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Rechercher : saint Denis

La Dame de la Font-Chancela

L'investigation sur les fontaines initiée en Vierge nous a conduits, on l'a vu, à dépasser le cadre strict de la zone lui étant dévolue, sans pour autant renoncer à cette rigueur profonde présidant à l'élaboration de la géographie sacrée. Simplement les secteurs zodiacaux ne sont pas étanches, sévèrement cloisonnés, séparés les uns des autres comme si chacun était une entité distincte et indépendante : chaque signe, nous avertit Alexandre Ruperti, résonne d'une manière ou d'une autre à tous les autres signes (La Géométrie du Ciel, I, avec Marief Cavaignac, Rocher, 1987, p. 53). Aussi certaines configurations comme celle que nous venons d'étudier se développent-elles sur le zodiaque tout entier, car les thèmes qui les sous-tendent dépassent le seul moment représenté par un signe particulier.

Mais s'il s'agit de désigner simplement un moment particulier, une période bien déterminée, les indices internes au signe sont suffisants. Ainsi en Balance, non loin de Lourouer Saint-Laurent, à Thevet Saint-Julien, se déroule tous les ans un pélerinage en l'honneur de saint Silvain, le dimanche qui suit le 22 septembre, c'est-à-dire le dimanche suivant l'équinoxe d'automne. Même date à la Celle-Bruère, près de Meillant, dans le Cher, qui conserve le tombeau du saint (sur la vie légendée de celui-ci, lié à l'origine à la cité de Levroux dans le Capricorne, nous reviendrons plus longuement lors de l'étude de ce signe).

 

D'autres villages des environs de La Châtre sont également riches de références à l'équinoxe : à Lacs, encore en Vierge mais très proche de l'axe équinoxial, on rapporte qu'autrefois les jeunes filles, aux approches de l'équinoxe, cueillaient dans les prés des primevères pour en faire des bouquets qu'elles jetaient en l'air en direction du soleil, pour s'attirer ses bienfaits. Il s'agit évidemment là de l'équinoxe de printemps. Plus significative encore est la légende de la Font-Chancela, recueillie par Laisnel de La Salle :

 

« Dans la paroisse de Lacs, quelques vieilles filandières parlent encore de la Dame de la Font-Chancela, qui avait coutume de prendre ses ébats par les beaux clairs de lune, dans un pré qui avoisine la fontaine de ce nom et qui, pour cette raison, est appelé le pré à la dame. Elle était douée d'une incomparable beauté. Un seigneur des environs qui était tombé amoureux, parvint plusieurs fois à l'enlever mais à peine l'avait-il placée sur son cheval pour l'emporter à son manoir, qu'elle lui fondait entre les bras et lui laissait, par tout le corps, une impression de froid si profonde et si persistante que toute flamme amoureuse s'éteignait à l'instant dans son coeur et qu'il en avait pour une année avant de songer à un nouvel enlèvement. » (Traditions Populaires Comparées, in Revue du Berry, 1864, p, 307-308).


« Il s'git vraisemblablement d'un mythe en rapport avec le cycle des saisons (...) », explique B, Rochet-Lucas, qui relate aussi la légende. Cet enlèvement évoque bien sûr celui de Perséphone par Hadès, mais son échec renouvelé chaque année illustre le moment décisif et fugace de l'équinoxe, où les nuits sont égales aux jours en durée. Equilibre précaire puisque les nuits ne tardent pas à l'emporter, laissant le froid automnal s'installer en maître. La Dame ne serait autre que la Vénus Aphrodite de Balance, déesse de la beauté idéale, tandis que ces vieilles filandières dont Laisnel de la Salle a recueilli la mémoire ne sont pas sans nous rappeler les Fileuses de Crozant, en Taureau, signe également sous la maîtrise de Vénus.

Ce combat du jour et la nuit, de ce qui croît et de ce qui diminue, « était symbolisé, nous dit Jean Richer, par la lutte dramatique de l'Aigle qui monte vers le soleil et du Serpent qui rampe dans l'ombre. En fait la meilleure représentation de cette période de l'année montre le Serpent redressant la tête, car c'est lui qui triomphe alors. » (Géographie Sacrée du Monde Grec, op. cit. p. 155). Au nord de La Châtre, se hissant au-dessus de l'axe équinoxial, voici donc Montgivray, à l'origine Maugivray, la mauvaise guivre, autrement dit la vipère. Quant à l'Aigle, peut-on en voir un rappel dans les trois alérions d'azur du blason d'Issoudun (armes reprises à la famille de La Trémoille), cette ville se situant en Sagittaire, au plein nord de Montgivray ?

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31 octobre 2005 | Lien permanent

Le portulan occulte

 

Ph. Audoin : « Plus précise encore est l'indication que donne l'écu en targe que tient ostensiblement le pèlerin : au centre, un coeur ailé, chargé d'une croix en tau (dite croix de saint Antoine) ayant à sa pointe un croissant de lune renversé, et surmonté d'un soleil ; autour, cinq étoiles, trois en chef, deux en pointe – ce qui nous fait, en comptant le soleil et la lune, les sept métaux traditionnels, qu'on voit toujours, dans les planches didactiques, témoigner pour l'oeuvre à son début. »

 

J'incline à considérer Tranzault comme le coeur même de la croix en tau dont la barre supérieure serait figurée par l'axe Sarzay-Lys . Lys, avec son donjon massif elliptique, représenterait alors la Lune, principe féminin, tandis que Sarzay, par les cinq tourelles de son donjon, exprimerait les cinq étoiles du blason. Le soleil (grec helios) pourrait, lui, avoir quelque rapport avec Hélyon II « le brave », seigneur de Barbançois-Sarzay, dont la curieuse biographie est incontestablement marquée par le chiffre 7 : mariage le 25 octobre 1507 avec Emée du Plessis (deux lieux-dits le Plessis repérables sur l'axe Neuvy-Bourges), duel à l'âge de 70 ans, ordonné par le conseil du roi le 1er octobre 1537 et, après la victoire contre toute attente sur le sire ennemi, trépas sept années plus tard (Château de Sarzay, T. Massereau, opuscule).

