Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Poissons

La chevelure du mérovingien

Il me faut faire une petite digression dans l'étude de la Brenne que j'ai entreprise, histoire d'enrichir ma catégorie du Facteur de coïncidences. En effet, comme me l'annonçait Marc Lebeau dans un commentaire récent, j'ai bien reçu l'image du Dernier mérovingien, tableau d'Evariste Vital Luminais visible au Musée des Beaux-Arts de Carcassonne, ainsi que la notice correspondante. Je les ai plus tard retrouvés sur le portail de Rennes-le-Château, mais ceci n'est pas fortuit...

 

dernier_merovingien.jpg


« La scène représente l'ordination contre son gré de Childéric III, dernier mérovingien déposé en 751 par Pépin le Bref. Les liens qui le retiennent à son siège, les moines qui l'encadrent et le maintiennent, attestent de la violence qui lui est faite. Son manteau rouge et sa couronne sont jetés à ses pieds. Sans doute Luminais s'inspira-t-il de l'historien Augustin Thierry (1795-1856) qui indique : «  Un prince mérovingien pouvait subir de 2 façons la déchéance symbolisée par la coupe des cheveux : ou ses cheveux étaient coupés à la manière des Francs, c'est-à-dire à hauteur du col, ou bien on le tondait très court, à la mode romaine et ce genre de dégradation, plus humiliante que l'autre, était ordinairement accompagnée de la tonsure ecclésiastique ». C'est bien cette « infamie » que nous décrit ici le peintre, soulignée par la puissance physique du guerrier maintenant enchaîné et confronté aux faciès hagards, pleutres et satisfaits des hommes d'église. »

Or il se trouve que je suis en train de lire l'essai d'Anne Lombard-Jourdan, Fleur de lis et oriflamme, Signes célestes du royaume de France (Presses du CNRS, 1991). Ouvrage, je le précise,  sans rapport direct avec l'actuel objet de mon étude. Or, le chapitre que je lisais au moment du message commençait justement par l'évocation de la chevelure des rois mérovingiens. Comme en témoigne ce passage :


fleurdelis-oriflamme.gif"Grégoire de Tours raconte comment les Francs, arrivés en Thuringe, "créèrent pour les commander des rois chevelus (reges crinitos) pris dans la première et, pour ainsi dire, la plus noble de leurs familles." Il ne décrit pas leur coiffure, mais revient à plusieurs reprises dans son Histoire des Francs sur cette chevelure des enfants mâles de la race mérovingienne, que les ciseaux ne devaient jamais toucher et qui s'étalait en mèches et en boucles (flagelli crinium). Elle établissait leur droit à régner et ils perdaient ce droit du fait seul d'avoir été tondus." (p. 53)

Marc me signale également  que l'ancêtre éponyme des Mérovingiens, Mérovée, serait "né mi-partie d'un monstre marin, ce qui nous ramène, écrit-il, à la Mer Rouge, mais aussi au secteur Poissons dans lequel vous localisez ces sites... "
Régine Le Jan, dans un article savant et passionnant sur la sacralité de la royauté mérovingienne (qui commence d'ailleurs par l'évocation de la tonsure de Childéric), précise que "d’après la légende, Mérovée serait né du contact de sa mère avec un monstre marin à tête de taureau, et une tête de taureau est représentée sur le bouclier trouvé dans la tombe de Childéric."

Les Mérovingiens sont par ailleurs bien à l'honneur en Brenne, puisque la tradition attribue à Dagobert la fondation des deux abbayes de Méobecq et de Saint-Cyran. Mais là-dessus je m'aperçois qu'il va me falloir revenir plus en détail.


Lire la suite

25 février 2009 | Lien permanent | Commentaires (1)

