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14 mars 2007

La sérendipité et les otages

Savez-vous ce qu'est la sérendipité ? Ce mot, francisation de l'anglais serendipity inventé par Horace Walpole en 1754, désigne le phénomène par lequel on fait la  découverte fortuite d'informations qu'on ne cherchait pas exactement. La plupart du temps, on cherchait même autre chose et puis voilà qu'au détour d'une page on tombe soudain sur un passage qui fait profondément sens pour nous. La recherche sur le web a multiplié les occasions de sérendipité, et je dois dire que nombre des notes de ce site sont redevables à de semblables trouvailles.

C'est ce qui s'est passé récemment alors que j'étais en quête d'un article ancien. Parvenu sur la page de Wikipédia consacrée à la ville de Culan, je suis tombé en arrêt devant la mention de Louis de Culan, personnage que je ne connaissais encore pas. Baron de Châteauneuf sur Cher,  amiral de France, compagnon de Jeanne d'Arc et du roi Charles VII, commandant  en second de l'armée du roi lors du siège d'Orléans, il fut l'un des quatre "otages de la Sainte-Ampoule“ lors du sacre à Reims. "Quatre seigneurs devaient en effet escorter la "Sainte-Ampoule" entre l'abbaye de Saint-Rémi où elle était gardée depuis le IVe siècle jusqu'à la cathédrale de Reims, lieu du sacre du roi de France. Les seigneurs devaient défendre jusqu'à la mort — d'où le nom d'otages — le saint-Chrême contenu dans une fiole de cristal (ampoule) qui avait déjà servi pour le sacre de Clovis par Saint-Rémi. Être "otage de la Sainte Ampoule" était donc un honneur considérable qui permettait le jour du sacre d'entrer à cheval dans la cathédrale pour remettre cette "ampoule" en forme de colombe à l'archevêque. Aux côtés de Louis de Culant, étaient "otages" pour le sacre du Charles VII : le maréchal Jean de Brosse, seigneur de Boussac et de Sainte-Sévère : Gilles de Laval, baron de Rais; et Jean Malet seigneur de Graville."

medium_Charles_vii.jpg

Alors que je venais d'écrire ma note sur les liens qui avaient perduré entre Berry et Ile-de-France, cela venait singulièrement apporter de l'eau à mon moulin. Le roi Charles VII qui s'était retiré à Bourges quand les Bourguignons avaient mis main basse sur Paris (ce qui lui avait valu l'appellation péjorative de "roi de Bourges") semble choisir,  pour la cérémonie la plus importante qui soit, des seigneurs qui ont un lien très fort avec la géographie sacrée du pagus bituricus.


J'ai déjà montré la place de Culan dans la géographie sacrée celtique, articulée sur les rivières Arnon et Bouzanne. Il faut savoir aussi qu'il existait depuis le XIIe siècle un prieuré dépendant de l'abbaye de Déols au lieu-dit “Prahas” qui a servi d'église paroissiale jusqu'en 1630. À cette date, c'est une vieille connaissance, le prince de Condé, qui obtient de l'évêque que la chapelle du château devienne église paroissiale de Culan.

Voyons maintenant Jean de Brosse : Seigneur de Boussac et de Sainte-Sévère, nous l'avons déjà croisé en Gémeaux où, compagnon de Jeanne d'Arc, il est réputé l'avoir accompagné à la chapelle du  Mas Saint-Jean, près de Dun-le-Palestel dans la Marche.

Observons aussi que Boussac se trouve sur le méridien de Toulx Sainte-Croix en même temps que  Mehun sur Yèvre, où Charles VII fut proclamé roi et où il mourut le 22 juillet 1461, fait que j'ai mentionné  dans ma note du 31 juillet 2005 sur le cheval Mallet, écrite pour rendre compte de la concentration de lieux Mallet ou Malleret autour de cet axe polaire de Toulx. Il n'est peut-être pas fortuit de voir Jean Malet, seigneur de Graville, comme troisième otage du Saint-Chrème. Ce n'est pas cependant un seigneur berrichon : ultime défenseur de la Normandie, il fut nommé Grand Maître des Arbalétriers en 1425, une charge créée soit dit en passant  par Saint-Louis.

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Reste Gilles de Rais, à la sinistre réputation. Pas un berrichon lui non plus. Là, je dois avouer que sa relation avec la géographie sacrée ne m'apparaît pas encore clairement, si tant est qu'il y en ait une.


