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Rechercher : saint Denis

Les bien yvres sont de retour

« Sur le monde je porterai le regard clair prêté par l’aigle à Ganymède »
Jean Genet, Journal du voleur


Après un long intermède estival, retour donc avec l'automne sur les terres berrichonnes. Je m'étais arrêté sur la figure de Saint-Georges, figure hautement symbolique de cette géographie sacrée mêlant paganisme et christianisme. Que me reste-t-il à inventorier ? En ai-je fini avec la longue évocation du carré buissé ? Pas tout à fait, me semble-t-il. Il me faut revenir sur le point de départ de l'investigation en signe du Verseau, en appeler encore une fois à Rabelais. La boucle sera alors bouclée et nous pourrons passer au dernier signe de ce circuit zodiacal : les Poissons, qui couvre une des régions les plus fascinantes du Berry, totalement différente des autres territoires naturels qui  composent la province, j'ai nommé la Brenne. A vrai dire, je l'ai déjà évoqué brièvement, avec l'étang du Bois-Secret, dont Doumayrou  faisait le point central de l'une de ses grandes perspectives symboliques. On essaiera d'aller plus loin.

Souvenons-nous : Verseau convoquait Ganymède, l'échanson des dieux et il était donc question de boire, ce à quoi s'employaient gaiement les compagnons de Grangousier, les "bien yvres". On se souvient que  l'accoucheuse de Gargantua est désignée comme étant une vieille de Saint-Genou : ceci me donnant le départ d'une longue enquête sur ce saint qui déboucha sur la découverte du carré buissé. Allons donc maintenant au centre même de ce carré. J'ai déjà dit que le village le plus proche était Buxières d'Aillac, mais il est possible de préciser encore en cherchant  le toponyme le plus proche. Or, il semblerait que ce soit l'Entonnoir, entre l'Orme et le Châtaignier, non loin de la queue de l'étang de Brenne. Nous ne quittons pas le motif de la beuverie...



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Car le mot même apparaît chez Rabelais, au chapitre V de Gargantua, justement dans "Les propos des bien yvres" :

"-Non moy, pecheur, sans soif, et, si non presente, pour le moins future, la prevenent comme entendez. Je boy pour la soif advenir. Je boy eternellement. Ce m'est eternité de beuverye, et beuverye de eternité.

-Chantons, beuvons, un motet entonnons ! Où est mon entonnoir?

-Quoy! Je ne boy que par procuration !"

 

On le retrouve aussi au dernier chapitre du Tiers-Livre :

 

"Ce que ie vous ay dict, est grand & admirable. Mais si vouliez vous hazarder de croire quelque aultre divinité de ce sacre Pantagruelion, ie la vous dirois. Croyez la ou non. Ce m'est tout un, me suffist vous avoir dict verité. Verité vous diray. Mais pour y entrer, car elle est d'accès assez scabreux & difficile, ie vous demande. Si i'avoys en ceste bouteille mis deux cotyles de vin, & une d'eau ensemble bien fort meslez, comment les demesleriez vous? comment les separeriez vous? de manière que vous me rendriez l'eau à part sans le vin, le vin sans l'eau, en mesure pareille que les y auroys mis. Aultrement. Si vos chartiers & nautonniers amenans pour la provision de vos maisons certain nombre de tonneaulx, pippes, & bussars de vin de Grave, d'Orleans, de Beaulne, de Myrevaulx, les avoient buffetez & beuz à demy, le reste emplissans d'eau, comme font les Limosins à belz esclotz, charroyans les vins d'Argenton, & Sangaultier: comment en housteriez vous l'eau entierement? comment les purifieriez vous? I'entends bien, vous me parlez d'un entonnoir de Lierre. Cela est escript. Il est vray & averé par mille experiences. Vous le sçaviez desià. Mais ceulx qui ne l'ont sceu & ne le veirent oncques, ne le croyroient possible. Passons oultre."(C'est moi qui souligne)

 

Remarquons qu'à la ligne du dessus, sont évoqués les vins d'Argenton et Sangautier (Saint-Gautier), autrement dits des cépages berrichons. Argenton, on le sçait desià, sur le parallèle de Neuvy Saint-Sépulchre, donc sa ligne équinoxiale, séparant Bélier de Poissons ; Saint-Gaultier, un peu en aval sur la Creuse, pratiquement sur le parallèle de l'Entonnoir. N'est-ce pas là aussi grand & admirable ?

 

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22 septembre 2008 | Lien permanent | Commentaires (2)

Léonard, le sage-homme

Léonard, nous dit sa Vita, est fils de bonne famille franque, bien introduite à la cour de Clovis. La preuve en est que c'est Clovis lui-même qui parraine le petit Léonard, baptisé par saint Rémi. C'est dire s'il ne manque pas de célébrités à l'aurore de la vie de notre futur ermite. Après d'excellentes études dans l'école du saint rémois, le voilà qui délaisse le monde et opte pour le monastère, en l'occurrence Micy, près d'Orléans1, au confluent de la Loire et du Loiret. Micy, dont il ne reste malheureusement rien aujourd'hui. Là, avec son frère Liphard, il mène une vie pieuse sous l'autorité de saint Maximin, alias saint Mesmin, dont le principal titre de gloire est d'avoir vaincu un dragon à l'haleine pestilentielle qui sévissait depuis une grotte des rives de la Loire. Mais la vie ligérienne est encore trop douce pour Léonard, il traverse le Berry et descend en Limousin, attiré par la promesse de ses forêts profondes. Il remonte la vallée de la Vienne jusqu'à une « montagne » où il fonde son premier ermitage, Pauvain.

