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01 juin 2007

Cluny, Mayeul et Odilon

Première fille aînée de Cluny,  Souvigny entre dans l'histoire peu après sa génitrice. Si le 11 septembre 910, le duc d'Aquitaine Guillaume Ier, dit «le Pieux», cède sa "villa de Cluni et toutes possessions attenantes: villages et chapelles, serfs des deux sexes, vignes et champs, prés et forêts, eaux courantes et fariniers, terres cultivées et incultes", à charge pour Bernon, abbé de Baume et de Gigny en Jura et co-signataire, d'y fonder un monastère, le même Bernon reçoit en 915 de Aymard, ancêtre des Bourbons, une villa à Souvigny où il ne tarde pas à établir des moines. Ce nouveau monastère allait être le noyau autour duquel les descendants d'Aymard allaient développer la principauté du Bourbonnais, entre Auvergne, Berry et Bourgogne.

La situation géographique de Cluny et de Souvigny ne doit rien au hasard, les deux abbayes se situant délibérément dans des zones limitrophes : "Située sur la ligne de partage du droit coutumier germanique et du droit écrit romain, de la langue d'oïl et de la langue d'oc, à proximité de la Saône, cette frontière naturelle qui séparait l'empire romain-germanique de la Francie, de la via Aggripa qui reliait Lyon à Boulogne et à Trèves, traversée par une voie secondaire qui s'en détachait à Belleville-sur-Saône pour rejoindre la voie principale à Autun, la vallée de la Grosne, "carrefour clunisien", connaîtra pendant plusieurs siècles les grandes migrations et les grands rassemblements de l'Europe de ces temps.(Site de l'Ensam de Cluny)"

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 Position de Souvigny

 

Souvigny se place, elle, au carrefour de quatre diocèses, Clermont, Nevers, Bourges et Autun. Mayeul, quatrième abbé de Cluny, y meurt à l'âge vénérable de 84 ans, en 994, alors qu'il se rendait à Saint-Denis. Son culte se développe alors à une vitesse fulgurante comme en atteste en 996, le pélerinage de Hugues Capet sur son tombeau (si l'on en croit la Vita Maioli écrite par Odilon, abbé de Cluny, successeur de Mayeul). En 997 Raoul Glaber note dans ses Historiæ, que Mayeul est, avec Saint Martin de Tours et saint Ulrich d'Augsbourg (premier religieux canonisé par Rome), l’un des saints les plus sollicités lors d'une épidémie du mal des ardents et il ne craint pas d'ajouter que son tombeau attire les foules «de tout l’univers ».
Odilon va lui aussi décéder à Souvigny et il y a tout lieu de penser que cela n'est pas fortuit. Odilon et Mayeul n'ont en effet  jamais résidé à Souvigny, ils n'ont jamais cessé de voyager dans toute la chrétienté occidentale, et pourtant ils  rejoignent dans le trépas la même cité bourbonnaise. "Nous disposons de deux récits évoquant sa mort, peut-on lire sur le site de la ville. Le premier est une lettre envoyée par les moines de Souvigny à Albert, abbé de Saint-Denis, cette lettre est datée de juin 1049, soit quelques mois après la mort d'Odilon. C’est un texte précis, très réaliste dans les détails montrant l'agonie de l'abbé qui ne peut plus avaler que du vin et du miel dont il vomit la plus grande partie, ses difficultés à chanter, son comportement agité. Le deuxième texte, élaboré par Jotsald élimine soigneusement ces détails : il est destiné à édifier les fidèles, à montrer ce que doit être la mort d'un abbé. Dans cette version, Odilon repousse le diable et chante mieux que jamais. Ce texte doit jouer un rôle dans la propagation des mérites d'Odilon : Cluny entretient des rapports particuliers avec la mort, et la mémoire des morts est soigneusement préservée. A fortiori, la mort de l'abbé se doit d'être un modèle." Il n'est pas anodin de noter que c'est Odilon lui-même qui a institué vers 1030 la fameuse Fête des morts du 2 novembre, au lendemain de la Toussaint.