En suivant la Mage

"Le devenir poussait en avant chaque saison comme un revenir vers sa plus grande force, vers sa sève fécondante. Le temps avait un but : c'était ce que la langue française appelle de façon merveilleuse le printemps. Les Romains l'appelaient ver et s'ils dirent primum tempus, ce fut pour marquer le premier temps - le temps fort selon le temps. Le premier temps est l'origine temporelle. Le printemps est la phanie elle-même." Pascal Quignard (Sur le jadis, p.32) Les jardiniers d'Argenton venaient à la chapelle de Verneuil déposer des fleurs en l'honneur de leur saint patron, suivant en cela le parallèle ombilical, cette ligne équinoxiale qui sépare l'hiver du printemps, le signe des Poissons de celui du Bélier. Mais on peut suivre aussi la voie des eaux : le ruisseau qui s'écoule de la fontaine Saint-Fiacre rejoint celui de la Mage qui se jette lui-même dans la Creuse, au coeur du vieux quartier Saint-Etienne, à Argenton. Le moine limousin Yrieix y passe lors de son voyage à Tours, daté entre 556 et 573, et décrit le lieu comme profane et consacré aux démons de la religion antique. Il faut dire que celle-ci avait une source encore proche : la ville gallo-romaine d'Argentomagus, abandonnée à la fin du IVe siècle ou au début du Ve. Persistance du paganisme que n'avait pas endigué la fondation probable d'un édifice chrétien implanté au-dessus d'un bâtiment antique et qui allait devenir l'actuelle église Saint-Etienne (une vieille histoire que cette lutte du païen et du chrétien, puisque cette même église, désaffectée, abritait voici encore peu de temps une école maternelle publique...). Selon Maurice de Laugardière (L'Eglise de Bourges avant Charlemagne, Paris-Bourges, 1951), cette implantation d'église faisait partie d'un vaste projet de l'archevêché de Bourges de construire un réseau de succursales de la cathédrale en différents lieux du diocèse. "En effet, écrit Armelle Querrien (in Argenton-sur-Creuse à la croisée de ses chemins, Editions du C-H-A, 2001), la répartition des églises Saint-Etienne, églises qui ont le même patron que la cathédrale de Bourges, quadrille le territoire du diocèse et coïncide avec les agglomérations protohistoriques et gallo-romaines et avec les grands carrefours routiers antiques. Ce réseau serait postérieur au décret de Valentinien III de 435 ordonnant de détruire les derniers temples païens et antérieur à 470 et aux persécutions des Wisigoths, adeptes de l'arianisme. L'église d'Argenton aurait donc été bâtie avant le passage de saint Yrieix. Elle a essaimé en trois lieux proches dont l'église a le même patron, Tendu, Bouesse et Velles, et peut-être plus loin, à Crozant, Eguzon et Cuzion." Il apparaît ainsi, et nous ne cesserons pas d'en découvrir de nouveaux exemples, que l'édification de la géographie sacrée se confond largement avec l'histoire de la sainteté chrétienne et de l'évangélisation des campagnes.

Lire la suite

01 avril 2005 | Lien permanent

La source secrète

« Boand, femme de Nechtan, fils de Labrad, alla à la source secrète qui était dans la prairie du sid de Nechtan. Quiconque y allait n'en revenait pas sans que ses deux yeux éclatassent, à moins que ce ne fussent Nechtan et ses trois échansons dont les noms étaient Flesc, Lam et Luam.

Une fois Boand alla par orgueil pour éprouver les pouvoirs de la source et elle dit qu'il n'y avait pas de pouvoir secret qui atteignît le pouvoir de sa beauté. Elle fit le tour de la source par la gauche par trois fois. Trois vagues se brisèrent sur elle, hors de la source. Elles lui enlevèrent une cuisse, une main et un oeil. Elle se tourna vers la mer, fuyant sa honte, et l'eau la suivit jusqu'à l'embouchure de la Boyne. C'était elle la mère d'Oengus, fils du Dagda. »

 

Dindshenchas de Rennes, éd. Whitley Stokes, ( in Les Druides, Françoise Le Roux, Christian-J. Guyonvarch, Ogam-Celticum 14, 1982)

Boand (ou Boann) est donc la déesse éponyme de la Boyne, le fleuve qui traverse le comté de Meath (Mide), province centrale dans la géographie sacrée de l'Irlande celtique ( un centre spirituel plus que géographique). J'ai déjà émis l'hypothèse que son équivalent continental serait la Bouzanne berrichonne, qui prend source près d'Aigurande, passe à Neuvy Saint-Sépulchre et se jette dans la Creuse, près du Pont-Chrétien (coulant ainsi de Cancer - les eaux-mères – à Poissons – les eaux océanes ). La Bouzanne serait la rivière matricielle de ce pays biturige qui est par vocation la terre ombilicale (les Bituriges sont, étymologiquement, les Rois-du-Monde, gallois bydd, monde, et rix ou rig, roi).

 

medium_ndbouzanne.jpg
Source de la Bouzanne
 

La source de la Bouzanne est le lieu d'un pélerinage le mardi de Pentecôte (cette année, il a même eu l'honneur d'accueillir l'archevêque de Lyon, Mgr Barbarin, tout juste revenu du conclave). La statue de la Sainte Vierge y est conduite en procession. Il est encore d'usage de jeter des pièces de monnaie dans le bassin du sanctuaire : offrande gratuite ou espérance d'être exaucé de quelque voeu... Autrefois, l'affaire était plus grave. S. Clément rapporte qu'on amenait de l'eau de la fontaine de Notre-Dame de la Bouzanne aux malades en danger de mort :

« A cet effet trois pélerins de même sexe, de même âge et de même condition que le malade partent ensemble en récitant le rosaire. » (Aigurande et ses sanctuaires, Châteauroux, 1910)

La source, la mort, le ternaire et la divinité féminine : ces quatre éléments sont communs au mythe irlandais et à la tradition aigurandaise. Comme à Vaudouan, mais ici de manière encore plus claire, on peut penser que la dévotion à Notre-Dame a remplacé l'ancien culte rendu à la déesse celtique.

Les deux sites ne sont d'ailleurs pas sans se faire écho. En effet, une propriété proche de Vaudouan, précisément nommée Aiguirande, balise la direction d'Aigurande par rapport à la chapelle.

 

medium_aiguirande.jpg

Lire la suite

05 octobre 2005 | Lien permanent

La génisse et le marteau

Revenons sur la légende de la fondation de Vaudouan, sur ce maître-maçon qui jette son marteau, retrouvé par une génisse blanche huit cent mètres plus loin. Dans la mythologie grecque, c'est la fondation de la ville de Thèbes qui est associée au même bovidé.

