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Argenton la brillante

Une nouvelle phase s'est ouverte pour cette tentative de restitution d'une géographie symbolique du pays berrichon : quatre années de blog, trois cents notes très exactement, doivent être refondues en un ou plusieurs volumes, qui iront peut-être à l'impression traditionnelle. J'ai fait récemment le premier pas en ce sens, à savoir reprendre l'ensemble dans un traitement de texte, ce qui veut dire remonter le temps, étant donné que dans un blog les notes s'entassent et l'ordre est donc antéchronologique.

J'ai choisi dans un premier temps de ne rien discriminer et d'enregistrer texte, iconographie et commentaires éventuels. Ce ne fut point trop long, quoique un peu fastidieux. Douze fichiers ont recueilli cette matière (plus un treizième, consacré au facteur de coïncidences, que je laisse pour l'instant de côté). Mais à peine ai-je commencé à me pencher sérieusement sur le premier fichier, consacré logiquement au Bélier, que les premières difficultés m'apparurent avec évidence. La nature discontinue des billets de blog me masquait certains manques, qui ne peuvent plus échapper dès lors qu'on s'adonne à un effort de synthèse.

C'est ainsi que je m'aperçus que j'avais un peu sous-traité le cas de la ville d'Argenton. Certes je l'avais évoquée, et très tôt, mais j'avais vite filé au-delà ou en-deça, avec la chapelle de Verneuil et la ville de Poitiers. Or, Argenton est le  second relais d'importance sur l'axe équinoxial du zodiaque neuvicien, axe Bélier-Balance qui est comme la poutre maîtresse de l'édifice zodiacal, la ligne inaugurale à partir de laquelle l'ensemble des signes se déploie.

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Revenons sur les découvertes de Jean Richer en ce qui concerne pareil axe dans les zodiaques qu'il a étudiés. En ce qui concerne la roue zodiacale centrée sur Delphes, il écrit : "Le point initial du cycle, en relation avec l'équinoxe de printemps et correspondant symboliquement au point vernal, tombait dans la mer Ionienne juste en avant du saut de Leucade. Il était donc commode, pour la lecture ultérieure de la figure, de tracer un cercle ayant pour rayon la distance Delphes-Leucade et de le diviser en douze parties égales à partir du point que nous venons d'indiquer."(1) Dans le chapitre précédent, Richer avait proposé ce site remarquable des falaises du cap Leucate, à l'extrémité méridionale de l'île auquel il donne son nom, comme "le lieu allégorique de l'apparente mort quotidienne du dieu solaire Apollon-Hélios."(2) Les prêtres d'Apollon s'y exerçaient au plongeon sacré, remplaçant une ancienne ordalie (selon Strabon, chaque année le jour de la fête d'Apollon, un criminel était précipité du haut du rocher de Leucade, et était gracié s'il survivait à la chute). Par ailleurs, dans le domaine littéraire, le lieu est associé au suicide de Sappho, qui y plongea par dépit amoureux.

Dans le système centré sur Sardes, en Asie Mineure, Richer mentionne pour le Bélier la cité située sur la côte d'Anatolie, nommée Leuca, correspondant au point vernal de la Grèce continentale. Par ailleurs, il désigne comme centres, dans la géographie sacrée de la Grande Grèce, Cumes (où fut érigée par les Grecs le premier temple d'Apollon de la péninsule italique), Enna (ombilic de la sicile) et Leuca, à la pointe sud-est de la Calabre. "Il existe, écrit-il, une relation simple et significative entre Delphes, Leuca et Cumes : en effet, Leuca est sur la ligne Delphes-Cumes, presque exactement à mi-chemin des deux centres."(3)

Mais quel rapport, me direz-vous, entre tous ces lieux Leuca et la cité d'Argenton ? Il faut en appeler à l'étymologie : le cap Leucade est la Roche blanche (Leukas pétré). Dans un autre mythe grec, Ino, plongeant dans la mer pour échapper à son époux rendu furieux par Héra, est recueillie par Poséidon et devient la nymphe Leucothéa, littéralement la Blanche Déesse. A la fin de Delphes, Délos et Cumes, Jean Richer revient sur la récurrence de la racine "Leuké" : "Comme si l'idée de blancheur rayonnante, évoquant ce que devait être la pureté du candidat à l'initiation, était indissociable du début du cycle zodiacal, tous les lieux liés symboliquement au point vernal portent un nom où paraît le radical Leuké.

Ceci doit être rapproché du nom des "Leukai", les jeunes filles initiées d'Aptère en Crète qui pratiquaient le plongeon rituel dans la mer." (4)

 

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Argenton, vue du vieux pont

Or Argenton porte en son nom cette idée de blancheur rayonnante : le terme même d'argent "dérive d'un arguus "éclat, blancheur", d'où vient le verbe arguere, archaïquement "faire briller, éclairer", puis au figuré "démontrer" et "convaincre" (->arguer, argument). Le métal est donc appelé "le brillant" (comme l'or est "le jaune") ; cette appellation se retrouve en grec (-> argyrite), dans les langues celtiques (gaulois argento-), en osque, etc. [...] Depuis le XIIe siècle, le mot s'emploie  en blason  il symbolise la blancheur et l'éclat."(5) La ville d'Argenton tient par ailleurs son nom de l'antique cité d'Argentomagus, important carrefour économique et politique à l'époque gallo-romaine dont nous pouvons admirer les vestiges, au nord,  sur le plateau des Mersans.

