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Les porteurs de torches

Rappel de l'hypothèse : Alpinien et Austriclinien, saints compagnons de Martial, auraient pris la place des parèdres de Mithra, Cautès et Cautopatès.

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Alpinien dérive évidemment d'Alpes, nom d'origine celtique qui désigne la montagne. Je lis aussi (sur un site traitant des Pyrénées... ) que Servius, à l'occasion d'un vers de l'Enéide, IV, 442, dit que Alpes signifie en gaulois, montagnes élevées. Austriclinien est clairement à rapprocher d'Auster « vent du sud » et « région méridionale », australe. Il est intéressant de lire la notice que lui consacre le Dictionnaire Historique de la Langue Française (Robert, 1995) : « A la différence d'autres termes désignant les vents, celui-ci n'est pas grec ; on l'a rapproché de l'ancien haut allemand ostar « de l'Est » (Ost) mais la confusion des points cardinaux est très improbable. Toutefois les philologues anglo-saxons maintiennent cette hypothèse qui conduit à apparenter le nom de l'est (→ est), celui du vent et celui du lever du jour (→aurore). Si cela était, il y aurait aussi parenté avec les noms propres Autriche et Ostrogoth, formés sur le nom de l'est.(...) » La relation Alpinien-Austriclinien est donc à envisager sous deux aspects possibles : Si Austriclinien provient d'Auster, vent du sud, Alpinien lui fait écho en incarnant le Nord : en effet, la montagne sacrée, centre du monde, coïncide avec l'axe du monde. « Son sommet se trouve sous la Polaire, véritable clef de voûte de ce système imaginaire merveilleusement homogène. » (Monde des Symboles, p. 169). Cette dualité rejoindrait plutôt le thème de l'ascension et de la descente des âmes. Si Austriclinien s'apparente à l'est, à l'aurore, il rejoint parfaitement le symbolisme du soleil levant qui s'attache à l'un des deux dadophores. Et j'ai déjà signalé dans un article passé que l'orientation des mithraea était conçue en sorte que le soleil levant de l'équinoxe de printemps illuminait l'image cultuelle de la divinité. Ce n'est sans doute pas sans raison que la légende fait mourir Austriclinien en Toscane, et que Martial le ressuscite à l'aide du bâton que saint Pierre lui a confié. Le lever de l'astre est à interpréter en effet comme une véritable résurrection quotidienne. Alpinien, dans ce cas de figure, incarnerait le soleil couchant. Rien cependant ne semble nous autoriser à relier son nom à l'ouest. Son marquage septentrional suffit-il à le relier à l'obscurité ? Est-il fortuit, par ailleurs, que ce soit dans certains cantons des Alpes que la religion mithraïque se perpétue jusqu'à cinquième siècle ? "Sallying forth from the flourishing cities of the valley of the Rhone, the foreign cult crept even into the depths of the mountains of Dauphiny, Savoy, and Bugey. Labâtie near Gap, Lucey not far from Belley, and Vieu-en-Val Romey have preserved for us inscriptions, temples, and statues dedicated by the faithful." Franz Cumont (The Mysteries of Mithra, 1903)
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Que l'on développe donc l'une ou l'autre des significations d'Austriclinien, on débouche soit sur une dualité manifeste avec Alpinien, soit sur un rappel très net de l'orientation essentielle des mithraea.
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Un épisode de la vie de saint Martial me frappe aussi particulièrement, c'est celui de la destruction des idoles à Bordeaux. Il se trouve que dans cette ville on a exhumé en 1986 le plus grand mithraeum découvert en France (180 m2). Malheureusement, il semble qu'on l'ait détruit peu après, si l'on en croit l'archéologue Jean-Pierre Bost dans un article du Point de mai 2004 : « Il y a quelques années, un temple de Mithra (divinité antique) du iie ou iiie siècle, bien conservé et découvert cours Victor-Hugo, a été détruit parce que le conservateur du patrimoine et la ville sont tombés d'accord sur cette décision. De même, un sanctuaire exhumé près de l'ancien cinéma Le Rio et montrant comment une ville antique très romanisée avait su conserver des traditions gauloises, a été rasé. » Etrange persévérance dans la destruction des idoles... A lire également : L'Evangile de Matthieu dans sa confrontation au culte de Mithra

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30 mai 2005 | Lien permanent

