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29 juin 2006

Pause estivale

« J'ai pénétré dans la patrie, je la cherche ici.

Lorsque le car s'est arrêté près des lauriers-roses,

j'ai retrouvé la vraie contrée qui m'était promise.

Oh ! J'y vais accéder. J'arrive au centre enfin.

J'avance encore. J'écoute. J'entends. »

Andre Frénaud (extrait de Ménerbes, 1953)

 

Les obligations de la vie professionnelle et familiale m'ont tenu éloigné de ce blog en ce mois de juin 2006, et l'été qui vient, pour diverses raisons, ne s'annonce pas plus propice à un rendez-vous régulier. Je préfère donc décréter une pause estivale de longue durée et donner rendez-vous en septembre aux fidèles lecteurs.

Il reste donc bien des aspects de la géographie sacrée berrichonne à découvrir. Je n'en ai même pas fini avec Déols, et a fortiori avec le signe du Capricorne. Verseau reste entièrement à arpenter, et Poissons, que j'ai succinctement abordé avec le fameux étang du Bois-Secret, n'a pas dit son dernier mot.

medium_chapiteau-neuvy-chat.jpgEt puis il me faudra revenir sur l'Homme Sauvage en relation avec les demeures philosophales de Fulcanelli, déchiffrer l'anglais pour comprendre quelque chose au zodiaque de Glastonbury, à moi signalé par l'ami Marc.

Cet été devrait être aussi l'occasion d'approfondir certaines lectures que j'ai dû cette année plus ou moins abandonner en cours de route, faute de temps ou de courage : par exemple, Du Sacré, d'Alphonse Dupront, et Ecoumène d'Augustin Berque.

Il serait bon aussi que je confectionne un index des noms et des lieux cités, qui permettrait au lecteur de mieux se repérer dans le labyrinthe.

J'aspire aussi, il va sans dire, à quelque repos et rêverie...

Je vous souhaite à tous un très bel été.

13 juin 2006

Les enfants du marais

Les mégalithes ne sont pas le seul point commun entre les lieux Dolus. Il en existe au moins un autre, d'ordre géographique. Reprenons l'inventaire.

Mont-Dol, Dol-de-Bretagne : « On passe, écrit Jacques-Pierre Amette, devant la cathédrale de Dol, on suit une descente goudronnée parmi des maisons basses aux teintes chocolatées, on glisse sous la nationale 176 qui va de Pontorson à Dinan, la grande route à quatre voies de pénétration de la Bretagne nord ; on découvre alors un espace infini et si plat qu'il en miroite : le marais de Dol. Magique. »

Dolus d'Oléron : Le marais aux oiseaux, situé aux Grissotières, « est à la fois un parc animalier à vocation pédagogique mais aussi un centre de sauvegarde et une réserve de faune sauvage. »

Déols : « Les mentions faites de marais -paludis – indiquent assez son action déterminante sur la nature du terrain : l'Indre décrit ici « des méandres divagants s'inscrivant dans une large vallée marécageuse, à fond plat et à pente très faible »1
De vastes prairies -
pratum Longum, pratum Ubarense – sont cernées par ses nombreux bras morts. Un ruisseau coule parallèlement à son lit, avec lequel il communique par plusieurs bras avant de s'y jeter ; il emprunte son nom au Montet - Monte Batolio – escarpement calcaire qui borde la vallée de l'Indre. C'est sur la rive droite de cette vallée que s'est formée une agglomération humaine -villa Dolis-, au point de rencontre de la rivière et du ruisseau. » (Patricia Duret, La sculpture romane de l'abbaye de Déols, Issoudun, 1987, p. 19.)

medium_marais.jpgLa proximité de marais se vérifie donc sur ces trois lieux Dolus. La signification mythique du marais ne fait aucun doute : lieu de la matière indifférenciée, il joue dans la Grèce antique, nous dit le Dictionnaire des Symboles, le même rôle que le labyrinthe. Glastonbury, en Angleterre, qui passe pour l'ancienne île d'Avalon, s'est édifiée au-dessus des marécages.

Pour résumer, le dol serait en somme un espace surplombant un marais, un affleurement naturel de roche que les hommes sur-signifient en y implantant des mégalithes, et plus tard, des autels et des églises.

Et Dolus-le-Sec, me direz-vous ? Point de marais dans le proche voisinage, certes. Mais le village n'est qu'à dix kilomètres au nord-ouest de Loches, la cité royale avec son donjon et sa collégiale Saint Ours (qui n'est pas sans nous rappeler évidemment le saint Ursin berruyer). Or, Loches se serait nommée dans l'Antiquité Castrum Locae, le « Camp des Marais ».