Un ermitage mal isolé en réalité : sur l'autre rive, se trouve en effet le château de chasse du roi. Mais la proximité a ses commodités : quand la reine Clotilde manque de mourir en couches, c'est Léonard qui l'en délivre. Le roi manifeste alors sa reconnaissance en lui attribuant la portion de territoire qu'il pourra circonscrire en chevauchant un âne pendant une nuit. Ce sera l'origine de Noblat, ainsi dénommé, on l'aura deviné, de par sa noble origine.

 

Puits aigurandais

Soucieux par ailleurs d'épargner la corvée d' eau jusqu'à la Vienne à ses deux disciples (curieuse sollicitude de la part d'ermites si prompts d'habitude à s'infliger les épreuves corporelles les plus pénibles...), il fait jaillir par la prière un puits à l'eau intarissable.

 

Ce saint qui meurt à l'âge canonique de 93 ans, est le premier saint de la Couronne de France, si l'on en croit le R.P. Bernardin, prieur des Carmes Déchaussés de Limoges, en 1673. On ne saurait mieux dire.

La vocation royale de Léonard, manifeste dans sa biographie se lit aussi dans les détails. Si le roi est l'intercesseur entre le ciel et la terre, le monde des dieux et celui des hommes, il est aussi celui qui descend aux enfers. Le puits de Léonard n'est pas de simple bonté, il répond à la montagne de Pauvain. Au centre du cloître des abbayes, le puits est « à lui seul un microcosme ramené à l'essentiel ; de nombreux cultes en attestent le caractère sacré. Il fait communiquer avec le séjour des morts ; l'écho caverneux qui en remonte, les reflets fugitifs de l'eau remuée, épaississent le mystère plus qu'ils ne l'éclaircissent. Considéré de bas en haut, c'est une lunette astronomique géante braquée du fond des entrailles de la terre sur le dôme céleste. Ce complexe réalise une échelle de salut reliant entre eux les trois étages du monde. » (Le Monde des Symboles, Zodiaque, p.152)

C'est du roi de France encore que Léonard reçoit le privilège de délivrer les prisonniers de son choix. Délivrance des prisonniers, délivrance de la femme en couches, cette thématique, nous allons précisément la retrouver en parcourant les terres du secteur zodiacal voisin, Vierge.

Que Léonard avait déjà honorée en nommant l'oratoire de Noblat, Notre-Dame de sous les arbres.

L'arbre qu'on trouve aussi parfois au carrefour des quatre avenues du cloître.

1 Dont on notera en passant qu'il est une anagramme quasi parfaite de Léonard (Léonars).

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07 septembre 2005 | Lien permanent | Commentaires (1)

Le voyage alchimique (1)

De cet axe Cluis-Neuvy-Bourges, vecteur occulte qui sous-tend l'architecture du sanctuaire neuvicien, et de ses prolongements dans l'espace berrichon, risquons maintenant une lecture proprement alchimique. Cette traversée des terres sera interprétée comme un long voyage où les lieux rencontrés marquent les étapes de réalisation de l'Oeuvre. Ceci dit, ô lecteur féru de l'Art d'Hermès, sois indulgent et miséricordieux envers le néophyte que nous sommes, notre érudition n'est pas sans faille et notre prétention sans doute bien grande. Nul maître n'a dicté nos écrits, nul cénacle secret n'en porte le récit. Si tout ceci est poésie et fantasmagorie, divagation de songe-creux, fariboles et coquecigrues, le mal, si je ne m'abuse, n'est au fond pas bien grand...


Tout part de Cluis, car, de par son nom même (attesté en Closis dans plusieurs actes médiévaux) indiquant la clôture, la cité représente l'instrument de la quête alchimique occidentale : le livre, le traité, dont « la composition complexe, explique René Alleau (art. Alchimie, Encyclopaedia Universalis, I), et, surtout, l'énergie subtile et l'influence spirituelle dont il est chargé en font à la fois un véhicule « hermétiquement clos » et un message substitué magiquement à la présence même du maître. »

 

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Portail de Saint-Paxent (Cluis)

Le livre fermé est donc le symbole même de la Matière Première sur laquelle l'alchimiste va travailler. Tous ses efforts ne visent qu'à un seul but : ouvrir ce livre, c'est-à-dire en extraire le principe vital qui y est enfermé, la quintessence, la « substantifique moelle » dont parlait Rabelais. « Les sages, précise Fulcanelli1, ont appelé leur matière Liber, le livre, parce que sa texture cristalline et lamelleuse est formée de feuillets superposés comme les pages d'un livre. » (Les Demeures Philosophales, I, p. 296, Pauvert, 1964). Le célèbre adepte Nicolas Flamel se munit en son voyage allégorique vers Saint-Jacques de Compostelle du mystérieux manuscrit hiéroglyphique d'Abraham le Juif.