Aquarius

medium_verseau.jpgL'axe Lion-Verseau de la roue toulousaine, écrit Guy-René Doumayrou,  "unit clairement le Golfe du Lion, en Méditerranée, au pays d'Aquitaine, "pays des Eaux", ou d'Aquarius (nom traditionnel de Verseau, l'Homme du quaternaire des Vivants), c'est la plus insigne évidence" (Géographie sidérale, p. 62). Toulouse n'en finit pas d'être le paradigme de Neuvy, ainsi pour ce signe du Verseau : "(...) de même que les énergies confondues du rouge et du vert, les eaux supérieures et inférieures du Nord et du Sud, du Limousin et des Pyrénées, s'y mêlent en Gironde, conformément à son emblème qui montre un homme versant dans un courant le contenu d'un grand vase", de même l'Indre et le Cher, rivières éminemment berrichonnes , donnent en cette zone leurs eaux à la Loire. L'homme médiéval a dû saluer comme un signe divin cette coïncidence hydrographique. Le philosophe Michel Serres, qui ne parle  pas de géographie sacrée, n'en retrouve pas moins l'ancienne symbolique lorsqu'il se prend à évoquer l'Aquitaine de ses origines familiales, dans ce livre magnifique qu'est Les cinq sens :


"Verseaux d'alluvions recevant ou donnant des verseaux de vin, si ma langue peut souffrir ce miracle de noces, parmi les crues et les inondations de la versatile Garonne, clepsydre grise.(p. 172, Grasset, 1985) "


Que malgré les apparences Verseau soit signe d'Air, Michel Serres en décèle quelques pages plus loin l'intime raison :

"L'air, mélange vague, léger, subtil, instable, favorise les alliances ; vecteur de tout, il ne s'oppose à rien. Milieu du sensorium, excipient général des mélanges : vase principal de la clepsydre confuse. (op. cit. p. 184) "

Resurgit ici l'image de la clepsydre. Horloge à eau fonctionnant sur le même principe que le sablier.

Plus loin : "Ame. L'âme traduit le latin anima, qui, à son tour, traduit le grec anemos, qui veut dire le vent. L'âme errante vient d'où vient le vent. ( op. cit. p. 187) "


 Sur les rives de la rivière sacrée, la Bouzanne, petite Loire colérique, le village de Velles - où Stéphane Gendron ne voit qu'un  banal dérivé de ville -  est pour nous la voile (latin velum), toile  qui ne tire son énergie que du vent. Que la paroisse relevât de l'abbaye de Saint-Gildas apparaît somme toute logique :  le saint breton, l'ermite de l'île d'Houat, n'a-t-il pas accompli plusieurs fois un  voyage sur les eaux ?

 

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Jean-Pierre Le Goff

"Le 29 novembre 1993, je me rendais, dans l'Indre, à Pouligny-Saint-Pierre, au lieu-dit "La Jozière", accompagné d'une amie, j'oignais la pierre d'une rosée que cette amie avait patiemment récoltée dans son jardin. J'ai voulu cet acte comme une simple marque de sacré et de poésie, comme une liturgie subreptice à une Vénus sylvestre, comme une offrande à une dryade."

La vulve de pierre, in Le cachet de la poste, Gallimard/L'arbalète,  p. 111.

Je retourne au clavier, après six mois de silence sur ce site, pour saluer la mémoire de l'écrivain Jean-Pierre Le Goff, qui s'est éteint le 26 février à Montmorillon, si l'on en croit le site L'Alamblog, un des rares à porter la nouvelle (mais on lira aussi avec intérêt le billet de Nouvelles Hybrides, daté du 3 mars, qui rend compte de l'hommage de ses amis à Douarnenez, sa ville natale, où il fut donc aussi enterré, avec le para-rite imaginé par sa fille Alice, collier de perles, oeufs de lumière verts ou rouges, autour duquel les personnes présentes firent un autre collier de perles, humaines cette fois).

Je n'aurai rien su moi-même si quelqu'un qui l'avait bien connu, et accompagné parfois dans ses pérégrinations bretonnes, ne m'en avait informé ce matin. Personne que j'ai rencontrée sur le net, à l'occasion des quelques articles que je lui avais consacré. Le 11/11/2011, me précise-t-elle, alors qu'il travaillait beaucoup sur le onze. Personne (dont je tais le nom car je ne sais si elle aurait envie que je la cite) avec qui le fil de l'échange n'a fait que s'approfondir, et c'est bien là encore une bien belle chose que je dois à Jean-Pierre Le Goff.