Plongeait-on dans la Creuse comme on longeait à Leucade ? Rien n'atteste d'un tel rite, mais en tout cas, il y a présence de falaises calcaires :"Assagie en amont d'Argenton, lorsqu'elle quitte des gorges encaissées, la Creuse s'étale ensuite dans les terrains argileux avant de franchir un goulet enserré entre deux coteaux calcaires." Sur le site du musée, on peut lire encore que "ce goulet, large seulement d'une centaine de mètres et franchi en oblique par la Creuse, était le passage obligé des animaux pour se rendre d'un pâturage à l'autre ou lors de leurs migrations.C'était là un excellent affût de chasse et dans ce piège naturel, rennes, bisons et chevaux devenaient des proies faciles."

Il est fort possible que le lent travail de reformulation des notes de ces quatre années passées me porte à revenir ici de temps à autre pour préciser et développer d'autres aspects de l'étude encore mal dégrossis.

_________________

(1) Jean Richer, Géographie sacrée du Monde Grec, Guy Trédaniel, 1983, p.37-38.

(2) Jean Richer, Géographie sacrée du Monde Grec, Guy Trédaniel, 1983, p. 30.

(3) Jean Richer, Delphes, Délos et Cumes, Julliard, 1970, p. 146.

(4) Jean Richer, Delphes, Délos et Cumes, Julliard, 1970, p.209.

(5) Dictionnaire Historique de la Langue Française, Robert, p. 107.

 

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12 décembre 2009 | Lien permanent

Sous le signe d'Héphaïstos

La position de la ville de Bourges dans le signe du Scorpion n'est pas dénuée de réminiscences antiques : déjà, dans la géographie sacrée égéenne, ce signe se place sous les auspices de la magie et du sacrifice. Jean Richer a pu montrer que le gardien en était cet énigmatique Héphaïstos, que les autres dieux tournaient en dérision. Il « porte un pilos de forme phallique et a les pieds tordus du sorcier. Il représente l'acquisition des pouvoirs magiques par le sacrifice de la sexualité, par la transformation de l'énergie sexuelle. » (Géographie Sacrée du Monde Grec, p. 96). Ce qui ne l'empêchait pas de convoiter les belles déesses, ainsi c'est en tentant de violer Athéna qu' un peu de sa semence tombe en terre, la féconde et provoque la naissance d' Erichthonios, mi-homme, mi-serpent, car selon Richer, Héphaïstos a succédé à un ancien dieu-serpent nommé Ophion

 

 

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Or, sur le mur extérieur de la rotonde de Neuvy, dans la direction même de ce secteur Scorpion, on peut observer une sorte de monstre ailé doté d'une longue queue serpentine (ce bas-relief n'est autre que l'emblème même de ce site, sur la page d'accueil). A noter encore que cette sculpture, que les notices sur le monument ignorent curieusement, se situe à proximité de l'un de ses axes de symétrie (axe 6-2 sur le plan). Axe dont j'ai déjà signalé qu'il était le seul à ordonner les onze colonnes selon une symétrie axiale : cinq colonnes faisant ainsi face à cinq autres, la onzième étant traversée par l'axe. Autre singularité : cette colonne porte le seul chapiteau garni en totalité d'un décor végétal, tous les autres représentant des monstres, des animaux ou des personnages.

 

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Tout se passe donc comme si une orientation secrète avait été donnée à l'édifice, qui désignerait Bourges et le Scorpion, signe « infernal » dont il n'était bien sûr pas question de faire une visée explicite. Peut-être est-ce là le début d'une explication du choix de ce nombre onze, dont Doumayrou rappelait (G.S, p.275-276) qu'il était «  à peu près unanimement considéré comme néfaste dans la tradition occidentale. C'est le nombre des apôtres après la trahison de Judas, le retour d'une singularité venant détruire la perfection du dénaire, bref le désordre. »


 

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18 janvier 2006 | Lien permanent | Commentaires (3)