Adoptant la même symbolique, de Cluis nous allons nous rendre à Neuvy Saint-Sépulchre, dont nous savons déjà qu'elle était une éminente étape sur le chemin de Saint-Jacques. Pour ce faire, nous emprunterons la route de Châteauroux. Au sortir de Cluis, nous passerons au lieu-dit Ragon, qui dissimule à peine par son aphérèse le Dragon primordial, monstre noir couvert d'écailles et fort malodorant, qui se cache « es cavernes de la terre » et qui n'est qu'une des multiples appelations de cette Matière Première dont le nom vulgaire est soigneusement éludé. La route nous conduira ensuite aux Loges de Bonavois, à la lisière du bois de Bonavois : il nous est simplement confirmé, sans mystère excessif, que nous sommes bien sur la « bonne voie ». Animé de cette certitude, nous pourrons plus aisément traverser la forêt, qui est la représentation naturelle du Labyrinthe symbolisant les épreuves rencontrées par l'Adepte : « Donc, en cette mesme façon, écrit Nicolas Flamel, je me mis en chemin et tant fis que j'arrivais à Montjoye et puis à Saint-Jacques, où, avec une grande dévotion, j'accomplis mon voeu. » Nous retrouvons ici ce terme de Montjoie qui a souvent croisé notre périple zodiacal : « C'est l'indice de l'étape bénie, développe Fulcanelli, longtemps attendue, longtemps espérée, où le livre est enfin ouvert, le mont joyeux à la cime duquel brille l'astre hermétique. La matière a subi une première préparation, le vulgaire vif-argent s'est mué en hydrargyre philosophique, mais nous n'y apprendrons rien de plus. La route suivie est sciemment tenue secrète. » (op.cit. p. 440-441).

 

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Saint Michel affrontant le dragon (image BnF)

Toujours est-il que nous voici parvenus au pied de la rotonde, sur le mur de laquelle court, nous l'avons vu, le serpent fabuleux, le dragon ailé. Hiéroglyphes du principe alchimique primordial, de ce Mercure des Sages (qui n'a bien sûr que peu à voir avec le mercure de la chimie moderne), véritable moteur du Grand Oeuvre, car « il le commence, l'entretient, le perfectionne et l'achève. (...) C'est lui, poursuit Fulcanelli, le cercle mystique dont le soufre, embryon du mercure, marque le point central autour duquel il accomplit sa rotation » (op. cit. II, p. 282)... et dont la rotonde est bien sûr la merveilleuse expresssion architecturale. En alchimie, le sépulcre est d'ailleurs le nom donné à l'Oeuf philosophique, la cornue de verre ou de cristal où s'effectue la conjonction des principes opposés, soufre et mercure, le premier, sec et igné, de nature fixe et mâle, le second, froid et humide, de nature femelle et volatile.

Entrons maintenant dans la rotonde par la magnifique porte Nord.

(A suivre)

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1Le célèbre alchimiste, dont l'identité véritable est encore une énigme, doit certainement son nom à la cabale phonétique Vulcain-Hélios, le Feu du Soleil – Vulcain étant, on le sait, l'équivalent latin d'Héphaïstos.

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21 janvier 2006 | Lien permanent | Commentaires (4)

Se l'estoire ne ment

Donnons un dernier exemple montrant l'étroite association symbolique entre saint Léger et Bayart sous l'égide solaire. Léger, comme les fils Aymon, fut très populaire dans les campagnes : son martyr s'apparentait en quelque sorte aux souffrances du cheval et des quatre frères traqués sans relâche par Charlemagne. Dans l'une des chansons de la geste, l'empereur fait suspendre au cou de Bayart une meule de moulin, et du pont de Meuse le fait précipiter dans le fleuve. Le cheval s'enfonce aussitôt dans les flots à la grande douleur des autres chevaliers présents, mais il parvient ensuite à briser la pierre, traverser le fleuve et fuir dans la grande forêt de l'Ardenne. « On a dû jadis, assure Henri Dontenville, d'un côté comme de l'autre du Rhin, éprouver des chevaux sacrés, observer s'ils pouvaient, bien entravés, traverser une rivière, et cette pratique s'alliait, à n'en pas douter, au culte de l'astre solaire ; il devait s'agir de provoquer la renaissance ou le maintien de l'astre en sa puissance. Trois lignes du poème, que nous pouvons citer dès maintenant, glorifient inconsciemment le solstice d'été. Bayart échappe à l'empereur chrétien, erre, sauvage et libre, dans la forêt :

Encor i est Baiars, se l'estoire ne ment,
Et encore l'i oït-on, a feste sainct Jehan
Par toutes les années hanir moult clerement. »

(La France Mythologique, p. 108)


Or, lorsque les troupes protestantes du maréchal d'Aumont, comte de Châteauroux, assiégèrent en vain la ville d' Autun en 1591, du 18 mai au 21 juin, cette délivrance fut attribuée à une mystérieuse apparition de saint Léger, si bien que fut instituée, tous les 21 juin, la fête de l'apparition de saint Léger. Est-il besoin de préciser que le 21 juin est précisément la date du solstice d'été ?


 


 



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16 août 2005 | Lien permanent

Rodène la rhodanienne

De Nantosuelta à Mélusine, en passant par le Chaperon Rouge, Rodène affiche une belle diversité de dénominations. Il reste qu'aucune de ses hypostases, si je puis dire, ne présente une ressemblance phonétique avec la sainte de Levroux. Le site Carmina assimile son nom au languedocien rondina, de rondinar, qui signifie ronchonner (la sainte serait parfois désignée comme sainte Ronchonne).