Cadmos, sommé par Agénor, son père, de retrouver sa soeur Europe capturée par Zeus, parvient à Delphes où l'oracle lui annonce, outre l'insuccès de sa quête, qu'il fondera une ville au lieu où le mènera une génisse blanche. Ce fut donc Thèbes. Curieusement, Jean Richer place cette ville en Balance du zodiaque centré sur Delphes alors que manifestement, sur la carte qu'il a lui-même élaborée, Thèbes est située en Vierge. « La Balance, écrit-il, est signe « vénusien ». Le rôle considérable joué par une génisse dans l'histoire légendaire de Thèbes marque l'association des deux signes vénusiens du Taureau et de la Balance, culminant dans le mariage de Cadmos et Harmonie. » (Géographie Sacrée du Monde Grec, Trédaniel, 1983, p. 43). N'est-il pas plus simple de considérer que la génisse, en tant que jeune vache qui n'a pas encore vêlé, ressort du champ symbolique de la virginité, aspect renforcé par sa couleur qui est le blanc ?

 

medium_zodaique_delphes.jpg
Zodiaque delphique (d'après Jean Richer)

Le mythe de Cadmos résonne étrangement avec l'histoire de Vaudouan : le héros grec suit une génisse qui s'écroule à terre, vaincue par la fatigue, dans la vallée de Tanagra.

Roberto Calasso (Les Noces de Cadmos et Harmonie, Gallimard, 1991, p. 393) : « Cadmos se mit aussitôt à la recherche d'une source pour se purifier avant d'accomplir le sacrifice de la génisse. » Voici la source, mais elle est gardée par le grand serpent d'Arès, qui brise les os de plusieurs compagnons de Cadmos avant de s'en prendre au héros lui-même. Et il aurait succombé à l'étreinte du monstre si Athéna ne lui avait pas porté secours. Athéna, autrement dit Minerve, la vierge olympienne.

 

Passons au marteau. Dans la note 11 de son opuscule, J.J. Meunier précise qu' « il existe, en Berry, d'autres exemples de fondations localisées par le point de chute d'un outil. Bourges aurait une origine identique, ainsi que Neuvy Saint-Sépulchre. » Remarque très intéressante, mais je n'ai pas connaissance de ces légendes et, malheureusement, le docteur ne donne pas ses sources. Nous avons de notre côté rencontré le même mode d'élection sacrale au seul sujet de la Chapelle-du-Fer, en secteur Taureau. Là, je le rappelle, c'est justement un taureau qui découvre le marteau perdu.

J'ai signalé aussi dans la note précédente que les pélerins du Mont Saint-Michel faisaient halte à Vaudouan. Ajoutons maintenant que l'alignement Neuvy-Vaudouan vise Saint-Michel-en-Brenne.

Cet axe symbolique Vierge-Poissons, unissant donc le signe marial au signe traditionnellement dévolu au Christ - union exprimée plastiquement par la statue de la légende - mérite un examen attentif.


Lire la suite

26 septembre 2005 | Lien permanent

La croix de saint Roch

Saint Roch n'est pas très présent dans la toponymie du département. Dans son livre sur les noms de lieux de l'Indre, Stéphane Gendron ne relève que quatre occurrences  : un moulin sur le Renom dans la commune de Sainte-Cécile (sise au nord-est de Levroux, donc encore en Capricorne), une mention sans précision à La Châtre, une croix dite de Saint-Roch à Lourdoueix Saint-Michel et surtout - apparemment le plus intéressant - une fontaine Saint-Roch à Crozon-sur-Vauvre. Détail crucial, ce beau village encaissé dans sa vallée verdoyante se situe sur l'axe des -Roux, qui joint Levroux à Mortroux en passant par Déols, Châteauroux et Neuvy Saint-Sépulchre.

Jean-Louis Desplaces a consacré plusieurs pages à la fontaine dans son volume 2 du Florilège de l'eau en Berry. Aujourd'hui à sec, elle n'était qu'à une centaine de mètres de l'ancienne église Saint-Germain dont il ne reste aucune trace. Dans la nouvelle église, bâtie sur la colline en 1857, deux statues de saint Roch, l'une en bois, l'autre de plâtre, montrent la pérennité du culte en ces lieux. Il se manifestait par deux processions : la « petite Saint Roch » qui avait lieu en janvier pour les bêtes, « la date, précise J.L. Desplaces, en était fixée par les membres du conseil de fabrique » et « la grande Saint Roch » qui était célébrée le 16 août, jour traditionnel de la fête. Mais déjà, la veille, « dans la soirée du 15, une procession se dirigeait vers l'ancien prieuré ; les fidèles buvaient de l'eau ou en emportaient. Le 16, au matin, la statue de saint Roch était menée à la Croix des Forges, soutenue par quatre porteurs, au chant de « Iste Confessor » sur un air sautillant. » Il est à noter que cette dévotion faisait de l'ombre à l'Assomption, ce dont témoigne l'abbé Doucet, curé avant 1939 : « Tout le monde, le 15 août, manque les offices pour aller pêcher le poisson qui, le lendemain, permettra de tenir le voeu de saint Roch. L'Assomption est blackboulée par le poisson de saint Roch. »