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« Le coeur croisé, ailé, dont, selon la table d'Emeraude, le soleil est le père et la lune la mère, est exactement équivalent au coeur de l'argentier, croisé lui aussi, et chargé d'une coquille. Il marque la conjonction des deux principes et par ses ailes, auxquelles celles de l'ange initiateur ajoutent un écho redondant, il attire l'attention sur la volatilité du Mercure qu'il convient avant tout de réduire ou de fixer. »

L'axe, on l'a déjà dit, passe à Saint-Août. Or le mois d'août est en grande partie sous le signe du Lion, dont la partie du corps correspondant dans la doctrine astrologique est le coeur (et notons que l'axe traverse également la forêt de Choeurs). On peut d'ailleurs se demander si cette rencontre réconciliatrice à Lys Saint-Georges entre Philippe Auguste et Richard Coeur de Lion, uniquement rapportée par une tradition orale, ne masque pas là encore la conjonction de deux principes antagonistes.

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« C'est à ce point que la petite fée de Bourges peut livrer quelque chose de son secret.

Elle est en effet comparable, à plus d'un titre, au jeune éphèbe mercurien qui gouverne la deuxième clé de philosophie de Basile Valentin. Il est placé, comme le coeur croisé du pèlerin, entre le soleil et la lune. Ses épaules ne portent que de petites ailes courtes de poulet ; à ses pieds gisent de grandes ailes, emblèmes de cette volatilité que le combat du fixe, exprimé par un serpent, et du volatil, traduit par un aigle, lui ont fait perdre.(...) »

 

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Basile Valentin- IIème clé

A Mers-sur-Indre, second jalon sur l'axe Neuvy-Bourges, confluent l'Indre et la Vauvre. Coïncidence hydrographique judicieusement exploitée pour exprimer la fusion, dans la Mer Philosophique (de la même manière que Mouhers, dans le retour sur Cluis), du principe humide (la Vauvre, rivière qui « serpente », autrement dit la Vouivre) et du principe igné (l'Indre qui vient de recevoir les eaux de l'Igneraie).

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« Il faut maintenant se mettre à ses pieds : l'entrelacement des osiers qui clôturent le jardin d'où naît cette aimable fiancée, évoque parfaitement les mailles et les macles que nous avons déjà rencontrés sur le chemin de saint Jacques. Ce réseau de croix, ce tissu de losanges est, on l'a dit, le signe matériel de la parfaite union du soufre et du mercure, le signe de l'étoile polaire sur laquelle l'artiste doit, dit-on, gouverner sa marche. »

 

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La géographie sacrée est bien cette résille invisible qui quadrille les pays berrichon et marchois, le portulan occulte sur lequel se régle la marche des destins : la ligne Tranzault-Lys prend tout son sens en désignant Arthon, l'Ourse, la Polaire. Ainsi donc ce croisement de Tranzault réunit dans une même figure les deux hauts-lieux polaires depuis l'antiquité biturige, Arthon et Avaricum.

 

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10 février 2006 | Lien permanent | Commentaires (4)

Eudes l'Ancien et le pentagramme

Complément d'information au sujet de la numismatique déoloise : le premier seigneur de Déols à ouvrir un atelier monétaire dans son donjon  est Eudes dit Eudes l'Ancien. Ses pièces ne présentent pas encore le sceau de Salomon, mais une étoile à cinq pointes, un pentagramme. Or, c'est le même Eudes l'Ancien qui a grandement inspiré la fondation de la rotonde de Neuvy Saint-Sépulchre.

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Frapper monnaie, édifier un monument en forme de réplique du tombeau du Christ, sont les signes d'une puissance manifeste. Eudes n'a pu y parvenir que parce qu'il avait réussi auparavant, dans cette première moitié du XIème siècle,  à mettre sous sa coupe un certain nombre de territoires limitrophes : "C'est ainsi qu'il adjoint à sa chatellenie :
- le fief d'ARGENTON, au Sud, qui lui permet de contrôler la haute vallée de la Creuse ;
- la seigneurie d'ISSOUDUN, au Nord-Est, qui le met en contact avec le domaine royal ;
- les seigneuries de LA CHATRE et CHATEAUNEUF-sur-CHER, à l'Est.
   La suprématie déoloise est donc assurée grâce au contrôle de toute la région comprise entre le Cher, la Gartempe et l'Anglin."

(Histoire de Châteauroux et de Déols (en coll. avec Jean-Noël Delétang, Michel Garraut, René Pêcherat et Jacques Tournaire), Coll. Histoire des Villes de France, Ed. Horvath, Roanne, 1981, p. 17.)


A ceci il faut ajouter qu'il avait participé au rétablissement de l'abbaye Saint-Ambroix de Bourges et fondé en 1013 le chapitre de Levroux. Toutes ces terres, nous l'avons vu, portent les traces d'une géographie sacrée.
Eudes de Déols que l'écolâtre de Poitiers, Hildegarde, recommandait à Fulbert de Chartres comme un "homme de grande sagesse", apparaît donc véritablement comme le grand ordonnateur de ce symbolisme sidéral.
Le pentagramme n'est-il pas le symbole majeur des pythagoriciens de l'Antiquité, qui y voyaient le signe de l'harmonie et de la perfection ?

