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18 septembre 2007

Tous les chemins mènent à Bourges

Autre point commun essentiel entre Saint-Genou et Saint-Ambroix : Bourges. Bourges, la capitale de la civitas bituricum. Petit rappel : c'est le comte de Bourges, Wilfred, qui fonde en 828  l'église et le monastère d'Estrée, lesquels un peu plus tard accueilleront les reliques de saint Genou. Il n'est sans doute pas anodin que cette initiative ait été prise d'un commun accord, ainsi que le stipule Mgr Villepelet, avec Ode son épouse. La génération induit le couple ; semblablement la restauration de l'abbaye de Saint-Ambroix fut décretée à la suite d'une charte signée par Geoffroy vicomte de Bourges et sa femme Ildeberge de Déols. Datée de 1012, elle fut signée par presque tous les nobles du pays.


L'abbaye de Saint-Ambroix dont il est ici question ne se situait pas à Saint-Ambroix, mais bel et bien à Bourges, car la dépouille du saint y fut transférée au Xème siècle, dans le faubourg de Brisiac et déposé dans l'église consacrée aux saints apôtres Pierre et Paul. L'abbaye fut construite peu après, pillée par les Normands puis rétablie dans ses possessions primitives par Geoffroy. Brûlée par les protestants en 1562, restaurée en 1571, reconstruite presque entièrement en 1635, vendue comme bien national en 1793, "il en reste, nous dit encore Mgr Villepelet,  quelques vestiges importants dans la propriété de Mlle de Bourbon ; le jardin des Prés-Fichaux appartenait à cette abbaye ainsi que les beaux platanes de l'avenue de la Gare jadis dans l'enclos du monastère."

 

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Dieu parlant à Isaïe
Bréviaire à l'usage de Saint-Ambroix de Bourges (1380)
Bourges - BM - ms. 0016

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11 septembre 2007

Les stèles de Saint-Ambroix

Saint-Ambroix n'est plus qu'un modeste village de 378 habitants, mais à l'époque gallo-romaine où il se nommait donc Ernodurum,  il avait une toute autre ampleur. Comme le montre avec éloquence la carte des voies romaines établie par F. Dumasy et L. Laüt dans Berry Antique (Atlas 2000, 21ème supplément à la Revue Archéologique du Centre de la France, p.113) :



Saint-Ambroix apparaît ici comme une localité importante de la cité biturige, étape sur la voie romaine reliant Saint-Marcel à Bourges (Argentomagus à Avaricum).
Autres indices indiscutables, les magnifiques stèles funéraires qui y furent découvertes au début du XXème siècle et qu'on l'on peut admirer en particulier au Musée Bertrand à Châteauroux. Je me réjouis d'ailleurs de lire sur le site de Gérard Coulon - archéologue, historien et écrivain natif de Mézières-en-Brenne, fondateur et premier conservateur du Musée d'Argentomagus -, qu'il va entreprendre, en  collaboration avec Simone Deyts, professeur à l’Université de Bourgogne à Dijon et éminente spécialiste de la sculpture gallo-romaine,  l’étude scientifique de ces stèles : " L’accord enthousiaste de la ville de Châteauroux - qui en possède la plus grande partie - nous permet de commencer cette étude dès l’automne prochain. Notre travail aboutira à la publication d’un répertoire illustré."


© Gérard Coulon

La venue d'Ambroix à Ernodurum en devient encore moins anodine. Ce n'est pas dans un misérable village de seconde zone que l'évêque achève sa pérégrination et sa destinée terrestre, mais bien dans une agglomération qui connut une prospérité certaine et dont l'aura devait être encore forte dans ce Haut Moyen Age où il vécut.

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09 septembre 2007

Pourquoi Cahors ?

"Filles sont très belles et gentes 
Demourantes à Sainct-Genou".
François Villon


Deux localités sur le même parallèle, deux saints évêques de Cahors, Genou et Ambroix. La question se pose naturellement : pourquoi Cahors ?
Il convient  tout d'abord de se souvenir que Cahors n'est pas une inconnue dans la géographie sacrée berrichonne :
le Christ du tympan de Déols n'est pas sans affinité, on l'a vu, avec celui du tympan de Cahors. Le socle sur lequel il repose  est porté par deux animaux : le lion et le dragon. "Cette représentation des symboles de l'Antéchrist et du Diable suivant Honorius d'Autun, écrit Jean Favière, fréquente dans la sculpture gothique, est unique dans l'iconographie des portails romans." Et je me demandais alors si nous étions en présence là encore d'un écho à Cahors. Cahors que  Doumayrou rattache au chaos primordial : "Ce nom, ainsi que celui du Quercy, vient des celtes Cadurques, avec le souvenir des racines grecques cha, s'entrouvrir (d'où vient chaos) et chad, prendre, saisir, caractérisant l'avidité bien connue de cette gueule d'enfer qu'est le chaos." (Géographie sidérale, p.168)


C'est bien cette idée du chaos qu'il s'agit d'appréhender pour comprendre la référence à Cahors sur l'axe Saint-Genou - Saint-Ambroix.