 

medium_roch-sebastien.jpg
Le tableau de saint Roch à Levroux
(on remarquera qu'il est accompagné de saint Sébastien, qui était invoqué aussi pour la peste)

 

Une autre coutume a disparu dans les années 60, tout comme la petite Saint Roch : le Reinage, qui consistait, au retour de la procession, en une vente aux enchères de la Royauté de saint Roch. « Se présentaient, écrit J.L. Desplaces, ceux qui étaient désireux d'obtenir la bénédiction du saint pour leurs enfants. (...) Roi et Reine n'exerçaient aucune fonction particulière : seule une place d'honneur leur était attribuée, comme nous l'avons dit, à l'office qui suivait. »

Toutes ces pratiques peu orthodoxes s'enracinaient pourtant sur une terre depuis longtemps abreuvée de religion, puisque Crozon est cité dès 1087 en tant que prieuré dépendant de l'abbaye de Marmoutier, près de Tours. En 1772, le patronage de la paroisse est encore attribué à l'archevêché de Tours. Or, qui avait fondé Marmoutier, en 372 ? Saint Martin lui-même, lorsqu'il était devenu l'évêque de la ville. Le lien avec Levroux se confirme un peu plus. Notons que c'est à Neuvy, devant l'autel du Saint Sépulcre, et en présence de Richard, l'archevêque de Bourges, que s'effectue la donation du prieuré par le curé Durand.


Un autre réseau est détectable. On aura peut-être remarqué la proximité phonique de Crozon et de Crozant, ce dernier lieu étant lui aussi en relation avec Levroux, de par sa position sur le même méridien. Or, deux autres cités proches se ressemblent aussi par leurs toponymes, à savoir Aigurande et Eguzon (longtemps dénommée Aiguzon). Les axes Aigurande-Eguzon et Crozon-Crozant se croisent très exactement au coeur de la forêt de Grammont, près de Lourdoueix Saint-Michel, où était établi, comme le nom l'indique, un monastère de l'Ordre de Grandmont.

 

medium_croix-saint-roch.jpg

Or, le carrefour le plus proche de ce noeud n'est autre que celui de la Croix de Saint Roch, autour de laquelle, rapporte S. Gendron, la coutume veut que les mariés viennent faire la ronde. Effectivement tout tourne autour de ce pivot forestier. Rappelons aussi que c'est en ce même lieu qu'aboutissait l'axe graalique issu du bois de Fonteny, en Cancer.

 

medium_croix-saint-roch2.jpg

Il faut savoir qu'en même temps que Crozon, le curé Durand avait donné l'église Saint-Michel-du-Puy. J.L. Desplaces précise que celle-ci n'a jamais été identifiée. On peut maintenant se demander si elle n' était pas édifiée à Lourdoueix Saint-Michel, antérieurement à l'oratoire cité en 1154, Oratorium Sancti Michaelis, qui a donné son nom au village1. A l'appui de cette hypothèse, on peut noter que le puy signale une hauteur (latin podium), or la Croix de Saint Roch est, avec ses 382 mètres, au point culminant de ce micro-territoire (il faut se rapprocher très sensiblement d'Aigurande pour trouver des hauteurs plus importantes).


Avec cette note qui nous déporte vers le sud du département ( alors que nous n'en avons pas fini, loin de là, avec Levroux) j'observe, comme l'an passé, une pause aquitaine qui me tiendra momentanément éloigné de ce blog. Je vais aller chercher repos et inspiration chez le grand frère, en secteur Verseau du zodiaque toulousain...

_________________________________

1Curieusement, un des derniers titulaires de la royauté de Saint Roch fut le collège privé de Lourdoueix Saint-Michel (une collectivité pouvait prétendre à ce titre)...

Lire la suite

19 avril 2006 | Lien permanent | Commentaires (4)

La Couronne de Ménétréols

« Dès la plus haute antiquité, une valeur prophylactique est attribuée à la couronne. Elle tenait cette valeur de la matière dont elle était faite, fleurs, feuillage, métaux et pierres précieuses, et de sa forme circulaire, qui l'apparentait au symbolisme du ciel.

En Grèce et à Rome, elle est un signe de consécration aux dieux. Dans le sacrifice, sacrificateur et victime sont couronnés. Les dieux se détournent de ceux qui se présentent à eux sans couronne, dit un poète grec archaïque. Les statues des dieux sont couronnées, et généralement avec les feuilles des arbres ou les fruits des plantes qui leur sont consacrés, le chêne à Zeus, le laurier à Apollon, le myrte à Aphrodite, la vigne à Dyonisos, les épis à Cérès... »

(Dictionnaire des Symboles, Jean Chevalier, Alain Gheerbrant, art. Couronne, p. 304, Robert Laffont, 1982)

Genèse d'une figure.

En examinant la semaine dernière sur la carte la position de Saint-Valentin par rapport à Vatan, je constatai que le village de Ménétréols-sous-Vatan était pratiquement situé à mi-chemin des deux bourgs. Un hasard peut-être, mais dans ces cas-là, un réflexe presque professionnel me commande de tracer le cercle ayant comme centre le lieu médian en question, donc ici Ménétréols, dont je sais que le nom indique l'ancienne présence d'un monastère (Monesteriolo, 1154, de monasteriolum, petit monastère).

