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Rodène la rhodanienne

De Nantosuelta à Mélusine, en passant par le Chaperon Rouge, Rodène affiche une belle diversité de dénominations. Il reste qu'aucune de ses hypostases, si je puis dire, ne présente une ressemblance phonétique avec la sainte de Levroux. Le site Carmina assimile son nom au languedocien rondina, de rondinar, qui signifie ronchonner (la sainte serait parfois désignée comme sainte Ronchonne).

Explorons une autre piste : le nom qui m'a tout de suite paru le plus proche de Rodène, c'est celui du Rhône, en latin Rodanus. Dans l'hypothèse d'une identification Rodène-Silvain à Nantosuelta-Sucellus, il faut noter que le culte de ce couple divin est particulièrement dense dans les régions proches du fleuve, comme en atteste cet extrait de Lambrechts, cité par J.J. Hatt :

« Si nous jetons un coup d'oeil sur la carte de répartition géograhique du dieu au maillet, nous voyons que son culte se répartit en trois groupes : l'embouchure de la vallée du Rhône, le Rhône supérieur et la vallée de la Saône, surtout le pays héduen, enfin un troisième groupe, beaucoup moins important, dans le Nord-Est de la Gaule, surtout en pays médiomatrique. L'on peut affirmer que la région du Rhône et de la Saône doit être considérée comme le lieu d'origine du culte du dieu au maillet. » (Contribution à l'étude des dieux celtiques, p. 115.)

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Collégiale Saint-Silvain (portail sud)
 
Quelle est maintenant l'étymologie de Rodanus ? Aucun auteur ne le rattache à rondinar : c'est que, comme la plupart des noms de rivière, il est certainement très ancien, peut-être même antérieur à l'occupation celtique. Le site http://crehangec.free.fr/rivos.htm écrit que Rodanus vient de renos (couler) ou rod (rivière), même racine + danu (hardi, fier), sans préciser l'origine de ces étymons. Sur un forum discutant de l'étymologie du fleuve, on peut lire aussi ceci :

 

« (...) l'autre explication serait qu'il vient d'un terme hydronymique prélatin dan précédé d'un terme gaulois ro fort cours d'eau. En fait le rho orthographié avec l'h viendrait d'un snobisme des Latins qui ont assimilé ce son à la lettre grecque exprimant la violence. »

Fort cours d'eau, rivière hardie, désignent en tout cas indubitablement le Rhône comme un fleuve impétueux, proche du torrent qu'il était en amont du lac Léman. Le Rhin, qui est proche étymologiquement, était aussi un fleuve sauvage : « Son cours était autrefois si impétueux et imprévisible qu'aucune grande ville ne s'est installée à sa proximité immédiate. » Or, on a vu que Nantosuelta tenait l'origine du premier élément de son nom dans le gaulois nantos, vallée, torrent (d'ailleurs le savoyard nant désigne encore de nos jours un torrent).

De même, la tribu celte qui occupait le Valais, autrement dit la haute vallée du Rhône, se nommait les Nantuates (elle a aussi donné son nom à la ville de Nantua).




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Puychevrier et les Grandmontains

Ces derniers temps, j'ai plus arpenté les livres que les paysages, cependant je n'oublie pas ceux-ci, et quand l'occasion est donnée de pousser plus avant la connaissance  de quelque site, j'essaie de la saisir aux cheveux... La dernière journée du patrimoine, au mois de septembre, m'a ainsi permis de découvrir un merveilleux endroit qui n'existait encore pour moi que comme un nom anodin sur la carte : il s'agissait du prieuré de Puychevrier, à 12 kilomètres environ du Blanc, entre Ingrandes et Mérigny, sur la rive gauche de l'Anglin.

Personne ne m'ayant vanté les mérites du site, n'ayant jamais rien lu sur lui, je m'y suis rendu sans plus de conviction, presque résigné à me contenter des vestiges d'un couvent peut-être transformé en grange, sollicitant plus l'imagination du promeneur que l'observation attentive. Je me trompais : dès l'abord du hameau, je fus heureusement surpris de la vaste place herbeuse qui en constituait le coeur, et l'entrée dans l'enceinte fermée du prieuré m'enthousiasma immédiatement. Une longue allée arborée conduisait aux bâtiments bellement restaurés. Une réelle sérénité régnait là, cette sérénité des monastères ayant gardé la simplicité que j'imagine être celle des origines.

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La fondation de Puychevrier remonte à 1181, il relevait de l'ordre de Grandmont fondé au XIème siècle par Etienne de Muret, près d'Ambazac, dans le Limousin. Les religieux de cet ordre, les Grandmontains,  suivaient une règle austère qui stipulait le silence absolu en dehors des offices, des jeûnes fréquents et la quête d'aumônes auprès des paysans. Mais il semble qu'ils redistribuaient aussi beaucoup, car ils furent surnommés les Bonshommes (comme les Cathares méridionaux). Bien sûr, comme dans tous les ordres monastiques, il y eut des crises et la simplicité originelle de l'ermite Etienne fut battue en brèche avec la croissance rapide de l'Ordre. Il périclita tellement qu'il fut supprimé en 1772 par une bulle de Clément XIV, échappant ainsi de peu aux foudres de la Révolution*.

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Dans l'Indre, il existait cinq prieurés. J'ai déjà évoqué deux d'entre eux, celui de Lourdoueix Saint-Michel, dont il ne reste plus guère que la trace toponymique, et celui de l'Epeau, au bord de la même rivière Anglin. Je m'aperçois d'ailleurs qu'à cette occasion, je mentionnais que ce prieuré dont il ne reste plus aucun vestige relevait justement de Puychevrier. Ces deux sites entrent donc dans des configurations symboliques de la géographie sacrée. Qu'en est-il donc de Puychevrier, seul prieuré indrien rescapé des désastres du temps ?

Pour l'instant, je constate seulement qu'il se situe sur l'axe Saint-Savin - Pouligny Saint-Pierre, cette fameuse diagonale qui passe au Saint-Fleuret, la stèle funéraire de Sauzelles.

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* Sur l'histoire de l'Ordre et les monuments encore existants, on lira avec intérêt le livre de Gilles Bresson, Monastères de Grandmont, Guide d'histoire et de visite, aux éditions d'Orbestier.

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05 octobre 2009 | Lien permanent | Commentaires (2)

Le laurier du Tempé

A l'origine de la fondation de la rotonde de Neuvy Saint-Sépulchre, nous trouvons trois personnages. Tout d'abord, le seigneur du lieu : Boson de Cluis, ensuite le suzerain de celui-ci, Eudes de Déols dit l'Ancien, "qui paraît bien, selon Jean Favière (Berry Roman, Zodiaque, 1970), avoir inspiré la création de cette nouvelle église placée sous le vocable de Saint-Jacques le Majeur, patron des pélerins, et directement rattachée à l'église de Jérusalem." Vassal lui-même "très fidèle et très familier" du duc d'Aquitaine Guillaume le Grand ( par ailleurs comte de Poitiers et abbé de Saint-Hilaire), il avait accompagné celui-ci à Rome en 1024 ; "puis, en 1026, poursuit Jean Favière, il était reparti cette fois vers Jérusalem en compagnie de Guillaume Taillefer, comte d'Angoulême, et d'une nombreuse suite. Après avoir, au passage, rendu visite à saint Etienne, roi de Hongrie, il était arrivé dans la Ville sainte en mars 1027. Sa réputation était grande ; en 1024, Hildegarde, écolâtre de Poitiers, conseillait à son retour, à Fulbert de Chartres, de ne pas manquer, "s'il traverse le Berry, de converser amicalement avec Eudes de Déols, homme de grande sagesse." Sa piété soutenait de nombreux établissements religieux et en premier lieu, les abbayes de Déols et Saint-Gildas de Châteauroux." Enfin, le troisième homme, qui aurait construit l'église selon la Chronique d'Anjou, est un certain Geoffroy, que certains auraient proposé d'identifier avec Geoffroy le Meschin, un vicomte de Bourges – mais c'est là, toujours selon Jean Favière, hypothèse gratuite.