C'est ma lecture récente d'Ecoumène, le livre d' Augustin Berque, qui a grandement éclairé ma lanterne : le géographe, après avoir noté que Chaos est de même famille que chainô (s'ouvrir), qui provient de la racine indo-européenne ghei-, comme le latin hiatus, relève  que "nombreux sont les auteurs qui leur apparentent  chôra, terme que Platon utilise dans le Timée pour dire le lieu des choses au sein du monde sensible."
"Le Timée, poursuit-il, est l'une des dernières oeuvres de Platon, peut-être la plus célèbre. C'est en effet celle où il ramasse son ontologie et sa cosmologie - son onto-cosmologie, l'une allant avec l'autre - et qui narre entre autres le mythe de l'Atlantide. Pour ce qui nous concerne, on y trouve sa théorie du lieu. Après avoir distingué deux sortes d'être : la Forme ou Idée intemporelle et aspatiale (eidos ou idea), c'est-à-dire l'être absolu qui est l'"être véritable" (ontôs on) et relève de l'intelligible, d'une part, d'autre part l'être relatif ou en devenir (genesis), qui relève du sensible, Platon introduit un "troisième genre" (triton allo genos, 48e 3), qu'il va appeler chorâ."

 

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Buste de Platon
Réplique romaine d'après un original du milieu du 4ème siècle

©[Louvre.edu] Photo Erich Lessing


Le problème est que Platon ne donne pas de définition très précise de cette chorâ, ne la désignant que par des métaphores qui, selon Berque, paraissent peu cohérentes. Des choses qui sont, elle semble comme l'empreinte et en même temps la matrice, mère (mêtêr) ou nourrice (tithênê). "Si Platon, continue-t-il,  ne trace pas de figure claire de la chorâ, du moins pouvons-nous inférer une image de ce qu'il lui associe. Genesis, que les spécialistes, pour cadrer avec le système platonicien, interprètent comme l'être relatif, le devenir ou l'étant, cela exprime d'abord et fondamentalement l'idée d'engendrement (du radical indo-européen gen- ou gne-, lequel a été dans nos langues, c'est le moins qu'on puisse dire, extrêmement prolifique). Ce n'est évidemment pas un hasard si, dans le Timée, cette idée se trouve couplée à celle de chorâ, qui nous renvoie, en deçà d'elle-même, au chaos comme béance."


Et nous pourrions écrire, en écho à Augustin Berque, que ce n'est évidemment pas un hasard si l'histoire de saint Genou (dont la racine gen- est manifeste) est couplée  à celle de la ville de Cahors, tirant son nom du Chaos  (et anagramme de chorâ, par dessus le marché).


En faisant de la vieille de Brisepaille, près de Saint-Genou, l'accoucheuse de Gargamelle, Rabelais s'inscrivait parfaitement dans cette ontologie platonicienne.


"La chorâ, [...], c'est bien l'ouverture par laquelle adviennent à l'existence les êtres qui vont constituer le monde. C'est le lieu géniteur et le giron, l'i grec hospitalier de tout ce qu'il "y" a sous le ciel"(Ecoumène, p. 22-23).

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06 septembre 2007

De saint Genou à saint Ambroix


L'autre direction cardinale issue de Saint-Genou que je n'ai pas encore exploré est bien sûr le parallèle, l'axe est-ouest balisant l'horizon équinoxial. Si le parcours vers l'ouest ne donne rien de probant, en revanche la visée orientale est particulièrement suggestive.
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 Pour une vision un peu plus large, la carte en PDF

 

 Traversant la Champagne berrichonne et rasant la ville d'Issoudun, elle atteint le village de Saint-Ambroix, à la limite du département du Cher. Quel lien peut-il bien avoir avec Saint-Genou ? C'est en me plongeant dans l'hagiographie du saint avec  le livre toujours aussi précieux de Mgr  Villepelet que je l'ai découvert : il s'agit ni plus ni moins que de la ville de Cahors.