J'avais émis la volonté de retourner sur les traces de ses périples symboliques, mais j'écrivais déjà, en janvier 2011, "que cette entreprise n'a pas beaucoup avancé, qu'elle est même au point mort. Mais je n'y ai pas renoncé et cette nouvelle rencontre m'aiguillonne, je compte bien un jour ou l'autre aller voir la pierre à sexe de Pouligny Saint-Pierre, prochaine étape de cet intinéraire legoffien."

Nous sommes en mai 2012, et je ne suis toujours pas allé voir la pierre à sexe, cette vulve de pierre à laquelle il a rendu hommage comme expliqué dans l'extrait liminaire de ce billet.

Mais comme je dois me rendre à Chapitre Nature, le festival qui fête ses dix ans au Blanc, je songe cette fois très sérieusement à faire un détour jusqu'à ce petit bois du causse de Pouligny, qui renferme l'étrange monolithe.

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Arbre sur le causse

PS : C'est après avoir posté ce billet que je m'aperçois que la page citée est la page 111, poursuivant donc cette symbolique du onze évoquée par ma correspondante. Cette page est celle-là même sur laquelle s'ouvre depuis des mois le recueil photocopié des pages consacrées aux lieux indriens inventoriés par JPLG. En attente d'un déplacement qui va donc venir.

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Ce qui reste de jour

Dans la seule vraie librairie qui reste à Châteauroux, portant le beau nom d'Arcanes, j'ai découvert la semaine dernière Etincelles III, un livre écrit par François Cassingena-Trévedy, un moine de Ligugé. Je n'en avais jamais entendu parler, ni du livre, ni de l'auteur, mais il m'a suffi d'ouvrir le volume et de lire quelques lignes pour aussitôt avoir la certitude que ce livre-là, il me le fallait, il correspondait à ce que j'avais besoin de lire à cette époque-ci. Ce sont fragments, aphorismes, pensées, consignées au fil des saisons et des repères de l'année liturgique, en une langue somptueuse, chargée de poésie. La Bible, les Evangiles y sont sans cesse interrogés, examinés, médités, sans que cela rebute l'agnostique que je continue d'être. Je ne saisis pas tout, je l'avoue, et bien des passages me restent obscurs, mais j'avance tout de même chaque jour, à tâtons souvent, dans ces Etincelles qui méritent si bien leur nom, car elles ne cessent d'illuminer la nuit où nous errons.

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Il se trouve que l'évangile le plus cité par l'auteur est celui de saint Luc. Ce qui m'a donné envie de le, je n'ose dire relire, car il me semble que je ne l'avais jusque-là pas vraiment lu, et pourtant, en décembre 2000, je l'avais acheté en une autre librairie aujourd'hui disparue, dans la collection éditée par Le serpent à Plumes et Mille et Une Nuits, sous la forme d'un petit opus à dix francs préfacé par Linda Lê.

Là-dessus, hier, je me rends comme chaque année à Angles-sur-Anglin pour la Foire du Livre. Chaque fois, c'est la chasse au trésor, et j'y chargeai ma besace entre autres de Dhôtel, Gracq, Dickinson, et puis, en dernier lieu, d'un volume du Journal de Julien Green, Ce qui reste de jour, 1966-1972. J'avais acheté il y a longtemps, chez un bouquiniste de  Dijon, le volume précédent, Vers l'invisible, et voici que la suite me faisait signe, d'autant plus que la citation en exergue, qui donne son sens au titre, est tirée de saint Luc : "Reste avec nous, car il se fait tard, et déjà le jour baisse." (XXIV, 29)

Le soir-même, je reprends là où je l'avais abandonnée la lecture de François Cassingena-Trévidy. Or je tombe immédiatement sur le fragment suivant :

"Ils le pressèrent en disant : Reste avec nous, car il se fait tard, et déjà le jour baisse..." (Luc, 24,29) - Ils lui demandaient à demi-mot de les protéger contre l'offensive, contre l'invasion des ténèbres qu'ils secrétaient eux-mêmes comme une humeur maligne. L'homme, l'homme tout seul se fait tellement d'ombre à lui-même ! (p. 138)

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16 août 2010 | Lien permanent | Commentaires (2)