Point commun entre Loches et Dolus : leurs églises ont été semblablement fondées au Vème siècle par le second successeur de saint Martin à la tête de l'évêché de Tours, saint Eustoche, si l'on en croit Grégoire de Tours, dans le dixième livre de l'Histoire des Francs :

« Le cinquième fut Eustoche, homme saint et craignant Dieu, de naissance sénatoriale. On dit qu’il institua des églises dans les bourgs de Brisay, d’Iseure, de Loches et de Dol. Il bâtit aussi, dans les murs de la cité, une église dans laquelle il plaça les reliques des martyrs saints Gervais et Protais, apportées d’Italie par saint Martin, comme le raconte saint Paulin dans son épître. Il tint dix-sept ans le siège épiscopal , et fut enterré dans la basilique qu’avait élevée l’évêque Brice sur le tombeau de saint Martin. » (C'est moi qui souligne.)

C'est le même Grégoire de Tours qui fait mention pour la première fois de Déols comme Vicus Dolensis.

medium_beaulieu-les-loches.jpg
Clocher de Beaulieu-lès-Loches

 Ce rapprochement que j'opère entre Déols et Loches, par le biais de Dolus, se trouve enfin renforcé par la très forte parenté entre le clocher de Déols et celui de Beaulieu-lès-Loches, aux portes de Loches, comme son nom l'indique, parenté relevée dans l'étude très fouillée de Patricia Duret :

« Si l'abbatiale de Déols puise aux sources aquitaines son inspiration, sa situation en marge des pays de la Loire la tient cependant en contact avec d'autres formes. L'étonnante similitude du clocher de Déols avec le clocher de Beaulieu-lès-Loches, du milieu du XIIe siècle, en témoigne : même volume, à la fois élancé et robuste, mêmes baies géminées en plein-cintre sur les quatre faces de l'étage des cloches -baies exemptes d'arcs de décharge mais enrichies par de nombreuses voussures et colonnettes -, mêmes colonnes logées dans les angles de la tour quadrangulaire, mêmes corniches pour parachever la composition. » (op. cit. p. 64.)

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1G. Coulon, J.N Delétang, M. Garraut, R. Pécherat, J. Tournaire, Histoire de Châteauroux et de Déols, Roanne, 1981, p. 7.

00:35 Publié dans Capricorne | Lien permanent | Commentaires (5)

08 juin 2006

De Dolus en Pierre Folle

Je m'aperçois que je vais trop vite en besogne. Avant d'en venir à Déols, attardons-nous un moment sur les deux autres Dolus que nous livrent les moteurs de recherche. Le site de la Société de Mythologie Française nous apprend par exemple qu' aux « deux extrémités de l'île d'Oléron, à Saint-Denis et à Dolus, les restes de deux anciens dolmens constituent les Palets de Gargantua. »

Quant à Dolus-le-Sec, minuscule commune près de Loches, j'en ai retrouvé la trace sur un site traitant des légendes de Touraine. Trois fées auraient bâti en une nuit le grand dolmen de Saint-Antoine-du-Rocher, où elles auraient élu domicile ainsi que « dans les trois cimetières des fées ou pucelles de Neully-le-Brignon, Marcé-sur-Esves et Saint Epain, sans compter la Chambre aux dames de Semblançay, la Pierre Folle de Bueil et la Fontaine de la Pierre Couverte de Dolus. » (C'est moi qui souligne.)

Cette récurrence de mégalithes liée à un légendaire populaire (de type fée ou Gargantua), rencontrée sur chacun des Dolus, me laisse à penser que Déols ne doit pas faire exception à la règle, et qu'à l'origine de la dévotion et du pélerinage en ces lieux doit se trouver une ou plusieurs pierres sacrées. Or, je l'ai dit, rien de tel officiellement à Déols.

Sauf que l'étude de la toponymie proche de Déols nous apporte quelques indices pour le moins troublants. A la sortie du centre-ville actuel, le quartier des Maussants porte trace d'une antique occupation : un temple gallo-romain y a été fouillé en 1990, et le nom même de Maussants dérive, selon S. Gendron, du bas-latin muro-cinctus « ceint de murs », et désignait donc une localité ou un domaine fortifié. On retrouve d'ailleurs le terme à Saint-Marcel, où sur le plateau dit des Mersans sont localisées les fouilles de l'antique Argentomagus, ainsi qu'à Levroux (ça faisait longtemps...), avec le hameau de Maussant où se trouve l'emplacement de l'oppidum des Tours, occupé à partir du 1er siècle av. J.C.

 

medium_carte-deols2.jpg
 

 

Or, près des Maussants de Déols, que lit-t-on sur la carte IGN ? De l'autre côté du rond-point de la D135, le hameau des Grandes Pierres Folles nous laisse rêver à une hypothétique allée couverte... Sur la même page 197 de son livre sur Les Noms de Lieux de l'Indre, S. Gendron signale encore la Pierre Folle, « à Déols, près des Etollières, Cloux de Pierre Folle 1539 (...) ». Ce lieu-dit est situé sur une étroite éminence entre deux petits affluents de l'Indre.