La question est simple : pourquoi avoir édifié ce "reliquaire monumental" précisément dans ce bourg, ce Novo Vicus, né certainement autour d'un gué sur la Bouzanne à la fin de l'époque gallo-romaine, sur la voie menant d'Argentomagus à Néris-les-Bains ? Rien de prestigieux ne s'attachant apparemment à ce site, il faut supposer que c'est sa position géographique singulière qui a présidé à son élection. Neuvy, en effet, était le point de rencontre de plusieurs alignements fondamentaux. Outre ceux décelés par Guy-René Doumayrou, nous avons vu que la cité se plaçait sur le parallèle de Poitiers, mais il convient aussi de prendre en compte un axe Nord-Sud tout aussi primordial, souligné par la légende elle-même. J'avais omis de raconter la fin de l'histoire. En effet, après avoir occis le terrible Python, Apollon a dû pour se purifier de la souillure que le meurtre représentait, s'exiler en Thessalie, dans la vallée du Tempé. Or, où se place Tempé par rapport à Delphes ? Ni plus, ni moins qu'à son Nord géographique. La route que le dieu emprunte alors deviendra la Voie Sacrée, où chemineront les processions de la fête du Septerion, instituée en souvenir de son exploit et célébrée tous les huit ans. Que trouvons-nous au Nord géographique de Neuvy ? Un seul village, a priori anodin, au beau milieu de la Champagne Berrichonne : il a nom Vatan. Or, c'est à Vatan qu'est venu mourir au Vème siècle saint Laurian, évêque de Séville. Les sbires du roi wisigoth Totila l'auraient rattrapé en ce lieu et lui auraient tranché la tête. Le saint, prenant ladite tête dans ses mains, les auraient alors poursuivis et convaincus de la rapporter en Espagne, où elle aurait été conservée dans la cathédrale de Séville jusqu'à l'invasion mauresque. Mortelle randonnée bien énigmatique : ce Laurian fait bien sûr penser au laurier, l'arbre sacré d'Apollon. Jean Richer signale que Pausanias dénombrait à Delphes cinq sanctuaires successifs, dont le premier, le naos primitif, était fait de branches de laurier rapportées précisément du Tempé. "Mais ne faut-il pas lire là, poursuit-il, une allusion au rôle joué par les fumées enivrantes d'une certaine variété de laurier dans le fonctionnement de l'oracle ?" (Delphes, Délos et Cumes, Julliard, 1970). Lisons aussi la légende d'Apollon et de Daphné racontée par Ovide dans ses Métamorphoses : la nymphe est transformée en laurier par son père pour échapper aux ardeurs du dieu : Phébus, cependant, brûle de la même passion, la main droite posée sur le tronc, il sent encore, sous la nouvelle écorce, battre le cœur ; entourant de ses bras les rameaux - qui étaient les membres de Daphné - il étouffe le bois de baisers ; mais les baisers du dieu, le bois les refuse. Alors le dieu lui dit : " Puisque tu ne peux être ma femme, tu seras, du moins, mon arbre " ; laurier, tu pareras toujours ma chevelure, ma cithare, mon carquois ; (...) Péan avait fini de parler ; alors le laurier inclina ses jeunes rameaux et on le vit agiter sa cime comme une tête. Un autre détail de la légende de saint Laurian est significatif : averti par le Ciel de la mort de l'évêque, Eusèbe d'Arles vient à Vatan pour ensevelir le corps. Il le trouve gardé par deux ours. Comment ne pas voir là, dans la présence des deux plantigrades, une figuration des deux constellations boréales ? Déols elle-même, la cité de Eudes, se situe dans le nord du système, dans le signe du Capricorne. Déols qui est l'anagramme à peine déguisée de Délos, l'autre grand sanctuaire appolinien, son lieu de naissance et autre centre zodiacal majeur selon Jean Richer. Enfin, j'ajouterais que Neuvy avait pour elle de se situer sur le cours de la Bouzanne, dont j'aurais un jour ou l'autre l'occasion de montrer qu'elle est la rivière matricielle de la géographie sacrée des Bituriges, jouant le même rôle que la rivière Boyne (Boand) coulant dans la plaine de Meath, centre spirituel de l'Irlande celtique.

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13 avril 2005 | Lien permanent

Mayeul à la Bouteille

Là fit Bacbuc, la noble, Panurge baisser et baisser la marge de la fontaine, puis le fit lever, et autour danser trois ithymbons. Cela fait, lui commanda s'asseoir entre deux selles, le cul à terre, là préparées. Puis déploya son livre rituel, et, lui soufflant en l'oreille gauche, le fit chanter une Epilénie, comme s'ensuit :
                  O Bouteille
            Pleine toute
            De mystères,
            D'une oreille
            Je t'écoute :
            Ne diffère,
            Et le mot profère
            Auquel pend mon cœur.
            En la tant divine liqueur,
            Qui est dedans tes flancs reclose,
            Bacchus, qui fut d'Inde vainqueur,
            Tient toute vérité enclose.

Rabelais 1483 - 1553 : Le cinquième livre 1564 ; Chapitre XLIV

 

Résumons : l'étymologie de Souvigny et le récit de la mort de saint Odilon rattachent clairement ce dernier  à saint Sylvestre et à la nuit qu'il désigne, que  Philippe Walter  rapproche à son tour de la figure archétypale de l'Homme sauvage. C'est en revenant au livre pour établir la citation exacte que je me suis aperçu (ma première lecture ne m'en ayant laissé aucun souvenir) que cet Odilon clunisien était évoqué dans ce même chapitre consacré à la période de Noël. Ce très bel exemple de sérendipité m'a donc conduit à l'évêque Adalbéron de Laon, personnage sulfureux qui combattit autant que faire se peut l'influence monastique grandissante. Avec le Chant en l'honneur du roi Robert, 432 vers latins en hexamètres dactyliques, daté du premier tiers du XIème siècle, il livre un sombre portrait de l'évolution du royaume et brosse une satire virulente des moeurs clunisiennes, en dehors de tout réalisme, mais intéressant justement en cela qu'il recueille des données d'ordre carnavalesque puisées au fonds primitif des croyances du paganisme.