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12 avril 2007 | Lien permanent

Le soleil se lève à Sauzelles

 

Retour à Sauzelles. Seul et de bon matin. Dans la pénombre d'avant l'aube je laisse la voiture à Mijault et reprends le chemin qui remonte la rive gauche de la Creuse. J'ai de la chance, le ciel hier très nuageux s'est dégagé pendant la nuit et je devrais voir le lever du soleil sur le Saint Fleuret. Dans ma poche, la boussole l'autre jour oubliée.

M'y voici. Les trois personnages de roche m'attendent, infiniment patients sous leur niche de calcaire. J'escalade le petit sentier et c'est comme si je retrouvais de vieux amis déjà, avec la simple certitude d'être ici à la juste place.

 

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La boussole confirme ce que je pensais, mais la précision de la mesure me laisse rêveur : le champ de la roche est exactement axé nord-sud, ce qui met les trois figures dans la direction de l'est, de cet orient d'où surgit un peu plus tard, de l'autre côté de la rivière, au-dessus du plateau surplombant Bénavent*, le disque orange du soleil levant.

 

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Etincelant à travers le lacis des branchages encore défeuillés, il va rapidement donner à la roche de subtiles teintes rosées, tout en faisant rutiler la Creuse en contrebas. Moment magique.

 

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Cette orientation ne peut être fortuite. La roche originelle a été très évidemment choisie et taillée pour que la stèle s'illumine de ces rayons matinaux. Les mânes des défunts représentés ici devaient trouver satisfaction de cette épiphanie quotidienne.

 

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* Bénavent, Bonus Adventus selon A.F. Aude (Bénavent en Berry et Son Prieuré, 1174-1899), qui signe la bonne arrivée, l'heureux avènement, très clairement ici la (re)naissance de l'astre solaire. La chapelle de Bénavent se situe sur l'horizon oriental du Saint Fleuret comme le montre la carte suivante.

 

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NB : L'article Wikipédia sur Sauzelles comporte un extrait de l'un de mes textes. Cela ne me dérangerait pas outre mesure si la source était citée. Ce n'est hélas pas le cas et aucun renvoi n'a été opéré vers ce site. Je m'en vais protester.

 

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06 avril 2009 | Lien permanent | Commentaires (4)

Cartes du ciel

Elles n'infirment, ni ne confirment mon hypothèse sur la nature mithraïque du martyre de Saint Sernin, mais elles sont un témoignage supplémentaire de la richesse historique de la basilique toulousaine. Elles, ce sont les deux cartes du ciel situées dans la galerie inférieure nord. En vrai amoureux des cartes, je ne pouvais les passer sous silence. C'est ma recherche actuelle qui m'a fait découvrir inopinément leur existence à travers un article de Bernard Ducourau, conservateur du patrimoine, initialement paru dans le numéro 22 de la revue Monumental en septembre 1998.

A côté d'une première carte en grande partie illisible, une autre « conservée dans sa plus grande partie représente l'univers dans sa conception qui prévaut jusqu'à De Revolutionibus de Copernic en 1543. La terre est au centre d'un Univers composé de douze cercles concentriques. Les six premiers portent un astre, nommé en latin : Luna Lobus, la lune ; Luna Mercuris, Mercure ; Circulum Venusis, Vénus ; Casa Solis, le Soleil ; Sfera Martis, Mars ; Celium Jovis, Jupiter. Le septième cercle est la trajectoire de Saturne. L’astre, invisible sur la partie conservée du cercle, a été vraisemblablement situé à l'endroit d'une lacune, au droit du soleil. Le cercle suivant est constitué d'une multitude d'astres disposés à peu près tous les 10° : la « barrière des étoiles fixes », qui clôt l’univers stellaire. Quatre cercles suivent : le premier est le Premier mobile, qui donne à l'univers son mouvement rotatif. Les trois autres peuvent correspondre aux sphères célestes où siègent les neuf catégories d'anges (3). Sur le dernier, le douzième, Empyrée, limite de l'univers, trône Dieu, ici non représenté. Trois continents sont nommés sur la Terre, sans tracé géographique : Europa, Africa, et Asia. Un axe nord-sud partage la Terre. » Ce qui est remarquable, c'est la position probable de Saturne : « Si la disposition approximative des astres tous les 60 ° avait été respectée, ajoute en note B. Ducourau, Saturne aurait été en bas à gauche de la carte. Or, à cet endroit, en bon état de lisibilité, il n'apparaît aucune trace de figuration. Deux hypothèses à ce manque : soit le peintre a oublié de porter Saturne, ce qui paraît peu probable, cet oubli pouvant avoir été corrigé par la suite ; soit la planète se situait là où aujourd'hui se trouve une importante lacune, au-dessus du soleil, en haut et au centre de la carte. Cette localisation à première vue illogique pourrait s'expliquer par la volonté de placer dans une position d'évidence l'astre d'où découle le nom du saint patron de l’édifice. »

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23 mai 2005 | Lien permanent