Mais la date de la mort d'Odilon est également à prendre en considération : il meurt en effet dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 1048. Donc dans la nuit de la Saint-Sylvestre. Nuit apparaissant, comme celle de Noël, selon Philippe Walter "comme deux doublets d'une même fête solsticiale d'origine païenne. Ce sont deux nuits de tous les  dangers au cours desquelles peuvent se manifester les puissances tutélaires de l' Autre Monde, autrement dit les revenants. On peut déjà souligner que le nom de Sylvestre a pour étymologie le latin silva "la forêt" et que ce nom est à rapprocher de la grande figure de l'Homme sauvage, personnage clé de la mythologie préchrétienne, figure archétypale du revenant pour les traditions médiévales." (Mythologie chrétienne, Imago, 2005, p. 65).
Or, quelle est l'étymologie de Souvigny ? Rien moins que  Silviniacum, qui très clairement dérive de silva.

Le moine clunisien, nouvelle incarnation de l'Homme Sauvage ? C'est bien ce que suggère Adalbéron, évêque de Laon, anti-clunisien notoire...

(A suivre)

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00:10 Publié dans Verseau | Lien permanent | Commentaires (8)

Commentaires

J'aime bien cette note -> je reconnais que ceci est un plat commentaire -> je vais faire un effort.
2 temps
1- TERRE / EAU
la description du Bourbonnais extraite du site de l'Ensam de Cluny apporte des informations sur un découpage géographique, politique et culturel ancien qui est éclairant au fond.
en allant voir un autre site j'ai vu que dans cette zône les trois fleuves Cher,Allier et Loire sont quasiment parallèles et coulent effectivement Sud-Nord (Saône Rhône s'en vont autrement, ce phénomène m'a toujours interrogée) La Loire est un fleuve que j'affectionne (tout comme le Rhône que j'ai vu en Suisse sous son aspect sauvage, trépidant, bouillonnant)
j'aime beaucoup la Bourgogne mais j'avoue que Cluny est sans doute la seule ville qui me laisse froide
2 - HOMMES (dont un Saint)
je prendrai le temps de voir + en détail
Mayeul est un prénom qui semble ressurgir (j'ai dans mes connaissances 2 très jeunes enfants ainsi prénommés)

3 eaux - 2 hommes voilà peut-être pourquoi votre note me plaît

Pour prolonger cette rêverie d'eau terre je laisse ici ce lien :
http://www.lexilogos.com/oil_langue_dictionnaires.htm#bourbonnais
trouvé dans le site lexilogos si précieux et par clic sur "Bourbonnais parler de Diou "(d'ailleurs si vous allez voir plus haut il y est question de votre riche Berry)

je serais contente de vous lire, ainsi que vos autres lecteurs en retour .
à bientôt

Écrit par : colette | 02 juin 2007

La rêverie se prolonge, Colette, et je m'en vais divaguer vers la dive bouteille. En découvrant saint Genou, je ne pensais pas que cela m'entraînerait vers le Bourbonnais. Je vais de découverte en découverte, en espérant ne pas me perdre dans cette profusion d'indices qui se lèvent devant moi des textes et des cartes. Merci du lien Lexilogos et de me suivre encore une fois en ces parages.

Écrit par : Robin | 03 juin 2007

Bonjour Robin, bonjour Colette,
Cette invitation au voyage ne restera pas sans écho; il est des régions où l'on passe trop vite. Nous allons corriger ces lacunes.
Heureux de vous lire, Colette, sur la voute étoilée de la toile.

Écrit par : Marc Briand | 03 juin 2007

Auj. je suis retournée sur le lien lexilogos qui a bougé (mais n'est pas devenu erreur 404) . J'ai lambiné, flâné sur la terre gauloise, celtique;tant de pages à lire que j'ai enregistées et qui s'empilent dans l'attente d'une nouvelle curiosité, d'une rêverie qui va telle une rivière murmurer, glisser, rigoler tout en décousu .
J'ai compris (mot trop gonflé et donc à prononcer avec timidité )les découpages anciens . tout cela est bien intéressant
J'ai vu moultes cartes pour vous à scruter, pour tendre l'oreille, prendre le large

Pour finir j'ai trouvé au bout de toute cette escapade (mot complètement approprié, puisque pendant ce temps je n'ai pas fait tout ce que je dois faire du quotidien/réel/impératif ) un beau site dont je vous laisse la page -> images du centre
http://fr.trekearth.com/gallery/Europe/France/page2.htm
grâce auquel j'ai pu voir de belles photos notamment de la Brenne,Belabre,Le Blanc.

... j'avoue avoir du mal à vous suivre dans ce verseau mais j'attends la suite
... avez-vous participé à l'atelier d'écriture sur les fleurs de Michel bleu fouillis ?