On se souvient que saint Genou avait été évêque de Cahors avant de se rendre en Berry, et qu'il avait eu maille à partir avec le préfet Dioscorus qu'il avait néanmoins fini par convertir. Or, Ambroix, dont la vie est connue selon deux sources dont l'une est un très ancien bréviaire de Bourges, est donné lui aussi comme évêque de Cahors. Cette rencontre n'est assurément pas fortuite, d'autant plus que Saint-Ambroix est un toponyme très rare en France (il n'en existe qu'un autre, dans le Gard).
Villepelet place l'épiscopat d'Ambroix dans la seconde moitié du VIIIe siècle (par déduction, car les deux Vitae ne donnent aucune indication chronologique). Il raconte que désespérant de ses ouailles dont la corruption des moeurs lui semblait irréductible, il se dirigea avec son ami Agrippinus, vers le tombeau des saints Apôtres. C'est donc en revenant de Rome, et après avoir visité à Tours l'église de Saint-Martin, qu'il fait halte quelque temps au village des bords de l'Arnon qu'on nommait alors Ernodurum. Et qui devint donc Saint-Ambroix, car c'est là qu'"il s'endormit dans le Seigneur, au milieu d'octobre, aux environs de l'année 770".
La marque de saint Martin, dont nous avons vu l'extrême importance dans la thématique liée à saint Genou, se retrouve donc ici à Saint-Ambroix. Les alentours même du village recèlent plusieurs indices :

Le village de Saint-Hilaire, située sur la rive gauche de l'Arnon, est limitrophe de Saint-Ambroix et l'on peut voir un bois de Saint-Martin au sud-est, en bordure de département.


Notons enfin, et ce sera tout pour l'instant, que le point médian entre Saint-Genou et Saint-Ambroix est situé sur le lieu-dit Les Chapelles, près de Brion. Rappelons que le mot même de chapelle vient "du latin populaire capella, diminutif de cappa, "manteau à capuchon" (cape, chape), attesté en latin médiéval (679) pour désigner le manteau de saint Martin, relique conservée à la cour des rois francs. Par extension, capella en vint à désigner le trésor des reliques royales et l'oratoire du Palais Royal abritant ce trésor." (Robert, Dictionnaire Historique de la Langue Française, p. 389)

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04 septembre 2007

Nunc est bibendum

L'outil indispensable du géographe sidéral est bien sûr la carte. Il est bien certain que ce qui m'a séduit de prime abord dans le livre de Doumayrou, c'est sa profusion de cartes et de schémas, de blasons et de figures géométriques . Mais je  ne l'avais  pas attendu pour user de la  carte Michelin de la région, sur laquelle nous imaginions nos périples vélocipédiques. Avec ses lieux-dits innombrables, ses trois points noirs promesses de ruines, ses liserés verts bordant  les routes tortueuses, ses gerbes bleues ouvrant sur des panoramas vertigineux, c'est un vrai trésor de rêveries que nous offrait le bibendum *alerte et rondouillard. C'est encore cette carte qui me sert le plus souvent, qui accueille mes tracés, mes crayonnés. Ainsi le bois de Souvigny, traversé par le méridien de Saint-Genou, y apparaît-il ainsi :



Mais il est parfois utile d'aller y voir de plus près. Il y faut alors la carte d'Etat-Major, pardon la carte IGN (le potentiel de rêverie est malheureusement moindre dans ce dernier prédicat, plus pacifique il est vrai - l'ancien montrant bien que la cartographie servait  d'abord à faire la guerre). Oui, la carte IGN au 1/25000 si possible. Des détails alors surgissent, que le bibendum avait négligé.

Je me suis muni tout récemment du logiciel Carto Exploreur de l'Est de l'Indre, qui me permet de visualiser sur l'ordinateur le contenu de plusieurs cartes papier, et c'est ainsi que le bois de Souvigny m'est apparu sous un autre jour :


Première surprise : le bois de Souvigny n'est plus désigné comme tel. Toutes les parcelles forestières de la carte portent un autre nom. Mais on ne perd pas au change, puisque le mot Souvigny apparaît à quatre reprises : en tant que  lieu-dit tout d'abord, placé à deux cents mètres seulement du méridien exact de Saint-Genou (l'église étant prise comme point nodal), puis comme ruisseau et comme étang, enfin comme dénomination d'une Tuilerie (les fours à briques ou à tuiles étaient très gourmands en bois de chauffage).
La situation de ces lieux est  similaire à celle des Souvigny étudiés dans l'inventaire : cerné par la forêt, en rapport avec l'eau. Seul le caractère frontalier ne paraît pas établi. Nous nous trouvons en effet encore assez loin de la limite sud de la civitas biturige.
Grâce à ce superbe outil informatique (il suffit par exemple de déplacer la souris pour avoir la longitude et la latitude de chaque lieu pointé), il est possible de mener un travail très fin autour de la microtoponymie des espaces traversés.
C'est avec son concours que nous allons  maintenant explorer une autre direction cardinale issue de Saint-Genou.
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On reste bien ici dans la thématique rabelaisienne de la beuverie... 

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