De l'importance du Berry

« Légendes et traditions furent, en Irlande, mieux protégées que sur le continent. Mais il existe aussi en France une région qui fut tenue relativement à l'écart des agressions diverses, un isolat où il s'avère que furent mieux conservées les croyances et les traditions du terroir. Il s'agit du Berry où les habitants, paysans pour la plupart, les perpétuèrent plus longtemps qu'ailleurs, loin des grandes routes d'influence. Les moeurs et coutumes de cette contrée différaient tellement, au XVIIIe siècle encore, de celles du reste du royaume que Victor Riqueti, marquis de Mirabeau, pouvait conseiller au roi Louis XV « de réunir le Berry à son empire au lieu de conquérir des provinces étrangères » (L'ami des hommes, 1756). « Cette contrée, écrit de son côté Laisnel de la Salle en 1875, quoique située au beau milieu de la France, ne semble réellement avoir été découverte que de nos jours. » L 'indifférence à l'égard de l'Eglise, constatée au XIXe siècle dans cette région, a pu être attribuée au fait qu'elle ne fut jamais complètement christianisée. Ce lieu conservatoire fut le refuge d'où Charles VII, le « roi de Bourges », résista aux Anglais. C'est en Berry que refirent surface, en leur temps, Gargantua et Mélusine. La plupart des auteurs qui furent nos guides ont un lien avec le Berry et le Poitou : ce sont Pierre Bersuire, Jean d'Arras et Couldrette, Rabelais, Henri Baude, du Fouilloux et autres. » (Anne Lombard-Jourdan, Aux origines de Carnaval, Odile Jacob, p.235)

Voici donc, extrait de ce livre acheté samedi matin dans ma bonne librairie Arcanes, des lignes essentielles qui renforcent, s'il en était besoin, ma conviction profonde que cette région que j'étudie, et où j'ai l'heur de vivre, est dépositaire d'une tradition ancestrale, perpétuée par les Celtes Bituriges (étymologiquement les rois-du-monde) et entretenue au moins jusqu'à la Renaissance. J'espère trouver dans cet ouvrage prometteur de nouvelles pistes d'interprétation.
Je me suis également offert ce même jour un autre ouvrage paru très récemment : Histoires de saints, Leur rôle dans la formation de l'Occident, par Aviad Kleinberg (Bibliothèque des Histoires, Gallimard, avril 2005). Etant donnée la place qu'occupent les vies de saints dans la géographie sacrée, je ne peux qu'être curieux de ce qu'en rapporte cet historien des religions et professeur à Tel-Aviv. Deux volumes sur lesquelles j'aurai très certainement l'occasion de revenir dans les prochains jours, après ce passage promis par la botanique astrologique.

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20 juin 2005 | Lien permanent

La corne du Bélier

"La carte du monde imaginable n'est tracée que dans les songes. " Charles Nodier (Rêveries), cité par Gaston Bachelard. De retour ici, je vois bien que je ne tiendrai pas ma feuille de route. J'avais imaginé de déployer cette étude de géographie zodiacale au fil des mois et des signes traversés, ce pourquoi j'avais ouvert ce blog le jour de l'équinoxe de printemps. Mais le Taureau pointe son mufle alors que je suis loin d'en avoir terminé avec le Bélier. La bête est plus longue à tondre que prévu et il me faut donc renoncer, au moins provisoirement, à l'adéquation du zodiaque terrestre et du zodiaque temporel, à la synchronie des parcours. Ici le chemin s'invente au fur et à mesure de la marche, et aux voies directes nous nous réserverons toujours le droit de préférer les chemins de traverse. Disons qu'il est des retards et des détours qui ne sont pas forcément des pertes de temps. J'en étais resté à Luzeret, ce petit village au sud d'Argenton qui s' honorait d'un Saint Vivien, évêque de Saintes bien mystérieux. En fait, ce n'est pas le seul lien existant sur la commune avec la Saintonge puisque en aval de la Sonne, la petite rivière qui arrose Luzeret, on trouve les vestiges de l'ancienne abbaye de Loudieu (de loco dei, à l'origine, c'est-à-dire le lieu Dieu ). Or celle-ci relevait de l'abbaye de Fontdouce, sise en Charente-Maritime. Les deux édifices sont pareillement situées dans un vallon, près d'une source (à la Loudieu, elle est même réputée miraculeuse : elle guérirait les maux d'yeux), à l'instar de la plupart des abbayes cisterciennes (d'ailleurs, le pape Alexandre III, dans une bulle du 31 décembre 1163, ordonnera aux religieux de suivre la règle de Cîteaux). Fondée en 1111, Fontdouce s'était développée grâce à Aliénor d'Aquitaine dont les dons avaient permis la construction d'un second monastère de style gothique. La souveraine serait d'ailleurs figurée par une tête tricéphale à quatre yeux qui regardent dans trois directions. Il semble a priori hasardeux de rapprocher le nom de la rivière, la Sonne, du nom allemand du soleil, mais les influences tudesques sont-elles si rares dans notre langue ? Remarquons que le fondateur de Fontdouce n'est autre que le dénommé Wilhelm de Conchamp , seigneur de Taillebourg ( Wilhelm est le pendant germanique de Guillaume). Repensant à nos Wisigoths, nous observerons aussi que la forme gothique du soleil est sunno. D'ailleurs, selon le Dictionnaire Historique de la Langue Française (Robert, 1992), le latin classique sol "appartient à une famille de mots indoeuropéens désignant le soleil, affectant des formes diverses qui impliquent une racine avec alternance l-n dans la flexion ; sol proviendrait d'une forme ◦swol- ; le grec hêlios (→hélio-) d'un ◦sawelios." La racine grecque, nous la retrouvons dans le mythe même de Chrysomallos, le bélier ailé à la toison d'or, en la personne de Hêllé, la lumineuse, fille d'Athamas, roi d'Orchomène. Voyant son pays dévasté par la sécheresse et la famine, cet Athamas envoya à Delphes des députés pour consulter l'oracle d'Apollon. Soudoyés par Ino, la seconde épouse d'Athamas, qui haïssait les enfants du premier lit, Hêllé et son frère Phrixos (le bouclé), ils déclarèrent que leur sacrifice était nécessaire à l'apaisement des dieux. Le brave bélier, qui avait eu vent du complot, emporta alors les deux enfants dans les airs. Mais l'une de ses cornes se brisa et la jeune fille tomba dans la mer, qu'on nomma dès lors Hellespont, aujourd'hui le détroit des Dardanelles. Parvenus en Colchide, Chrysomallos ordonna à Phrixos de l'immoler puis il monta au ciel où il devint le premier signe du zodiaque. Sa toison d'or fut alors cachée par Phrixos dans un bois consacré à Arès (maître traditionnel du signe) et devint l'objet de la quête des Argonautes menés par Jason.