Bon week-end

Écrit par : colette | 23 juin 2007

Eh non, je n'ai point écrit sur les fleurs de l'ami Richard, car c'était lui en réalité le grand ordonnateur de cet atelier botanico-scripturaire. Son fils Yvan, un ami, réalise de très belles photos prises ici sur nos terres de Berry. Voici le lien, je pense que vous vous régalerez, Colette :
http://ybernaer.blog4ever.com/blog/index-109572.html
Je vous souhaite un très bel été,

Robin
PS : Votre blog a disparu, semble-t-il. J'ai envie, bien sûr, de vous demander pourquoi. Dois-je définitivement enlever Nikonibé de ma liste de liens ? Je vous avoue que ça me peine.

Écrit par : Robin | 24 juin 2007

Coïncidence ? Richard Bernaer que j'évoquais au commentaire précédent vient d'ouvrir son blog, je le découvre seulement maintenant. Il faut bien sûr absolument s'y plonger. Fonge et florule :
http://richard-bernaer.blog4ever.com/blog/lirarticle-116577-365782.html

Écrit par : Robin | 24 juin 2007

Effectivement ce sont de beaux liens : père et fils magnifient Dame Nature . Il se trouve qu'en ce moment je lis/consulte un livre de Pierre Lieutaghi Le Livre des bonnes herbes (Acte Sud éd. 1996 - 1ère chez Robert Morel 1966 -
dans la 2ème on a droit à 2 avant-propos qui sont l'un et l'autre magnifiques).C'est une belle lecture, qui me fait cheminer parmi les simples .
Dans mon petit jardin j'ai découvert, après l'avoir semée, à quoi ressemble Mère Bourrache (quelle puissance) et me voilà partie pour d'autres découvertes .

je ne peux m'empêcher de vous laisser ces extraits :

"Puisque je ne peux écrire pour les enfants eux-mêmes (ils n'ont nullement besoin de savoir le noms des fleurs qu'ils reconnaissent mieux que le botaniste), j'écris en songeant à cet enfant que nous fûmes tous, allongé dans l'herbe humide, un matin de mai, et qui s'imprégnait, dans une extase paisible du parfum d'amitié des plus petites plantes.
Je crois que nous avons tous fait alliance, à un certain moment de nos premières années, avec le peuple des champs, et l'entreprise est vaine de vouloir enseigner les herbes quand elle ne trace pas un chemin qui aide d'abord à les retrouver. "

"(Et puis) sans doute y a-t-il aussi ce désir intact au fond de nous-mêmes (comme le bourgeon dormant d'une fleur qui ne pourrait s'épanouir qu'au-delà de la vie) du grand Jardin perdu où nous étions maîtres et frères de l'arbre et de l'herbe. Il y a quelque part un paradis perdu qu'on doit pouvoir retrouver en soi, dit Henri Bosco, et peut-être, dès lors sur la terre.J'en rêve et je le pressens.Croyez-y. On en garde la nostalgie puisqu'on le met dans le passé mais c'est aussi une nostalgie d'avenir que ce Jardin doit inspirer à nos songes."
-> le maître mot qui résonne est ALLIANCE
je l'avais touché dans ce petit poème se terminant par "et puisse jusqu'à mes cheveux bruire Ton amour pourpre là "
je remonte un petit fil, cherche une voix qui sourd peu à peu.

Au sujet de mon blog, pourquoi seriez-vous peiné : si vos lecteurs cliquent sur votre lien ils sont routés sur un mur et sans blog je peux tout autant vous écrire ici,donc, je ne vois pas de problème.

Je songe en ce moment à ouvrir un nouveau blog mais le temps d'un saturnien est un drôle de temps.En tout cas, je vous le dirai sans mystère :))

Etes-vous en pause estivale bientôt?

Écrit par : colette | 24 juin 2007

Beaux extraits. J'aime que cette attention aux territoires que je revendique se double d'un souci sensuel de s'inscrire dans la matérialité du monde, herbes et arbres, oiseaux et insectes, animaux et pierres, sources et brouillards. Que la géographie sidérale ne soit pas géométrie désincarnée, mais aussi accueil puissant et pérenne de l'infime et du ténu.
Pause estivale ? Il faudra bien, mais j'aimerais boucler Verseau (une dizaine d'articles encore à venir), cependant le champ s'ouvre et de nouvelles pistes serpentines me sollicitent. Poissons attendra sans doute l'automne. L'estuaire est encore loin.

Écrit par : Robin | 25 juin 2007

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