 

medium_axe-vatan-stvalentin.jpg
 

 

J'y suis d'autant plus enclin que je suis intrigué par ce nom de Tournemine, désignant la rivière passant à Saint-Valentin.

Tournons donc.

Or, j'ai la bonne surprise de glaner sur cette circonférence le lieu-dit La Ronde et le village de Giroux (Giro, 1214, que S. Gendron fait dériver de Giroldus, nom propre germanique, et sans doute a-t-il raison, mais comment ne pas y lire aussi la giration ?).

 

medium_couronne-vatan1.jpg
 

 

A ce stade, je suis encore loin d'être certain de la valeur de mon hypothèse. Je me documente alors sur chacun des villages aux alentours de ce cercle et constate que quatre d'entre eux (Paudy, Liniez, Lizeray et Giroux) possèdent une église Saint-Martin (à Liniez, coule un ruisseau également nommé Saint-Martin). Saint Martin, le grand saint évangélisateur, pourfendeur du paganisme des campagnes. Encore une fois, ce n'est pas un indice décisif, car Martin est le saint « qui possède le plus grand nombre de patronages d'églises (près de quatre mille) alors que les toponymes débutant par Saint Martin ou incluant le nom de saint Martin ne se comptent plus. » (Ph. Walter, op.cit. p. 54), mais il y a tout de même lieu de s'interroger.

J'aurai l'occasion de revenir sur cette grande figure de Martin.

 

medium_couronne-vatan2.jpg
 

 

Un deuxième cercle intérieur définit une couronne contenant tous les villages circonvoisins de Ménétréols, isolant celui-ci sur son plateau dominant légèrement les vastes horizons de la Champagne. A propos, quel saint patronne l'église de Ménétréols ? Saint Paul, dont on sait qu'il s'est souvent substitué à Apollon, le dieu de la Lumière : « Toute couronne participe de l'éclat et du symbolisme de la couronne solaire. » (Dictionnaire des Symboles, p. 303.)

 

medium_paulus.jpg

 

Vitrail de saint Paul à Ménétréols

Enfin, je m'avise que ce n'est pas le premier cercle qui apparaît sur ce parcours zodiacal. On se souvient peut-être de la Roue de Taranis, à cheval sur Poissons et Bélier, ou Roue de Nesmes

Or, les diamètres de cette Roue et celle de la Couronne de Ménétréols sont identiques à quatre cents mètres près.

Ménétréols, comme Nesmes, signalerait-il un autre sanctuaire celtique, un autre nemeton ? Les deux noms consonnent étrangement : et si le petit monastère latin dissimulait un important temple pré-chrétien ?

 

medium_apollon.gif

 

 Apollon tenant la roue du zodiaque
 

Lire la suite

09 mars 2006 | Lien permanent | Commentaires (8)

Amalthée et la corne d'abondance

Levroux, que je pensais à l'origine circonscrire en deux ou trois notes, n'en finit pas de provoquer de nouvelles recherches, de susciter de nouvelles pistes. C'est comme un puits sans fond, vertigineux, où se répercutent les échos de plusieurs millénaires d'histoires et de légendes. C'est, du même coup, un échantillon très représentatif du travail lent et patient de tissage de la géographie sacrée. Du néolithique à la Renaissance, se rejouent les mêmes mythes sous d'autres formes, d'autres dénominations, traversant de nouveaux dogmes, s'infusant dans le christianisme et laissant sourdre de nos jours leur parfum souverain.

Ma conviction est que nous voyons ici à l'oeuvre le processus d'acculturation progressive de différents systèmes symboliques. Du couple Sucellus-Nantosuelta, articulé très certainement autour d'une source guérisseuse, l'on passe au couple Saint Silvain -Sainte Rodène qui va faire de la cité un rendez-vous important de pélerinage, et un enjeu politique et économique opposant les princes de Déols, liés au duché d'Aquitaine, aux Capétiens soucieux d'étendre leurs territoires (Philippe Auguste assiège Levroux en 1188). De la géographie sacrée celtique, biturige, dont on a vu qu'elle semblait surtout s'ordonner par rapport aux cours d'eau, toujours divinisés, on passe à une géographie sacrée fondée sur un modèle grec, géométrisé, où l'espace est partitionné en douze secteurs angulaires homologues aux douze signes du zodiaque céleste. Cette transition entre les deux systèmes a dû se faire très progressivement, en intégrant si possible les symbolismes originels. Le choix, par les seigneurs déolois, de Neuvy Saint-Sépulchre, cité qui ne devait au départ son importance qu'à sa position de gué sur la Bouzanne, répondait au souci de trouver un point central autour duquel se distribuerait avec harmonie les sites sacrés dejà existants. A cet égard, on ne peut qu'être frappé par la coïncidence entre les caractères attribués au couple Sucellus-Nantosuelta et ceux traditionnellement dévolus au Capricorne : la nature double, sidérale et chthonienne, des divinités celtiques renvoie à la dualité du signe représenté par un animal composite à tête de chèvre et queue de poisson. Animal parfois identifié à Amalthée, la chèvre qui allaita Zeus, lorsque celui-ci fut recueilli par les nymphes du mont Ida, après avoir échappé à la dévoration de son père Cronos. La corne d'abondance dont est souvent pourvu la parèdre de Sucellus se retrouve dans la légende d'Amalthée, dont l'une des cornes, cassée par le vigoureux et divin nourrisson, fut offerte aux nymphes attristées, avec promesse qu'elle se remplirait de tout ce qu'elles désireraient.