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"The Sacrifice of Phrixos and Helle" Lucanian Red Figure Nestoris C4th BC Cambridge, Harvard University Art Museums 1960.367 J'aime à croire que c'est pour porter souvenir du bris de la corne de Chrysomallos que l'alignement Luzeret - Neuvy Saint-Sépulchre passe par Malicornay, ancienne place forte et paroisse dépendant, comme Luzeret d'ailleurs, de l'abbaye de Déols (mais je note aussi qu'un étang Malicorne existe au nord du village, à quelques kilomètres, au milieu des bois). L'astrologue Jean-Pierre Nicola propose une interprétation du mythe qui n'est pas sans intérêt : "La Fable exalte la jeunesse... votre jeunesse. Elle oppose le divin au terrestre. Les enfants de Néphélé sont les fruits des nuages et du vent (Athamas est fils d’Eole, dieu du vent)... Une belle-mère calculatrice veut les supprimer pour que ses propres enfants, créatures terrestres, héritent du pouvoir temporel. Ses calculs sont mauvais. " En effet, Athamas, instruit plus tard des visées d'Ino, tua leur fils Léarchos dans une crise de folie. La jeunesse, les enfants, je les retrouve encore, liés à cet élément aquatique décidément omniprésent, en relisant Le florilège de l'eau en Berry, de Jean-Louis Desplaces (2ème volume, Buzançais, 1981) : j' avais oublié qu'outre l'église, la paroisse de Luzeret abrite une fontaine Saint-Vivien. Situé à 60 mètres au sud de l'édifice religieux, sur les bords de la Sonne, elle était le but d'une procession le 28 août. On invoquait alors Saint-Vivien pour la fièvre des enfants : le rituel consistait en trois tours d' église et la palpation d'une des deux statues en plâtre du saint.
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Maintenant si nous prolongeons l'axe Luzeret-Neuvy vers le sud, nous atteignons le village de Liglet, qui forme avec le village de Lignac et le hameau de Lignat un autre alignement (le terme ne convient-il pas parfaitement ici ?) loin d'être anodin. A suivre, bien entendu.

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22 avril 2005 | Lien permanent

Le chien de Crémieu

Je voudrais finir l'examen du thème du chien avec une curiosité relevée il y a plus de vingt ans par Marc Lebeau, fidèle lecteur du site et commentateur régulier (j'avais offert à Marc de relater lui-même sa découverte, mais il a décliné la proposition, s'en remettant à votre serviteur, à ses risques et périls... ceci dit, il pourra toujours apporter en commentaires les précisions qu'il jugera utiles...). Je dois avouer que je n'ai pas tout de suite été convaincu par ce qu'il avançait, et même encore aujourd'hui, il me reste des doutes. Cependant, il me semble intéressant de passer outre et de présenter à un plus large public ce que Marc appelle le géoglyphe du chien de Crémieu, en l'occurence une vaste figure de chien émergeant des lignes du relief de cette région proche de Lyon.

 

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Chien de Crémieu (contour souligné)

Sur une carte IGN au 1/100000ème, le chien apparaît avec plus de netteté que sur la carte routière où son tracé est souligné. Les parties les plus marquées sont la partie Est, qui suit la vallée du Rhône, et la partie Nord-Ouest, constituée des falaises du secteur de Larina (elles surplombent la plaine et la centrale nucléaire du Bugey). La partie Sud-Ouest est, elle, formée de reliefs plus adoucis, séparés de la plaine environnante par une zone d'anciens marécages drainés (ces marécages apparaisssent avec clarté sur la carte de Cassini de cette région). Ensuite, la partie Sud, la moins prégnante, est cependant indiquée par une vallée peu profonde mais bien réelle, celle de la Bourbre, qui « sépare assez nettement, je le cite (courriel personnel), ce qui appartient plutôt à l'ensemble de l'Ile Crémieu, de ce qui appartient à l'Isère proprement dite (on change de »pays »). Cet axe ancien de circulation et de développement se lit également par les divers réseaux, routes et train, sans compter les villes, bourgs et bourgades. » Enfin, « l'oeil » du chien « est très nettement marqué par un ensemble de petites reculées proches de Crémieu. »

 

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Cette tête de chien est en elle-même identifiable. Selon Marc, la seule race qui corresponde à cette silhouette est le chien dit « Lévrier des Pharaons », chien maltais, des plus anciens, qui doit son nom à sa ressemblance avec Anubis, le Dieu des Morts égyptien. Et il importe de préciser qu'il ne connaissait pas du tout cette race de chiens avant de découvrir le géoglyphe.