Explorons une autre piste : le nom qui m'a tout de suite paru le plus proche de Rodène, c'est celui du Rhône, en latin Rodanus. Dans l'hypothèse d'une identification Rodène-Silvain à Nantosuelta-Sucellus, il faut noter que le culte de ce couple divin est particulièrement dense dans les régions proches du fleuve, comme en atteste cet extrait de Lambrechts, cité par J.J. Hatt :

« Si nous jetons un coup d'oeil sur la carte de répartition géograhique du dieu au maillet, nous voyons que son culte se répartit en trois groupes : l'embouchure de la vallée du Rhône, le Rhône supérieur et la vallée de la Saône, surtout le pays héduen, enfin un troisième groupe, beaucoup moins important, dans le Nord-Est de la Gaule, surtout en pays médiomatrique. L'on peut affirmer que la région du Rhône et de la Saône doit être considérée comme le lieu d'origine du culte du dieu au maillet. » (Contribution à l'étude des dieux celtiques, p. 115.)

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Collégiale Saint-Silvain (portail sud)
 
Quelle est maintenant l'étymologie de Rodanus ? Aucun auteur ne le rattache à rondinar : c'est que, comme la plupart des noms de rivière, il est certainement très ancien, peut-être même antérieur à l'occupation celtique. Le site http://crehangec.free.fr/rivos.htm écrit que Rodanus vient de renos (couler) ou rod (rivière), même racine + danu (hardi, fier), sans préciser l'origine de ces étymons. Sur un forum discutant de l'étymologie du fleuve, on peut lire aussi ceci :

 

« (...) l'autre explication serait qu'il vient d'un terme hydronymique prélatin dan précédé d'un terme gaulois ro fort cours d'eau. En fait le rho orthographié avec l'h viendrait d'un snobisme des Latins qui ont assimilé ce son à la lettre grecque exprimant la violence. »

Fort cours d'eau, rivière hardie, désignent en tout cas indubitablement le Rhône comme un fleuve impétueux, proche du torrent qu'il était en amont du lac Léman. Le Rhin, qui est proche étymologiquement, était aussi un fleuve sauvage : « Son cours était autrefois si impétueux et imprévisible qu'aucune grande ville ne s'est installée à sa proximité immédiate. » Or, on a vu que Nantosuelta tenait l'origine du premier élément de son nom dans le gaulois nantos, vallée, torrent (d'ailleurs le savoyard nant désigne encore de nos jours un torrent).

De même, la tribu celte qui occupait le Valais, autrement dit la haute vallée du Rhône, se nommait les Nantuates (elle a aussi donné son nom à la ville de Nantua).




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Puychevrier et les Grandmontains

Ces derniers temps, j'ai plus arpenté les livres que les paysages, cependant je n'oublie pas ceux-ci, et quand l'occasion est donnée de pousser plus avant la connaissance  de quelque site, j'essaie de la saisir aux cheveux... La dernière journée du patrimoine, au mois de septembre, m'a ainsi permis de découvrir un merveilleux endroit qui n'existait encore pour moi que comme un nom anodin sur la carte : il s'agissait du prieuré de Puychevrier, à 12 kilomètres environ du Blanc, entre Ingrandes et Mérigny, sur la rive gauche de l'Anglin.

Personne ne m'ayant vanté les mérites du site, n'ayant jamais rien lu sur lui, je m'y suis rendu sans plus de conviction, presque résigné à me contenter des vestiges d'un couvent peut-être transformé en grange, sollicitant plus l'imagination du promeneur que l'observation attentive. Je me trompais : dès l'abord du hameau, je fus heureusement surpris de la vaste place herbeuse qui en constituait le coeur, et l'entrée dans l'enceinte fermée du prieuré m'enthousiasma immédiatement. Une longue allée arborée conduisait aux bâtiments bellement restaurés. Une réelle sérénité régnait là, cette sérénité des monastères ayant gardé la simplicité que j'imagine être celle des origines.

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La fondation de Puychevrier remonte à 1181, il relevait de l'ordre de Grandmont fondé au XIème siècle par Etienne de Muret, près d'Ambazac, dans le Limousin. Les religieux de cet ordre, les Grandmontains,  suivaient une règle austère qui stipulait le silence absolu en dehors des offices, des jeûnes fréquents et la quête d'aumônes auprès des paysans. Mais il semble qu'ils redistribuaient aussi beaucoup, car ils furent surnommés les Bonshommes (comme les Cathares méridionaux). Bien sûr, comme dans tous les ordres monastiques, il y eut des crises et la simplicité originelle de l'ermite Etienne fut battue en brèche avec la croissance rapide de l'Ordre. Il périclita tellement qu'il fut supprimé en 1772 par une bulle de Clément XIV, échappant ainsi de peu aux foudres de la Révolution*.

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Dans l'Indre, il existait cinq prieurés. J'ai déjà évoqué deux d'entre eux, celui de Lourdoueix Saint-Michel, dont il ne reste plus guère que la trace toponymique, et celui de l'Epeau, au bord de la même rivière Anglin. Je m'aperçois d'ailleurs qu'à cette occasion, je mentionnais que ce prieuré dont il ne reste plus aucun vestige relevait justement de Puychevrier. Ces deux sites entrent donc dans des configurations symboliques de la géographie sacrée. Qu'en est-il donc de Puychevrier, seul prieuré indrien rescapé des désastres du temps ?

Pour l'instant, je constate seulement qu'il se situe sur l'axe Saint-Savin - Pouligny Saint-Pierre, cette fameuse diagonale qui passe au Saint-Fleuret, la stèle funéraire de Sauzelles.

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* Sur l'histoire de l'Ordre et les monuments encore existants, on lira avec intérêt le livre de Gilles Bresson, Monastères de Grandmont, Guide d'histoire et de visite, aux éditions d'Orbestier.