La bêche et le bâton

L'étude qui se développe ici jour après jour sur ce blog est la énième traduction d'une recherche initiée en février 1980. Les quelques pages consignant l'intuition première avaient été rapidement transformées en plusieurs chapitres denses. Chaque tentative de réécriture avait vu se multiplier les rapports symboliques, au point parfois d''y perdre son auteur, délires, dérives, bon grain, ivraie, dont je ne saurais aujourd'hui encore faire l'exact partage. Reprendre aujourd'hui ce travail, ce n'était pas purement et simplement retranscrire ce qui existait déjà sur le papier - qui avait failli être publié, puis avait regagné un relatif oubli dans les profondeurs d'un tiroir. Non, je savais bien pour l'avoir déjà vécu qu'en retraçant le chemin déjà parcouru, j'en arpenterais bientôt un autre. L'internet offrait ses vastes perspectives : non qu'il fut illimité dans ses contenus (en ce qui concerne la géographie sacrée, c'est même carrément décevant ), mais le plus souvent par sérendipité, de nouvelles pistes s'ouvrent soudain et modifient notre parcours. Disons tout de suite qu'aucune inquiétude ne nous accable de ces sauts dans l'inédit, a contrario c'est bien de la joie qui naît de ces rencontres qu'on hésite à dire fortuites. Ainsi une très intéressante étude de José Maria Gracia sur le rite de fondation de la ville, découverte ces jours-ci, prolonge utilement l'investigation sur Verneuil. Examinant la tradition étrusco-latine, le savant ibérique déclare d'emblée que toute fondation est avant tout un rite de fécondation de la terre vierge par l'esprit divin. Rite qui se décompose en deux temps, dont le premier est la contemplatio, effectuée par le magistrat nommé augur. Scrutant le ciel, il y décèle deux méridiens dont le point d'intersection projeté au sol devient l'Axe de la ville, ce qu'on appelle le templum. "Ce caractère d'axe, souligne Gracia, se trouve sans doute symbolisé par le bâton que portait l'augur, au moyen duquel il traçait le diagramme templum soit sur le sol, soit dans l'espace par des gestes." La tradition chrétienne n'a-t-elle pas ici récupéré le schéma antique en prêtant à Saint-Fiacre les attributs même de l'augur latin, à savoir ce bâton avec lequel il délimite le futur jardin potager ? Délimitation qui est une autre phase essentielle du rite : perpendiculairement à chaque axe défini par l'augur aidé de l'aruspice (lecteur des foies aviaires et garant des oracles), le fondateur de la ville traçait quatre sillons formant carré au moyen d'une charrue de bronze symbolisant l'union du ciel et de la terre. Or, selon Gracia,"le mot langala (charrue) et le mot linga dérivent d'une même racine qui désigne la fois la bêche (pelle pour labourer la terre) et le phallus. Le linga est totalement un phallus et, dans la mythologie hindoue, il est symbole de Shiva quant au principe causal et procréateur." La bêche de Saint Fiacre prend sous cet éclairage un tout autre aspect...

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29 mars 2005 | Lien permanent

Jeanne et Jean

L'union des amants est, dans le principe, la même que celle des deux Creuse : « On a vu, dit Jacques Lacarrière, combien le langage anthropomorphique que nous continuons d'employer à propos de l'eau - « l'eau qui chante », « fondre en larmes » - révèle à notre insu les antiques associations entre l'eau et la vie. Aussi, en voyant deux fleuves « mêler leurs eaux » ou « entremêler leurs bras », les poètes antiques pensèrent-ils naturellement à un entrelacement amoureux. Aimer, pour un fleuve, cela consiste précisément à se jeter dans les « bras » d'un autre fleuve. Les confluents sont des lieux de conjonction amoureuse* et « les eaux mêlées » le symbole de l'union absolue. Le fleuve, en effet, possède le privilège de pouvoir s'unir si complètement à sa partenaire aquatique qu'il est ensuite impossible de distinguer les deux conjoints. » (En suivant les dieux, Philippe Lebaud, 1984, p. 100) A l'intérieur de notre secteur Gémeaux, le dernier écho perceptible de cette symbolique émane du Mas Saint-Jean, sur une hauteur boisée près de Dun-le-Palestel, où une petite chapelle, « dont les origines remontent peut-être au XIe siècle, aurait reçu au XIVe siècle la visite de Jeanne d'Arc, accompagnée par Jean de Brosse. Aucun texte ne confirme, ni n'infirme cette légende. Pourquoi ne pas la croire, apprécier le charme du lieu, et contempler le superbe panorama où le Berry apparaît dans le lointain ? » (Gilles Rossignol, Guide de la Creuse, La Manufacture, 1985, p. 85) Sage décision. En fait, il ne s 'agit pas de prêter foi ou non à la légende, mais bien plutôt de déceler le sens qu'elle renferme, et qui est ici on ne peut plus clair : Jeanne et Jean rééditent en filigrane nos couples mythiques. De plus, la situation élevée du lieu a permis l'érection d'un alignement significatif.