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Anubis


Autre détail significatif : trois chapelles dédiées à Saint-Roch, saint que l'on représente généralement accompagnémedium_saint_roch.jpg d'un chien, sont très exactement alignées dans le cadre donné par le géoglyphe. Il s'agit des chapelles de La Balme, de Courtenay et de La Tour du Pin. Selon Marc, elles représentent l'alignement des étoiles Muliphen, Sirius et Mizar de la constellation du Grand Chien (Canis Major). Les proportions des distances entre les différentes chapelles correspondraient exactement aux proportions entre les étoiles correspondantes.

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Une chapelle dédiée à Saint-Canis1 se trouve même au-dessus du hameau de Rix, riverain du Rhône, sur la commune de Lhuis !


Enfin, signalons à l'extrémité septentrionale de la tête, à Saint-Sorlin en Bugey, l'existence d'une fresque de Saint-Christophe, datée du début du XVIème siècle.


Selon Marc, tout zodiaque géographique a son chien, autrement dit son gardien du seuil. « Situé en dehors des constellations zodiacales, à côté d'Orion, le chasseur céleste, la constellation du Grand Chien (Canis Major) se situe entre les signes des Gémeaux et du Cancer. » Ayant repris depuis plusieurs années l'hypothèse d'un certain Pierre Plantard sur un autre zodiaque2 centré sur Bourges, (en en modifiant sensiblement l'ordonnancement), le géoglyphe du chien se trouverait justement placé entre Gémeaux et Cancer.


Tout ceci est bien sûr à discuter. Le chien n'est pas le seul gardien possible : Jean Richer indique, par exemple, dans Iconologie et Tradition, le sphinx comme gardien de l'occident et le griffon comme gardien du nord. Il reste que cette figure émergée des cartes est assez stupéfiante pour nous interroger. La géologie se plierait-elle au désir secret des hommes ? La nature a-t-elle sciemment oeuvré pour dessiner cette forme ? J'inclinerais plutôt à reprendre ce qu'écrivait Guy-René Doumayrou sur la partition astrologique du pays toulousain, à savoir qu'elle « a dû se faire au prix d'observations séculaires, intégrant peu à peu les coïncidences orographiques et tirant même profit des accidents de l'histoire, réduite de la sorte au rôle d'ornement. » (Géographie Sidérale, op. cit. pp. 49-50.)




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1S'agit-il du saint irlandais du VIème siècle, Canice, Kenneth, Cainnic (les graphies sont diverses), qui donne son nom à la ville de Kilkenny ainsi qu'à sa cathédrale du XIIIème siècle ?

2Ce zodiaque est de nature très différente de celui de Neuvy dont je m'occupe : c'est un zodiaque sidéral, avec treize secteurs de tailles différentes, parfois même se chevauchant, épousant le dessin des constellations. Il s'étendrait sur tout le territoire de la France.

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27 décembre 2005 | Lien permanent

L'ourse et le sanglier

« Boand (ou Boann) est donc la déesse éponyme de la Boyne, le fleuve qui traverse le comté de Meath (Mide), province centrale dans la géographie sacrée de l'Irlande celtique ( un centre spirituel plus que géographique). J'ai déjà émis l'hypothèse que son équivalent continental serait la Bouzanne berrichonne, qui prend source près d'Aigurande, passe à Neuvy Saint-Sépulchre et se jette dans la Creuse, près du Pont-Chrétien (coulant ainsi de Cancer - les eaux-mères – à Poissons – les eaux océanes ). La Bouzanne serait la rivière matricielle de ce pays biturige qui est par vocation la terre ombilicale (les Bituriges sont, étymologiquement, les Rois-du-Monde, gallois bydd, monde, et rix ou rig, roi). 1»

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Après ce simple rappel de faits déjà exposés, examinons le cours de cette Bouzanne. Elle file plein nord, mince ruisseau encore, à travers les prés, et ne rencontrera bourgade de quelque importance qu'à Cluis, où elle passe au pied de la forteresse ruinée de Cluis-Dessous. Ce nom de Cluis est proche du terme irlandais désignant le sorbier, Luis. Le sorbier et le coudrier étaient les arbres les plus utilisés par les druides pour leurs opérations magiques, si l'on en croit l'écrivain anglais Robert Graves, qui en parle dans son livre sur La Déesse Blanche (Ed. Du Rocher, 1979) :

« Le sorbier sauvage est l'arbre de la rapidité. Ses noms botaniques Fraxinus, ou Pyrus, Aucuparia, laissent supposer ses emplois divinatoires. Un autre de ses noms est « le sorcier », or la main de sorcière, utilisée dans les temps anciens pour découvrir les métaux, était taillée dans du sorbier. Etant l'arbre de la rapidité et de la vie, il pouvait être utilisé également dans le but contraire. Dans l'Irlande danéenne, un pal de sorbier fiché au travers d'un cadavre immobilisait son fantôme et, dans la saga de Cuchulain, pour obtenir sa mort, trois sorcières embrochent un chien, un animal sacré, sur des piquets de sorbier.2 »

Nous n'avons donc pas tardé à retrouver Cuchulain : son existence héroïque avait commencé par le meurtre d'un chien, celui du forgeron Culann, elle s'achève par le meurtre d'une loutre ou « chien d'eau » (doborchú). Ceci constituait un des interdits (geis) imposés à Cuchulain par le druide Cathbad (celui-là même qui lui avait donné son nom à la suite du premier exploit). Le héros a pressenti que sa mort était proche quand il s'est trouvé confronté à deux interdits contradictoires lors de sa rencontre avec les deux sorcières :