medium_porte-champagne.2.jpg
Levroux (Porte de Champagne)

Le mont Olympe, demeure des Dieux, se situe dans le Capricorne du zodiaque centré sur Delphes. L'équivalent chrétien en est bien entendu le Paradis, que l'on a repéré sur l'axe Vatan-Levroux, couplé avec les Abymes, mais que l'on retrouve aussi au nord de Neuvy, sous la forme d'un hameau, à moins de deux kilomètres de la basilique. Le signe du Capricorne est aux origines mêmes de l'oracle delphique, puisque d'après la tradition rapportée par Pausanias (IX, 30), c'est de Tempé, placé sur le méridien de Delphes, que le culte d'Apollon fut amené en cette ville. Un texte de Diodore de Sicile demande, selon Jean Richer, à être interprété allégoriquement : « Ce sont des chèvres qui, dans les temps anciens, ont découvert l'oracle, et c'est pour cette raison que, de nos jours encore, les Delphiens sacrifient de préférence des chèvres avant la consultation...(Géographie sacrée du monde grec, op. cit. p. 46) ».

Le zodiaque neuvicien respecte cette tradition posant le Capricorne comme fondateur du système : Déols se trouve effectivement dans cette zone, qui plus est sur le méridien d'Arthon, dont nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer le symbolisme polaire dans le cadre de la géographie sacrée biturige.







Lire la suite

Par eaue de Bloys estoit arrivé

"Au sixième iour subsequent Pantagruel feut de retour: en l'heure que par eaue de Bloys estoit arrivé Triboullet. Panurge à sa venue luy donna une vessie de porc bien enflée, & resonante à cause des poys qui dedans estoient: plus une espée de boys bien dorée: plus une petite gibbessière faicte d'une coque de Tortue: plus une bouteille clissée pleine de vin Breton: & un quarteron de pommes Blandureau."

Tiers-Livre, chapitre XLV

Pourquoi le fol Triboullet arrive-t-il de Blois ? C'est Claude Gaignebet qui nous donne la réponse dans son maître-livre : " Les tailleurs de pierre du château de Blois à la Renaissance savent encore traduire en image le calembour du De Petitu : "Blesensis" (de Blois) suggère à la fois Blaise et le souffle. Ils honorent leur saint patron en multipliant, sur les corbeaux, les retombées et les modillons (comme ici), le péteur." (A plus haut sens -Esoterisme spirituel et charnel de Rabelais, Maisonneuve et Larose, 1986,Tome I, p. 66)

peteur-blois2.jpg


Le même auteur évoque Triboullet dans un tout petit livre paru l'an dernier aux éditions Lume, Rabelais, le Tiers Livre et le jeu de l'oie :
"(...) Le Jeu est fini... ou presque, car Pantagruel le relance par ce qui est au-delà du jeu, la Folie. Triboullet (note ce tri) est celui qui joue des boules comme on le fait dans une célèbre gravure de Brueghel.
Regarde bien. L'un fait avec les doigts le signe des cornes du cocu. L'autre ranime sa boule du vent de la chemise. Observe les boulistes du jardin du Luxembourg. Celui-ci souffle sur sa boule. Le perdant, qui manque de souffle, ira le chercher au cul de la Fanny (Stéphanie est couronne) ou de la Vieille.
Ce Triboullet (a-t-il perdu la boule ?), en accord avec son nom, reprend la triplication des signes. Coup-de-poing (battu), cornemuse (cocu). Mais où est passé le "desrobé" ? Non seulement Panurge n'a pas été volé mais il y a là pour lui un trait de lumière, la bouteille lui a été rendue ! Le voilà renvoyé à l'oracle de la Bouteille.
"

fete-fous.jpg

La fête des fous, 1559, d'après Brueghel


En fait, le dessin de Brueghel a été gravé par Pieter Van der Heyden.

L'image est accompagnée dans la marge de quatrains et de distiques en flamand et en français. Par exemple :

Ghy Sottebollen met u ÿdelheÿt gequelt,
Comt al ter baenen toch, due lust hebt om te rollen,
AI wordt den een syn eer, en dander quÿt sÿn geldt,
De wereldt even prÿst de grootste Sottebollen.

suivi de sa traduction :

Vous Fols qui de la teste Incessament louez
qui avez le Cerveau remply de vanitez
Venez, et accourez soÿez de ceste bande
Perdant honneur et biens, Le monde vous le commande

 