A la lumière d'Henry de Monfreid

Je le redis : ce site est un chantier. Sans doute son axe directeur est-il mon essai inédit de 1989, mais en bien des endroits il s'en écarte et de nouvelles voies s'ouvrent presque chaque jour. Une grande part de ce qui s'écrit ici est totalement nouveau. Je regrette parfois de ne pouvoir approfondir tel ou tel point de détail, mais c'est qu'il faudrait se plonger corps et âme dans une littérature spécialisée qui suspendrait pour longtemps une circumambulation zodiacale qui a déjà pris du retard. Je me résigne donc à risquer des hypothèses et à esquisser des interprétations, quitte à y revenir ultérieurement, en assumant le reproche d'être parfois superficiel ou approximatif. Par ailleurs je ne peux faire fi des commentaires de lecteurs attentifs qui me permettent souvent de rebondir et d'explorer quelques sentes qui m'avaient échappé. Il n'est pas de remarque a priori anodine qui ne puisse ouvrir une nouvelle fenêtre imprévue. Le dernier exemple en est pour moi la précision apportée par un certain Patrick le 4 mai dernier. Dans la note sur Ingrandes, il me signale fort justement que le musée Henri de Monfreid n'est pas situé dans la maison de l'écrivain, mais dans l'ancienne cure de la commune. J'ai donc rectifié et, avant cela, revu quelques pages de la Toile sur Ingrandes et Henri de Monfreid. Et c'est là que j'ai vu quelque chose de particulièrement troublant : Tout part d'une page web du site Terredécrivains intitulée Henry de MONFREID à Cap Leucate, Paris, Ingrandes, et datée du jeudi 28 août 2003. J'apprends donc qu'il est né au domaine de La Franqui, au nord de Port-Leucate. C'est ce nom qui m'arrête. Je suis assez souvent retourné ces derniers temps dans les oeuvres de Jean Richer pour savoir que le Leucade grec est un lieu essentiel pour la construction du système zodiacal centré sur Delphes : "Le point initial du cycle, en relation avec l'équinoxe de printemps et correspondant symboliquement au point vernal, tombait dans la mer Ionienne juste en avant du saut de Leucade. Il était donc commode, pour la lecture ultérieure de la figure, de tracer un cercle ayant pour rayon la distance Delphes-Leucade et de le diviser en douze parties égales à partir du point que nous venons d'indiquer." (Géographie Sacrée du Monde Grec, Guy Trédaniel, 1983, p.37). Jean Richer cite le géographe grec Strabon qui signale que, de son temps, chaque année le jour de la fête d'Apollon, un criminel était précipité du haut du rocher de Leucade. "Des plumes étaient collées sur son corps et on l'attachait même à des volatiles vivantes pour ralentir sa chute. Il était gracié s'il sortait vivant de l'eau." De même, dans la roue zodiacale centrée sur Sardes, en Anatolie, la localité située à la latitude de Sardes se nomme Leuca. Un autre cap du même nom, à la pointe sud-est de la Calabre, au Promontoire Iapygium Sallentinum, "semble avoir été considéré, au moins à un certain moment, comme une sorte de relais jouant le même rôle symbolique que Leucade et avoir donc été mis en relation avec le point vernal."(Géographie Sacrée dans le Monde Romain, Guy Trédaniel, 1985, p.66). Le nom même de Leucade est apparenté à celui de la blancheur (leukè) et de la Lumière (lycos). Malgré ces illustres précédents, ni Richer ni Doumayrou ne mentionnent Cap-Leucate dans leurs travaux. Il faut dire que sa situation, au sud-est de Toulouse, ne convient pas pour en faire un point vernal à la semblance de Leucade pour Delphes. En fait, le cap se situe pratiquement sur l'axe Carcassonne-Toulouse, sur la pointe du signe de la Vierge de la roue toulousaine. Une position similaire est relevée par Jean Richer en ce qui concerne Alicante par rapport à Tolède, considéré comme le centre zodiacal de la péninsule ibérique. Alicante a en effet porté les noms d'Akra Leuca, de Castrum Album ou de Lucentum, trois noms qui évoquent encore une fois la blancheur et la lumière. Ce qui amène Jean Richer à supposer qu'Akra Leuca n'est autre que le point vernal du système. Je suis très dubitatif sur cette attribution, qui donne un zodiaque décalé de 150 ° par rapport aux zodiaques égéens. De plus, les indices relevés à l'appui de cette hypothèse sont en nombre réduit (les secteurs Cancer à Sagittaire sont traités sur la seule page 363 ). L'examen des monnaies de Sagonte le conduit par ailleurs à postuler l'existence d'un second zodiaque décalé de 60° par rapport au précédent. Cela devient dès lors très confus et, à mon sens, peu convaincant.

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Examinons plutôt la ligne 0° Vierge du zodiaque delphique. C'est elle qui relie l'omphalos à Athènes et Délos. C'est elle qu'au printemps 1958, après une deuxième visite à Delphes, Jean Richer trace sur la carte de Grèce - ce qu'il qualifie d'intuition fondamentale. Elle a donc une valeur de commencement, une valeur initiatique . Doumayrou montre que son prolongement, ""suivant le même destin que l'or de Brennus, aboutit à Toulouse, mais en passant par Minerve (...)." Minerve, petite cité précisément ancré dans le secteur de la Vierge, au coeur du Minervois, non loin de Cap Leucate. ""Minerve étant l'antique vierge olympienne que ses pouvoirs égalaient au maître des cieux (...)"". "La Vierge, écrit encore Ernst Jünger dans Graffiti, est la Dame de la blancheur, de la page encore vide, le champ non labouré. Un nimbe de douceur se pose autour de ceux qui se confient à elle."" La lumière dont il s'agit ici n'est donc plus la lumière physique de Bélier, c'est une lumière intérieure, l'éclair de l'illumination, de la révélation ébranlant l'être tout entier. Nous n'oublions pas Henry de Monfreid. Il est tout de même extraordinaire que cet homme, entre Cap-Leucate et Ingrandes, soit né, ait vécu puis décédé sur deux axes semblablement dédiés à la lumière. Ceci est d'autant plus étonnant qu'il fut comme on sait un infatigable voyageur et que rien ne le prédisposait à s'installer à Ingrandes, loin de ses origines méditerranéennes. L'actualité d'Henry de Monfreid : Exposition de photos inédites d'Henry de Monfreid au festival international du livre ETONNANTS VOYAGEURS à ST. MAL0, du 5 au 8 mai 2005.

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La génisse et le marteau

Revenons sur la légende de la fondation de Vaudouan, sur ce maître-maçon qui jette son marteau, retrouvé par une génisse blanche huit cent mètres plus loin. Dans la mythologie grecque, c'est la fondation de la ville de Thèbes qui est associée au même bovidé.

Cadmos, sommé par Agénor, son père, de retrouver sa soeur Europe capturée par Zeus, parvient à Delphes où l'oracle lui annonce, outre l'insuccès de sa quête, qu'il fondera une ville au lieu où le mènera une génisse blanche. Ce fut donc Thèbes. Curieusement, Jean Richer place cette ville en Balance du zodiaque centré sur Delphes alors que manifestement, sur la carte qu'il a lui-même élaborée, Thèbes est située en Vierge. « La Balance, écrit-il, est signe « vénusien ». Le rôle considérable joué par une génisse dans l'histoire légendaire de Thèbes marque l'association des deux signes vénusiens du Taureau et de la Balance, culminant dans le mariage de Cadmos et Harmonie. » (Géographie Sacrée du Monde Grec, Trédaniel, 1983, p. 43). N'est-il pas plus simple de considérer que la génisse, en tant que jeune vache qui n'a pas encore vêlé, ressort du champ symbolique de la virginité, aspect renforcé par sa couleur qui est le blanc ?