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Vers le sud-est, il se dirige sur Puyjean et le Puy de Gaudy, près de Guéret, qui culmine à 651 mètres, ancien oppidum gaulois aux murailles vitrifiées. Des restes de chapelle et une nécropole témoignent de sa fonction religieuse au Moyen Age. Son nom même (du latin gaudium, joie) l'assimile à une montjoie, c'est-à-dire un lieu souvent marqué d'un cairn, d'où les pèlerins ont le grand bonheur d' apercevoir le sanctuaire qui a motivé leur long voyage. Vers le nord-ouest, l'axe passe à Dunet, Dun-le-Palestel (dunum, hauteur fortifiée), pour aboutir aux hameaux de Vaussujean et Lagouttejean. Difficile d'invoquer le hasard, d'autant plus que la carte IGN utilisée pour cette recherche (Dun-le-Palestel, 1/50000) ne mentionne aucun autre lieu « Jean » sur le territoire qu'elle recouvre. La Saint-Jean d'été marque l'apogée de la lumière. Le soleil va maintenant se coucher chaque jour un peu plus vers le sud-ouest. La nuit relève la tête : elle ne domine pas encore en durée, mais elle croît chaque jour, insensiblement tout d'abord. Nous sommes parvenus sous le signe de Cancer. *C'est moi qui souligne.

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05 juillet 2005 | Lien permanent

Triangulum

« Grâce aux libéralités de Louis VII et du comte Thibaut de Champagne, l'établissement devint rapidement l'un des plus florissants de l'ordre cistercien. »

Cette remarque sur l'abbaye de Vauluisant, trouvée sur un site touristique bourguignon, montre bien que là aussi les deux pouvoirs adossés du roi et du comte se sont entendus pour promouvoir de concert ce qu'il faut considérer comme un des hauts-lieux de la région, situé donc en une zone frontalière particulièrement sensible.

Je lis sur le même site que l'abbaye fut fondée par Artaud, abbé de Preuilly, une autre abbaye-fille de Cîteaux, en Seine-et-Marne. Le site des Rencontres de Provins mentionnait, lui, Anseau de Trainel. Je suppose plutôt que l'abbé oeuvra sur une terre concédée par ce grand seigneur champenois. Le village qui porte encore son nom est situé dans l'Aube, sur l'Orvin, un affluent de la Seine qui marque la limite avec le département de l'Yonne.

Le nom même de Trainel n'est pas anodin : je lis qu'il viendrait du latin « triangulum ». Or, nous sommes bien ici à la croisée de trois départements (Aube, Yonne et Seine-et-Marne), qui reprennent l'ancienne partition provinciale entre Bourgogne, Champagne et Ile-de-France.

 

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Me souvenant de la translation du corps de saint Léger d'Artois en Poitou, je me suis demandé si celle du corps de saint Edme, de Soisy à Pontigny, n'était pas marqué par un alignement quelconque. Sachant que Villeneuve l'Archevêque s'enorgueillit d'avoir vu passer le cortège funèbre, j'ai tracé l'axe Soisy- Villeneuve. Or, il passe exactement par le point nodal de rencontre des trois départements, un peu au sud de Trainel, avant de traverser le bois de Trainel (loin du village en question) et d'atteindre l'abbaye de Vauluisant. Si l'on prolonge cet axe, on touche Cérilly qui appartenait pour partie au chapitre cathédral de Sens et à l'abbaye de Vauluisant,
puis Fournaudin, qui appartenait là encore à Vauluisant, et une chapelle au nord immédiat de Chailley, village qui relevait lui de Pontigny.Aucun autre indice notable à relever ensuite.

Mais nous sommes à ce point précis sur le méridien de Pontigny.

L' emplacement de l'abbaye elle-même illustre à merveille la thématique frontalière que nous ne cessons plus de parcourir. En effet, elle est située au pont sur le Serein qui constitue non seulement le point de rencontre des trois diocèses d'Auxerre, de Langres et de Sens, mais aussi celui des comtés d'Auxerre, de Tonnerre et de Champagne, s'il faut en croire André Ségaud.