Ce nom Sottebol qui désigne le fou en flamand, n'est pas sans rappeler le Triboullet rabelaisien : "Il n'est guère possible, écrit Jean-Philippe Moutschen, de traduire adéquatement le mot Sottebol qui revient plusieurs fois dans le texte accompagnant cette estampe et qui est à la base de la scène que celle-ci évoque. Dans aucune langue on ne trouve son équivalent. En flamand un sottebol désigne un fou , sot, dont la tête, assume la forme d'une "boule", bol. Familièrement et métonymiquement le mot bol est couramment employé en flamand pour le mot "tête". Ceci se produit dans de nombreux proverbes flamands et locutions analogues: Hij heeft het hoog in zijn bol, litt.: il l'a haut dans la tête = il est prétentieux; iemands bol wassen, laver la tête à quelqu'un; pijn in zijn bol hebben, avoir mal à la tête; zijn bol draait zot, sa tête tourne fou. Ainsi, c'est le sens figuratif de l'appellation flamande sottebol, folie, tête folle, qui peut servir de point de départ à la compréhension de ce que Bruegel a mis en image. Étant rassemblés dans une fête commune, les fous les plus divers s'y livrent à des ébats débridés et rivalisent de tours pour atteindre avec leurs "boules" le piquet dressé à droite de l'avant-plan. Dans tout cela, inspiré, une fois de plus, par les aspects sous lesquels se révèle la folie des hommes, Bruegel manifeste sa verve et son humour dénonciateur en partant du jeu de mot que lui suggère l'appellation flansiande, le mot bol pouvant être pris dans le sens à la fois de « boule » et de « tête »."


Toujours est-il que, grâce à  Triboullet, Panurge est renvoyé à la Dive Bouteille, et nous-même bouclons la boucle que nous avions commencée avec Aquarius et la naissance de Gargantua.
"A boire", hurlait celui-ci, tout juste sorti de l'oreille gauche de Gargamelle.
"De ce poinct expédié, à mon tonneau ie retourne. Sus à ce vin compaings. Enfans beuvez à plein guodetz."
Trinquons, compères, nous allons enfin pénétrer en Poissons.

Lire la suite

14 novembre 2008 | Lien permanent | Commentaires (2)

L'Ange incliné

ange-incliné.jpgQu'on me permette de différer encore un peu l'entrée dans le signe des Poissons.
C'est que le facteur  de coïncidences est passé, et a en quelque sorte déposé ses voeux...
Le premier livre que j'ai lu cette année a pour titre  L'Ange incliné, paru chez Actes Sud, et c'est un roman d'un certain Pierre Mari.
Je n'en ferai pas le résumé, juste vous indiquerai-je qu'il s'agit d'un lumineux roman d'amour (même si l'amour n'y a pas toute la place), où est exaltée la figure d'une jeune femme de vingt-quatre ans, rencontrée dans un train par le narrateur et qui va bouleverser son existence en profondeur. Anna qui est, selon l'aveu même de l'auteur (on peut écouter l'interview de celui-ci), dans le prolongement rêvé de Nadja, l'égérie d"André Breton (même si l'analogie ne se veut pas complète).

"Dans la chapelle d'une cathédrale, le lendemain, un ange incliné semble approuver ce qui advient" : c'est ce qu'on peut lire sur la quatrième de couverture.
Ce qui advient, c'est l'imprévisible, le miracle, la merveille d'une rencontre : "Une telle clarté de visage, et moi partie prenante, c'était à crier de gratitude."
Il me faut surtout citer, pardonnez la longueur, toute la page 126 et même un bout de la 127 :

"Il n'a pas été question de l'ange, d'abord. J'ai cru qu'elle avait oublié :

- Tu sais quoi ? Quand j'étais petite, je tissais des diagonales entre les événements. Par exemple : la mort d'un de mes oncles, dans un accident de voiture, et un orage qui avait cassé une gouttière en trois. Les trois morceaux côte à côte, c'était comme une phrase. Un commentaire de la mort de mon oncle. Pas vraiment un commentaire : plutôt une rime. Ma mère m'a un peu grondée, m'a dit que ça n'avait aucun rapport. Mais, moi, j'ai continué. Tous les jours. Certaines fois, juste pour le plaisir d'essayer. A force de diagonales, les événements ne sont plus isolés. Ils deviennent complices, tu ne crois pas ? Ils commencent même à se ressembler. Et les choses qui arrivent, elles se mettent à arriver dans tous les sens - elles ne tiennent plus en place, elles sont projetées dans le passé, dans l'avenir, en hauteur, en profondeur. Quand j'y pense :  le fait que, trois jours avant de te rencontrer, j'avais commencé ce tableau, avec le couple dans le train, et que je ne trouvais pas la suite. Je te montrerai, cet été. J'ai fini. Ou presque. Je trouve que parler de coïncidence, c'est faible, c'est banal. C'est une manière de se débarrasser de la beauté - de l'incroyable des choses. Et puis, quand tu m'as demandé si j'étais bien réelle, au Passage des Mondes, en posant un doigt sur mon front. J'étais si troublée, j'ai oublié de te dire : ce geste, c'est le Jour de l'an que j'en ai rêvé. Je me souviens très bien. Je m'étais couchée à six heures. J'étais à peine endormie qu'il y a eu cet index entre mes yeux, et personne devant moi -même pas une main au bout du doigt, rien. Je me suis répété cette histoire, tout à l'heure, en regardant ton ange. Je lui ai raconté toutes nos rimes, toutes nos diagonales - il m'a approuvée. Je sais ce que tu penses : approuvé quoi ? Tu es tellement logique. N'ose pas dire le contraire. Au fait, je suis au milieu du parvis, à notre endroit du deuxième jour. Il fait très beau, un peu froid. Avec du vent. Je regarde la cathédrale en contre-plongée. Elle a vraiment l'air de cingler vers le ciel." (C'est moi qui souligne)