En tout cas, derrière les otages de la Sainte-Ampoule, venait l'escorte de l'épée royale tenue par le Connétable de France. Mais celui-ci étant en disgrâce, c'est Charles d'Albret, lui-même fils et gendre de connétable, neveu du grand chambellan La Trémoïlle, qui reçut l'honneur de porter l'épée royale. Or Charles d'Albret, comte de Dreux,  était aussi seigneur d’Orval, de Montrond (actuellement Saint-Amand-Montrond), Bois-Belle (actuellement Henrichemont) et la Chapelle d’Angillon, localités toutes berrichonnes.

Enfin venaient les douze pairs
qui ne sont pas bien sûr sans faire penser aux douze signes du zodiaque : "L'imposition de la couronne par l'archevêque met en jeu la collaboration à la sacralisation royale des douze pairs - héritage de la légende de Charlemagne -  qui fait participer au rite royal six évêques et six grands seigneurs laïcs par un geste d'intégration de l'aristocratie ecclésiastique et laïque." (Jacques Le Goff, Saint-Louis, p.831)

Parmi ces douze pairs, notons Raoul de Gaucourt, capitaine d' Orléans, originaire du Nord de la France, qui  prendra possession à la même époque de la terre de Cluis-Dessous.

 

01:28 Publié dans Omphalos | Lien permanent | Commentaires (4)

Commentaires

Bonsoir Robin !

Me revoilà avec un matériel plus performant mais qui occasionne toujours certain déboire et retard !

J'aime bien ce terme de "Serendipité" que, je crois, j'ai découvert grâce à vous ou sur un de vos liens, il y a déjà quelques temps. Qui allie Hasard et découverte, coïncidence et "tilt" !

Sinon, j'ai eu également, de mon côté, à m'interesser à Charles VII, via sa belle-mère, Yolande d'Aragon (voir :
http://www.i-services.net/membres/forum/messages.php?user=28736&idsalon=70476&idsujet=1055330&page_index=0), une des pistes suggérées par M. Leblanc dans son roman Dorothée, danseuse de cordes".

Je vous souhaite une bonne soirée.

Écrit par : Lebeau Marc | 18 mars 2007

Gilles de Rais ou de Retz est sans doute originaire de cette partie de Loire Atlantique qu'on appelle Pays de Retz. J'y ai des ancêtres du côté paternel...

Écrit par : Marc Briand | 21 mars 2007

Bonsoir Marc,

J'apprends par la lecture du forum que vous mettez en lien que Yolande d'Aragon, dont l'influence auprès de Charles VII apparaît déterminante dans la promotion de Jeanne d'Arc, était fille de Yolande de Bar. Ce nom de Bar m'intrigue tout particulièrement : proche phonétiquement du nom Berry, on le retrouve aussi dans l'histoire de Mélusine, puisque c'est à la demande de Jean de Berry et sa soeur Marie, duchesse de Bar, que le libraire Jehan d'Arras entreprend la rédaction de la légende. Le capitaine d'Orléans, Raoul de Gaucourt, dont la famille va s'approprier Cluis-Dessous, blasonne de deux bars adossés de gueules sur champ d'hermines (armes qui sont d'ailleurs devenues celles de la ville).
J'en profite pour ajouter que le trait commun entre les quatre otages de la Sainte-Ampoule me paraît maintenant avec une certaine évidence être Orléans. Jean de Brosse y était le commandant en chef de l'armée, Louis de Culan était commandant en second, Malet était chargé du commandement des hommes de trait (archers et arbalétriers) et Gilles de Rais, dixit Wikipedia, " fut un des principaux capitaines qui aidèrent Jeanne d'Arc à faire entrer des vivres dans Orléans".
La victoire d'Orléans fut l'événement décisif, quasiment inaugural, qui permit à Charles VII de reprendre pied dans la bataille qui l'opposait à la monarchie anglaise. Quoi de plus naturel qu'on associât les héros de cette aventure au plus haut rituel qui soit ?
A noter encore que Jeanne d'Arc, née à Domrémy, était donc originaire du Barrois.

Écrit par : Robin | 21 mars 2007

Bonjour Robin,

N'est-il pas amusant de voir que si Serendip était un des noms de Ceylan, vous illustrez l'idée de "sérendipité" à travers le personnage de Louis de Culan ? Il y a là une proximité phonétique qui relèverait presque de la... sérendipité !

En attendant, j'ai consacré moi-même un papier sur le thème ( c'est ici : http://jmbellot.blogs.com/personnel/2007/03/la_bote_de_choc.html ) et je me suis permis d'établir un lien sur votre blog et ce billet en particulier.

Bonne journée à vous et à bientôt.

Jean-Marc

Écrit par : Jean-Marc | 24 mars 2007

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