quittons Issoudun par le quartier Saint-Denis, nous ne tarderons pas à traverser le Bois du Roi. Et la route empruntée nous conduira alors à Vatan, qui balise la méridienne de Neuvy, autrement dit son axe solsticial. Cette itinéraire est à lire symboliquement comme la visée mystique de la flèche sagittarienne atteignant la conscience de Capricorne, dont nous abordons là les terres.
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10 février 2006
Le portulan occulte
Ph. Audoin : « Plus précise encore est l'indication que donne l'écu en targe que tient ostensiblement le pèlerin : au centre, un coeur ailé, chargé d'une croix en tau (dite croix de saint Antoine) ayant à sa pointe un croissant de lune renversé, et surmonté d'un soleil ; autour, cinq étoiles, trois en chef, deux en pointe – ce qui nous fait, en comptant le soleil et la lune, les sept métaux traditionnels, qu'on voit toujours, dans les planches didactiques, témoigner pour l'oeuvre à son début. »
J'incline à considérer Tranzault comme le coeur même de la croix en tau dont la barre supérieure serait figurée par l'axe Sarzay-Lys . Lys, avec son donjon massif elliptique, représenterait alors la Lune, principe féminin, tandis que Sarzay, par les cinq tourelles de son donjon, exprimerait les cinq étoiles du blason. Le soleil (grec helios) pourrait, lui, avoir quelque rapport avec Hélyon II « le brave », seigneur de Barbançois-Sarzay, dont la curieuse biographie est incontestablement marquée par le chiffre 7 : mariage le 25 octobre 1507 avec Emée du Plessis (deux lieux-dits le Plessis repérables sur l'axe Neuvy-Bourges), duel à l'âge de 70 ans, ordonné par le conseil du roi le 1er octobre 1537 et, après la victoire contre toute attente sur le sire ennemi, trépas sept années plus tard (Château de Sarzay, T. Massereau, opuscule).
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« Le coeur croisé, ailé, dont, selon la table d'Emeraude, le soleil est le père et la lune la mère, est exactement équivalent au coeur de l'argentier, croisé lui aussi, et chargé d'une coquille. Il marque la conjonction des deux principes et par ses ailes, auxquelles celles de l'ange initiateur ajoutent un écho redondant, il attire l'attention sur la volatilité du Mercure qu'il convient avant tout de réduire ou de fixer. »
L'axe, on l'a déjà dit, passe à Saint-Août. Or le mois d'août est en grande partie sous le signe du Lion, dont la partie du corps correspondant dans la doctrine astrologique est le coeur (et notons que l'axe traverse également la forêt de Choeurs). On peut d'ailleurs se demander si cette rencontre réconciliatrice à Lys Saint-Georges entre Philippe Auguste et Richard Coeur de Lion, uniquement rapportée par une tradition orale, ne masque pas là encore la conjonction de deux principes antagonistes.
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« C'est à ce point que la petite fée de Bourges peut livrer quelque chose de son secret.Elle est en effet comparable, à plus d'un titre, au jeune éphèbe mercurien qui gouverne la deuxième clé de philosophie de Basile Valentin. Il est placé, comme le coeur croisé du pèlerin, entre le soleil et la lune. Ses épaules ne portent que de petites ailes courtes de poulet ; à ses pieds gisent de grandes ailes, emblèmes de cette volatilité que le combat du fixe, exprimé par un serpent, et du volatil, traduit par un aigle, lui ont fait perdre.(...) »
A Mers-sur-Indre, second jalon sur l'axe Neuvy-Bourges, confluent l'Indre et la Vauvre. Coïncidence hydrographique judicieusement exploitée pour exprimer la fusion, dans la Mer Philosophique (de la même manière que Mouhers, dans le retour sur Cluis), du principe humide (la Vauvre, rivière qui « serpente », autrement dit la Vouivre) et du principe igné (l'Indre qui vient de recevoir les eaux de l'Igneraie).
