17 avril 2007
Denis Gaulois (16) : La biche et le sanglier
Après quoi, il pria le patriarche Ursin de venir prêcher dans son canton, ce qu'il fit, et plusieurs rentrèrent dans la loi de Dieu ; il les baptiza. Il allait souvent avec Léocade voir le père Gaulois."
La fondation par Léocade de l'église Saint-Etienne, à l'instigation de Ludre rappelant la promesse faite à Ursin, est à mettre en relation avec la présence en cet édifice du sarcophage de saint Ludre. Je l'ai déjà mentionné plusieurs fois : ce monument funéraire présente un décor qui n'a rien de chrétien avec ses thèmes directement inspirés de la mythologie grecque. Brigitte Rochet-Lucas (Rites et Traditions populaires en Bas-Berry, 1980, p. 162) y reconnaît, outre des scènes de chasse et de repas, Hercule et la biche du Mont Cérynie, Méléagre et le sanglier de Cérydon.
Or Jean Richer, mettant en relation, dans sa Géographie Sacrée du Monde Grec, les signes zodiacaux avec les travaux d'Héraklès, associe précisément le troisième travail - la capture de la biche de Cérynie - avec le signe du Capricorne (auquel, faut-il le rappeler, appartient Déols dans le système neuvicien). La biche est en effet associée à la direction du nord : dans la légende, elle court jusqu'au pays des Hyperboréens pour échapper au héros. De plus, comme tout cervidé, elle est consacrée à Artémis, dont le pays des Hyperboréens est précisément la résidence principale.
Héraclès et la capture de la biche de Cérynie,
amphore attique à figures noires, v. 530–520 av. J.-C., musée du Louvre
(photo Jastrow)
Ce qu'il est intéressant de relever dans l'article de Wikipédia consacré à la biche de Cérynie, c'est qu'une "version contradictoire et isolée d'Euripide raconte que la Biche, de taille gigantesque, vivait dans les bois d'Oenoé, en Argolide et ravageait les récoltes. Héraclès la tua et consacra les bois de l'animal dans le temple d'Artémis Oenoatis afin de se concilier avec la déesse."
Un animal vivant dans les bois et ravageant les récoltes : ceci rappelle furieusement les bêtes féroces de la légende de Denis Gaulois. L'auteur se serait-il inspiré de l'iconographie du sarcophage ? Un autre indice fort m'incite à le penser : la nature même d'Artémis, son mode de vie, la rapproche étrangement du "père Gaulois", vivant dans la familiarité de ses bêtes sauvages, licornes sans cornes, effrayantes montures :
"Coureuse des bois, sauvageonne insoumise et fière, Artémis appartient avant tout au monde sauvage. Seule parmi les dieux, à l'exception de Dionysos, elle est constamment entourée d'une troupe d'animaux sauvages, d'où son épiclèse Ἡγημόνη / de Hêgêmónê, « la Conductrice ». Elle est aussi à la tête d'une troupe de nymphes (20 nymphes du mont Amnios, selon Callimaque) et de jeunes mortelles, qu'elle mène à travers les forêts. L'Iliade en parle comme de « l'agreste Artémis (...), la dame des fauves » (XXI, 470).
Surnommée la « Bruyante » (Κελαδεινή / Keladeinế), elle mène sa meute et les pousse de la voix. Artémis possède en effet le double visage de la compagne des animaux sauvages, et de la chasseresse. La biche symbolise bien son ambivalence : la bête est sa compagne favorite, et de nombreuses représentations la montrent à son côté. Néanmoins, Artémis est aussi celle qui est réputée poursuivre de ses flèches cerfs et biches, même si peu de textes l'attestent."
Méléagre et le sanglier de Calydon, probable copie
d'après Scopas (IVe siècle av. J.-C.), musée Pio-Clementino
(Photo Jastrow)
Qu'en est-il maintenant de Méléagre et du sanglier de Calydon ?
Une nouvelle fois -la coïncidence est tout de même étonnante - il s'agit d'un animal monstrueux qui ravage des récoltes, en l'occurrence un sanglier envoyé par Artémis, encore elle, dans les vignes du royaume de Calydon pour se venger du roi Oenée qui avait négligé de sacrifier en son honneur. C'est Méléagre , le fils d'Oenée, qui abat l'animal, suscitant la fureur d'Artémis.
Or, écrit encore Jean Richer, le "sanglier semble un véritable doublet de l'ourse et chaque fois qu'il apparaît sur des monnaies avec ou sans ailes, c'est avec une signification polaire (ou bien associé au solstice d'hiver). C'est ainsi qu'on trouve des protomés de sanglier sur les monnaies de Clazomènes, ville tournée vers le nord, de Ialysos, située au nord de l'île de Rhodes. (...)
L'équivalence ourse-sanglier repose peut-être sur un jeu de mots (...). Dans d'autres langues indo-européennes, l'équivalence linguistique est plus apparente (latin : ursus-us). En anglais, le même mot (bear-boar) désigne les deux animaux.
Rappelons, d'autre part, qu'aussi bien dans la légende d'Adonis que dans celle de Méléagre, Artémis l'hyperboréenne, suscite un sanglier meurtrier. A Patras, on sacrifiait à Artémis des oursons et des sangliers, avec d'autres bêtes sauvages." (op.cit. p. 82-83)
Nous sommes donc en présence d'une thématique polaire extrêmement cohérente qui fait correspondre Déols avec la géographie sacrée du monde grec, ainsi que nous l'avions déjà entrevu avec le nom même de Léocade, associé à Leucade, origine du zodiaque, point vernal du systéme delphique.
Nous retrouvons un semblable lien entre Bélier et Capricorne, le point vernal et le solstice d'hiver, avec la cité d'Argenton, qui porte au coeur de son blason (en héraldique son abyme), les armes de la maison de Déols. Qui plus est, la direction du soleil levant au solstice d'hiver mené depuis cette ville désigne le village de Montchevrier (ancien Monte Capriri).
Argenton et ses directions solsticiales
12:05 Publié dans Capricorne | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Bonsoir Robin,
Vous mentionnez le lien entre le secteur Capricorne et le secteur Bélier.
Ce lien ne doit pas nous surprendre, la même planète, Mars, se trouvant en domicile en Bélier et en exaltation en Capricorne. Venant confirmer cette lecture, l’une des légendes concernant Méléagre en fait le fils d’Arès !
Écrit par : Marc Lebeau | 17 avril 2007
Les commentaires sont fermés.