« Cette implantation, écrit fort justement J.F.Leroux-Dhuys (op.cit. p. 48), n'est pas sans arrière-pensée politique. »

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16 septembre 2005 | Lien permanent | Commentaires (1)

La source secrète

« Boand, femme de Nechtan, fils de Labrad, alla à la source secrète qui était dans la prairie du sid de Nechtan. Quiconque y allait n'en revenait pas sans que ses deux yeux éclatassent, à moins que ce ne fussent Nechtan et ses trois échansons dont les noms étaient Flesc, Lam et Luam.

Une fois Boand alla par orgueil pour éprouver les pouvoirs de la source et elle dit qu'il n'y avait pas de pouvoir secret qui atteignît le pouvoir de sa beauté. Elle fit le tour de la source par la gauche par trois fois. Trois vagues se brisèrent sur elle, hors de la source. Elles lui enlevèrent une cuisse, une main et un oeil. Elle se tourna vers la mer, fuyant sa honte, et l'eau la suivit jusqu'à l'embouchure de la Boyne. C'était elle la mère d'Oengus, fils du Dagda. »

 

Dindshenchas de Rennes, éd. Whitley Stokes, ( in Les Druides, Françoise Le Roux, Christian-J. Guyonvarch, Ogam-Celticum 14, 1982)

Boand (ou Boann) est donc la déesse éponyme de la Boyne, le fleuve qui traverse le comté de Meath (Mide), province centrale dans la géographie sacrée de l'Irlande celtique ( un centre spirituel plus que géographique). J'ai déjà émis l'hypothèse que son équivalent continental serait la Bouzanne berrichonne, qui prend source près d'Aigurande, passe à Neuvy Saint-Sépulchre et se jette dans la Creuse, près du Pont-Chrétien (coulant ainsi de Cancer - les eaux-mères – à Poissons – les eaux océanes ). La Bouzanne serait la rivière matricielle de ce pays biturige qui est par vocation la terre ombilicale (les Bituriges sont, étymologiquement, les Rois-du-Monde, gallois bydd, monde, et rix ou rig, roi).

 

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Source de la Bouzanne
 

La source de la Bouzanne est le lieu d'un pélerinage le mardi de Pentecôte (cette année, il a même eu l'honneur d'accueillir l'archevêque de Lyon, Mgr Barbarin, tout juste revenu du conclave). La statue de la Sainte Vierge y est conduite en procession. Il est encore d'usage de jeter des pièces de monnaie dans le bassin du sanctuaire : offrande gratuite ou espérance d'être exaucé de quelque voeu... Autrefois, l'affaire était plus grave. S. Clément rapporte qu'on amenait de l'eau de la fontaine de Notre-Dame de la Bouzanne aux malades en danger de mort :

« A cet effet trois pélerins de même sexe, de même âge et de même condition que le malade partent ensemble en récitant le rosaire. » (Aigurande et ses sanctuaires, Châteauroux, 1910)

La source, la mort, le ternaire et la divinité féminine : ces quatre éléments sont communs au mythe irlandais et à la tradition aigurandaise. Comme à Vaudouan, mais ici de manière encore plus claire, on peut penser que la dévotion à Notre-Dame a remplacé l'ancien culte rendu à la déesse celtique.

Les deux sites ne sont d'ailleurs pas sans se faire écho. En effet, une propriété proche de Vaudouan, précisément nommée Aiguirande, balise la direction d'Aigurande par rapport à la chapelle.

 

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05 octobre 2005 | Lien permanent

Pilgrimage to Vaudouan

Le pélerinage de Vaudouan - qui se déroule le second dimanche après la Nativité de la Vierge, c'est-à-dire le troisième dimanche de septembre, juste avant l'équinoxe d'automne – consiste en une procession conduite de la chapelle à la fontaine et retour, en prenant soin de contourner les deux édifices dans le sens des aiguilles d'une montre. Cette circumambulation est un rite universel qui se pratique le plus souvent de la manière décrite ici, en gardant le centre à sa droite, autrement dit dans le sens du mouvement apparent du soleil. Dans la tradition celtique, le héros marque ainsi ses bonnes intentions. Dans le sens anti-horaire, la manoeuvre indique au contraire l'hostilité ou l'inimitié. Rappelons-nous l'histoire de Boand qui fait trois fois le tour de la source par la gauche. Citons aussi celle de Cùchulainn qui, au retour de sa première aventure sur la frontière d'Ulster, « fait en sorte que son char présente le côté gauche vers l'enceinte de la capitale, Emain Macha. Le roi Conchobar fait aussitôt prendre les mesures de précaution nécessaires. » (Dictionnaire des Symboles, article circumambulation, p. 620)