« Il partit sur la route de Midluachair, après la plaine de Mogna. Il vit quelque chose : trois sorcières borgnes de l'oeil gauche devant lui sur la route. Avec des poisons et des charmes elles faisaient cuire un petit chien sur des broches de sorbier. C'était un des interdits de Cuchulain que de visiter un foyer sans en consommer la nourriture. C'était aussi un interdit pour lui que de manger la chair de son homonyme. Il court pour les dépasser, car il savait que ce n'était pas pour son bien qu'elles étaient là. Une sorcière lui dit : « Une visite de toi, ô Cuchulain ». « Je ne vous rendrai pas visite, en vérité » dit Cuchulain. « Il y a pour nourriture un chien », dit-elle. »Si c'était un grand foyer qui était là », dit-elle, « tu lui rendrais visite. Mais c'est parce que celui-ci est petit que tu ne viens pas. Il n'est pas capable de grand chose, celui qui ne supporte ou n'accepte pas le petit. » Alors il s'approcha d'elle et la sorcière lui donna la moitié du chien de sa main gauche. La main avec laquelle il avait pris le morceau et la cuisse sous laquelle il l'avait mis frurent prises d'un bout à l'autre si bien qu'elles n'eurent plus la même force. » (traduction Ch.J. Guyonvarc'h, La mort de Cuchulainn, version A, in Ogam XVIII, p. 347).


Ce texte offre une thématique très semblable à celle de l'histoire de Boand (voir la note sur la source secrète). Dans les deux cas, ce sont les circonstances d'une mort qui sont contées. On y retrouve le ternaire (trois sorcières), le rôle maléfique du côté gauche (Boand contournait la source par la gauche, la sorcière donne la moitié du chien de sa main gauche, les trois sont borgnes de l'oeil gauche) et, enfin, les trois blessures symboliques à la main, à la cuisse et à l'oeil. La seule différence étant que les sorcières assument celle de l'oeil.

Après Cluis, la Bouzanne arrose donc Neuvy Saint-Sépulchre : la cité s'est édifiée autour d'un gué sur la rivière. Je me contenterai ici de mentionner que c'est généralement dans les gués que se déroulent les combats singuliers des récits mythologiques et épiques irlandais.

Passé Neuvy, notre Bouzanne se dirige vers le nord-ouest pour former pendant quelques kilomètres une lisière d'eau à la forêt de Châteauroux. Après Arthon, elle ne tarde pas à s'infléchir vers le sud pour aller finalement rejoindre la Creuse du côté du Pont-Chrétien. Ce nom d'Arthon évoque évidemment l'ours, un des plus riches symboles du monde celtique : « Son nom (celt. commun artos, irl. art, gall. arth, bret. Arzh) se retrouve encore dans celui du souverain mythique Arthur (artoris), ou encore dans l'anthroponyme irl. Mathgen (matugenos, né de l'ours). » (Dict. Des Symboles, art. Ours, pp.716-717).


L'ours est, dans le domaine celtique, l'emblème de la classe guerrière et s'oppose, ou s'associe, au sanglier, comme le pouvoir temporel à l'autorité spirituelle (le sanglier étant le symbole de la classe sacerdotale). « On a même en Gaule une déesse Artio (à Berne, dont le nom est encore celui de l'ours) qui, symboliquement, marque mieux encore le caractère féminin de la classe guerrière. On peut noter aussi que les Gallois nomment cerbyd Arthur, char d'Arthur, les deux constellations à symbolisme polaire de la Grande et de la Petite Ourse. » (id.)

Il n'est pas anodin qu'Arthon soit situé géographiquement à la latitude la plus haute du cours de la rivière, au nord du système ainsi formé.

medium_cluis-culan.jpgMaintenant, si la Bouzanne représente le versant guerrier, féminin, de la Souveraineté, on peut se demander si l'Arnon - où la figure du mari, le Dagda, est omniprésente - ne représente pas l'autre versant, sacerdotal de cette même Souveraineté ? Remarquons que Cluis et Culan sont situés sur le même parallèle, résumant en quelque sorte la brève destinée guerrière de Cuchulainn. Autrement dit, les deux mytho-paysages, articulés autour des deux rivières Arnon et Bouzanne, se correspondraient avec une grande précision.

Du côté de l'Arnon, ressortent plutôt des valeurs de vie, de naissance, de commencement tandis que du côté Bouzanne ont plutôt émergé les figures de la mort et de l'accident. A l'ours d'Arthon devrait donc correspondre un sanglier de l'Arnon. Ne serait-il pas dissimulé sous les traits de ce Saint-Huret, hameau situé entre Culan et Saint-Christophe-le-Chaudry ? Saint Huret est inconnu au bataillon et au martyrologe, aucune trace ailleurs qu'ici. Mais on sait bien que la hure désigne depuis depuis au moins le XIIIème siècle la tête hirsute du sanglier. Pierre Guiraud le cite dans son Dictionnaire des étymologies obscures (Payot, 1982) : il pense que le mot est vraisemblablement dérivé de urus « boeuf sauvage », sorte d'aurochs ou de bison signalé en Gaule par César dans ses Commentaires.

 

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Après le Saint Lévrier, le Saint Sanglier...

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1« Les noms de cours d'eau présentent un intérêt très particulier : ils renferment, parmi toutes les catégories de toponymes, la plus forte proportion des noms les plus anciens, la rivière, nous l'avons vu, étant particulièrement rebelle aux substitutions. Ce sont ces noms qui nous permettent de plonger le plus loin dans le passé linguistique de l'Europe occidentale. » (Albert Dauzat, Les Noms de Lieux, Delagrave, 1963, p.195)

2Par ailleurs, l'autre vallée au-dessus de laquelle la cité de Cluis a été fondée est celle de l'Auzon. S. Gendron rattache ce nom à la racine prélatine « alis », rocher, mais Dauzat y voyait plutôt une référence à l'alisier : l'Auzon aurait été la « rivière bordée d'alisiers ». Or l'alisier appartient au genre Sorbus, comme le sorbier.