Dans le poème, l'évêque raconte avoir dépêché à Cluny l'un de ses moines les plus loyaux. Or, celui-ci en revient corrompu et méconnaissable jusque dans son apparence :

"Ses vêtements sont en complet désordre ; déjà il a dépouillé ses habits d’autrefois. Il porte un grand bonnet fait de la peau d’une ourse de Libye ; sa robe traînante est relevée maintenant jusqu’à mi-jambe ; elle est fendue par devant et ne le couvre plus non plus par le derrière. Il a sanglé autour de ses reins un baudrier brodé, serré le plus possible ; l’on voit pendre à sa ceinture quantité d’objets de la nature la plus diverse, un arc avec son carquois, un marteau et des tenailles, une épée, une pierre à feu, le fer pour la frapper, la branche de chêne à enflammer. Un pantalon, allongé jusqu’au bas de ses jambes, se colle à leur surface."

 Cette description assimile le moine (lequel se présente maintenant comme un soldat aux ordres d'Odilon, "roi de Cluny") à un homme ensauvagé (ce bonnet en peau d'ourse de Libye est tout à fait symptomatique). Il transmet à l'évêque (qui se met lui-même en scène dans cette histoire) un message alarmant de son nouveau maître :


« Les Sarrasins, cette race aux mœurs les plus sauvages, ont envahi, le fer à la main, le royaume de France ; ils l’occupent tout entier, et rongent tout ce que nourrit le sol de la Gaule. Partout un sang vermeil humecte et rougit cette terre, et gonfle les torrents que fait déborder l’excès du carnage. Les reliques des saints, objets des soins de l’Eglise, ornements consacrés de ses sanctuaires, volent dispersées à travers les airs, pour aller désormais tenir compagnie aux oiseaux et aux lions. C’est maintenant le diocèse de Tours que les barbares dévastent et dépeuplent. Saint Martin tout en larmes invoque à grands cris le secours d’un défenseur ; Odilon, qui est accablé des mêmes épreuves, partage ce désespoir. Il est allé à Rome demander du secours pour ses moines."


 "Nous sommes au XIe siècle, note Ph. Walter, et l'apparition de Sarrasins en Gaule, surtout en Touraine à l'intérieur du royaume, ne repose sur aucun fondement historique. Comme l'ont fait remarquer les commentateurs modernes du texte, les invasions sarrasines sont terminées depuis longtemps et le terme de Saraceni, utilisé par Adalbéron, désigne, probablement par métaphore, une autre catégorie de personnes. Laquelle ?"

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Orfèvrerie mérovingienne attribuée à saint Éloi

Fragment de la croix de Saint-Denis

Or et verres colorés, premier tiers du VIIe siècle

BnF, Monnaies, médailles et antiques, Inv. 56-324
 


Il s'agit, je pense,  pour Adalbéron, de ternir la réputation des moines en les montrant en grande difficulté et tout bonnement ridicules devant l'armée païenne. Ne serait-ce pas parce qu'ils s'implantent sur les hauts-lieux même du paganisme, en réadaptent les rituels et renomment les figures tutélaires,  que les clunisiens déclenchent l'ire du vieux prélat ? Cette voie de l'assimilation qui aboutira à la mythologie christianisée que décrit Philippe Walter s'oppose radicalement à la visée plus orthodoxe, basée sur la Bible, que défend Adalbéron. Mais reprenons le fil de l'analyse menée par le chercheur :


" Pour résoudre cette énigme des Sarrasins, il faut être attentif à la date de la bataille : "Tout cela, sache-le bien, s’est passé au premier jour de décembre, mais nous tenterons de nouveau le combat aux calendes de mars." Les calendes de décembre et de mars permettent  de mieux comprendre le curieux accoutrement des moines ainsi que cette bataille qui a toutes les apparences d'un défoulement carnavalesque. Il faut donc à présent se concentrer sur la valeur capitale de ces dates." Ph. Walter rappelle alors que  le 1er décembre est la fête de saint Eloi, saint orfèvre et forgeron, spécialiste du travail des métaux.


"Or, le costume de nos moines comporte une série d'ustensiles familiers aux forgerons : un marteau et des tenailles, une pierre à feu, le fer pour la frapper et la branche de chêne à enflammer. Un commentateur d'Adalbéron notait que ces instruments étaient ceux du maréchal-ferrant. On ne peut négliger le fait que saint Eloi, fêté le 1er décembre, protège justement  les chevaux parce qu'il possédait un cheval assez particulier et que sa légende lui attribuait l'exploit de rajeunir par le feu du four.(...)"


Il poursuit en signalant qu'il "existe en France de très nombreux toponymes qui proviennent d'un ancien Equaranda. Sous ce nom, il faudrait reconnaître une divinité chevaline, sans doute comparable à Epona et que le culte à saint Eloi a probablement christianisé. Georges Dumézil a montré que le cheval était, au même titre que d'autres animaux comme l'ours, le loup, etc., parfaitement intégré aux rituels des Douze Jours, la période qui sépare Noël de l'Epiphanie et qui voit donc le changement d'année, aux calendes de janvier."


On peut discuter l'étymologie d'Equaranda : si l'on s'accorde facilement sur l'idée de limite, de frontière indiquée par le second élément -randa, les spécialistes ne sont pas unanimes sur le premier élément, certains le rattachant à  la racine equus- (juste, équitable), d'autres à la racine  aqua- (l'eau). La piste proposée par Ph. Walter serait en somme une troisième interprétation possible. Sans trancher aucunement, on peut tout de même signaler que la commune d'Ygrande est très proche de Souvigny. D'ailleurs les deux lieux sont cités ensemble dans une étude récente sur le Berry Antique :
"Quant à celle [la commune] d'Ygrande, elle est séparée  de la limite ecclésiastique par la commune de Saint-Aubin-le-Monial. Cependant sa proximité de la frontière est confirmée cette fois-ci par le témoignage de La vie de saint Maiolus [rédigée, je le rappelle, par Odilon lui-même], abbé de Cluny qui indique que Silviniacum-Souvigny est une villa arverne à la frontière avec les Bituriges. Or Souvigny fait partie avec d'autres communes de cette avancée arverne à l'intérieur du territoire biturige." (Le Berry Antique, Atlas 2000, Supplément n°21 à la Revue Archéologique du Centre de le France, coll., p. 22).

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Carte Lexilogos


En traçant l'alignement Souvigny-Ygrande, et le prolongeant vers le nord-ouest, je découvre à l'instant même où j'écris ces lignes, qu'il rejoint la chapelle  Saint-Mayeul, qu'un site décrit ainsi : "Cette ancienne chapelle très agréablement située en raison de sa proximité avec la forêt de Tronçais, dépendait avant la Révolution de Souvigny. Bien que dédiée à Sainte Madeleine, c'est pourtant Saint Mayeul, abbé de Cluny, qui y est honoré chaque année, lors d'un pèlerinage commémorant son passage en 964, peu avant sa mort : : la légende rapporte qu'il y fit jaillir une fontaine miraculeuse."


Cette chapelle est ce qui reste de l'ancien prieuré de la Bouteille que visita Mayeul selon la légende.


Une Bouteille qui ne nous rappelle peut-être pas sans malice le point de départ de nos investigations : la soif vertigineuse de l'enfançon Gargantua, la verve rabelaisienne  emmenant son lecteur jusqu'à l'oracle de la Dive Bouteille...