Notre-Dame de Vaudouan est invoquée pour la préservation des biens de la terre, et de manière plus générale, son culte est lié à la fécondité : jusqu'aux environs de 1900, les jeunes filles faisaient brûler des cierges près de la fontaine pour faciliter leur accouchement. S'étendant du 23 août au 22 septembre, le signe de la Vierge marque le terme du cycle annuel de l'élément Terre : « avant la terre froide du Capricorne, celle des ensemencements d'hiver ; après la terre grasse, humide et chaude, du Taureau, couverte de la végétation verdoyante et parfumée du printemps. Ici, se présente une terre desséchée par le soleil estival et épuisée de vertus nutritives, sur laquelle se couche l'épi fauché, en attendant que le grain sec se détache de l'épi, en même temps que de son enveloppe. Le cycle végétal s'achève sur une terre nouvelle, vierge, destinée à recevoir ultérieurement la semence. D'où la représentation du signe par une jeune fille, vierge ailée portant épi ou gerbe. » (Dictionnaire des Symboles, article vierge, p. 1012) La ville de Sainte Sévère, sur la pointe du secteur, blasonne aux deuxième et troisième quartiers d'azur à trois gerbes de blé d'or, armes de la famille de Brosse. En 1731, on voit encore les habitants de cette ville venir à Vaudouan y implorer la fin d'une terrible sécheresse. Jean-Louis Desplaces signale par ailleurs, dans son Florilège de l'eau en Berry (volume 3, 1986), que le pélerinage était jadis accompagné de la bénédiction des semences.

 

Ce n'est pas tout : on venait aussi à Vaudouan pour obtenir la guérison des maladies de la pierre, des hernies, de la gravelle. « La ville de La Châtre ayant des enfants subjects à la descente des boyaux, écrit M. de Gamaches, se vouant à la Sainte-Vierge, en étaient aussitôt guéris que la neuvaine était achevée. » (cité par Villebanois, La véritable histoire de N. D. de V., p. 26-29). Or l'on sait que le signe de la Vierge a été mis en rapport avec les intestins, le ventre et les reins.

Il nous reste à examiner le parcours lui-même du pélerinage. Le voici, indiqué sur un extrait du cadastre. Je l'ai longtemps regardé avant de repérer la forme qui y est, à mon sens, dissimulée. Je vous laisse provisoirement sur cette question.

 

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07 octobre 2005 | Lien permanent | Commentaires (3)

Ganymède et Cernunnos

Chapitre 5 : "Comment Gargantua naquit de bien étrange façon"

 

Peu de temps après, elle (Gargamelle) commença à se lamenter et à crier. Aussitôt, arrivèrent en masse des sages-femmes de tous côtés (...). Alors une vilaine vieille de la compagnie, qui avait la réputation d'être guérisseuse, venue de Brisepaille d'auprès de Saint-Genou depuis soixante ans, lui administra un astringent (...). Cet obstacle fit se relâcher, au-dessus, les cotylédons de la matrice, par où l'enfant jaillit, entra dans la veine cave et, grimpant par le diaphragme jusqu'au-dessus des épaules, où ladite veine se sépare en deux, prit le chemin de gauche et sortit par l'oreille gauche.

Dès qu'il fut né, il ne cria pas comme les autres enfants : "Mi! mi! mi!", mais il clamait à pleine voix : "A boire ! A boire ! A boire !", comme s'il invitait tout le monde à boire.


En 1989, dans le première version de cette étude, je continuais ainsi ma pérégrination en Verseau :

medium_cernunnos.2.jpg "Plus loin, à Vendoeuvres, a été trouvé un autel " provenant sans doute de l'église, dit Brigitte Rochet-Lucas, représentant sur une face un Apollon citharède, accompagné d'un corbeau (ou chouette ?) et sur l'autre face un enfant qui semble tenir une outre ou un vase, entre deux personnages nus debout sur un serpent." Il s'agit là de notre verseau, le Ganymède de la mythologie, dont la grande beauté provoqua l'amour de Zeus, qui se changea en aigle pour prendre le jeune homme dans ses serres et le placer dans l'assemblée des Dieux. Il y verse l'ambroisie, l'hydromel ou le nectar, nourritures et boissons d'immortalité. Dans l'iconographie chrétienne, il devient ange, aussi "Verseau enveloppe-t-il le pays d'Agen, anagramme évident pour l'ange verseur des eaux.(G-R Doumayrou, op. cit. p. 78) Et Michel Serres d'écrire :