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20 décembre 2005 | Lien permanent | Commentaires (2)

En traversant la Brenne

 

clement_boussole.jpgMa première note sur Vézelay remonte à mars 2006. J'y signalais déjà quelques coïncidences. Revenant sur ce texte, j'y trouve à nouveau matière à songerie : je citais un extrait d'un roman d'Erik Poulet-Reney, Les roses de cendre *:

« Le week-end dernier, juste avant de quitter Vézelay pour rejoindre sa compagnie en Espagne, Suzelle a été attirée, en marchant, par le titre d'un ouvrage exposé dans la vitrine du libraire : Vézelay ou l'amour fou, signé Jules Roy. Elle se l'est offert pour accompagner son voyage. Entre le train et l'avion, elle n'a pu s'empêcher de souligner au crayon :

« Vue du ciel, la ville représente en effet une forme courbe, un abdomen à sept anneaux, avec une queue à segments dont le dernier est armé d'un aiguillon sans doute venimeux.

De tous les signes du zodiaque qui figurent dans les voussures des tympans pour représenter l'univers et les saisons, le Scorpion caractérise Vézelay par le drame vie-mort-vie.

Vézelay n'existe plus que par l'amour, et par la mort vaincue. »

Cette Suzelle du roman m'évoque bien sûr Sauzelles, le village de la stèle de Mijault, mais au-delà de cette proximité phonétique, il existe une vraie convergence thématique : l'amour et la mort vaincue, c'est proprement le sens de Pâques, la fête sur laquelle je concluais la note consacrée au chemin de lumière de Vézelay. A travers une citation de Grégoire de Nysse.

S'il y a quelqu'un qui connaissait bien l'oeuvre de Grégoire de Nysse, c'était Olivier Clément. J'ai appris sa mort dimanche seulement, en écoutant France-Culture matinalement pendant une traversée de Brenne.

Le jeudi 15 janvier 2009, il s'était donc éteint à Paris, âgé de 87 ans. De lui, me revenait le souvenir d'une lecture passionnante, qui ébranla mon agnosticisme comme peu surent le faire. A la maison, je repris le volume avec lequel je l'avais découvert : Anachroniques, publié chez Desclée de Brouwer en 1990, recueil de chroniques données pour l'essentiel dans l'hebdomadaire France Catholique. Livre que j'avais déniché de manière assez improbable, en même temps qu'un Louis Massignon, à Récup'Auto, à La Châtre, en octobre 1992.

« Au centre de ce livre, écrit Olivier Clément en quatrième de couverture, on trouvera le thème mort-résurrection. Je ne serai jamais assez reconnaissant à l'église orthodoxe de m'avoir fait connaître la joie pascale où se guérit la plaie secrète de l'âme. »

Voilà, tout était dit d'entrée. Citons seulement les dernières lignes de l'une des chroniques consacrées justement à Pâques, on y retrouvera in fine la mention de l'aube victorieuse :

« Les martyrs des premiers siècles, puis les moines, ces fous de Dieu qui entraient volontairement dans la mort pour devenir, dès maintenant, des « ressuscités », ont rendu possible toute une culture chrétienne dont les créations de beauté nous éclairent encore. Les saints d'aujourd'hui sont des saints de la nuit : de Thérèse de Lisieux s'asseyant «  à la table des pécheurs », du starets Silouane entendant le Christ lui dire : « Garde ton esprit en enfer et ne désespère pas », aux innombrables martyrs jetés morts dans la neige et la nuit polaire, une plaquette de bois attachée à la cheville, avec un nom vite effacé, mais grévé dans la « mémoire de Dieu ». La nuit de notre temps, ces saints, ces martyrs la transforment en une immense nuit pascale. L'aube se lève, « Le Christ est ressuscité !».(p. 113)

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* On remarquera la cascade de citations : je cite en effet ici une note citant un extrait de roman citant lui-même un autre extrait de roman.  Ces emboitements ont toujours pour moi quelque chose de fascinant.

Sur Erik Poulet-Reney, je m'aperçois que le lien que j'avais posé sur son livre n'est plus valide. Cependant je fais une petite recherche sur Google et trouve facilement son site personnel. Or, dans sa note biographique, on peut lire ceci :

"Je vise depuis peu à n’atteindre plus que l’essentiel, en m’éloignant de toutes les formes de pollutions qui déforment l’esprit. J’aspire à cette lumière, à cette légèreté de l’être, quand se concentrer sur la respiration et la conscience permet de dépasser les pensées et de répondre à l’instant, au meilleur du présent et des éléments naturels qui nous guident vers une forme de spiritualité désormais indispensable.
C’est aussi approcher le sens véritable des mots, pour n’avoir à utiliser que ce qui est nécessaire à véhiculer l’amour universel et le meilleur à sauver chez chacun.

« Le commencement de la sagesse est le calme qui naît de la grandeur d’âme et de la patience à supporter la faiblesse humaine »…

Saint Isaac le Syrien (XIIème siècle)"

Otr, saint Isaac le Syrien (VIIème siècle et non XIIe), je m'en souviens, était présenté dans l'émission radiophonique comme le Père de l'Eglise le plus proche d'Olivier Clément. Il l'évoque d'ailleurs dans un entretien donné à Nouvelles clés sur le mystère de la personne.

Pour les coïncidences, ce sera tout pour aujourd"hui...

 

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21 avril 2009 | Lien permanent | Commentaires (2)

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