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05 octobre 2009 | Lien permanent | Commentaires (2)

Le laurier du Tempé

A l'origine de la fondation de la rotonde de Neuvy Saint-Sépulchre, nous trouvons trois personnages. Tout d'abord, le seigneur du lieu : Boson de Cluis, ensuite le suzerain de celui-ci, Eudes de Déols dit l'Ancien, "qui paraît bien, selon Jean Favière (Berry Roman, Zodiaque, 1970), avoir inspiré la création de cette nouvelle église placée sous le vocable de Saint-Jacques le Majeur, patron des pélerins, et directement rattachée à l'église de Jérusalem." Vassal lui-même "très fidèle et très familier" du duc d'Aquitaine Guillaume le Grand ( par ailleurs comte de Poitiers et abbé de Saint-Hilaire), il avait accompagné celui-ci à Rome en 1024 ; "puis, en 1026, poursuit Jean Favière, il était reparti cette fois vers Jérusalem en compagnie de Guillaume Taillefer, comte d'Angoulême, et d'une nombreuse suite. Après avoir, au passage, rendu visite à saint Etienne, roi de Hongrie, il était arrivé dans la Ville sainte en mars 1027. Sa réputation était grande ; en 1024, Hildegarde, écolâtre de Poitiers, conseillait à son retour, à Fulbert de Chartres, de ne pas manquer, "s'il traverse le Berry, de converser amicalement avec Eudes de Déols, homme de grande sagesse." Sa piété soutenait de nombreux établissements religieux et en premier lieu, les abbayes de Déols et Saint-Gildas de Châteauroux." Enfin, le troisième homme, qui aurait construit l'église selon la Chronique d'Anjou, est un certain Geoffroy, que certains auraient proposé d'identifier avec Geoffroy le Meschin, un vicomte de Bourges – mais c'est là, toujours selon Jean Favière, hypothèse gratuite.

La question est simple : pourquoi avoir édifié ce "reliquaire monumental" précisément dans ce bourg, ce Novo Vicus, né certainement autour d'un gué sur la Bouzanne à la fin de l'époque gallo-romaine, sur la voie menant d'Argentomagus à Néris-les-Bains ? Rien de prestigieux ne s'attachant apparemment à ce site, il faut supposer que c'est sa position géographique singulière qui a présidé à son élection. Neuvy, en effet, était le point de rencontre de plusieurs alignements fondamentaux. Outre ceux décelés par Guy-René Doumayrou, nous avons vu que la cité se plaçait sur le parallèle de Poitiers, mais il convient aussi de prendre en compte un axe Nord-Sud tout aussi primordial, souligné par la légende elle-même. J'avais omis de raconter la fin de l'histoire. En effet, après avoir occis le terrible Python, Apollon a dû pour se purifier de la souillure que le meurtre représentait, s'exiler en Thessalie, dans la vallée du Tempé. Or, où se place Tempé par rapport à Delphes ? Ni plus, ni moins qu'à son Nord géographique. La route que le dieu emprunte alors deviendra la Voie Sacrée, où chemineront les processions de la fête du Septerion, instituée en souvenir de son exploit et célébrée tous les huit ans. Que trouvons-nous au Nord géographique de Neuvy ? Un seul village, a priori anodin, au beau milieu de la Champagne Berrichonne : il a nom Vatan. Or, c'est à Vatan qu'est venu mourir au Vème siècle saint Laurian, évêque de Séville. Les sbires du roi wisigoth Totila l'auraient rattrapé en ce lieu et lui auraient tranché la tête. Le saint, prenant ladite tête dans ses mains, les auraient alors poursuivis et convaincus de la rapporter en Espagne, où elle aurait été conservée dans la cathédrale de Séville jusqu'à l'invasion mauresque. Mortelle randonnée bien énigmatique : ce Laurian fait bien sûr penser au laurier, l'arbre sacré d'Apollon. Jean Richer signale que Pausanias dénombrait à Delphes cinq sanctuaires successifs, dont le premier, le naos primitif, était fait de branches de laurier rapportées précisément du Tempé. "Mais ne faut-il pas lire là, poursuit-il, une allusion au rôle joué par les fumées enivrantes d'une certaine variété de laurier dans le fonctionnement de l'oracle ?" (Delphes, Délos et Cumes, Julliard, 1970). Lisons aussi la légende d'Apollon et de Daphné racontée par Ovide dans ses Métamorphoses : la nymphe est transformée en laurier par son père pour échapper aux ardeurs du dieu : Phébus, cependant, brûle de la même passion, la main droite posée sur le tronc, il sent encore, sous la nouvelle écorce, battre le cœur ; entourant de ses bras les rameaux - qui étaient les membres de Daphné - il étouffe le bois de baisers ; mais les baisers du dieu, le bois les refuse. Alors le dieu lui dit : " Puisque tu ne peux être ma femme, tu seras, du moins, mon arbre " ; laurier, tu pareras toujours ma chevelure, ma cithare, mon carquois ; (...) Péan avait fini de parler ; alors le laurier inclina ses jeunes rameaux et on le vit agiter sa cime comme une tête. Un autre détail de la légende de saint Laurian est significatif : averti par le Ciel de la mort de l'évêque, Eusèbe d'Arles vient à Vatan pour ensevelir le corps. Il le trouve gardé par deux ours. Comment ne pas voir là, dans la présence des deux plantigrades, une figuration des deux constellations boréales ? Déols elle-même, la cité de Eudes, se situe dans le nord du système, dans le signe du Capricorne. Déols qui est l'anagramme à peine déguisée de Délos, l'autre grand sanctuaire appolinien, son lieu de naissance et autre centre zodiacal majeur selon Jean Richer. Enfin, j'ajouterais que Neuvy avait pour elle de se situer sur le cours de la Bouzanne, dont j'aurais un jour ou l'autre l'occasion de montrer qu'elle est la rivière matricielle de la géographie sacrée des Bituriges, jouant le même rôle que la rivière Boyne (Boand) coulant dans la plaine de Meath, centre spirituel de l'Irlande celtique.