 

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Zodiaque delphique (d'après Jean Richer)

Le mythe de Cadmos résonne étrangement avec l'histoire de Vaudouan : le héros grec suit une génisse qui s'écroule à terre, vaincue par la fatigue, dans la vallée de Tanagra.

Roberto Calasso (Les Noces de Cadmos et Harmonie, Gallimard, 1991, p. 393) : « Cadmos se mit aussitôt à la recherche d'une source pour se purifier avant d'accomplir le sacrifice de la génisse. » Voici la source, mais elle est gardée par le grand serpent d'Arès, qui brise les os de plusieurs compagnons de Cadmos avant de s'en prendre au héros lui-même. Et il aurait succombé à l'étreinte du monstre si Athéna ne lui avait pas porté secours. Athéna, autrement dit Minerve, la vierge olympienne.

 

Passons au marteau. Dans la note 11 de son opuscule, J.J. Meunier précise qu' « il existe, en Berry, d'autres exemples de fondations localisées par le point de chute d'un outil. Bourges aurait une origine identique, ainsi que Neuvy Saint-Sépulchre. » Remarque très intéressante, mais je n'ai pas connaissance de ces légendes et, malheureusement, le docteur ne donne pas ses sources. Nous avons de notre côté rencontré le même mode d'élection sacrale au seul sujet de la Chapelle-du-Fer, en secteur Taureau. Là, je le rappelle, c'est justement un taureau qui découvre le marteau perdu.

J'ai signalé aussi dans la note précédente que les pélerins du Mont Saint-Michel faisaient halte à Vaudouan. Ajoutons maintenant que l'alignement Neuvy-Vaudouan vise Saint-Michel-en-Brenne.

Cet axe symbolique Vierge-Poissons, unissant donc le signe marial au signe traditionnellement dévolu au Christ - union exprimée plastiquement par la statue de la légende - mérite un examen attentif.


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26 septembre 2005 | Lien permanent

Et c'est ainsi que tout a commencé...

Février 1980. Avenue des Marins, à Châteauroux. La brocante du premier dimanche du mois. A un étal de bouquiniste, un livre me fait de l'oeil. Le titre m'intrigue : Géographie sidérale. Une gravure du XVIe représente un berger mesurant la hauteur d'une étoile à l'aide d'une sorte de fil à plomb. A l'intérieur, plans, schémas, cartes, blasons se bousculent. Pour un prix modique, il entre en ma possession. Il ne m'a plus jamais quitté. Dans un style poétique flamboyant, Doumayrou entend montrer l'existence d'un vaste réseau symbolique centré sur la ville de Toulouse, une roue zodiacale analogue à celles découvertes par Jean Richer en 1967 dans sa Géographie Sacrée du Monde Grec. Ce système symbolique semblerait avoir atteint sa plus grande extension au Moyen Age, vers le XIIe siècle. En définitive, c'est l'ensemble du monde méditerranéen qui s'inscrirait dans ce que que Michel Butor a désigné comme une "immense métaphore : la terre devenant semblable au ciel". Quelques jours plus tard, je pars en Savoie pour un séjour de trois semaines. C'est à l'issue de celui-ci que j'ai l'intuition d'un autre système symbolique, d'une autre roue zodiacale, d'une autre aventure de l'esprit. C'est pour retracer les détails de cette aventure, et en accueillir d'éventuels échos, que ce blog s'ouvre aujourd'hui avec le printemps.

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20 mars 2005 | Lien permanent

Denis Gaulois (16) : La biche et le sanglier

"Un jour Ludre dit à son père qu'il falloit se ressouvenir que le patriarche Ursin leur avoit dit de bâtir des temples ; Léocade ne différa pas. Il fit bâtir une église qu'il dédia à saint Etienne et fit dire des prières par un des moines de la chapelle de Sainte-Marie, auquel il donna de grosses sommes ; il donna, en outre, de l'argent à plusieurs habitants pour bâtir autour.
Après quoi, il pria le patriarche Ursin de venir prêcher dans son canton, ce qu'il fit, et plusieurs rentrèrent dans la loi de Dieu ; il les baptiza. Il allait souvent avec Léocade voir le père Gaulois."

La fondation par Léocade de l'église Saint-Etienne, à l'instigation de Ludre rappelant la promesse faite à Ursin, est à mettre en relation avec la présence en cet édifice du sarcophage de saint Ludre. Je l'ai déjà mentionné plusieurs fois : ce monument funéraire présente un décor qui n'a rien de chrétien avec ses thèmes directement inspirés de la mythologie grecque. Brigitte Rochet-Lucas (Rites et Traditions populaires en Bas-Berry, 1980, p. 162) y reconnaît, outre des scènes de chasse et de repas, Hercule et la biche du Mont Cérynie, Méléagre et le sanglier de Cérydon.
Or Jean Richer, mettant en relation, dans sa Géographie Sacrée du Monde Grec, les signes zodiacaux avec les travaux d'Héraklès, associe précisément le troisième travail - la capture de la biche de Cérynie - avec le signe du Capricorne (auquel, faut-il le rappeler,  appartient Déols dans le système neuvicien). La biche est en effet associée à la direction du nord : dans la légende, elle court jusqu'au pays des Hyperboréens pour échapper au héros. De plus, comme tout cervidé, elle est consacrée à Artémis, dont le pays des Hyperboréens est précisément la résidence principale.

