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04 mai 2006

L'Homme sauvage

Revenons à Levroux. Et examinons un peu ce que Philippe Walter, dans Mythologie chrétienne (Imago, 2005), écrit sur saint Sylvestre. Il ne mentionne pas saint Sylvain, mais ce qu'il dit de l'un peut aisément s'appliquer à l'autre, puisqu'il souligne le fait que « le nom de Sylvestre a pour étymologie le latin silva « la forêt » et que ce nom est à rapprocher de la grande figure de l'Homme sauvage, personnage clé de la mythologie préchrétienne, figure archétypique du revenant pour les traditions médiévales. » (p. 65.) Homme velu, mi-bestial, mi-humain, souvent porteur d'une massue ou d'un tronc d'arbre, il apparaît par exemple dans les romans de Chrétien de Troyes, au XIIème siècle. Ainsi, dans Yvain ou le Chevalier au Lion :

« Il avait la tête plus grosse qu'un roncin ou qu'une autre bête, les cheveux ébouriffés et le front pelé, large de presque deux empans, les oreilles velues et grandes comme celles d'un éléphant, les sourcils énormes, la face plate, des yeux de chouette, un nez de chat, une bouche fendue comme celle du loup, des dents de sanglier, acérées et rousses, une barbe rousse, des moustaches entortillées, le menton accolé à la poitrine, l'échine voûtée et bossue. Appuyé sur sa massue, il portait un habit bien étrange sans lin ni laine mais, à son cou, étaient attachées deux peaux fraîchement écorchées de deux taureaux ou de deux boeufs. »

Qu'on ne s'y trompe pas : ce rustre est en réalité un devin qui met Yvain sur le chemin de la merveilleuse fontaine de Barenton. Il a pouvoir sur les taureaux furieux qu'il maîtrise en les tenant simplement par les cornes. Tout ceci autorise Ph. Walter à écrire que « Le Sauvage est la forme « folklorisée » d'une ancienne divinité celtique qui survit au Moyen Age à travers plusieurs saints comme Blaise ou Martin et la figure de l'enchanteur Merlin. Si l'on examine en détail la vie légendaire de saint Martin, on s'aperçoit qu'elle pourrait bien recouvrir d'un manteau chrétien une vieille figure celtique dont le nom pourrait s'apparenter à celui de l'enchanteur Merlin. La proximité phonétique des deux noms justifie déjà un rapprochement qui trouvera une confirmation dans l'étude de certains motifs empruntés aux documents hagiographiques médiévaux. » (p. 51.)

 

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Maison de bois, à Levroux

Sylvestre, Sylvain, Martin seraient en somme des avatars de cet Homme sauvage, figure dérivée d'une divinité celtique, que j'ai proposé ailleurs d'identifier à Sucellus, le dieu au maillet. Levroux condense dans son légendaire ses différentes appellations, mais la cité va plus loin encore car elle nous en présente aussi une véritable figuration plastique, sur la très belle maison de bois de la place Victor Hugo, datée entre 1470 et 1500, nommée « maison Saint-Jacques » dans le grand terrier du chapitre de 1572-1576 : « Les trois faces du « chapiteau » du poteau cornier sont décorées d'un personnage accroupi, appuyant ses mains sur sa tête, d'un bouffon portant la marotte sur ses épaules et d'un homme sauvage tenant une massue, qui rappellent des thèmes décoratifs chers à la sculpture berrichonne de la fin du Moyen Age et du début de la Renaissance. » (Histoire et archéologie du pays de Levroux, coll., p. 71-72.)

 

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L'Homme sauvage


22:50 Publié dans Capricorne | Lien permanent | Commentaires (4)

Commentaires

Bonsoir,

magnifique reproduction de cet Homme sauvage ou Homme des Bois avec sa massue, ou comme dit Fulcanelli, son Ecot, tronc d'abre équarri. Fulcanelli détaille en effet longuement la sculpture d'une maison ancienne de Thiers (l'Homme des Bois, hérault mystique de Thiers - Les Demeures philosophales, tome I, à partir de la p. 419) ; il aborde également le sujet dans le chapitre du Manoir de la Salamandre de Lisieux, toujours tome I, à partir de la page 267.

Je vous laisse découvrir ces textes et en tirer la substantifique moelle !

Écrit par : Marc Lebeau | 06 mai 2006

Merci, Marc, pour ces références précieuses. En fait, je possède Les Demeures Philosophales, mais j'avoue que n'en ai jamais vraiment lu que la préface, et encore c'était en 1984, année de leur acquisition. C'est donc avec le plus vif intérêt que je vais découvrir enfin les chapitres que vous me décrivez. La chasse à l'homme sauvage est commencée !

Écrit par : Robin | 06 mai 2006

Bonjour Robin,
Nous avons, à Toulouse, une sculpture analogue à l'angle des rues de l'Homme armé et des Moulins. La rue de l'Homme armé tire son nom, semble-t-il, de cette figure étrange. En tout cas rien à voir, à mon avis, avec le thème de la Renaissance qui a inspiré poètes et musiciens. Je pense à la "Messe de l'Homme armé" de Guillaume Dufay.
Dans son "Histoire des rues de Toulouse", Jules Chalande signale que cette rue, au XVIème siècle, s'appela rue du Sauvage, du nom d'une auberge dont la statue fut l'enseigne. Chalande associe la vogue du sauvage à la découverte de l'Amérique, ce qui paraît bien vague...

Écrit par : Marc Briand | 08 mai 2006

Bonsoir Marc,

En effet, cela me paraît inexact de rapporter la figure de l'homme sauvage à la découverte de l'Amérique. D'ailleurs, la maison de bois de Levroux, par exemple, est certainement antérieure à cet événement.
Levroux n'est pas sans rapport avec Toulouse : le site
http://carmina-carmina.com/carmina/Mytholocalendes/dictons%20de%20septembre.htm
(voir au 22 septembre) raconte qu'"un clerc de Toulouse qui se nommait Hugon fut atteint de lèpre. Il vint en pèlerinage à Levroux et fut parfaitement guéri. Il resta à Levroux et se mit au service de l'église jusqu'à la fin de ses jours."
Je reviendrai sur cette mention toulousaine, qui n'est pas fortuite.

Écrit par : Robin | 09 mai 2006

Les commentaires sont fermés.