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09 août 2005

Echappée : Andy Goldsworthy

Un mur de pierres sèches qui fend la prairie comme une flèche, puis, entrant dans les bois, sinue entre les grands arbres, les enserre dans ses méandres, fleuve minéral qui épouse les courbes du terrain, disparaît sous les eaux d'une rivière, resurgit sur l'autre rive, voilà l'une des oeuvres d'Andy Goldsworthy que j'ai pu admirer hier soir, sur Arte, dans le très beau documentaire de Thomas Riedelsheimer. Cette figure du fleuve serpentiforme, l'artiste britannique la décline de multiples manières, usant du bois, de la terre, de la glace, de la fougère, de la laine ou de l'argile, investissant un lieu et y inventant une forme destinée à périr parfois très rapidement et que seule la photographie fixera pour une illusion d'éternité. Le plus émouvant, c'est peut-être ces tentatives ratées, cairn qui s'écroule à plusieurs reprises, architecture de brindilles en toile d'araignée balayée en une seconde par une rafale de vent. Land art, oui, c'est le terme consacré, mais cette dénomination occulte peut-être le principal de l'oeuvre : car c'est le temps qui est ici convoqué, le temps qui va marquer un espace, un paysage. « C'est sur la plage, dit Goldsworthy, que j'ai commencé à travailler. Elle m'a beaucoup appris sur le temps. Sur son implacabilité. » Impossible d'oublier la marée, qui vient recouvrir les sculptures plus ou moins fragiles, les saper à la base, les emporter dans son tourbillon.

Qui ne voit le lien avec la géographie sacrée ? Ici aussi, on marque un espace avec le temps, une fraction de territoire y figure une durée, solstices et équinoxes les bornes, les limites de ce portulan géant. Le flux ophidien, nous le retrouvons dans la vouivre sculptée sur le mur extérieur de la rotonde de Neuvy, ou dans le nom même de la Vauvre, naissant près d'Aigurande, où j'allais, enfant, pêcher l'ablette et le goujon, en ses lacets rampant dans l'humidité des prés.

15:20 Publié dans Echappées | Lien permanent | Commentaires (9)

08 août 2005

Valençay

 

 

 

« donnez moi ses mains duvetées creusées pour l'aumône » Jacques Roubaud (e )

Le samedi 30 juillet, nous nous rendîmes au château de Valençay. La visite du domaine de Talleyrand, (acheté par lui en 1803, à la demande de Napoléon et avec son aide financière) est agrémenté de saynètes mettant en scène le prince et divers protagonistes (serviteurs, nièce, cuisinier, aristocrate escrimeur...). Cette année, deux amis comédiens ont été engagés pour jouer durant l'été ces spectacles donnés dans la cour d'honneur ou les vastes cuisines (la table de Talleyrand était une des plus réputées d'Europe). Parfaitement rôdés après un mois de représentation, heureux de se produire en un tel lieu, ils ont bien restitué la figure ambiguë, séduisante, du roué diplomate à la verve étincelante.


Le soir-même, je termine ma note du Cheval Mallet sur l'évocation de Charles-Antoine de la Roche-Aymon. Si j'avais, en 1989, déjà reconnu la place occupée par cette famille dans la géographie sacrée du pays berrichon, je n'en avais pas pour autant identifié ce personnage, ni même repéré le blason porteur du fauve emblématique du signe. Une autre surprise m'attendait, plus circonstancielle : Charles-Antoine de la Roche-Aymon, je l'ai écrit, fut l'avant-dernier aumônier royal mais je m'aperçois aujourd'hui que j'ai fait une légère erreur, il en fut en réalité l'antépénultième. Avant-dernier, il le fut aussi, mais c'est de la charge d'Archevêque-Duc de Reims dont il se rendit titulaire en 1763, poste ô combien important symboliquement puisque c'est l'Archevêque-Duc de Reims qui avait le privilège de poser la couronne du Roi au cours de la cérémonie du Sacre. Maintenant, savez-vous qui fut, en 1777, le dernier archevêque-duc de Reims ? Eh bien, ni plus ni moins que Alexandre Angélique de Talleyrand-Périgord (1736-1821), l'oncle même de Talleyrand, qui n'était encore que coadjuteur de l'archevêque en titre, c'est-à-dire Mgr de la Roche-Aymon lui-même, lors du sacre de Louis XVI, en 1775.


 


(Cette coïncidence (qui se traduit aussi par une similarité héraldique, les Talleyrand-Périgord blasonnant de gueules, à trois lions d'or, armés, lampassés et couronnés d'azur) aurait dû faire l'objet d'une note dans la foulée de la précédente, mais une escapade d'une semaine en Périgord justement avec une partie de la famille en avait retardé la rédaction.)