Est-il nécessaire de commenter ? Je préfére préciser que le Passage des Mondes nommé ici est un café-restaurant de cette ville de Sémezanges où vit Anna (et dans ce toponyme fictif on ne peut bien sûr que lire c'est mes anges), restaurant dont le patron libanais, un certain Gabriel, ami et admirateur d'Anna, saura plus tard être un chaleureux intercesseur (conformément à son prénom archangélique).

Et pour parachever cette note, j'ajouterai qu'elle est dédiée à mon angelot à moi, Gabriel lui aussi, qui a fêté, aujourd'hui 4 janvier, ses six ans.

 

Lire la suite

04 janvier 2009 | Lien permanent | Commentaires (3)

De Brennus aux Rochechouart

L'or de Delphes volé par Brennus et ses troupes aurait donc été caché dans un marécage, à Toulouse, chez les Volques. Il se trouve que l'axe qui joint Delphes à Toulouse prend Délos dans son prolongement et indique, sous cette latitude, la pointe du signe des Poissons. Guy-René Doumayrou cite alors Jean Markale qui, "dans son étude sur les Celtes (page 119), constate que rien n'atteste de la réalité historique de cette équipée et que l'or de Delphes pourrait fort bien avoir été de nature spirituelle plutôt que grossièrement métallique. Autrement dit, la légende ne ferait que porter témoignage, par le truchement tout à fait traditionnel du récit allégorique, d'une transmission initiatique de la puissance oraculaire de l'omphalos héllène à l'omphalos occitan." (Géographie sidérale, p. 50) Si l'on retient cette hypothèse, il y aurait donc lieu de soupçonner une transmission similaire, postérieure ou concomitante, entre Toulouse et le Berry.

Omphalos.jpgL'omphalos delphique était matérialisé par le Bétyle, une pierre que Rhéa, la mère des dieux (assimilée par les Romains à Cybèle), aurait donné enveloppée de peau de chèvre et arrosée de son propre lait, à son époux Cronos, en guise d'enfant à dévorer. Car le bougre, ayant appris que sa souveraineté serait dénoncée par ses enfants, avait entrepris de consommer toute sa progéniture. La pierre aurait ensuite été vomie par le mari trompé et, tombée sur le sol grec, aurait figuré le nombril du monde, centre de la terre des hommes, l'Omphalos.

Or, dominant la Brenne, bâtie sur l'une des rares éminences de ce plat pays, le château du Bouchet porte le souvenir de l'importante famille des Rochechouart-Mortemart, dont les armes sont encore visibles au-dessus d'une porte d'entrée : fascé, ondé d'argent et de gueules de six pièces. On disait d'elle encore :
"Avant que la mer fut au monde,
Rochechouart régnait sur les ondes."

 

rochechouart.svg.png

Armes des Rochechouart


Bien immodeste dédicace, qui s'accorde en revanche parfaitement à la symbolique du signe. Rochechouart ne serait-elle pas la "roche chue" que je viens d'évoquer avec Rhéa et Cronos (et cette hypothèse se trouve même géologiquement avérée car les scientifiques ont clairement établi qu'une énorme météorite était tombée sur la région de Rochechouart il y a environ 214 millions d'années : il est seulement surprenant qu'on ne fasse aucune relation avec une étymologie pourtant transparente) ?

Cette  maison de Rochechouart serait par ailleurs la plus ancienne après la famille royale. Et, malgré la devise, elle ne s'enracine  pas dans un environnement marin, mais bien dans le proche Limousin, à travers  la Maison de Limoges, fondée par Foucher de Limoges, deuxième fils de Raymond Ier, comte de Toulouse. Certes, les Rochechouart prennent possession du château du Bouchet à une date assez récente (1560), mais leur rôle dans l'établissement de la géographie sacrée est certainement beaucoup plus ancien, car nous avons relevé sur le grand axe de Saint-Léger issu d'Autun*, les cités de Morthemer et de Vivonne, où nous retrouvons les armes de la famille dans l'église Saint-Georges, à la clef de voûte de la porte d'entrée. Et un poème découvert par Dom Fonteneau au château de Cercigny, près de Vivonne, exalte aussi la haute antiquité de la lignée :

"Je chante les lauriers dont les mains du dieu Mars
Ont couronné le chef de tant de Mortemarts.
Je chante leur fabrice et leur race divine
Dont les plus grands trésors de la race poitevine
Depuis quinze cents ans sont descendus, et d'où
Leurs poitevins font leurs rois de Poitou."




_____________________________________

* "Les vicomtes de Limoges et de Rochechouart sont sans doute issus des comtes de Rouergue et probablement les descendants des comtes d'Autun." (Wikipédia)


Lire la suite

04 février 2009 | Lien permanent | Commentaires (2)

Page : 1 2 3