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13 avril 2005 | Lien permanent

Compostelle

Il faut que je parle de Compostelle. Certes, j'en ai déjà parlé ici et là, mais jamais je n'y ai consacré une note complète. Pourquoi aujourd'hui ? Tout simplement parce que Compostelle n'a cessé d'apparaître dans mes lectures tout dernièrement, et que j'ai vite fait d'interpréter la récurrence d'un événement comme un signe, ce qui est certainement très abusif mais, pour ainsi dire, c'est plus fort que moi. Signe de quoi ? en plus je n'en sais rien. Si j'écris cette note, c'est sans doute un peu pour essayer de le savoir.

Commençons par le commencement. A l'espace Leclerc Culture de Châteauroux, début juillet, je vois dans le présentoir des nouveautés en poche En avant, route ! d'Alix de Saint-André. Je sais qu'elle y raconte ses trois pélerinages à Compostelle, mais finalement, malgré l'envie que j'en ai, je n'achète pas le volume. Deux semaines plus tard, sur la côte aquitaine, j'ai la bonne surprise de le retrouver dans le chalet de nos vacances (c'est mon beau-père qui en a fait l'achat, inutile de préciser que je ne lui en ai nullement parlé). Je le dévore en deux jours, car c'est un livre très agréable, plein d'humour, qui ne cherche pas à donner la leçon ou à administrer un message. Alix de Saint-André est croyante, mais ne fait pas de prosélytisme ; elle ne se fait pas de cadeaux (elle effectue son second voyage parce qu'elle a la sensation d'avoir raté le premier, par égoïsme), et accorde une grande place à ses compagnons du camino.

"Le troisième, je l’ai vraiment fait pour moi, j’ai fait ce qu’on appelait au Moyen Âge le « vrai chemin », qui consiste à partir de chez soi. Donc, je suis partie de Saint-Hilaire-Saint-Florent, Maine-et-Loire, pour aller jusqu’au bout de la terre, à Finisterre. Parce que le pèlerinage ne se termine pas au tombeau de l’Apôtre, mais trois jours plus tard au bord de la mer, où l’on brûle symboliquement un vieux vêtement au coucher du soleil : on dépouille le vieil homme pour devenir un homme nouveau."

De retour en Berry, j'emprunte à la médiathèque plusieurs ouvrages dont La carte de Guido, sous-titré Un pélerinage européen, de Kenneth White. Poète, écrivain, essayiste, je l'avais découvert il y a longtemps à travers les Lettres de Gourgounel, où il relatait son séjour en 1966 dans un images?q=tbn:ANd9GcRuFEPlNJriS86jnGFgkQ6GNmrqNqqhoR9DzA6r0nOM1rhQ-FRiwApetit hameau ardéchois. Un livre qui m'avait, comme beaucoup d'autres, enthousiasmé à l'époque. J'ai ensuite longtemps suivi son parcours, puis je l'ai un peu perdu de vue, car il m'a semblé que quelque chose commençait à tourner en rond chez le géopoéticien (c'est ainsi qu'il se désigne parfois). Ce dernier ouvrage en donne à mon sens une nouvelle preuve : composé à partir des multiples voyages de l'auteur en différentes parties de l'Europe, il ne parvient guère à nous éclairer sur le sens même, la figure, les perspectives de cette Europe. Il s'applique souvent à rapporter des conversations entendues ici et là, comme s'il voulait restituer un peu de l'air du temps, mais il ne parvient guère à leur donner vie - et cela manque souvent cruellement d'empathie. Moins érudite, Alix de Saint-André parvient beaucoup mieux à dessiner des portraits d'hommes et de femmes, en cernant de près leurs désirs, leurs motivations, leurs blessures, aussi en deviennent-ils attachants, au lieu que Kenneth White reste dans une distance qui nous prive de l'humain.

Ainsi de cet homme rencontré dans un petit village de Galice, un afrikaner qui en était lui à son quatrième pélerinage : parti cette fois de Séville, il comptait marcher jusqu'au cap Finisterre. Extrait :

"Vous connaissez le cap Finisterre, demanda-t-il.

"Non", répondis-je, ce qui n'était pas vrai car, vu mon attirance pour les finisterres en général, j'y étais allé des années auparavant, mais je sentais qu'il voulait m'apprendre quelque chose, alors je l'ai laissé parler.

"C'est du latin. Ça signifie "la fin de la terre". Pas la fin du monde, comme dans l'Apocalypse, mais la fin des terres.

- D'accord.

- C'est comme Compostela. C'est aussi du latin? Campus stella, "le champ des étoiles"."