"Je ne sais pas vraiment, dit-elle, ce que signifie ce mot d'Yquem. Je constate seulement que le dixième ordred 'anges, chez Ben Maïmon, après les  séraphim, éloïm ou cherubim, se nomme ychim. Ofamim, rapides ; seraphim, étincelles ; malakim, envoyés ; ychim, animés.
Esprits animaux survolant la colline ainsi nommée ; archanges en myriades échappés du goulot." (Les cinq sens, op. cit. p. 187-188)

Il importe aujourd'hui de compléter ce passage : l'autel de Vendoeuvres est bien sûr cette stèle de Cernunnos dont j'ai déjà parlé ailleurs.



Le Verseau peut-il vraiment être identifié à ce dieu-cerf que l'historienne Anne Lombard-Jourdan identifie comme le dieu-père, le Dis pater mentionné par César, et dont un avatar ne serait autre que le géant Gargantua, dont la lecture "à plus hault sens" de Rabelais  nous permettrait de restituer quelque peu la mythologie ?


Jeune et imberbe sur la stèle, selon les propres termes de sa description, il partage ces traits avec Ganymède, le plus bel adolescent de la Grèce selon la légende. Mais au-delà de ces apparences, c'est leur fonction à tous les deux qui au fond les rassemble : Ganymède sert à boire, on l'a dit, or quelle est la principale préoccupation de Gargantua et de ses compagnons, sinon celle de boire encore et encore. Et ceci dès la naissance, puisque sortant de l'oreille gauche de Gargamelle, l'enfant criait déjà : "A boire ! A boire !"
Anne Lombard-Jourdan rapproche le célèbre passage du "Propos des bien yvres" du mythe  du combat du serpent et du cerf, qui lui semble être au fondement de notre passé religieux et culturel :

"Après s'être régalés à satiété de tripes, les compagnons de Grandgousier allèrent tous à la Saulsaie danser et boire sur l'herbe drue au son des flageolets et des cornemuses. Rien là en apparence que d'honnêtes divertissements. Il est pourtant question aussi d'autre chose.
Rappelons que, selon les auteurs classiques et médiévaux, le cerf, après avoir dévoré le serpent dont le venin l'échauffe et le dessèche, éprouve la nécessité incoercible de boire, puis, sa soif assouvie, le besoin de s'agiter pour combattre et évacuer à tout prix le poison qu'il vient d'ingérer et qui menace de circuler jusque dans ses veines.
C'est le processus que Rabelais met en scène dans le chapitre V de
Gargantua qui rapporte les Propos des bien yvres. Les compagnons de Grangosier boivent abondamment, mais à bon escient  et dans un but précis :"Puis entrèrent en propos de resieuner on propre lieu." L'apparition immédiate de jambons a pu faire comprendre "resieuner" dans le sens de "déjeuner". Mais il s'agit en réalité d'un équivalent forgé par Rabelais du verbe "rajeunir" (l'ancien français dit "rejeunir" et "renjeunir ou rajouvenir").
C'est bien à rajeunir que vont s'employer à la Saulsaie les buveurs compagnons de Grandgosier. Ils appartiennent à toutes les classes et à toutes les professions. Ils boivent sec le vin pur et dansent sur l'herbe, à la façon dont le cerf mythique boit l'eau de la fontaine "et puis court sa et là". Leur but est de faciliter le mélange de la boisson avec le venin du serpent contenu dans les tripes du cerf qu'ils viennent de manger, afin d'expulser leurs  humeurs malignes et d'apaiser la fièvre qui les tient. Les "bien yvres" préfèrent boire le vin sans eau, mais ils obtiendront le même résultat : le renouveau du corps après une sérieuse purgation." (Aux origines de Carnaval, Odile Jacob, 2005, p. 40)

Si l'on n'est pas convaincu par ces rapprochements, qu'on retourne maintenant à la citation rabelaisienne ouvrant  cette note : qui procède à l'accouchement de Gargantua, alors que des tas de sages-femmes accourues de tous côtés ont failli à la besogne ?  Eh bien une vilaine vieille,  à la réputation de guérisseuse,  "venue  de Brisepaille d'auprès de Saint-Genou". Or, où est Saint-Genou, sinon dans l'Indre, sur les rives même de celle-ci, à une quinzaine de kilomètres seulement de Vendoeuvres, en pleine zone Verseau.

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Il faut se pencher sérieusement sur Saint-Genou. 

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15 mai 2007 | Lien permanent

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