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03 juin 2007 | Lien permanent

Compostelle

Il faut que je parle de Compostelle. Certes, j'en ai déjà parlé ici et là, mais jamais je n'y ai consacré une note complète. Pourquoi aujourd'hui ? Tout simplement parce que Compostelle n'a cessé d'apparaître dans mes lectures tout dernièrement, et que j'ai vite fait d'interpréter la récurrence d'un événement comme un signe, ce qui est certainement très abusif mais, pour ainsi dire, c'est plus fort que moi. Signe de quoi ? en plus je n'en sais rien. Si j'écris cette note, c'est sans doute un peu pour essayer de le savoir.

Commençons par le commencement. A l'espace Leclerc Culture de Châteauroux, début juillet, je vois dans le présentoir des nouveautés en poche En avant, route ! d'Alix de Saint-André. Je sais qu'elle y raconte ses trois pélerinages à Compostelle, mais finalement, malgré l'envie que j'en ai, je n'achète pas le volume. Deux semaines plus tard, sur la côte aquitaine, j'ai la bonne surprise de le retrouver dans le chalet de nos vacances (c'est mon beau-père qui en a fait l'achat, inutile de préciser que je ne lui en ai nullement parlé). Je le dévore en deux jours, car c'est un livre très agréable, plein d'humour, qui ne cherche pas à donner la leçon ou à administrer un message. Alix de Saint-André est croyante, mais ne fait pas de prosélytisme ; elle ne se fait pas de cadeaux (elle effectue son second voyage parce qu'elle a la sensation d'avoir raté le premier, par égoïsme), et accorde une grande place à ses compagnons du camino.

"Le troisième, je l’ai vraiment fait pour moi, j’ai fait ce qu’on appelait au Moyen Âge le « vrai chemin », qui consiste à partir de chez soi. Donc, je suis partie de Saint-Hilaire-Saint-Florent, Maine-et-Loire, pour aller jusqu’au bout de la terre, à Finisterre. Parce que le pèlerinage ne se termine pas au tombeau de l’Apôtre, mais trois jours plus tard au bord de la mer, où l’on brûle symboliquement un vieux vêtement au coucher du soleil : on dépouille le vieil homme pour devenir un homme nouveau."

De retour en Berry, j'emprunte à la médiathèque plusieurs ouvrages dont La carte de Guido, sous-titré Un pélerinage européen, de Kenneth White. Poète, écrivain, essayiste, je l'avais découvert il y a longtemps à travers les Lettres de Gourgounel, où il relatait son séjour en 1966 dans un images?q=tbn:ANd9GcRuFEPlNJriS86jnGFgkQ6GNmrqNqqhoR9DzA6r0nOM1rhQ-FRiwApetit hameau ardéchois. Un livre qui m'avait, comme beaucoup d'autres, enthousiasmé à l'époque. J'ai ensuite longtemps suivi son parcours, puis je l'ai un peu perdu de vue, car il m'a semblé que quelque chose commençait à tourner en rond chez le géopoéticien (c'est ainsi qu'il se désigne parfois). Ce dernier ouvrage en donne à mon sens une nouvelle preuve : composé à partir des multiples voyages de l'auteur en différentes parties de l'Europe, il ne parvient guère à nous éclairer sur le sens même, la figure, les perspectives de cette Europe. Il s'applique souvent à rapporter des conversations entendues ici et là, comme s'il voulait restituer un peu de l'air du temps, mais il ne parvient guère à leur donner vie - et cela manque souvent cruellement d'empathie. Moins érudite, Alix de Saint-André parvient beaucoup mieux à dessiner des portraits d'hommes et de femmes, en cernant de près leurs désirs, leurs motivations, leurs blessures, aussi en deviennent-ils attachants, au lieu que Kenneth White reste dans une distance qui nous prive de l'humain.

Ainsi de cet homme rencontré dans un petit village de Galice, un afrikaner qui en était lui à son quatrième pélerinage : parti cette fois de Séville, il comptait marcher jusqu'au cap Finisterre. Extrait :

"Vous connaissez le cap Finisterre, demanda-t-il.

"Non", répondis-je, ce qui n'était pas vrai car, vu mon attirance pour les finisterres en général, j'y étais allé des années auparavant, mais je sentais qu'il voulait m'apprendre quelque chose, alors je l'ai laissé parler.

"C'est du latin. Ça signifie "la fin de la terre". Pas la fin du monde, comme dans l'Apocalypse, mais la fin des terres.

- D'accord.

- C'est comme Compostela. C'est aussi du latin? Campus stella, "le champ des étoiles"."

Je ne lui ai pas dit que cette étymologie était contestée, ni que son latin n'était pas fameux. Je me suis contenté d'un "Je vois"." (p. 88-89)

J'ai préféré, à cette posture légèrement condescendante, l'attitude de l'auteur d'un autre livre emprunté le même jour, Jean-Louis Hue et son Apprentissage de la marche (Grasset, 2010). Les trois derniers chapitres sont consacrés à Compostelle (ce que je ne savais pas en l'empruntant), et la dernière page au cap Finisterre où, "blottis dans les niches de la falaise, les pélerins attendent que le soleil couchant s'ensevelisse dans la mer." "Le Finisterre, poursuit-il, marque la symbolique frontière d'une vieille vie qui s'achève et d'une autre qui naît. De ce face-à-face avec l'immensité de l'Océan, les pélerins reviendront métamorphosés. Ils seront comme des hommes neufs."

Les pélerins peut-être, mais pas Jean-Louis Hue : "Je n'avais pas envie de rentrer. Et pas davantage l'ambition de devenir un homme neuf. L'idée d'en avoir fini me laissait désemparé." Les dernières lignes sont malgré tout pleines d'optimisme : "Je sais que demain d'autres chemins s'ouvriront à moi. Rien ne pourra me priver d'une liberté que j'ai mis des siècles à conquérir. J'ai enfin appris à marcher."

Un quatrième écho compostellan me fut donné à entendre. Une autre recherche, distincte, me conduisit à réouvrir ce merveilleux livre d'Olivier Clément*, Anachroniques (Desclée de Brouwer, 1990), et, si je n'y trouvais point ce que j'étais censé y trouver (une référence à Léon Chestov), j'y redécouvris le chapitre qu'il écrivit sur Compostelle "ou : saint Occident."

Le mystère de Saint-Jacques de Compostelle, en effet, c'est le mystère de l'Occident. La Galice est le finistère le plus occidental de l'Europe, le seul où se soit fixé l'un des lieux saints de la chrétienté. Ici la terre s'enfonce dans l'océan, le désigne, lieu de l'ouverture et de l'aventure. Dans le ciel nocturne, la voie lactée dessine le "chemin de Saint-Jacques", et sa contemplation transforme les pélerins en rois-mages s'apportant en offrande. "Mille et mille étoiles font de saint Jacques le chemin", dit un texte du XVIe siècle. Et Compostelle veut dire "le champ de l'étoile", l'étoile de Bethléem brillant comme un phare à l'extrême de l'Occident, pour les aventuriers qui, sur l'océan, reprendront l'injonction du pélerinage, ultreia, "toujours plus loin". (p. 301)

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Carte  : Wikipedia

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*La note où, en 2009, j'évoquais Olivier Clément, débutait avec Vézelay, qui n'est autre qu'un des points de départ vers Compostelle. La Voie de Vézelay, aussi dénommée Via lemovicensis, est celle qui passe par Déols et Neuvy Saint-Sépulchre.