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Héraclès et la capture de la biche de Cérynie,

amphore attique à figures noires, v. 530520 av. J.-C., musée du Louvre

(photo Jastrow) 


Ce qu'il est intéressant de relever dans l'article de Wikipédia consacré à la biche de Cérynie, c'est qu'une "version contradictoire et isolée d'Euripide raconte que la Biche, de taille gigantesque, vivait dans les bois d'Oenoé, en Argolide et ravageait les récoltes. Héraclès la tua et consacra les bois de l'animal dans le temple d'Artémis Oenoatis afin de se concilier avec la déesse."
Un animal vivant dans les bois et ravageant les récoltes : ceci rappelle furieusement les bêtes féroces de la légende de Denis Gaulois. L'auteur se serait-il inspiré de l'iconographie du sarcophage ? Un autre indice fort m'incite à le penser : la nature même d'Artémis, son mode de vie, la rapproche étrangement du "père Gaulois", vivant dans la familiarité de ses bêtes sauvages, licornes sans cornes, effrayantes montures :

"Coureuse des bois, sauvageonne insoumise et fière, Artémis appartient avant tout au monde sauvage. Seule parmi les dieux, à l'exception de Dionysos, elle est constamment entourée d'une troupe d'animaux sauvages, d'où son épiclèse Ἡγημόνη / de Hêgêmónê, « la Conductrice ». Elle est aussi à la tête d'une troupe de nymphes (20 nymphes du mont Amnios, selon Callimaque) et de jeunes mortelles, qu'elle mène à travers les forêts. L'Iliade en parle comme de « l'agreste Artémis (...), la dame des fauves » (XXI, 470).

Surnommée la « Bruyante » (Κελαδεινή / Keladeinế), elle mène sa meute et les pousse de la voix. Artémis possède en effet le double visage de la compagne des animaux sauvages, et de la chasseresse. La biche symbolise bien son ambivalence : la bête est sa compagne favorite, et de nombreuses représentations la montrent à son côté. Néanmoins, Artémis est aussi celle qui est réputée poursuivre de ses flèches cerfs et biches, même si peu de textes l'attestent."


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Méléagre et le sanglier de Calydon, probable copie

d'après Scopas (IVe siècle av. J.-C.), musée Pio-Clementino

(Photo Jastrow) 

Qu'en est-il maintenant de Méléagre et du sanglier de Calydon ?

Une nouvelle fois -la coïncidence est tout de même étonnante - il s'agit d'un animal monstrueux qui ravage des récoltes, en l'occurrence un sanglier envoyé par Artémis, encore elle, dans les vignes du royaume de Calydon  pour se venger du roi Oenée qui avait négligé de sacrifier en son honneur. C'est Méléagre , le fils d'Oenée, qui abat l'animal, suscitant la fureur d'Artémis.

Or, écrit encore Jean Richer, le "sanglier semble un véritable doublet de l'ourse et chaque fois qu'il apparaît sur des monnaies avec ou sans ailes, c'est avec une signification polaire (ou bien associé au solstice d'hiver). C'est ainsi qu'on trouve des protomés de sanglier sur les monnaies de Clazomènes, ville tournée vers le nord, de Ialysos, située au nord de l'île de Rhodes. (...)

L'équivalence ourse-sanglier repose peut-être sur un jeu de mots (...).  Dans d'autres langues indo-européennes, l'équivalence linguistique est plus apparente (latin : ursus-us). En anglais, le même mot (bear-boar) désigne les deux animaux.

Rappelons, d'autre part, qu'aussi bien dans la légende d'Adonis que dans celle de Méléagre, Artémis l'hyperboréenne, suscite un sanglier meurtrier. A Patras, on sacrifiait à Artémis des oursons et des sangliers, avec d'autres bêtes sauvages." (op.cit. p. 82-83)


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Le sanglier de Calydon (détail du sarcophage de saint Ludre)
 

Nous sommes donc en présence d'une thématique polaire extrêmement cohérente qui fait correspondre Déols avec la géographie sacrée du monde grec, ainsi que nous l'avions déjà entrevu avec le nom même de Léocade, associé à Leucade, origine du zodiaque, point vernal du systéme delphique.

Nous retrouvons un semblable lien entre Bélier et Capricorne, le point vernal et le solstice d'hiver, avec la cité d'Argenton, qui porte au coeur de son blason (en héraldique son abyme), les armes de la maison de Déols. Qui plus est, la direction du soleil levant au solstice d'hiver mené depuis cette ville désigne le village de Montchevrier (ancien Monte Capriri).

 

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 Argenton et ses directions solsticiales

 

 

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17 avril 2007 | Lien permanent | Commentaires (1)

