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15 avril 2008

Le Mal propre

1901783399.jpgC'est en lisant le dernier billet de Jean-Marc Bellot que j'ai eu connaissance du dernier ouvrage de Michel Serres. Comme Jean-Marc, je suis un fervent lecteur de ce philosophe toujours stimulant, qui aime à fouiller la langue pour y déceler les évolutions parfois mal discernables de nos sociétés. J'ai eu plaisir à le citer plusieurs fois, en particulier à l'amorce de l'étude du onzième signe zodiacal, ce Verseau/Aquarius dont je n'ai d'ailleurs toujours pas bouclé le parcours (mais cela s'approche).

Et, en cette occasion, j'ai d'autant plus de plaisir à rencontrer sa pensée qu'elle vient directement faire écho à la problématique soulevée dans mes derniers articles, à savoir cette interrogation sur le sale et le sacré, le rapport du déchet et du sordide au haut-lieu consacré. Intitulé  Le Mal propre, ce court essai  montrerait  que propriété irait de pair avec saleté : "Michel Serres, écrit Jean-Marc, y avance l'idée que ce qui nous est propre ne l'est que parce que nous le marquons avec nos sécrétions intimes. D'entrée, nous voilà en présence d'un oxymore puissant en forme de jeu de mots : le propre (ce qui m'appartient) est le sale (ce que je souille)."
N'ayant donc pas encore lu l'ouvrage, je renvoie au billet cité ainsi qu'à celui de Renaud Certin et Aurélia Blanc (Fragil.org), où l'on pourra trouver aussi un commentaire audio du philosophe Ollivier Pourriol.

08 avril 2008

Le sale et le sacré

1317617998.jpgSur la conjonction du sale et du sacré, réapparue avec la découverte du dernier livre de Philippe Vasset, il me semblait que je pouvais trouver des échos dans l'oeuvre de Pascal Quignard. Or, j'avais lu les quatre premiers livres de sa série dite  Dernier Royaume, mais pas le cinquième précisément intitulé Sordidissimes. De passage à Paris, je l'achetai donc en version Folio et me jetai presque immédiatement dans sa lecture.

Je ne tardai pas à trouver confirmation de mon intuition :

"Le sacré et le malpropre ne peuvent se distinguer. Comme le sang. Ce qui est prohibé, ce qui est souillé, ce qui est soustrait à la vue, ce qui est mis à l'écart ne se distinguent pas." (p. 93)

La présentation par Quignard lui-même, repris sur le site de la librairie Sauramps, résume fort bien le propos du livre :

"Sordidissimes - le tome V de Dernier royaume - est consacré à l’objet sale et sacré, originaire et voilé, malodorant et contagieux, indigne et précieux. A Rome on appelait ’’sordes’’ les habits de deuil, qu’on déchirait, qu’on ne lavait pas. Les Otomi appelaient ’’Vieux sac’’ la poche utérine qu’ils vénéraient comme une hotte merveilleuse. Anna Freud demanda à être enterrée dans le vieux manteau de son père qu’elle avait fait reprendre par une couturière dans ce dessein. L’objet sordide est le sexe masculin voilé qu’on dévoile au cours des mystères. Puis c’est l’objet qu’on sacrifie dans la tombe en le plaçant auprès du mort. C’est ce que Georges Bataille appelait la part maudite. C’est ce que Jacques Lacan appela ’’objet petit a’’. C’est ce que les new-yorkais appelèrent junk. C’est ce que les anciens Japonais ’’blessés’’ par l’amour cherchaient à exhiber comme autant de ’’blessures’’ prestigieuses, petits doigts coupés, fourreaux de pénis découpés, cheveux tranchés, témoignages des bagarres, preuves intimes et rebutantes des sentiments intenses qu’ils portent à ceux ou celles qu’ils aiment. Sordidissimes rassemble toutes ces reliques, miroboles, jokers, gâteaux apéritifs, la fève des rois, la crête du coq, la bûche de Noël, la laisse de mer, les langues mortes, le nombril, tous les secrets, le silence."