Je ne lui ai pas dit que cette étymologie était contestée, ni que son latin n'était pas fameux. Je me suis contenté d'un "Je vois"." (p. 88-89)

J'ai préféré, à cette posture légèrement condescendante, l'attitude de l'auteur d'un autre livre emprunté le même jour, Jean-Louis Hue et son Apprentissage de la marche (Grasset, 2010). Les trois derniers chapitres sont consacrés à Compostelle (ce que je ne savais pas en l'empruntant), et la dernière page au cap Finisterre où, "blottis dans les niches de la falaise, les pélerins attendent que le soleil couchant s'ensevelisse dans la mer." "Le Finisterre, poursuit-il, marque la symbolique frontière d'une vieille vie qui s'achève et d'une autre qui naît. De ce face-à-face avec l'immensité de l'Océan, les pélerins reviendront métamorphosés. Ils seront comme des hommes neufs."

Les pélerins peut-être, mais pas Jean-Louis Hue : "Je n'avais pas envie de rentrer. Et pas davantage l'ambition de devenir un homme neuf. L'idée d'en avoir fini me laissait désemparé." Les dernières lignes sont malgré tout pleines d'optimisme : "Je sais que demain d'autres chemins s'ouvriront à moi. Rien ne pourra me priver d'une liberté que j'ai mis des siècles à conquérir. J'ai enfin appris à marcher."

Un quatrième écho compostellan me fut donné à entendre. Une autre recherche, distincte, me conduisit à réouvrir ce merveilleux livre d'Olivier Clément*, Anachroniques (Desclée de Brouwer, 1990), et, si je n'y trouvais point ce que j'étais censé y trouver (une référence à Léon Chestov), j'y redécouvris le chapitre qu'il écrivit sur Compostelle "ou : saint Occident."

Le mystère de Saint-Jacques de Compostelle, en effet, c'est le mystère de l'Occident. La Galice est le finistère le plus occidental de l'Europe, le seul où se soit fixé l'un des lieux saints de la chrétienté. Ici la terre s'enfonce dans l'océan, le désigne, lieu de l'ouverture et de l'aventure. Dans le ciel nocturne, la voie lactée dessine le "chemin de Saint-Jacques", et sa contemplation transforme les pélerins en rois-mages s'apportant en offrande. "Mille et mille étoiles font de saint Jacques le chemin", dit un texte du XVIe siècle. Et Compostelle veut dire "le champ de l'étoile", l'étoile de Bethléem brillant comme un phare à l'extrême de l'Occident, pour les aventuriers qui, sur l'océan, reprendront l'injonction du pélerinage, ultreia, "toujours plus loin". (p. 301)

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Carte  : Wikipedia

___________

*La note où, en 2009, j'évoquais Olivier Clément, débutait avec Vézelay, qui n'est autre qu'un des points de départ vers Compostelle. La Voie de Vézelay, aussi dénommée Via lemovicensis, est celle qui passe par Déols et Neuvy Saint-Sépulchre.

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12 août 2011 | Lien permanent | Commentaires (9)

Des Abymes au Paradis

Quand ce beau Printemps je voy
J'apperçoy
Rajeunir la terre et l'onde
Et me semble que le jour,
Et l'amour,
Comme enfans naissent au monde.

Ronsard
(Chanson en faveur de Mademoiselle de Limeuil)


Le frais minois du printemps a beau se présenter, nous ne pouvons que le laisser filer. Il nous reste en effet tout un quadrant zodiacal à parcourir qui n'est autre que l'espace des trois signes hivernaux, Capricorne, Verseau et Poissons. Sans doute en ai-je ça et annoncé la couleur, défriché quelques arpents, mais l'essentiel de la tâche reste à accomplir. Allons-y gaillardement.

Il faut repartir de Laurian, ce saint céphalophore dont le chef fut reconduit, dit-on, à Séville. Le corps acéphale de Laurian aurait été longtemps conservé dans une chapelle proche de Vatan, aujourd'hui détruite, mais la paroisse où elle se situait se nomme encore La Chapelle Saint-Laurian. Or, un alignement issu de Vatan et passant par ce village nous livre des indices confirmant le rôle polaire dévolu à la cité de Clair et de Sulpice. Il va se ficher en effet au centre de la ville de pélerinage de Levroux, en traversant les plates étendues de la Champagne sur une vingtaine de kilomètres ; ici, les hameaux sont moins nombreux qu'en Boischaut, aussi la ligne ne rencontre-t-elle dans sa course que deux lieux-dits. Mais les noms sont hautement significatifs : le Paradis, les Abymes...

 

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L'axe Vatan-Levroux figure l'Axe du Monde qui fait communiquer le haut et le bas, le céleste et l'infernal, en offrant à chacun l'image de son destin et du choix à effectuer entre l'ascension spirituelle et la chute en enfer. « L'aventure humaine, peuvent écrire Gérard de Champeaux et dom Sébastien Sterckx, se présentait dès lors pour chacun comme une laborieuse remontée du tréfonds de ces abîmes jusqu'au Paradis du Royaume des Cieux où le Père attend ses fils reconciliés. » (Le Monde des Symboles, Zodiaque, p. 445).


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27 mars 2006 | Lien permanent

Phalères

Si l'on réfute le grec phallos (et non phallus) comme origine du nom Phalier, on ne se sort pas pour autant du grec avec Phalerius, car ce dernier terme nous renvoie à deux autres mots héllènes:
  • Phalères : qui désigne la rade qui servit de port à Athènes au VIe siècle, avant la construction du Pirée.
  • ta phalara (en latin phalerae) : "Plaques rondes d'or, d'argent ou d'autres métaux, sur lesquelles étaient gravée ou ciselée quelque figure en relief ; ainsi la tête d'un dieu, l'image d'un roi ou d'un empereur, ou quelque emblème ; des pendants, en forme de croissants ou de larmes, y étaient souvent attachés. Les personnes de distinction en portaient sur la poitrine, comme ornement ; c'était pour les soldats une décoration militaire que décernaient leurs chefs, et quelquefois elles servaient de harnais de luxe pour les chevaux (Liv. IX, 46 ; Sil. Ital. XV, 255 ; Virg. Aen. IX, 359 ; V, 310 ; Claud. IV, Cons. Honor. 549)." Anthony Rich, Dictionnaire des antiquités romaines et grecques.
Le phaleratus désignait celui qui portait des phalères.