Le laurier du Tempé

A l'origine de la fondation de la rotonde de Neuvy Saint-Sépulchre, nous trouvons trois personnages. Tout d'abord, le seigneur du lieu : Boson de Cluis, ensuite le suzerain de celui-ci, Eudes de Déols dit l'Ancien, "qui paraît bien, selon Jean Favière (Berry Roman, Zodiaque, 1970), avoir inspiré la création de cette nouvelle église placée sous le vocable de Saint-Jacques le Majeur, patron des pélerins, et directement rattachée à l'église de Jérusalem." Vassal lui-même "très fidèle et très familier" du duc d'Aquitaine Guillaume le Grand ( par ailleurs comte de Poitiers et abbé de Saint-Hilaire), il avait accompagné celui-ci à Rome en 1024 ; "puis, en 1026, poursuit Jean Favière, il était reparti cette fois vers Jérusalem en compagnie de Guillaume Taillefer, comte d'Angoulême, et d'une nombreuse suite. Après avoir, au passage, rendu visite à saint Etienne, roi de Hongrie, il était arrivé dans la Ville sainte en mars 1027. Sa réputation était grande ; en 1024, Hildegarde, écolâtre de Poitiers, conseillait à son retour, à Fulbert de Chartres, de ne pas manquer, "s'il traverse le Berry, de converser amicalement avec Eudes de Déols, homme de grande sagesse." Sa piété soutenait de nombreux établissements religieux et en premier lieu, les abbayes de Déols et Saint-Gildas de Châteauroux." Enfin, le troisième homme, qui aurait construit l'église selon la Chronique d'Anjou, est un certain Geoffroy, que certains auraient proposé d'identifier avec Geoffroy le Meschin, un vicomte de Bourges – mais c'est là, toujours selon Jean Favière, hypothèse gratuite.

La question est simple : pourquoi avoir édifié ce "reliquaire monumental" précisément dans ce bourg, ce Novo Vicus, né certainement autour d'un gué sur la Bouzanne à la fin de l'époque gallo-romaine, sur la voie menant d'Argentomagus à Néris-les-Bains ? Rien de prestigieux ne s'attachant apparemment à ce site, il faut supposer que c'est sa position géographique singulière qui a présidé à son élection. Neuvy, en effet, était le point de rencontre de plusieurs alignements fondamentaux. Outre ceux décelés par Guy-René Doumayrou, nous avons vu que la cité se plaçait sur le parallèle de Poitiers, mais il convient aussi de prendre en compte un axe Nord-Sud tout aussi primordial, souligné par la légende elle-même. J'avais omis de raconter la fin de l'histoire. En effet, après avoir occis le terrible Python, Apollon a dû pour se purifier de la souillure que le meurtre représentait, s'exiler en Thessalie, dans la vallée du Tempé. Or, où se place Tempé par rapport à Delphes ? Ni plus, ni moins qu'à son Nord géographique. La route que le dieu emprunte alors deviendra la Voie Sacrée, où chemineront les processions de la fête du Septerion, instituée en souvenir de son exploit et célébrée tous les huit ans. Que trouvons-nous au Nord géographique de Neuvy ? Un seul village, a priori anodin, au beau milieu de la Champagne Berrichonne : il a nom Vatan. Or, c'est à Vatan qu'est venu mourir au Vème siècle saint Laurian, évêque de Séville. Les sbires du roi wisigoth Totila l'auraient rattrapé en ce lieu et lui auraient tranché la tête. Le saint, prenant ladite tête dans ses mains, les auraient alors poursuivis et convaincus de la rapporter en Espagne, où elle aurait été conservée dans la cathédrale de Séville jusqu'à l'invasion mauresque. Mortelle randonnée bien énigmatique : ce Laurian fait bien sûr penser au laurier, l'arbre sacré d'Apollon. Jean Richer signale que Pausanias dénombrait à Delphes cinq sanctuaires successifs, dont le premier, le naos primitif, était fait de branches de laurier rapportées précisément du Tempé. "Mais ne faut-il pas lire là, poursuit-il, une allusion au rôle joué par les fumées enivrantes d'une certaine variété de laurier dans le fonctionnement de l'oracle ?" (Delphes, Délos et Cumes, Julliard, 1970). Lisons aussi la légende d'Apollon et de Daphné racontée par Ovide dans ses Métamorphoses : la nymphe est transformée en laurier par son père pour échapper aux ardeurs du dieu : Phébus, cependant, brûle de la même passion, la main droite posée sur le tronc, il sent encore, sous la nouvelle écorce, battre le cœur ; entourant de ses bras les rameaux - qui étaient les membres de Daphné - il étouffe le bois de baisers ; mais les baisers du dieu, le bois les refuse. Alors le dieu lui dit : " Puisque tu ne peux être ma femme, tu seras, du moins, mon arbre " ; laurier, tu pareras toujours ma chevelure, ma cithare, mon carquois ; (...) Péan avait fini de parler ; alors le laurier inclina ses jeunes rameaux et on le vit agiter sa cime comme une tête. Un autre détail de la légende de saint Laurian est significatif : averti par le Ciel de la mort de l'évêque, Eusèbe d'Arles vient à Vatan pour ensevelir le corps. Il le trouve gardé par deux ours. Comment ne pas voir là, dans la présence des deux plantigrades, une figuration des deux constellations boréales ? Déols elle-même, la cité de Eudes, se situe dans le nord du système, dans le signe du Capricorne. Déols qui est l'anagramme à peine déguisée de Délos, l'autre grand sanctuaire appolinien, son lieu de naissance et autre centre zodiacal majeur selon Jean Richer. Enfin, j'ajouterais que Neuvy avait pour elle de se situer sur le cours de la Bouzanne, dont j'aurais un jour ou l'autre l'occasion de montrer qu'elle est la rivière matricielle de la géographie sacrée des Bituriges, jouant le même rôle que la rivière Boyne (Boand) coulant dans la plaine de Meath, centre spirituel de l'Irlande celtique.

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13 avril 2005 | Lien permanent

Amalthée et la corne d'abondance

Levroux, que je pensais à l'origine circonscrire en deux ou trois notes, n'en finit pas de provoquer de nouvelles recherches, de susciter de nouvelles pistes. C'est comme un puits sans fond, vertigineux, où se répercutent les échos de plusieurs millénaires d'histoires et de légendes. C'est, du même coup, un échantillon très représentatif du travail lent et patient de tissage de la géographie sacrée. Du néolithique à la Renaissance, se rejouent les mêmes mythes sous d'autres formes, d'autres dénominations, traversant de nouveaux dogmes, s'infusant dans le christianisme et laissant sourdre de nos jours leur parfum souverain.