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12 août 2011 | Lien permanent | Commentaires (9)

La paix du feu, qui est l'huile

"N'en déplaise à Paris, Issoudun est une des plus vieilles villes de France."

(H. de Balzac)

Reprenons notre marche en avant, notre circumambulation zodiacale, en abordant les terres de Sagittaire. Longue fut la station précédente en Scorpion, mais, de l'examen de la géographie sacrée biturige à la tentative d'investigation dans l'univers de l'alchimie, les questionnements étaient nombreux et les pistes de recherche foisonnantes. C'est d'ailleurs avec un sentiment d'inachevé que je quitte ce signe, la matière historique et mythologique qu'il convoque s'est révélée considérable, et appréhender plus de quinze cents ans de vie berruyère-berrichonne, entre Ambigatus et Jacques Coeur, semble un défi quasi impossible à relever. Le temps manque, et plus que jamais se justifie le titre du site : plus que jamais, j'ai la sensation de n'explorer ici que des fragments de la géographie sacrée de mon pays natal.

Les signes qui vont suivre - sauf surprise, et découverte de nouveaux indices – ne présenteront pas le même volume d'informations, et j'ai bon espoir de terminer ma ronde annuelle, à l'équinoxe de printemps, sur un panorama complet du zodiaque de Neuvy Saint-Sépulchre. La tâche n'en sera pas terminée pour autant, mais il est encore trop tôt pour évoquer ce temps à venir.

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Donc Sagittaire. Où il faut encore parler de Lys Saint-Georges, et des deux souverains, Philippe Auguste et Richard Coeur de Lion, qui lui auraient donné son nom. Nous savons d'autre part qu'ils se disputèrent âprement la puissante place forte d'Issoudun , située également dans ce signe, rivalité dont le témoignage architectural le plus imposant est la Tour Blanche , commencée par Richard et achevée par Philippe. Or l'alignement Lys- Issoudun passe par ce hameau de Saint-Léger déjà évoqué par ailleurs, saint Léger qui est aussi le titulaire de l'église de Lys. Cet axe Lys-Issoudun est véritablement la flèche du centaure archer, que Doumayrou envisage comme « l'archétype de la chevalerie traditionnelle » (op.cit. p. 255), dont nos deux rois étaient vus comme les conducteurs divinement désignés. Aussi bien, Saint Georges est-il ce chevalier qui met à la raison le dragon de Lybie dans la Légende Dorée de Jacques de Voragine.

Le signe est le domicile de Jupiter, aussi y trouvons-nous, établi sur les bords de l'Indre, le château de Villejovet, dont le nom vient du latin jovis, génitif de Jupiter, tandis qu'en aval s'élève Ardentes, qui fait clairement référence au feu du signe.

 


Nous avons déjà vu le rôle central de cette cité au sein de la figure du triangle du Feu s'opposant symétriquement au triangle de l'Eau. J'ajouterai maintenant qu'Ardentes est symétriquement opposé à Aigurande (dont la racine est l'equo celtique, l'aigue, c'est-à-dire l'eau), par rapport à l'axe équinoxial, le parallèle de Neuvy. L'eau et le feu ici se répondent, et entre les deux cités se tisse un échange subtil lisible dans le jeu des blasons : celui d'Ardentes est d'or à trois fasces ondées, de gueules, qui est : de Maillé, tandis que celui d'Aigurande est semé de France à la cotice de gueules. Les ondes rappellent les eaux-mères, vivier inépuisable de Cancer qui, lui, renferme le feu royal incarné par les fleurs de lys d'or. De la même manière, le Cancer du zodiaque toulousain enveloppe le pays de Foix, du feu : « cette eau singulière, détentrice du feu, est, d'après René Guénon (Symboles fondamentaux, p. 155), l'eau substantielle où se développeront les germes fécondés, car ce signe est celui de la gestation. » (G.R. Doumayrou, op. cit. p. 171). D'ailleurs le blason de Foix n'est pas sans offrir quelque similitude, de nombre et de métal, avec celui d'Ardentes, avec ses trois pals de gueules sur champ d'or.

 

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medium_blason-foix.jpgmedium_blason-aigurande.jpgDans cet autre triangle zodiacal qu'est celui de l'élément Feu, le Sagittaire, après le Bélier et le Lion, représente un achèvement. Ecoutons l'astrologue-poète Jean Carteret :

« Il y a trois types de feu : le feu originel qui est le feu invisible comme l'électricité, il y a l'accident du feu qui est la flamme, et il y a la paix du feu qui est l'huile – d'où le sacre des Rois de France. » (Des dialogues et du verbe, L'Originel, 1978, p. 63).

Le berceau de la puissance royale, la bien-nommée Ile-de-France, est placée, par une malicieuse coïncidence de l'histoire, à l'intérieur de cette zone Sagittaire. L'huile sainte versée par les prêtres sur le corps du roi le remplissait, croyait-on, de la force du Seigneur. « Un tel cérémonial, explique Georges Duby, introduisait ainsi le souverain dans l'Eglise, l'établissant parmi les évêques que l'on sacrait comme lui. Rex et sacerdos, il recevait l'anneau et le bâton, les insignes d'une mission pastorale. Par les chants de louange que l'on psalmodiait dans les solennités du couronnement, L'Eglise installait sa personne au sein des hiérarchies surnaturelles. Elle précisait sa fonction qui n'était plus simplement de combat, mais aussi de paix et de justice. » (Le Moyen Age, Skira, 1984, p. 15). Ceci correspond bien à la mission du feu sagittarien qui, au terme du troisième quadrant du zodiaque, selon un autre astrologue, André Barbault (Sagittaire, Seuil, 1958), « est au service d'une expérience « transindividuelle » ; son essence purifiée est destinée aux transports spirituels : il est feu purificateur, feu de l'illumination, feu sacré, analogue à la flamme qui s'élève, à la flèche qui relie la nature à la transcendance. »

Par exemple, Helgaud de Saint-Benoît-sur-Loire, qui écrivit la vie du roi Robert de France, parle de lui comme d'un homme de Dieu : « Il avait tant de goût pour l'Ecriture que pas un jour ne se passait sans qu'il lût les Psaumes et adressât à Dieu très haut les prières du saint David. » « Ainsi, dit-il par ailleurs, le roi doit être mis à part de la foule des laïcs car, imprégné de l'huile sainte, il participe au ministère sacerdotal. »

Observons tout de même, avec Georges Duby encore, que ce roi perd toute autorité dès que l'âge ou l'infirmité l'empêche de monter à cheval. Comme si le pouvoir royal ne pouvait se maintenir sans puiser aux sources de la puissance instinctive représentée par le noble animal. Centaure déchu, le roi passe la main.

 

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Richard Coeur de Lion

Issoudun, convoitée par les deux rois de France et d'Angleterre, fut rattachée à la France en 1200, en étant comprise dans la dot de Blanche de Castille. Ville royale, elle accueillit fréquemment Charles VII et Louis XI, au logis du Roi, actuel Hôtel de Ville. Louis, reconnaissant la loyauté de ses habitants, affranchit les sept foires annuelles en leur accordant les mêmes privilèges qu'à celles de Bourges, la rivale. Cette fidélité d'Issoudun à la monarchie lui valut encore, en 1598, d'être exempté par Henri IV de toute imposition. Le blason de la ville porte lui aussi l'empreinte royale de par ce champ d'azur au pairle d'or accompagné de trois fleurs de lys mal ordonnées du même.