Tout ceci est pure conjecture, je l'avoue, rien ne subsistant de ces dolmens ou menhirs dont seule la toponymie nous conserve peut-être le souvenir. Mais je tiens tout de même à préciser que c'est seulement après avoir formulé cette hypothèse mégalithique, à partir de l'examen des autres lieux dolus, que je me suis reporté à la carte IGN et ai constaté la présence de ces Pierres Folles - dont on a vu qu'un autre exemple, en Touraine, à Bueil, entrait dans la mythologie populaire.



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02 juin 2006

Vicus Dolensis et Mont-Dol

Déols. Enfin nous y sommes. Déols l'inspiratrice, dite aussi le Bourg-Dieu. Combien de fois déjà ce nom a-t-il hanté ces notes ? N'ai-je pas depuis longtemps affirmé que Déols et Bourges étaient à la source de la geste zodiacale, bouillonnante du feu souterrain de la mythologie celtique ? Pourtant, que sait-on de Déols elle-même ? Pas grand chose, en vérité. Quelques lignes dans le Quid résument l'essentiel : « Anciennement "Vicus Dolensis", cité gallo-romaine administrée au 3ème par le sénateur Léocade, dont le fils, saint Ludre, fut le premier disciple de saint Ursin. Les tombeaux de saint Ludre et de son père devinrent un important lieu de pèlerinage, célèbre dès le 6ème. Au 10ème, Déols était un gros bourg appartenant à une puissante famille féodale dans la mouvance des ducs d'Aquitaine. En 917, Ebbe Le Noble fonda l'abbaye de Saint-Pierre, Saint-Paul et Notre-Dame qu'il donna à des moines de Cluny. L'abbaye, qui était l'une des plus belles et des plus riches du royaume, fut ravagée par les huguenots au cours des guerres de Religion puis sécularisée en 1622 par Henri II de Condé, père du Grand Condé. Engagée dès cette époque, la démolition de l'édifice fut poursuivie jusqu'au milieu 19ème. »

Léocade, Ludre, Ursin, ces personnages cités par Grégoire de Tours ont-ils réellement existé ? Rien n'est moins sûr. Je m'interroge : qu'est-ce qui détermine ce site des bords de l'Indre, qui n'a en apparence, sur le plan strictement géographique, rien d'exceptionnel, à devenir un haut lieu de pélerinage dès le VIème siècle, puis à accueillir l'une des plus formidables abbayes du royaume, fondée sur le modèle de Cluny ?

Si l'on examine l'étymologie, l'incertitude est là aussi de mise : Stéphane Gendron (Les Noms de Lieux de l'Indre, op. cit. p. 9), signale qu'on a proposé le gaulois dol « méandre », « qui convient parfaitement pour Déols, dans une boucle de l'Indre », mais il ajoute aussitôt : « Nous restons cependant méfiant car cette explication ne convient pas pour son principal homonyme, Dolus-le-Sec (Indre-et-Loire, Dolus VIe), loin de tout ruisseau. »

Je reviendrai sur ce fameux Dolus-le-Sec, mais, à ce stade, n'ayant rien à perdre, j'ai songé à un autre Dol : Dol-de-Bretagne que je ne connaissais que de nom. Un petit tour sur le net m'apprend vite que cette petite ville bretonne fut longtemps (jusqu'en 1199) le siège d'un archevêché, en concurrence avec celui de Tours. Le roi des Bretons, Nominoé, y fut sacré en 848. L'évêque de Dol présidait les États en l'absence du duc de Bretagne. Cette prééminence serait redevable au moine gallois saint Samson , l'un des sept saints fondateurs de la Bretagne, qui se serait fixé à Dol au VIe siècle. Son sarcophage est conservé dans la cathédrale de Dol.

Non loin de Dol, on peut visiter le Mont-Dol dont l'histoire est d'une exceptionnelle richesse, comme en témoigne l'exposition qui a semble-t-il lieu actuellement dans l'église même de Mont-Dol.

La tradition attribue à saint Samson la gravure de trois croix pattées sur un pointement granitique à l'est du tertre, sans doute un rocher sacré païen qui fut ainsi christianisé : « Les mêmes croix visibles sur une base de colonne antique réemployée dans l'église, témoignent probablement de la christianisation d'un monument romain à Jupiter, élevé primitivement sur le plateau. »

Notons aussi le légendaire attaché à Gargantua : « Un jour où il se promenait dans la région, une douleur soudaine lui fit retirer sa chaussure qu'il secoua : il en tomba trois cailloux qui sont aujourd'hui le Mont-Dol, le Mont Saint-Michel et le rocher de Tombelaine. Le même géant passait de Normandie en Bretagne en trois pas colossaux, jalonnés par la roche de Carolles, Mont-Dol, le Mont Saint-Michel et Tombelaine. »

Dol ne serait-il pas le premier élément du mot dolmen, élément signifiant "table" ? Marquant ainsi la présence d'une roche tabulaire sacrée ? Mais, me direz-vous, à Déols, aucun dolmen déclaré, existant ou détruit, aucune pierre votive.

Pas si sûr. Je m'en vais vous le montrer tout à l'heure. (A suivre)









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