Ma conviction est que nous voyons ici à l'oeuvre le processus d'acculturation progressive de différents systèmes symboliques. Du couple Sucellus-Nantosuelta, articulé très certainement autour d'une source guérisseuse, l'on passe au couple Saint Silvain -Sainte Rodène qui va faire de la cité un rendez-vous important de pélerinage, et un enjeu politique et économique opposant les princes de Déols, liés au duché d'Aquitaine, aux Capétiens soucieux d'étendre leurs territoires (Philippe Auguste assiège Levroux en 1188). De la géographie sacrée celtique, biturige, dont on a vu qu'elle semblait surtout s'ordonner par rapport aux cours d'eau, toujours divinisés, on passe à une géographie sacrée fondée sur un modèle grec, géométrisé, où l'espace est partitionné en douze secteurs angulaires homologues aux douze signes du zodiaque céleste. Cette transition entre les deux systèmes a dû se faire très progressivement, en intégrant si possible les symbolismes originels. Le choix, par les seigneurs déolois, de Neuvy Saint-Sépulchre, cité qui ne devait au départ son importance qu'à sa position de gué sur la Bouzanne, répondait au souci de trouver un point central autour duquel se distribuerait avec harmonie les sites sacrés dejà existants. A cet égard, on ne peut qu'être frappé par la coïncidence entre les caractères attribués au couple Sucellus-Nantosuelta et ceux traditionnellement dévolus au Capricorne : la nature double, sidérale et chthonienne, des divinités celtiques renvoie à la dualité du signe représenté par un animal composite à tête de chèvre et queue de poisson. Animal parfois identifié à Amalthée, la chèvre qui allaita Zeus, lorsque celui-ci fut recueilli par les nymphes du mont Ida, après avoir échappé à la dévoration de son père Cronos. La corne d'abondance dont est souvent pourvu la parèdre de Sucellus se retrouve dans la légende d'Amalthée, dont l'une des cornes, cassée par le vigoureux et divin nourrisson, fut offerte aux nymphes attristées, avec promesse qu'elle se remplirait de tout ce qu'elles désireraient.

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Levroux (Porte de Champagne)

Le mont Olympe, demeure des Dieux, se situe dans le Capricorne du zodiaque centré sur Delphes. L'équivalent chrétien en est bien entendu le Paradis, que l'on a repéré sur l'axe Vatan-Levroux, couplé avec les Abymes, mais que l'on retrouve aussi au nord de Neuvy, sous la forme d'un hameau, à moins de deux kilomètres de la basilique. Le signe du Capricorne est aux origines mêmes de l'oracle delphique, puisque d'après la tradition rapportée par Pausanias (IX, 30), c'est de Tempé, placé sur le méridien de Delphes, que le culte d'Apollon fut amené en cette ville. Un texte de Diodore de Sicile demande, selon Jean Richer, à être interprété allégoriquement : « Ce sont des chèvres qui, dans les temps anciens, ont découvert l'oracle, et c'est pour cette raison que, de nos jours encore, les Delphiens sacrifient de préférence des chèvres avant la consultation...(Géographie sacrée du monde grec, op. cit. p. 46) ».

Le zodiaque neuvicien respecte cette tradition posant le Capricorne comme fondateur du système : Déols se trouve effectivement dans cette zone, qui plus est sur le méridien d'Arthon, dont nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer le symbolisme polaire dans le cadre de la géographie sacrée biturige.







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Lusignan, Luzeret et les Wisigoths

La question est depuis longtemps de savoir si Mélusine tire son nom de Lusignan, le château qu'elle a fondé, ou bien si c'est celui-ci qui lui doit son nom ? Claude Lecouteux penche pour la première hypothèse, réhabilitant ainsi la thèse souvent raillée de Léo Desaivre, selon laquelle Mélusine serait la déformation de "mère des Lusignan" : "Cette fée bienveillante qui a édifié la forteresse de Lusignan est donc, dans l'esprit des hommes de l'époque, aussi bien à l'origine de la réussite de la lignée que de son déclin. Au Moyen Age, on appelait ces fées "bonnes dames", et il n'est pas impossible, ni même invraisemblable de penser que le génie tutélaire du château fut nommé "bonne dame de Lusignan", puis par extension "mère Lusignan" comme il est fréquent dans nos campagnes. L'usure de la langue conduit alors à une contraction de cette appelation en "merlusignan", et, les liquides /r/ et /l/ ayant presque le même point d'articulation, nous aboutissons à la forme "mellusignan", avec gémination du /l/ puis à Mellusigne, forme attestée par les manuscrits." (Mélusine et le chevalier au cygne, p. 45)