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Maintenant, si nous quittons Issoudun par le quartier Saint-Denis, nous ne tarderons pas à traverser le Bois du Roi. Et la route empruntée nous conduira alors à Vatan, qui balise la méridienne de Neuvy, autrement dit son axe solsticial. Cette itinéraire est à lire symboliquement comme la visée mystique de la flèche sagittarienne atteignant la conscience de Capricorne, dont nous abordons là les terres.

 

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La Théols à Issoudun, au pont Saint-Paterne

 

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16 février 2006 | Lien permanent

Des Abymes au Paradis

Quand ce beau Printemps je voy
J'apperçoy
Rajeunir la terre et l'onde
Et me semble que le jour,
Et l'amour,
Comme enfans naissent au monde.

Ronsard
(Chanson en faveur de Mademoiselle de Limeuil)


Le frais minois du printemps a beau se présenter, nous ne pouvons que le laisser filer. Il nous reste en effet tout un quadrant zodiacal à parcourir qui n'est autre que l'espace des trois signes hivernaux, Capricorne, Verseau et Poissons. Sans doute en ai-je ça et annoncé la couleur, défriché quelques arpents, mais l'essentiel de la tâche reste à accomplir. Allons-y gaillardement.

Il faut repartir de Laurian, ce saint céphalophore dont le chef fut reconduit, dit-on, à Séville. Le corps acéphale de Laurian aurait été longtemps conservé dans une chapelle proche de Vatan, aujourd'hui détruite, mais la paroisse où elle se situait se nomme encore La Chapelle Saint-Laurian. Or, un alignement issu de Vatan et passant par ce village nous livre des indices confirmant le rôle polaire dévolu à la cité de Clair et de Sulpice. Il va se ficher en effet au centre de la ville de pélerinage de Levroux, en traversant les plates étendues de la Champagne sur une vingtaine de kilomètres ; ici, les hameaux sont moins nombreux qu'en Boischaut, aussi la ligne ne rencontre-t-elle dans sa course que deux lieux-dits. Mais les noms sont hautement significatifs : le Paradis, les Abymes...

 

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L'axe Vatan-Levroux figure l'Axe du Monde qui fait communiquer le haut et le bas, le céleste et l'infernal, en offrant à chacun l'image de son destin et du choix à effectuer entre l'ascension spirituelle et la chute en enfer. « L'aventure humaine, peuvent écrire Gérard de Champeaux et dom Sébastien Sterckx, se présentait dès lors pour chacun comme une laborieuse remontée du tréfonds de ces abîmes jusqu'au Paradis du Royaume des Cieux où le Père attend ses fils reconciliés. » (Le Monde des Symboles, Zodiaque, p. 445).


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27 mars 2006 | Lien permanent

Les fées et les pierres

A la base de l'observation de Doumayrou sur l'axe Dio - Nyse, il y a une interrogation plus large sur le thème de la Tête Morte, de la céphalophorie, c'est-à-dire de l'ensemble des récits mythiques qui rapportent la fondation d'un lieu sacré par un personnage portant sa tête dans ses mains - et dont l'exemple le plus célèbre est bien sûr saint Denis. Il rappelle les deux traits permanents repérés par Henri Dontenville dans toutes les variétés de cette série légendaire : le "besoin d'une onde pure" et "le rapport presque constant entre la tête chue et une pierre."


Une onde pure, une tête chue, une pierre : ces éléments, est-ce que je ne venais pas de les rencontrer, fors la tête, avec l'histoire du château du Bouchet et de ses anciens propriétaires, les Rochechouart ? Je me reportai aussitôt à l'original, c'est-à-dire La France Mythologique d'Henri Dontenville, publié en 1966, chez Tchou, et depuis bien longtemps dormant sur une étagère.
Mention est faite bien sûr de saint Denis, mais aussi de saint Savinien à Troyes et de saint Just. Dans ce dernier cas, la version est légèrement différente : le saint demande à ses compagnons  de voyage d'emporter sa tête à Auxerre pour la donner à sa mère. C'est aussi ce que demande le géant Bran dans la légende irlandaise:  blessé au pied par une lance empoisonnée, il ordonne que sa tête soit coupée et enterrée à Londres, à Y Gwynvryn (la « Colline Blanche ») .


Le mythe se complique, écrit Dontenville, d'un "rapport presque constant entre cette tête chue et une pierre. En pays wallon et en Nivernais, Gargantua meurt d'une pierre à la tête. Ou bien le personnage légendaire meurt en se fracassant la tête sur les pierres. C'est le cas de Hok Bras et du géant Gallimassue. Enfin le récit de la fin  de Grantgosier et de Galemelle dans les Grandes et inestimables chroniques du grand et énorme géant Gargantua montre les deux géants déposant dans la mer les rochers du Mont Saint-Michel  et de Tombelaine qu'ils ont apportés depuis la Montagne d'Orient, sur leur tête, après quoi les deux géants s'empressent de mourir.
Ainsi le rapport pierre-tête est constant. La tête a une affinité pour la pierre, et cette pétrification, ou ce commerce avec la pierre, est oeuvre mortelle.
" (p. 235)

 

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Le grès rouge de la Brenne


Avons-nous dans le cas du Bouchet une semblable relation à la pierre, au-delà du simple nom des Rochechouart ? Il n'est que de se reporter au passage consacré par Chantal de la Véronne, dans son histoire de la Brenne, aux légendes des pierres. Mégalithes, dolmens ou menhirs y sont le plus souvent transportés par les fées, aussi dénommées martres, fades, dames ou demoiselles :

"Ce sont elles qui ont édifié le géant de la Brenne, le château du Bouchet, à la demande du seigneur du lieu, il y a de cela bien longtemps. Mais le seigneur avait oublié de s'adresser à l'une d'elles, qui, courroucée de cet affront, vint au Bouchet le soir même du jour où ses compagnes devaient commencer leur oeuvre (car les fées ne travaillent que la nuit), et jeta un sort : si le château n'était pas terminé avant que le coq ne chante, il ne le serait jamais. Les petites fées se dépêchèrent donc autant qu'elles le purent, transportant les matériaux dans leurs devantiaux d'arentelles (tabliers de toiles d'araignées), dont la force de résistance devait disparaître avec le premier cri du jau. La forteresse était presque finie, quand l'aube parut, et le coq chanta : l'une des petites fées apportait la dernière pierre, son devantiau se déchira et la pierre tomba. Elle manque toujours aux murs du Bouchet ; on peut la voir à un kilomètre et demi à l'ouest du château, c'est la Pierre à la Fée ou à la Fade. Et c'est pourquoi le Bouchet ne pourra jamais être achevé..." (pp. 95-96)


Il est significatif que le château du Bouchet soit personnifié comme le géant de la Brenne. Brenne marquée par ailleurs par le passage d'un autre géant, Galifront, que l'on présente toujours comme la version brennouse de Gargantua. On lui attribue la formation des étangs et des buttons qui parsèment la Brenne lorsqu'il dut la traverser  pour se rendre de Touraine en Limousin. Il secouait ses pieds pleins de boue, se dépattait comme on dit en Berry, et formait ainsi les monticules de grès dont le Bouchet est un exemple. Peut-on lire ce Galifront littéralement comme la Tête (le Front) Gallique (au sens de ces mythologies galliques que voulait défendre Rabelais) ?