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« Il faut maintenant se mettre à ses pieds : l'entrelacement des osiers qui clôturent le jardin d'où naît cette aimable fiancée, évoque parfaitement les mailles et les macles que nous avons déjà rencontrés sur le chemin de saint Jacques. Ce réseau de croix, ce tissu de losanges est, on l'a dit, le signe matériel de la parfaite union du soufre et du mercure, le signe de l'étoile polaire sur laquelle l'artiste doit, dit-on, gouverner sa marche. »
La géographie sacrée est bien cette résille invisible qui quadrille les pays berrichon et marchois, le portulan occulte sur lequel se régle la marche des destins : la ligne Tranzault-Lys prend tout son sens en désignant Arthon, l'Ourse, la Polaire. Ainsi donc ce croisement de Tranzault réunit dans une même figure les deux hauts-lieux polaires depuis l'antiquité biturige, Arthon et Avaricum.
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08 février 2006
L'ange et le bourdon
"Ce fut bien pis lorsqu'on sortit des sables pour descendre dans les terres grasses et fortes de la Vallée-Noire. Aux lisières de ce plateau stérile, madame de Blanchemont avait admiré l'immense et admirable paysage qui se déroulait sous ses pieds pour se relever jusqu'aux cieux en plusieurs zones d'horizons boisés d'un violet pâle, coupé de bandes d'or par les rayons du couchant. Il n'est guère de plus beaux sites en France."
George Sand (Le Meunier d'Angibault)
Ph. Audoin : « On y voit un homme vêtu du traditionnel costume des Jacques, appuyé sur son bourdon et suivi d'un petit chien bondissant. Ce pèlerin ressemble à s'y méprendre au Mat du tarot que nous avons déjà mis en relation avec le Mercure, à ce détail près que son compagnon de route ne déchire pas ses braies. »
« Le « Bourdon », précise André Savoret, était un long et solide bâton dont le haut était taillé en forme de gourde. Le plus souvent, une vraie gourde, compagne obligée de l’errant, y était fixée. Dans l’ordre spirituel, la « gourde » était analogue à la « dive bouteille » et au « chaudron » contenant l’élixir d’immortalité dont parlent les anciens bardes gallois. »
Le hameau de Gourdon, sur une hauteur dominant les deux ruisseaux du Gourdon et de l'Aubord et l'ancien passage à gué nommé Guéchaussiot, hameau balisant donc l'axe Sarzay - Neuvy, apparaît comme le mot-valise idéal rassemblant gourde et bourdon. Son étymologie est par ailleurs incertaine : Stéphane Gendron écrit juste « qu'on peut risquer un rapprochement avec l'ancien nom de Sancerre, Gortona au 1er s. av. JC. » (Les Noms de Lieux de l'Indre, p.9), nom qui semble exprimer une notion de hauteur. Il admet comme possible l'existence d'un ancien oppidum.
Ph. Audoin : « A droite du pèlerin se tient, sur un escarpement, un château auquel nul chemin visible ne conduit. C'est à l'évidence, le château du Graal, ou le Palais fermé du Roi dont Philalèthe se flatte d'ouvrir la porte au disciple. C'est dans ce château que le pèlerin mercuriel doit pénétrer pour en rajeunir le roi. Un ange aux ailes éployées surgit de la broussaille et semble, d'une main l'accueillir, de l'autre lui désigner le haut lieu. »
Stéphane Gendron a beau affirmer que « l'assertion, rapportée par Gillian Tindall, selon laquelle la commune de Sarzay serait un écho lointain de la présence des Sarrasins est sans fondement. », je ne puis m'empêcher de rapprocher ce nom de la ville de Sarraz, mentionnée dans La Quête du Graal de Robert de Boron : « Quarante-deux ans après la passion de Jésus-Christ, il advint que Joseph d'Arimathie, le gentil seigneur qui détacha Notre Seigneur de la Sainte Croix, quitta Jérusalem avec nombre de ses parents. Ils marchèrent, jusqu'au moment où Notre Seigneur leur commanda d'aller en la cité de Sarraz, que tenait Ewalach, un Sarrazin. »
L'ange, alors, se tiendrait à Angibault – lieu-dit et moulin, théâtre de l'un des plus célèbres romans de George Sand, Le Meunier d'Angibault - situé en aval de Sarzay sur la Vauvre, qui plus est sur son méridien. Sur le roman, il y aurait beaucoup à dire : notons seulement pour l'instant que la romancière y rebaptisa Sarzay en Blanchemont, ce qui introduit un chiasme suggestif avec la Vallée Noire, désignation proprement sandienne de cette partie du pays berrichon qu'elle prit pour cadre de ses romans dits champêtres, et dont elle fait dans ce roman même la description célèbre qui ouvre cette note.
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