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10 mai 2006

De Rodène à Mélusine

En attendant de revenir sur la figure de l'Homme Sauvage, en relation avec l'Homme des Bois de Thiers et l'Homme à l'écot de Lisieux, décrits par Fulcanelli dans les Demeures Philosophales (rapprochements utilement suggérés par Marc Lebeau), je voudrais m'attarder sur le personnage féminin de la légende de saint Silvain, à savoir Rodène, la jeune fiancée convertie qui n'hésite pas à se mutiler pour échapper au mariage auquel elle était promise.

Le site Carmina-Carmina.com, découvert récemment, et qui est une vraie mine de renseignements sur l' hagiographie et les dictons, propose (se reporter à la date du 22 septembre) d'identifier Rodène à la déesse celtique Rosmerta, sans donner par ailleurs de justification. Il est permis de supposer que c'est la proximité phonétique des deux noms qui est ici le critère.

Qui est Rosmerta ? Paul-Marie Duval écrit dans Les dieux de la Gaule (Payot, 1976, p.57), qu'elle « porte, comme une « mère », la corbeille de fruits ou la corne d'abondance, car son nom, anciennement Pro-smerta, signifie « la grande Pourvoyeuse », celle dont on peut espérer le plus de gains et de profit. C'est pourquoi elle est la compagne de Mercure, notamment dans l'est de la Gaule : elle porte parfois, comme lui, le caducée (?), paraît recevoir dans ses mains la bourse du dieu. »

Rien cependant dans cette description ne rappelle la Rodène de la légende. L'association avec Mercure ne cadre pas avec la filiation de Silvain avec le Silvanus latin et le Sucellus celtique.

Si l'on suit maintenant l'hypothèse Sucellus, on remarquera que ce dernier est souvent représenté avec une compagne, Nantosuelta, comme sur cet autel près de Metz.

 

medium_nantosuelta-sucellus.jpg
(Image Wikipedia)

Elle aussi est souvent figurée, comme Rosmerta, en déesse de l'abondance : J.J. Hatt mentionne par exemple la stèle de Nuits Saint-Georges où la parèdre de Sucellus tient une patère de la main droite et de la main gauche une corne d'abondance pleine de fruits.

Anne Lombard-Jourdan remarque, quant à elle, que le nom de Nantosuelta n'a pas été expliqué de façon sûre, mais qu'il semble toutefois débuter par la racine gauloise nantos, « vallée, torrent », et qu'il s'agirait d'une déesse de l'eau. Et cela s'accorde mieux avec Rodène, à laquelle est consacrée une fontaine guérisseuse de Levroux. Dans la légende, Silvain nettoie les chairs coupées par Rodène dans une fontaine (est-ce la même ?) et, en excellent chirurgien esthétique, les remet en place, rendant toute sa beauté à la jeune femme.

Sur un autre bas-relief trouvé à Hérange (Moselle), Anne Lombard-Jourdan relève que Nantosuelta se tient debout sur le bord d'un bassin quadrangulaire « et une zone faite de lignes parallèles et ondées figurent approximativement l'eau qui recouvre la partie inférieure de son corps. Elle présente dans sa main gauche, des richesses inidentifiables et sa main droite levée saisit le cou d'un long serpent, dont le corps disparaît sous son avant-bras, plonge derrière elle dans le bassin et réapparaît à sa gauche en une queue sinueuse qui atteint la hauteur de la tête des personnages et que Sucellus saisit en un geste semblable à celui de sa compagne. (...) L'iconographie de ce bas-relief, de facture un peu maladroite, est parfaitement significative. Le serpent, qui s'échappe du bassin de la source et ondoie entre eux, crée un lien très fort entre les deux personnages. Il symbolise la force régénératrice de la divinité souterraine et aquatique dont s'est emparé le dieu ouranien. Le bas-relief d'Hérange semble vouloir anthropomorphiser le mythe du cerf et du serpent. Une telle représentation est un précieux jalon sur le long cheminement qui conduisit le mythe protohistorique jusqu'au conte médiéval de la rencontre de Raimondin et Mélusine. Devant la figuration d'Hérange, on comrend que leur aventure près de la fontaine ait pu prendre corps. » (Aux origines de Carnaval, Odile Jacob, 2005, p. 198.)

Vertigineuse perspective qui s'offre là : dans le Roman de Mélusine, c'est bien à la fontaine de Sed que Raimondin, qui vient de tuer malencontreusement son oncle bien-aimé au cours d'une chasse au sanglier, rencontre la fée Mélusine. La fontaine de Sed, c'est la fontaine « de la Soif », orthographiée quelquefois, précise Anne Lombard-Jourdan, « Font de ».

Ceci ne peut manquer bien sûr de nous rappeler la Céphons.

 

medium_raimondin.jpg
Mélusine et ses deux soeurs apparaissant à Raimondin près de la fontaine de Soif
(image BnF)

Mélusine à Levroux ?

Ceci ne devrait pas au fond nous surprendre :

Doumayrou (G.S. p. 154): « Or la fée, mère-lumière et pôle de la vie, était affligée, comme Capricorne, d'une double nature, torse de femme et queue de serpent, mais qu'elle n'était tenue d'assumer que le samedi, jour de Saturne : c'est la planète même qui est domiciliée dans le signe (...). »








00:10 Publié dans Capricorne | Lien permanent | Commentaires (0)

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