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Sur la chaussée de la Mer Rouge


Cette pierre qui tombe loin du château qu'elle est sensée compléter se répète en un autre lieu (que je ne connaissais d'ailleurs pas alors que j'ai souvent arpenté la contrée) : le château de Salvert, aujourd'hui ruiné aux bords d'un gouffre du Suin, le ruisseau qui traverse l'étang de la Mer Rouge. Là aussi les fées étaient chargés de la construction jusqu'à  ce qu'un enchanteur plus puissant qu'elles  leur intima de cesser leur labeur sur-le-champ et de quitter le pays. Une des fées qui transportait une énorme pierre la laissa choir sur le chemin qui menait au château : "on peut l'y voir encore tout près du gouffre qui protégeait la façade sud-est de l'ancien château de Salvert, et ce chemin s'appelle le chemin du Gros Rô (roc)."
Cette dualité de pierres qui tombent à distance du haut-lieu en construction n'est pas sans rappeler les monts Tombe et Tombelaine, dans la baie du Mont Saint-Michel, montagnes doubles "qui sont, précise Doumayrou,  les pierres chues de la tête du couple des Bons Géants." Sur le terrain, des alignements caractéristiques montrent bien que les légendes ne font que porter témoignage d'un compagnonnage essentiel. En effet, Salvert, sur l'horizon de la chapelle de la Mer Rouge, (dont la légende liée à Aimery Sénebaud, le baptiseur de la Mer Rouge, a été contée ici en 2005), s'aligne avec Le Bouchet en prenant dans sa course deux dolmens, celui des Sablons et celui, précisément, de la Pierre à la Fée.

 

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(Cliquer sur la carte pour en avoir une version plus large)

Il faut noter aussi que trois lieux-dits jalonnent l'alignement : les Sablons, la Hire et la Milandière. Il est surprenant de retrouver là le nom même du fidèle compagnon de Jeanne d'Arc, La Hire, dont on fit plus tard le valet de coeur de nos jeux de cartes. Mais j'avoue pour l'instant ne pas trouver de justification symbolique à sa présence. La Milandière est, elle,  une ferme et anciennement une châtellenie. Son nom viendrait, selon S. Gendron, du nom propre Milan. Or, l'église de Douadic, qui se situe dans la pointe des deux axes, est dédiée à saint Ambroise, Aurelius Ambrosius dit plus communément Ambroise de Milan (il fut évêque de la ville de 374 à 397, et c'est l'un des Pères de l'église latine).


Ces axes directeurs mettent en relation des géosymboles très disjoints dans le temps :  du dolmen néolithique au château du XIV ème siècle, ce sont  plusieurs millénaires qui se trouvent ainsi reliés, témoignant d'une permanence de vision à travers les différentes époques.

 

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08 février 2009 | Lien permanent | Commentaires (1)

Phalères

Si l'on réfute le grec phallos (et non phallus) comme origine du nom Phalier, on ne se sort pas pour autant du grec avec Phalerius, car ce dernier terme nous renvoie à deux autres mots héllènes:
  • Phalères : qui désigne la rade qui servit de port à Athènes au VIe siècle, avant la construction du Pirée.
  • ta phalara (en latin phalerae) : "Plaques rondes d'or, d'argent ou d'autres métaux, sur lesquelles étaient gravée ou ciselée quelque figure en relief ; ainsi la tête d'un dieu, l'image d'un roi ou d'un empereur, ou quelque emblème ; des pendants, en forme de croissants ou de larmes, y étaient souvent attachés. Les personnes de distinction en portaient sur la poitrine, comme ornement ; c'était pour les soldats une décoration militaire que décernaient leurs chefs, et quelquefois elles servaient de harnais de luxe pour les chevaux (Liv. IX, 46 ; Sil. Ital. XV, 255 ; Virg. Aen. IX, 359 ; V, 310 ; Claud. IV, Cons. Honor. 549)." Anthony Rich, Dictionnaire des antiquités romaines et grecques.
Le phaleratus désignait celui qui portait des phalères.

Stèle funéraire de l'aquilifer Cnaeus Musius,
décoré de deux torques et neuf phalères
Ier s. après JC
Landesmuseum, Mainz (Allemagne), 2002

© Agnès Vinas

L'origine de ces phalères n'est pourtant pas romaine. Comme en bien d'autres domaines, les Romains ont emprunté, dans ce cas particulier, semble-t-il aux Etrusques. Mais les Celtes eux aussi connaissaient les phalères, à tel point que Vincent Jauvert, présentant un travail sur l'Est au temps des Gaulois, peut écrire que "le plus époustouflant de l’art celtique, ce sont peut-être les phalères, les petites pièces rondes en fer ou en bronze de quelques centimètres de diamètre qui décoraient les chars des guerriers ou les harnachements de leurs chevaux. Celle que nous présentons ici date du ive siècle av. J.-C. et a été découverte dans la tombe d’un riche militaire à Cuperly, dans la Marne. L’organisation parfaite du décor surprend. Selon les spécialistes, tout a été préparé au compas. Cette harmonie aurait-elle une signification particulière? Certaines de ces phalères ont été récemment étudiées par des mathématiciens intrigués par la forme géométrique de leur décor. Ils ont conclu que les Gaulois étaient probablement des adeptes de la cosmogonie du grec Pythagore! Incroyable, par Toutatis!" (C'est moi qui souligne.)

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Cette interprétation est corroborée par l'archéologue Jean-Louis Brunaux, dont j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer le livre récent sur les Druides, lors d'un entretien avec François Dufay, pour le journal Le Point :

"Vous-même, n'avez-vous pas tendance à faire des druides des « philosophes » à la grecque égarés chez les Barbares ?

Non. Comme celle des présocratiques, la philosophie druidique est un savoir universel incluant la métaphysique, les mathématiques, l'astronomie, la botanique, la géographie, la géologie... Loin d'être des magiciens répandant la superstition, ces intellectuels cherchent les causes premières des choses, sous forme d'une pensée qui commence à revendiquer sa rationalité.

Vraiment ?

Quand on voit le calendrier trouvé à Coligny, dans l'Ain, datant du Ier siècle, héritage de leur savoir astronomique, ou des créations artistiques comme certaines phalères au décor géométrique d'une complexité inouïe, on n'est plus dans le domaine des tâtonnements, mais bien de travaux fondés sur des calculs, des mesures, des expériences
." (C'est moi qui souligne.)

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Comment ne pas faire de  rapport entre ces phalères, rondes et géométriquement complexes, et le cercle défini par le triangle de saint Phalier ? Tout se passe comme si on avait tracé au sol une gigantesque phalère. Y a-t-il une  divinité celtique  cachée derrière tout cela ?