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Mais la question n'en est que repoussée : pourquoi la fée a-t-elle été rattachée à cette famille, à ce lieu même de Lusignan ? La ville, qui se situe à la bifurcation des chemins Poitiers-Saintes (route de Saint-Jacques) et Poitiers-Niort-La Rochelle, se place donc dans le signe du Bélier du zodiaque neuvicien. Or, dans le secteur homologue du zodiaque toulousain, on rencontre Saint-Jean-de-Luz. Doumayrou : "port extrêmement actif au XIIe siècle : l'attribut de ce nom venu d'un mot basque (lohitzun) signifiant marais, a pris tout naturellement la forme romane (lutz) du nom de la lumière, que le tourbillon du Bélier doit extraire de la tourbe ; on sait déjà, si l'on se souvient de ce qui a été dit à propos du mot troubadour, que cette lumière est la trouvaille par excellence." Ajoutons que dans le prolongement de l'axe Toulouse-Saint-Jean-de-Luz, on découvrira Saint-Jacques de Compostelle. La même forme se retrouve-t-elle à la racine du nom des Lusignan ? Ce serait cohérent avec la logique du signe et ferait en quelque sorte de Mélusine une mère-Lumière. A l'appui de cette hypothèse, on peut avancer la présence en Bélier, non loin d'Argenton, du village de Luzeret qui, au-delà de son nom (Albert Dauzat le dérive de l'ancien français lusier : porte-lumière), ne laisse pas d'être intéressant. Tout d'abord, remarquons qu'il est situé sur le méridien de Toulouse. Ensuite son église est la seule de la région à être consacrée à saint Vivien, mort en 460. Le site nominis en donne la biographie suivante : "Originaire de Saintes, il devint administrateur de la région de Saintes par décision de l'empereur Honorius, puis renonçant à cette charge, il devint prêtre et évêque. Il connut l'invasion des Visigoths d'Espagne et accompagna les prisonniers jusqu'à Toulouse pour les soutenir dans leur épreuve. Il gagna l'estime du roi Théodoric et put obtenir de lui, quelque temps plus tard, la libération des prisonniers. Il est reconnu au martyrologe romain, mais n'est fêté que dans le diocèse de La Rochelle." Il n'est pas sans intérêt de retrouver là encore les Wisigoths, que l'on a déjà vus à l'oeuvre avec saint Laurian. Toulouse et Tolède (où Jean Richer voit le centre zodiacal de la péninsule hispanique) ayant été leurs capitales successives, Doumayrou suggère qu'ils ont peut-être joué un rôle important de relais dans la chaîne traditionnelle. (Petite pause océane pour le géographe sidéral. De retour ici dans quelques jours.)

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15 avril 2005 | Lien permanent

Verneuil et point vernal

"A l'époque la plus ancienne, la Pythie, semble-t-il, ne prophétisait qu'une fois par an, le sept du mois de Bysios, jour du début du printemps, de passage du soleil au point vernal. Ce jour était à juste titre considéré comme l'anniversaire de la naissance du dieu." (Jean Richer, Delphes, Délos et Cumes, p.47) Argenton n'est point seule sur le passage au point vernal : à quelques kilomètres de là, une simple chapelle solitaire sise au beau milieu d'un pré l'a précédée. C'est la chapelle de Verneuil, du nom du hameau le plus proche, qui abritait jadis un prieuré dépendant de l'abbaye de Déols. L'étymologie est connue : Verneuil est la clairière de vergnes, d'aulnes. Certes, mais la proximité phonique avec vernal (du latin ver, printemps) est pour le moins troublante. medium_verneuil2.jpg Cette chapelle, mentionnée fort tôt, selon J.L Desplaces (Florilège de l'eau en Berry), mais rebâtie en 1810, est liée à une fontaine, dite Fontaine saint-Fiacre, située de l'autre côté de la route d'Argenton à La Châtre. Un pélerinage avait lieu le 1er mai et le dernier dimanche d'août. Je ne sais s'il a toujours lieu, en tout cas, quand j'ai visité le lieu voici quelques années, c'était plutôt un spectacle de désolation qui s' était offert à moi : tout était à l'abandon, la porte s'entrebaîllait sur une nef conchiée par les pigeons. Difficile d'imaginer qu'autrefois on venait réciter les Evangiles sur la tête des enfants dans un édifice décoré de fleurs et de plantes vertes, comme il se devait pour honorer la mémoire de Saint Fiacre, patron des jardiniers. Il y a lieu de s'interroger sur la raison du choix de saint Fiacre pour honorer ce lieu si modeste. Mon hypothèse est qu'il ne surgit pas ici par hasard, que son élection répond à des nécessités symboliques profondes. Que ce Fiacre soit fils de roi (d'Ecosse ou d'Irlande) comme le veut sa biographie n'est pas anodin : qu'un prince soit relié au principe, à l'axe inaugural de l'espace zodiacal, est tout à fait cohérent. Quittant sa terre natale et renonçant donc au trône, il passe en Gaule où il s'établit comme ermite en forêt de Breuil. Coluche de l'époque, il demande à son évêque de lui céder un bout de terrain qu'il pourrait cultiver, histoire de nourrir les nombreux pélerins miséreux qui affluent vers lui. Généreusement, l'évêque lui octroie la parcelle qu'il pourra entourer d'un fossé en une journée de travail. Laissant traîner son bâton derrière lui, Fiacre voit le sol se creuser et se défricher de lui-même. Cet arpentage est tout à fait significatif : Fiacre, pour délimiter son espace a forcément tracé avec son bâton une figure, circulaire ou rectangulaire peu importe, et la journée ici vaut pour une année. Au départ du zodiaque berrichon gît donc une histoire de construction d'un espace-temps singulier. Les légumes, plantes et fleurs dont Fiacre couvrira son domaine disent avec éloquence la vigueur végétative du printemps qui s'amorce avec le Bélier. On le représente traditionnellement tenant d'une main le livre ouvert des Evangiles, et de l'autre une bêche. medium_fiacre.jpg Curieusement, mais il faudrait plutôt dire significativement, cette statue en pierre du XVIIe se trouve à Notre-Dame de Verneuil-sur-Avre.

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24 mars 2005 | Lien permanent | Commentaires (3)

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