Stèle funéraire de l'aquilifer Cnaeus Musius,
décoré de deux torques et neuf phalères
Ier s. après JC
Landesmuseum, Mainz (Allemagne), 2002

© Agnès Vinas

L'origine de ces phalères n'est pourtant pas romaine. Comme en bien d'autres domaines, les Romains ont emprunté, dans ce cas particulier, semble-t-il aux Etrusques. Mais les Celtes eux aussi connaissaient les phalères, à tel point que Vincent Jauvert, présentant un travail sur l'Est au temps des Gaulois, peut écrire que "le plus époustouflant de l’art celtique, ce sont peut-être les phalères, les petites pièces rondes en fer ou en bronze de quelques centimètres de diamètre qui décoraient les chars des guerriers ou les harnachements de leurs chevaux. Celle que nous présentons ici date du ive siècle av. J.-C. et a été découverte dans la tombe d’un riche militaire à Cuperly, dans la Marne. L’organisation parfaite du décor surprend. Selon les spécialistes, tout a été préparé au compas. Cette harmonie aurait-elle une signification particulière? Certaines de ces phalères ont été récemment étudiées par des mathématiciens intrigués par la forme géométrique de leur décor. Ils ont conclu que les Gaulois étaient probablement des adeptes de la cosmogonie du grec Pythagore! Incroyable, par Toutatis!" (C'est moi qui souligne.)

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Cette interprétation est corroborée par l'archéologue Jean-Louis Brunaux, dont j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer le livre récent sur les Druides, lors d'un entretien avec François Dufay, pour le journal Le Point :

"Vous-même, n'avez-vous pas tendance à faire des druides des « philosophes » à la grecque égarés chez les Barbares ?

Non. Comme celle des présocratiques, la philosophie druidique est un savoir universel incluant la métaphysique, les mathématiques, l'astronomie, la botanique, la géographie, la géologie... Loin d'être des magiciens répandant la superstition, ces intellectuels cherchent les causes premières des choses, sous forme d'une pensée qui commence à revendiquer sa rationalité.

Vraiment ?

Quand on voit le calendrier trouvé à Coligny, dans l'Ain, datant du Ier siècle, héritage de leur savoir astronomique, ou des créations artistiques comme certaines phalères au décor géométrique d'une complexité inouïe, on n'est plus dans le domaine des tâtonnements, mais bien de travaux fondés sur des calculs, des mesures, des expériences
." (C'est moi qui souligne.)

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Comment ne pas faire de  rapport entre ces phalères, rondes et géométriquement complexes, et le cercle défini par le triangle de saint Phalier ? Tout se passe comme si on avait tracé au sol une gigantesque phalère. Y a-t-il une  divinité celtique  cachée derrière tout cela ?


Si l'on reprend les qualités attribuées à saint Phalier, il nous faudrait donc une figure liée aux orages, capable de les maîtriser, éventuellement escortée de chiens, en rapport également avec les eaux (fontaine Saint-Phalier du pélerinage chabriote, ruisseau dit de Saint-Phalier alimentant la Céphons à Levroux) : une figure simultanément céleste et chthonienne (la statue de Phalier repose dans la crypte de l'église de Chabris). Jean-Louis Desplaces cite un article du journal de l'Indre de 1834 qui rappelle que les fidèles avaient habitude de déposer les enfants malades dans le tombeau du saint :
"C'est dans une petite chapelle souterraine et fort obscure, située derrière le maître-autel, que l'on va particulièrement implorer l'assistance du saint. Au fond de cette chapelle est la statue de saint Phalier et dans un réduit, plus bas encore, est un sarcophage en pierre, dont la forme annonce qu'il peut dater du Vè siècle : c'est dans ce sarcophage qu'on dépose les enfants malades et languissants... L'analogie du nom avec celui de l'emblème de la fécondité ne peut être l'effet du hasard."
(Cité par J.L. Desplaces, Florilège de l'eau en Berry, 3ème volume, 1986, p. 61.)

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Cette figure -inutile de prolonger le suspense - nous l'avons déjà rencontrée : c'est celle de Sucellus, le dieu au maillet, que l'on peut aussi rattacher au Silvain latin et au Jupiter gaulois Taranis dont l'attribut principal est la roue. Sucellus, déjà vu à Levroux, et qu'il n'est donc pas très étonnant de retrouver tout près de là sous la forme de saint Phalier, s'affirme décidément comme le grand dieu du nord de l'Indre. Sa christianisation sous les formes diverses de Silvain et de Phalier dut être longue et complexe.

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Le Châtelet (Hte-Marne).

Jupiter-Taranis à la roue, au foudre et aux éclairs


Devons-nous maintenant abandonner résolument l'hypothèse phallique du nom de Phalier (on s'est aperçu en passant qu'en 1834, cette analogie semblait aller de soi) ?
Pas si sûr...

(A suivre)

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15 octobre 2007 | Lien permanent

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