Si l'on reprend les qualités attribuées à saint Phalier, il nous faudrait donc une figure liée aux orages, capable de les maîtriser, éventuellement escortée de chiens, en rapport également avec les eaux (fontaine Saint-Phalier du pélerinage chabriote, ruisseau dit de Saint-Phalier alimentant la Céphons à Levroux) : une figure simultanément céleste et chthonienne (la statue de Phalier repose dans la crypte de l'église de Chabris). Jean-Louis Desplaces cite un article du journal de l'Indre de 1834 qui rappelle que les fidèles avaient habitude de déposer les enfants malades dans le tombeau du saint :
"C'est dans une petite chapelle souterraine et fort obscure, située derrière le maître-autel, que l'on va particulièrement implorer l'assistance du saint. Au fond de cette chapelle est la statue de saint Phalier et dans un réduit, plus bas encore, est un sarcophage en pierre, dont la forme annonce qu'il peut dater du Vè siècle : c'est dans ce sarcophage qu'on dépose les enfants malades et languissants... L'analogie du nom avec celui de l'emblème de la fécondité ne peut être l'effet du hasard."
(Cité par J.L. Desplaces, Florilège de l'eau en Berry, 3ème volume, 1986, p. 61.)

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Cette figure -inutile de prolonger le suspense - nous l'avons déjà rencontrée : c'est celle de Sucellus, le dieu au maillet, que l'on peut aussi rattacher au Silvain latin et au Jupiter gaulois Taranis dont l'attribut principal est la roue. Sucellus, déjà vu à Levroux, et qu'il n'est donc pas très étonnant de retrouver tout près de là sous la forme de saint Phalier, s'affirme décidément comme le grand dieu du nord de l'Indre. Sa christianisation sous les formes diverses de Silvain et de Phalier dut être longue et complexe.

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Le Châtelet (Hte-Marne).

Jupiter-Taranis à la roue, au foudre et aux éclairs


Devons-nous maintenant abandonner résolument l'hypothèse phallique du nom de Phalier (on s'est aperçu en passant qu'en 1834, cette analogie semblait aller de soi) ?
Pas si sûr...

(A suivre)

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15 octobre 2007 | Lien permanent

Buxus sempervirens

Un mois d'absence... Qu'on veuille bien m'en excuser : le flux souvent tendu de la vie professionnelle et familiale ne laisse pas toujours le temps de sacrifier à nos passions inactuelles... Pour se consoler, on finit par se dire que cela peut bien attendre. Que cela a attendu parfois deux millénaires pour être remis en lumière. Qu'est-ce que quelques jours de plus à demeurer dans l'ombre ? Bon, je m'y remets tout de même, sans que je puisse promettre qu'il n'y aura pas d'autre interruption d'importance. Ce sera toujours ça de pris sur l'obscur...


A la vérité, j'avais bien encore deux ou trois petites choses à signaler sur les environs du Diou de l'Allier: cette abbaye de Sept-Fons qui rappelait si furieusement la Céphons levrousaine, ce Puy saint-Ambroise de haute présence celtique qui évoquait si fortement lui aussi notre Saint-Ambroix berrichon... Mais gardons cela pour une visite ultérieure ; assez dérivé en terre bourbonnaise, revenons à la figure essentielle, à savoir ce carré barlong défini par le  parallèle de Saint-Genou - Saint-Ambroix, les méridiens de ces deux localités et le parallèle de Bazelat, en Creuse.
L'examen des diagonales de ce carré va nous livrer une clé d'interprétation fondamentale.

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A première vue, cependant, rien de sensationnel ne se laisse voir : bien sûr, la diagonale NO-SE rase Saint-Denis de Jouhet et Neuvy Saint-Sépulchre, mais cela n'est pas suffisant pour emporter notre conviction. Le centre du carré ne tombe même pas sur un site habité. Le bourg le plus proche est Buxières-d'Aillac, dont je n'ai jamais encore parlé ici, bourg sans éclat particulier. J'étais donc dubitatif jusqu'à ce que je m'avise que l'autre diagonale, NE-SO, traversait très exactement le village de Bouesse (cher à mon coeur car ma grand-mère habite encore la commune et que, soit dit en passant, j'y fus baptisé). Or, quel est donc le point commun, étymologiquement parlant, entre ces deux villages distants seulement d'une poignée de kilomètres ?

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Réponse : le buis. Buxières d'Aillac est attesté en 1163 comme Ecclesia de Buxeriis, tandis que Bouesse, en ce même XIIème siècle, apparaît comme Villa de Boesses, que Stéphane Gendron interprète comme Buxea (terra), "(terre)à buis".
"Buis, explique-t-il,  est issu du latin buxus, arbuste d'un vert foncé luisant qui fournit un bois à sculpter très dur, orne les jardins, les cimetières. (...) Le buis est également le bois sacré des crois dites "buissières" (par exemple la croix Boissi). Une croix boissière est attestée en 1558 près de l'abbaye de Fontgombault : "le préau auquel est le cimetière de La Croix Boicière joignant le fossé de l'abbaye" (ANDRIEU 1699 [1558]). On remarquera que de nombreux toponymes sont associés à des vestiges gallo-romains (...)"(Les Noms de Lieux de l'Indre, p. 161)
Pierre Goudot, dans son bel ouvrage Microtoponymie rurale et Histoire locale dans une frange entre occitan et français : la Combraille (eh oui, c'est le titre exact), publié en 2004 (Cercle d'Archéologie de Montluçon), confirme cette association : "Dans la mythologie grecque, le buis toujours vert (buxus sempervirens) était consacré à Cybèle ; dans le monde chrétien il est devenu le symbole de la résurrection du Christ et de la renaissance de la vie ; rares étaient les habitations qui n'en possédaient pas un pied ; quelques villages lui doivent leur nom et le buis peut être révélateur de sites habités disparus, notamment gallo-romains tardifs." (p. 159)

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Le Buis, qui peut vivre jusqu'à six cents ans,  était un symbole d'immortalité. Il semble justifié de le retrouver au coeur d'une figure sacrée de vaste dimension, dont on a vu qu'elle épousait les formes mêmes de la divinité. Maintenant s'agit-il d'une coïncidence isolée ou bien pouvons-nous repérer d'autres occurrences du buis dans cette topographie du carré de Saint-Genou ?


Il suffit de parcourir le parallèle de Bazelat, déterminé bien avant d'avoir décelé ce thème du buis : il est jalonné très exactement par deux lieux-dits La Bussière.
Et la diagonale de Bouesse passe aussi par le hameau de Buxerolle, près d'Ardentes, De Buxerolis en 1422.
Si la médiane horizontale du carré ne nous livre aucun indice, en revanche la médiane verticale est balisée, au nord,  par le Buxerioux (qui désigne maintenant la zone industrielle de Châteauroux) et, au sud, par le hameau du Buis, près de Lourdoueix Saint-Michel.
On nous objectera que Buis et ses dérivés sont termes fréquents dans l'Indre (43 mentions au total, incluant pièces de champ, et bois). Il reste que la présence double au centre de la figure et  sa récurrence sur les axes principaux ne me paraissent  pas fortuites.
Je n'y avais pas songé auparavant, en me relançant dans l'entreprise, mais il ne me déplaît pas d'écrire cette note à quelques jours de la fête des Rameaux, marquée par la tradition du buis béni.

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14 mars 2008 | Lien permanent | Commentaires (6)

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